Le Silence a envahi mon esprit. Ah ce que j'aimerai pouvoir sortir tout de suite, dehors, respirer l'air du printemps ! Je serai seule, seule avec la Lune, enfin prête à voler vers les étoiles. Je n'ai qu'un rêve, être heureuse de me réveiller chaque jour qui vient. Je commence à croire qu'il ne se réalisera jamais. Je sens les larmes me monter aux yeux, et les fermes aussitôt, comme si j'avais peur que quelqu'un me voit — geste idiot puisque le noir est presque total.

J'ai peur. Tout le temps. Pourtant, qui le sait ? Même moi, je l'oublie parfois. Je n'ose pas avouer que je suis Faible. Alors, je fais croire aux Autres que je n'ai peur de rien, que je suis prête à affronter la Vie, parce que c'est ce qui me semble être la solution. Au contraire, je crois que personne n'est jamais prêt à affronter la Vie. Peut importe notre état d'esprit, notre force physique ou mentale, ou encore notre détermination, la Vie peut nous réduire à néant dans un souffle silencieux.

L'Autre semble d'ailleurs s'être volatilisée. Qui est-il ? Qui est-elle ? Le Silence est total, mais peut-être est-ce à cause de moi. *T'façon c'est toujours à cause de moi* Je me suis tue, mais c'est sûrement mieux comme ça, parce que je gâche tout. *Ce que je touche je le détruit* Il semblerait que je sois l'incarnation de la peste. Je ne sais même plus si j'ai été heureuse un jour. Je n'ai pas l'impression que le bonheur existe. Lorsqu'on est enfant, ça ne compte pas. Ca ne compte pas car on ne ressent rien, on n'a conscience de rien, on est rien. L'Amour, la Haine sont des choses bien futiles pour cet âge, qu'on ne comprends pas. Je ne sais pas si la désillusion totale qui vient à l'adolescence ou plus tard chez certains est pire que la tristesse des parents parce qu'ils savent. Ils savent ce qu'on va devoir endurer, mais ne prenne pas la peine de nous prévenir. Ce n'est pas étonnant si après, tout le monde est faible et ne parvient à rien. Ils devraient nous éduquer, nous préparer à la réalité, mais ils la cachent parce qu'ils ont peur. Peur de la vérité, parce que c'est vrai, il n'y a que la Vérité qui blesse.

La nuit noire enveloppe la salle, et l'autre ne semble plus faire un seul mouvement. Alors je me lève. Sans bruit, je gagne la porte. L'autre ne semble pas bouger, et je n'entends plus son souffle régulier. *P'têt il dort* Sans un mot de plus je m'avance dans le couloir noir. Je ne veux pas prendre le risque d'éveiller l'attention de quelqu'un en allumant ma baguette, et puis je connais le chemin. Je peux m'en sortir toute seule. Je dois serait peut-être plus juste. Parce qu'on a pas le choix dans la vie.