Lorsque le Moine Gras s’insulta de « vieux tas de pas grand chose », j’entrai quelques secondes en duel avec moi-même. Pouvais-je le reprendre ? Que valait le réconfort d’un garçon de onze ans ? Toutefois, le Poufsouffle en moi ne put se retenir trop longtemps et, les sourcils froncés, le repris.

- Dites pas de vous que vous êtes un vieux tas, Monsieur. Vous êtes mieux que ça !, lançai-je convaincu qu’il était déjà bien plus cool que moi. Il m’avait aidé, avait tenté de me remonter le moral et voilà qu’il se mettait à se critiquer. Ce n’était pas très logique, et je ne comprenais pas, avec mon peu de recul, comment il pouvait se permettre un telle insulte.

Son sourire revint pourtant bien assez vite et me décontenança quelque peu. C’était presque impressionnant de voir la vitesse à laquelle il pouvait changer d’état d’esprit. Il faudrait que j’apprenne à l’imiter. Cela pourrait servir. Puis, à ma surprise, le Moine Gras ne sembla pas s’arrêter là, et me proposa un défi. Mon esprit d’enfant fut amusé et j’écoutai avec sérieux sa proposition qui me fit décrocher un petit rire. Il m’accordait dix secondes pour courir par mon chemin habituel - sans trop me perdre - pour arriver à la grande salle. Quant à lui, il passerait par le plafond… Avant de crier à la triche, je tentai de peser le pour et le contre. Un rapide calcul me fit comprendre que mes jambes allaient devoir offrir leur meilleure vitesse pour passer du troisième étage au rez-de-chaussée. J’avais à peine cinq secondes par étage, en partant du principe qu’il en prendrait au moins cinq pour traverser les trois plafonds. Je secouai la tête, lassé des calculs et me relevai d’un bond pour accepter son défi. J’étais prêt à affronter ce fantôme pour un gâteau. Je me voyais déjà commander le plus gros gâteau au chocolat praliné.

- Prêt M’sieur le fantôme ! Vous allez connaître plus rapide que vous !, lui lançai-je sur un ton de défi, les jambes et les bras pliés, prêts à piquer le plus grand sprint de ma vie. Je lui lançai un petit regard complice pour lui faire comprendre qu’il pouvait démarrer son décompte et m’élançai dans les couloirs. Lors des virages, je tentai des dérapages pour être plus ergonomique et garder ma vitesse. Les escaliers, je les avalais trois marches par trois marches, et criai des excuses à tous les élèves qui passaient près de moi et que je bousculais. De plus, mon petit carnet dans la poche me ralentissait, je n’avais pas pris en compte ce point dans la balance.

Une fois arrivé devant la grande salle, complètement essoufflé, mais satisfait de ma course, je balayai la pièce des yeux pour trouver mon adversaire… flottant dans les airs, un gros gâteau crémeux devant lui. Je lui souris pour lui montrer que j’étais de bonne guerre, et acceptais volontiers la défaite. Après tout, dans les deux cas, je gagnais quelque chose à manger.

500. Merci M’sieur le Moine Gras