Cinq doigts d'une main levée. Il est cinq heures. Si j'ai effectivement perdu une bonne partie de mon après-midi, le bilan n'est pas aussi négatif que je le craignais. Maintenant il ne reste plus qu'à quitter les lieux, je n'y ai passé que trop de temps -un temps improductif où je n'ai pas accompli un pourcent de la montagne de travail qui m'attend et pourtant, je me sens étrangement reposée. Peut-être un peu plus alerte -si d'abord les dernières vagues de sommeil achèvent de se dissiper, et plus à même de reprendre mes autres activités. Mon corps est moins lourd, l'esprit plus léger. J'ai peine à l'admettre mais peut-être que ce repos est bienvenu, même si ni le contexte ni le lieu ne s'y prête.

L'enfant aussi est sur le départ. Moins proche, clairement moins intrusive sur un espace que j'aime conserver exempt de tout être humain elle s'est relevée et comme une petite créature effarouchée qui surveille un prédateur, je la vois presque aux aguets gênée de peut-être même exister dans ce même espace que moi. Nous avons ce point en commun.

« Merci, enfant. » Deux mots simples qui englobent plus de choses qu'il n'y paraît. Merci pour l'heure, mais aussi pour avoir veillé sur le bleu et bronze endormi. Merci pour le mouton de poussière -c'est qu'il fait un peu sombre dans cette pièce, mon regard fatigué ne l'aurait peut-être pas remarqué. Je l'observe un peu plus cette enfant, et me dit qu'elle a quelque chose qui me rappelle mon moi de onze ans. Il est difficile d'expliquer cette ressemblance quand l'objet de la comparaison est une parfaite inconnue -non, ça se joue plutôt sur une impression, un éclat dans le regard que j'ai déjà aperçu dans mon propre reflet. J'ignore comment la mettre à l'aise car à sa place et à son âge, j'aurais déjà réinventé le monde en imaginant mille et une fins et suites tragiques à cette brève rencontre. J'aurais rejoué l'échange dans ma tête, peut-être cent fois avant de conclure qu'encore une fois je ne sais fournir aux autres ce que l'on attend de moi, que je ne sais pas communiquer et échanger comme il convient.

Mais ça me semble stupide de lui partager cette simple impression et moi, je suis encore fatiguée. Je veux juste être tranquille, retourner dans mon cocon de solitude et m'y enfermer jusqu'au dîner. Les trophées d'abord salvateurs me narguent, maintenant que je sais me reposer sous leurs éclats depuis trop longtemps déjà je les imagine chuchoter entre eux dans un langage métallique, se demandant quel drôle de spécimen je peux bien être, moi qui suis inconnue des trophées, moi qui me fonds dans la masse.

Alors je ne dis rien. J'attends qu'elle parte car elle a engagé le mouvement la première et quand enfin revient la solitude, je ne le savoure qu'une poignée de secondes décisives avant de prendre le chemin de mon dortoir.

Fin du RP pour moi ! merci beaucoup pour ce joli échange !