Isaac réalisa pendant qu'Aelle parlait que ce débat risquait fortement de tourner en rond. Il voyait bien ce que la poufsouffle essayait de dire, ça n'était pas un problème de compréhension, seulement il n'était pas d'accord.

"Je vois bien, c'est un type différent de visualisation pour un type différent de sortilèges. Mais en fin de compte, ça reste de la visualisation et des sortilèges."

Bien qu'il n'allait pas l'avouer, techniquement certains de ses points étaient valides. Ça pouvait en effet être utile de séparer les matières pour qu'inconsciemment les élèves se mettent dans un état d'esprit différent, ce qui les aideraient à correctement lancer les sorts.

"Séparer les deux matières ça reviendrait à, par exemple... Emm..." Isaac essaya de trouver un exemple pertinent sur le moment, et prit le premier qui lui vint à l'esprit. "Ce serait comme si la géométrie et les mathématiques étaient deux matières différentes."

Cet exemple n'était pas exactement ce qu'il aurait voulu trouver mais ça faisait l'affaire. Dans les deux cas on parlait de différentes facettes d'un même domaine. Cependant Isaac ne s'intéressait pas non plus énormément au domaine des mathématiques, donc dans le cas où ce n'était pas le cas de son interlocutrice, peut-être qu'elle se rendrait compte qu'il avait choisi son exemple sans vraiment trop y réfléchir. Elle était probablement le genre de personne à être agacé par ça. Sa maison aurait dû être Serdaigle en fait. C'est pour cela qu'avant qu'elle n'ait le temps de répondre, il continua :

"Dans tous les cas je doute qu'on puisse se mettre d'accord comme ça. Et puis dans tous les cas, ça semble plus être une question qui relève de la pédagogie plutôt que de théorie magique, ou quelque chose dans le genre."

Si l'écossais avait bien envie d'une chose actuellement, c'était que le ton de la discussion ne s'élève trop, il parlait quand même à la Aelle et n'avait pas spécialement envie qu'elle se souvienne de lui comme étant un idiot fini avec qui il ne fallait pas discuter.

Un petit soupir franchit mes lèvres pincées. Le fait qu'il continue de soutenir le contraire de ce que je lui dis ne m'agace pas mais me dépite. Je ne comprends pas ce qu'il ne saisit pas dans mon explication. Après m'avoir écoutée, il devrait pourtant s'exclamer : « Mais oui bien sûr, tu as raison ! ». Cela n'arrive pas. Ce n'est pas parce que ce je dis est faux que cela n'arrive pas, mais parce que le garçon n'a pas bien compris où je souhaitais en venir, voilà tout. Son explication à la moldue me le prouve d'ailleurs — est-il né-moldu ? Cela expliquerait pourquoi il n'a pas une vision complète de la magie et je ne peux pas lui en vouloir ; on aurait pas l'idée de comparer une née-sorcière telle que moi qui a grandi baignée de magie à un né-moldu qui l'a découverte à ses onze ans. Pas alors que nous sommes aussi jeunes et peu avancés dans la vie.

Mon apprentissage des mathématiques, et surtout de la géométrie, remonte à si loin que je ne peux guère m'en souvenir. C'était au temps où j'étais élève chez le précepteur Migway. Nous étions entassés dans sa petite salle de classe, il gribouillait des chiffres et des formes sur son tableau noir à l'aide de sa baguette magique. Merlin, que ces souvenirs sont empêtrés de poussière. Ce n'est plus ma vie, tout cela. Quoi qu'il en soit, les mathématiques et la géométrie pourraient tout à fait être deux matières différentes, de ce que j'en sais. Tout cela n'est pas qu'une question de pédagogie, contrairement à ce qu'il baragouine.

« Et bien je pense que tu as tort, » affirmé-je en m'arrêtant au sommet d'un escalier pour mieux le regarder.

Nous nous trouvons à l'intersection entre nos deux chemins respectifs : lui vers le reste de sa vie, peut-être en direction de la salle commune des Serpentard, et moi vers la bibliothèque.

« C'est pas qu'une question de pédagogie. C'est un fait. La Métamorphose demande une rigueur qu'exige pas les Sortilèges. Il faut des années d'un apprentissage bien spécifique pour nous apprendre à comprendre le processus de la visualisation nécessaire à la métamorphose d'un objet en un autre, ou en une forme vivante. C'est pas purement instinctif. C'est de la réflexion. Et la réflexion, ça s'apprend pas en agitant une baguette. »

Je ne défends pas particulièrement la Métamorphose. Cette forme de magie m'intéresse, comme toutes les autres, mais je n'aurais jamais pour passion la métamorphose, peu importe la forme qu'elle prend. Il faudrait cependant être idiot pour ne pas comprendre que cette matière fait appel à une autre forme de concentration que celle dont on a besoin en cours de Sortilèges.

« Les sortilèges qu'on apprend en cours de Sortilèges changent pas radicalement les propriétés d'un objet. »

Les élèves défilent autour de nous, si bien que nous devons nous décaler pour les laisser passer et atteindre l'escalier. L'heure file et j'ai beau apprécier la discussion maintenant qu'elle prend une tournure d'enseignement et que le garçon accepte ses torts, ce n'est pas pour autant que je souhaite gâcher les prochaines heures en discutant d'un sujet qu'il ne comprend vraisemblablement pas. Il a tout de même ce petit quelque chose de buté au fond du regard qui me fait me dire qu'il n'est pas tout à fait ouvert au fait de remettre en question ce qu'il croit savoir pour apprendre de nouvelles choses. C'est dommage, car c'est rare que je discute avec des élèves de ma tranche d'âge de cette manière.

La plupart de mes interactions sociales naissent du hasard et de la banalité : j'échange avec mes camarades de dortoir à propos du fait d'éteindre la lumière pour ne pas déranger, de faire moins de bruit, de dire à mon esprit d'oiseau de cesser de traverser les parois n'importe quand et n'importe où ; où nous discutons parfois dans la Salle commune avec quelques Poufsouffle mais les discussions tournent autour des professeurs, des livres que je lis, de l'emploi du temps, « eh Bristyle, t'as pas vu mon rapeltout ? Je l'avais posé là » ; et que dire des salles de classes ? « T'as pas un parchemin pour moi ? », « J'ai cassé ma plume, tu pourrais... », « T'as pris le temps de noter les devoirs, non ? Tu notes toujours les devoirs. Tu peux me les filer ? » ; de la Grande salle ? « Passe-moi le beurre, s'il-te-plait ! », « Trop bon ce rôti, non ? », « Ça te dit de jouer aux bavboules après le repas ? Ah pardon, Bristyle, j'avais pas vu que c'était toi... ». Les interactions quotidiennes avec les élèves de Poudlard sont d'un ennui affligeant, je fais tout pour les éviter au maximum, si bien que lorsque je me retrouve à partager une conversation sur un sujet passionnant, même avec un Serpentard un peu buté, ça attise mon intérêt.

J'arrange la lanière de mon sac sur mon épaule.

« Pour faire de la bonne magie, il faut comprendre la magie, » conclus-je en le dardant d'un regard sévère.

Je me détourne légèrement vers le couloir menant à la bibliothèque, comme pour montrer que la conversation touche à sa fin et que je ne compte pas poireauter ici une éternité. Pour ça, il faudra qu'il se montre un peu plus ouvert d'esprit. Mais ce n'est pas exclut que cela arrive un jour, cela dit.

« Si tu prends le temps de réfléchir à la question, on pourra toujours en discuter. »

Je le regarde d'une telle sorte qu'il ne peut ignorer les doutes qui m'assaillent : le changement n'est jamais soudain, je doute qu'il soit capable demain de comprendre la magie plus qu'aujourd'hui. Mais ce n'est plus mon affaire, désormais. Je le salue d'un geste du menton raide et m'éloigne rapidement en direction de la bibliothèque. Toute cette histoire était bien amusante mais ce n'est pas de participer à un défi entre trois professeurs qui me permettra d'avancer dans mes devoirs.



Merci beaucoup !
C'était une chouette RP. Au plaisir de réécrire avec toi un de ces quatre.