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01 oct. 2022, 14:54
 Solo ++  À l'abri du temps
Mercredi 11 septembre, 6h34


J'entre dans la pièce ; comme je l'espérais, elle est vide. Je ne suis pas venue souvent ici, ce n'est pas vraiment un endroit que beaucoup d'élèves fréquentent. C'est d'ailleurs pour ça que je l'ai choisie. Je voulais être au calme. J'ai attendu que l'effervescence de la rentrée s'estompe, que les autres aient fini de retrouver ou de découvrir leur deuxième foyer. Je ne veux pas que mes pensées soient perturbées par les cavalcades et les cris d'émerveillement.
J'observe autour de moi. Il fait encore sombre, l'aube est là mais tarde à s'imposer face à la nuit. Les coupes et les médailles luisent faiblement dans la pénombre. Le temps semble suspendu, pas tout à fait arrêté mais pas aussi liquide qu'au dehors. Il frémit légèrement en attendant d'être tiré de sa torpeur. C'est un bel endroit. J'ai bien choisi.
Je m'assois en tailleur au centre de la pièce. La fraîcheur du sol nu traverse le tissu de ma robe d'uniforme. J'attends que mes muscles et mes articulations s'habituent à la position, puis je sors ma baguette.
Le bois verni aussi réfracte la lumière, mais moins que le métal des trophées. Il fauthdes yeux accoutumés à l'obscurité pour la distinguer contre la pierre. Moi, je la vois, et pourtant je baisse les paupières. Je laisse mes mains la parcourir à l'aveugle. D'abord le corps, la partie la plus longue, droite et lisse. Puis la poignée, avec ses losanges gravés en relief. Je me souviens d'une fois où j'étais tellement acharnée à réussir mon sortilège que les motifs étaient restés imprimés dans la chair de ma paume. Ça n'avait pas vraiment amélioré les choses. Enfin le pommeau, à peine plus épais que le reste, rond et doux.
Une fois l'inspection terminée, je la saisis de manière plus conventionnelle. Les doigts repliés autour de la poignée, le bras relâché, la pointe en suspens dans l'air, à peine plus haut que l'autre extrémité. Et je m'ouvre. J'arrête de penser ; je me contente de ressentir. Le contact de la pierre sur mes mollets, les chocs de mon cœur contre mes côtes, l'air qui entre et qui ressort de ma poitrine, le poids de mes cheveux sur ma nuque et mes épaules, le frais de l'air sur mon visage, l'odeur de poussière des tentures et des vitrines. Et surtout ça. Cette petite lueur qui fait écho à celle logée sous mon sternum. Je me revois dans la boutique d'Ollivander, en cours de Sortilèges, dans le parc avec un manuel de la bibliothèque, dans la Grande Salle face à Aelle Bristyle. Des dizaines de souvenirs remontent comme des bulles de savon. Je les accueille dans ma psyché, je les laisse éclore en toute quiétude puis s'évaporer comme ils sont venus. Quand mon esprit est redevenu limpide comme un lac et que les sensations ont à nouveau toute la place qu'elles veulent, je tends ma conscience vers la lueur.
Des milliers d'étincelles se déploient comme un feu d'artifice. Une voix surnaturelle chantonne dans mon esprit. Une gerbe de filins dorés s'arriment à mon plexus solaire. Je souris dans le noir et j'exhale un soupir d'aise, les yeux toujours fermés. J'avais oublié comme ça m'avait manqué. Comme à chaque fois, me prend l'envie de jouer avec ma magie, de laisser sortir cette force fluide qui bouillonne au fond de moi, exacerbée par le contact avec ma baguette. Mais cette fois, je n'en fais rien. Je me repais de ce lien, la tête rejetée en arrière et les yeux clos, jusqu'à la dernière goutte. Je ne me sens jamais autant à ma place, autant moi, que dans ces moments-là, aussi rares soient-ils.
Lorsque le lien vacille puis s'éteint, je rouvre les yeux. Mes doigts s'écartent et ma baguette cliquette contre la pierre. Je ne sais pas si ça a duré une éternité ou une seconde. J'ai l'impression que le soleil est légèrement plus près de l'horizon, mais peut-être est-ce seulement que mes yeux se sont habitués à la demi-obscurité.
Je m'étire longuement, les bras dressés au-dessus de ma tête, puis je décroise mes chevilles engourdies et je me lève. Mon esprit semble à la fois plus aiguisé et plus fatigué qu'avant de venir ici. Ma respiration est légèrement plus rapide, que ce soit sous l'effet de l'excitation ou de l'effort. Je ramasse ma baguette sur le sol, la fais tourner une dernière fois entre mes doigts avant de la ranger.
J'ouvre la porte et je ressors dans la lumière, là où le temps coule sans heurt.
_ _ _ _ _ _ / _ _ _ _ / _ _ / _ _ _ _ M _ _ _ / _ _ _ _ / _ _ _ / _ _ _ _ _ _ _ _ / _ _ _ _ _ _ _ _

3ème année RP / #018e6b