11 septembre
@Nora Howard

S'il y avait bien quelque chose qu'Ivy adorait à Poudlard, c'était d'écrire sur du parchemin avec une plume. Certes, son écriture était donc très grosse et peu compréhensible, mais elle appréciait le petit bruit de grattement que cela créait, ça permettait de l'apaiser. Alors, même quand la professeure ne disait rien d'assez important pour être noté, Ivy s'amusait à gribouiller des petits trucs sur les bords de son parchemin. Tantôt c'était quelques vers qu'elle venait inventer - tous plutôt pathétique, il ne fallait pas se mentir - tantôt c'était plutôt un petit dessin ridicule représentant des plantes, des animaux, ou même parfois certains de ses camarades.

Par exemple, durant ce pénible moment d'ennui que la jeune fille traversait - elle aimait beaucoup l'histoire en général, mais certains cours étaient tellement fatigants que son cerveau s'arrêtait de tourner normalement - elle caricaturait sa voisine de bureau. Celle-ci dormait à poings fermés, affalée sur sa table, et Ivy trouvait ça très drôle que la professeure ne remarque pas cela. Heureusement que sa camarade ne ronflait pas, car cela serait hilarant !

Ivy, voyant ses ébauches assez ratées, les gribouilla. Elle était nulle en dessin, il fallait l'admettre. Son talent de dessinatrice s'arrêtait au bonhomme baton - ce qui était assez minimal, niveau art. Se pinçant les lèvres, la jeune fille marqua quelques mots du cours, afin de se faire bonne conscience. De toutes façons, il lui était assez facile de réviser Histoire de la Magie, il lui suffisait de prendre son livre, alors ne pas écouter en cours n'était pas un gros problème pour elle.

Cherchant une autre activité à faire afin de briser l'ennui, Ivy promena son regard sur son bureau - toujours très bien organisé. En voyant sa baguette, posée sur le bord de la table, alignée parfaitement avec sa trousse, elle fut soudainement prise d'une inspiration. Vérifiant que le regard de la professeure n'était pas sur elle, la jeune fille attrapa sa baguette, qu'elle cacha sous la table. La plume de l'autre jeune fille était posée juste à côté de sa tête, ce qui rendait facile à exécuter l'idée d'Ivy.

Celle-ci se mordit la lèvre, puis se concentra sur la plume, la visualisant s'envoler. Elle agita sa baguette, se souvenant de ce qu'avait dit Miss. Priddy, et murmura : "Wingardium Leviosa". Aussitôt, la petite plume décolla de la table, entièrement contrôlée par Ivy. Veillant à ce que personne ne voit son petit manège, la jeune fille la dirigea vers le nez de sa camarade, lui faisant effleurer la peau. La question était à présent : est-ce que sa voisine allait se réveiller ?

Mais qui a donc eut l'idée d'inventer l'Histoire de la Magie ? Sûrement ceux qui y ont participé, à cette histoire. Mais bon sang ! Pourquoi mettre dans la tête d'enfants de onze ans des centaines de dates inutiles associées à des événements pas plus utiles que ces dates ? Je me demande bien qui va cracher au beau milieu d'une conversation sur les gallions "Tiens, ça fait exactement un siècle, huit mois, deux jours et onze heures que la Révolution des Gobelins s'est passée" ?

Bon, tout ça pour dire que l'Histoire de la Magie n'est pas la matière pour laquelle je donnerais ma vie. Ça non. Alors voilà, je profite de ces cours pour dormir un peu sur ma table, peut importe qui se trouve à côté de moi et peut m'importe que je prenne des heures de retenues.

Aujourd'hui justement, je me suis endormie. Ah ! Qu'est-ce que c'est agréable d'être au pays des rêves ! Mais en ce cours d'histoire, j'étais en train de faire un cauchemar. J'étais chez moi, dans ma chambre, entrain de la décorer différemment. C'est alors que juste comme ça, un un claquement de doigt, le cours d'histoire de la magie se trouvait dans ma chambre ! Non mais c'est pas possible, même ennuyeux rêve je suis dans ce cours ! Le pire, c'était que je n'arrivais pas à me forcer à me réveiller. Et oui, je suis capable de faire ça, mais visiblement pas cette fois-ci.

Assez soudainement, je sentis quelque chose me chatouiller le nez. Ça paraissait trop réel pour que ça soit partie de mon rêve. Mais ce chatouillis a été assez efficace pour me faire ouvrir les yeux. En moins d'une seconde, je me demandais si c'était la professeure qui était entrain de me réveiller, mais je réalisai vite qu'une plume lévitante était juste sous mon nez.

J'ai mis un certain temps à comprendre que c'était ma voisine qui m'avait fait cette blague. Je me mis rapidement en colère contre elle, car je n'aime pas être dérangée, surtout par une inconnue. « Nan mais oh, qu'est-ce qui te prend pour réveiller les gens de cette manière ? », je chuchotai. Puis, d'une certaine manière, un neurotransmetteur fit parvenir à mon cerveau que possiblement, ma voisine voulait juste blaguer, et comme j'adore les blagues, je ne peux pas détester les farceurs. « Oh pardon ! C'était pour rire, c'est ça ? » lui dis-je avec beaucoup de sympathie.

Pas question pour moi de ne pas être amie avec cette fille. Pour la première fois depuis mon entrée à Poudlard, je sentais que le cours d'histoire de la magie allait finir un peu plus intéressant que d'habitude.

Ivy s'était couchée sur la table, de la même façon que sa voisine, et la regardait, tout en agitant sa baguette de sous le bureau pour continuer à lui chatouiller le nez. Quand est-ce que la jeune fille allait enfin ouvrir les yeux ? Etait-elle morte ? N'avait-elle vraiment pas assez dormi cette nuit ? Ivy trouvait ça très amusant, et elle se reprocha de ne pas avoir penser à cette activité un peu plus tôt.

Enfin, les yeux de la jeune fille s'ouvrirent, et elle parut surprise de trouver une plume sous son nez. Réprimant un petit rire, Ivy fit voler sa plume vers elle, et la récupéra. Elle ne voulait pas que son très cher moyen d'écriture ne soit pris en otage par une voisine qui s'était levée du pied gauche. Car sa camarade eut la réaction normale d'une personne venant de se faire réveiller de force : elle s'énerva. Véhémente, pour une Poufsouffle, songea Ivy. La Serpentard haussa les épaules et répondit :

- Ce n'était pas méchant, c'était pour éviter que la professeure ne te remarque !

Elle avait pris un ton innocent, mais son sourire moqueur devait la trahir. Bien sur qu'elle n'avait pas fait ça par pure et simple gentillesse, sinon elle aurait simplement secoué l'épaule de sa camarade puis chuchoté "réveille-toi". A vrai dire, Ivy n'en avait pas grand-chose à faire de si sa voisine se faisait prendre par la professeure ou pas.

Heureusement, la Poufsouffle sembla comprendre qu'Ivy n'avait fait ça que pour rire, et elle s'adoucit.

- Oui, je voulais m'amuser..., fit Ivy avec un sourire plus tendre, avant de baisser la voix. C'est pas que je m'ennuie, mais presque... je suppose que t'es dans le même cas que moi !

Tout en parlant, Ivy faisait attention à la professeure du coin de l'oeil, afin de ne pas se faire prendre. Elle détestait se faire réprimander plus que tout au monde, car elle trouvait cela humiliant et stupide. C'était pour cela que, depuis toujours, ses professeure l'aimaient beaucoup ; avec eux, elle était toujours polie, calme et sérieuse, et elle parvenait à cacher les côtés moins scolairement validés de sa personnalité.

@Nora Howard

Les cours de première année ayant lieu le matin étaient généralement plutôt calmes. Mais ils présentaient un inconvénient particulier : certains élèves en profitaient pour discrètement, croyaient-ils, finir leur nuit. Áine était assez atterrée que certains ne s'en cachent qu'à peine et même s'ils étaient moins dérangeants que ceux qui se mettaient à bavarder presque tout haut, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir piquée. Elle faisait pourtant tout son possible pour justement éveiller l'intérêt de ses élèves, que ce soit en leur présentant des documents, des illusions, en leur faisant faire une activité presque à chaque fin de cours... Même si elle ne pouvait pas forcer ses élèves à aimer l'Histoire de la Magie, Áine faisait de son mieux pour leur permettre de s'intéresser même un tout petit peu à sa matière.

Certes, ce matin là, la jeune femme avait opté pour un format presque plus classique, les tables étaient tournées vers le tableau et Áine se baladait dans la classe tout en faisant quelques rappels des points abordés pendant la séquence d'introduction et la séquence sur Poudlard et ses fondateurs et en posant des questions à l'ensemble de la classe, interrogeant les élèves au hasard parfois parmi ceux levant la main, parfois chez ceux justement endormis. Elle en profitait également pour corriger les erreurs qui avaient pu se glisser sur les exposés présentés sur les cours précédents, le tout dans l'optique de permettre à tous d'avoir une idée de ce qu'ils devaient réviser ou ce qu'ils maîtrisaient déjà pour le contrôle de fin de séquence qui aurait lieu la semaine suivante. Le cours n'était pas capital et servait juste d'aide, aussi, la jeune professeure n'avait-elle pas fait de commentaire quand elle avait remarqué par exemple la jeune Howard qui s'était (à nouveau) allongée sur sa table. Tant pis pour elle. En revanche, le vase déborda quand la jeune femme remarqua la petite Starfell qui sortait sa baguette. Allons bon ?! Peut-être avait-elle juste une faute à corriger sur son parchemin, dans le doute, Áine surveilla donc du coin de l’œil la jeune fille, attendant de voir s'il était nécessaire d'intervenir.

Dans un joli sortilège de lévitation la première année fit voleter sa plume jusqu'au nez de sa camarade. Partagée entre l'amusement et l'outrage, la professeure fut pourtant distraite par une question posée par un élève au deuxième rang. Après avoir répondu rapidement, le professeur Lydon finit par se retourner d'un bloc vers la table où les méfaits avaient lieu et où le silence avait laissé place à des chuchotements et un petit rire.

- Miss Starfell, est-il vraiment nécessaire de vous rappeler que votre baguette ne vous sera pas d'une grande aide pour apprendre vos cours d'Histoire de la Magie ?
La jeune femme tourna le dos aux deux fillettes et s'avança vers l'avant de la classe, comme si elle était passée à autre chose, parlant à voix claire et intelligible :
- Reprenons... Quelqu'un pourrait-il me rappeler pourquoi vous étudiez l'Histoire de la Magie à Poudlard ?
Elle se retourna, ignorant les mains qui se levaient et interrogea :
- Miss Howard, quelques bribes de votre premier cours vous reviennent-elles en mémoire ?
La jeune femme attendit quelques instants, ses yeux dardés sur la Poufsouffle. Peut-être que cette méthode porterait ses fruits, bien que l'adulte en doutait.

Ma voisine farceuse s'ennuyait presque, apparemment. J'aurais voulu lui répondre, mais un obstacle vivant m'en empêcha : la professeure d'histoire de la magie avait sûrement remarqué la farce de ma voisine car elle s'approcha de nous et fit une remarque sur l'utilisation de la baguette magique dans son cours. Un sursaut de surprise me fit me redresser. Heureusement, cette intervention ne fut que de courte durée et la professeure nous tourna le dos pour reprendre le cours, et je me rallongeai sur la table, les yeux vers la sympathique farceuse.

Malheur de malheur ! Fichtre ! Qu'est-ce qui fit la professeure se retourner une nouvelle fois vers nous ? Le pire dans tout cela, c'est qu'elle s'était adressée à moi. Elle me demandait si quelques bribes du premier cours me revenait en mémoire. La réponse était simple : bien sûr que non, je ne m'en souvenais pas. En plus de ne pas écouter en cours, j'ai la faculté d'oublier tout ce que mon cerveau juge inutile. Mais je ne pouvais pas me laisser rabaisser par une professeure : ça gâcherait ma fierté et l'honneur du nom Howard.

Donc, comme à mon habitude, pour m'en sortir, j'improvisai un long discours sophistiqué. « Bon. je me levai de ma chaise, et repris. Il y a déjà bien longtemps dans l'histoire de ma première année que ce premier cours s'est déroulé. Mon cerveau est en pleine croissance et traite les informations qu'il reçois d'une manière peu commune : il oublie tout ce qui lui paraît inutile, et je ne peux rien y faire ! Il y a moi, celle qui parle, et mon cerveau, celui qui se charge de faire fonctionner mes organes, mes neurones, mon système immunitaire et encore d'autres choses. Mon cerveau, c'est comme une deuxième personne : je ne peux pas l'obliger à faire des choses si il ne le veut pas. Moi par contre, je peux choisir de faire ce que je veux. Le conscient et l'inconscient, en fait. C'est tout comme le Moi et le Surmoi. Avez-vous déjà entendu parlé de cela, Miss ? Ce sont des choses très intéressantes qui expliquent parfois le comportement d'humains comme vous et moi et ceux ici présents. L'histoire, ça a été le présent de ceux du passé qui l'ont vécu. Je ne comprends pas pourquoi nous devons apprendre la vie de grands personnages historiques qui n'étaient en réalité, seulement des personnes qui vivaient leurs vies dans leur présent. Et juste parce qu'un humain pense avoir eu l'idée du siècle, on doit apprendre son histoire complète, y compris celle de ses parents, son chat, son voisin, la météo qu'il faisait lorsque son idée est survenue. Tout cela pour dire que tout ce que je peux me rappeler du premier cours d'histoire, c'est qu'il a eut lieu dans cette salle et que vous vous êtes présentée. »

Voilà qui est bien parlé. J'ai enfin compris pourquoi mon père m'a toujours dit que le savoir peut parfois sauver. Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre la réponse de la professeure. Je me demande bien comment elle va réagir.

Mes excuses pour ce retard !
Si quelque chose ne convient pas, faites-le moi savoir .

La voisine d'Ivy n'eut même pas le temps de lui répondre, que la professeure se focalisait sur elles. Lorsque Miss. Lyndon prononça son nom, la jeune fille se figea, n'osant pas lâcher sa baguette. Elle avait littéralement été prise les mains dans le sac, elle qui se faisait un plaisir de s'amuser dans le dos des professeurs, pensant qu'elle était invisible. Apparemment, la prof avait des yeux dans le dos, ou un don de super-vision, ou quelque chose de ce genre, car elle l'avait malheureusement remarquée, malgré le talent d'Ivy.

La jeune Serpentard se mordit la lèvre, attendant la suite, mais heureusement Miss. Lyndon reprenait son cours, sachant qu'elle ne continuerait pas. En effet, Ivy reposa sagement sa baguette, une fois que tous les regards de ses camarades s'étaient détournés d'elle, et se redressa complètement. L'intervention de la professeure l'avait stressée pour rien.

Malheureusement pour sa camarade, Miss. Lyndon l'interrogea. Ivy fixa sa voisine, se demandant comment elle allait rebondir là-dessus, et c'est alors qu'elle se leva et commença à débiter un discours incongru. La jeune fille ne put s'empêcher d'éclater de rire, ne s'attendant pas à une telle insolence détachée. En effet, la Poufsouffle expliquait dans les détails pourquoi elle ne se souvenait pas du cours, parlant du conscient et du surmoi, choses dont Ivy n'avait jamais entendu parler.

- Redescends, elle va te coller sinon, souffla Ivy, essayant de contenir son fou rire.

Pourtant, c'était si drôle qu'elle ne parvenait qu'à moitié à cacher son hilarité. La tête dans les coudes, elle s'attendait au pire. Le silence qui s'était soudain fait dans la salle était un mauvais signe ; tous les élèves savaient probablement que la professeure ne réagirait pas aussi bien que Nora semblait l'espérer. Ivy lui souhaita bonne chance mentalement, espérant que Miss. Lyndon ne prenne pas en compte son fou rire et ne la gronde pas de nouveau.

@Nora Howard @Áine Lydon