[Solo]

Samedi 2 mars 2047 - 17 heures
Londres - Le Chaudron Baveur

La vente du GaiChiffon m’a rapporté un petit paquet de blé. En réalité, c’est mon père qui en était le propriétaire. Il a placé le tout dans un coffre de Gringotts afin que j’en dispose comme je veux. Savoir bien gérer son fric est une qualité que l’on ne peut pas me retirer. Entre ce que j’ai pu mettre de côté en tant que gérant de boutique, et ce petit pactole à ma disposition, je peux tranquillement voir venir quelques semaines. En attendant, j’ai provisoirement confié mon hibou, Castagne, à mon paternel, et me suis installé au Chaudron Baveur. Le Grand-Duc faisait la gueule, mais il aurait été malheureux si je lui avais imposé une cage pour dormir, et un rebord de fenêtre afin de se dégourdir les ailes. L’immense grenier du GaiChiffon a toujours été son espace de vie, et les forêts autour de Pré-au-Lard son terrain de chasse. Mon vieux habite une grande maison aux abords de Glasgow, je sais que Castagne y est bien. Par contre, je n’ai pas pu me débarrasser de « Chat », le greffier sauvage qui s’est installé un jour chez moi, et ne m’a jamais quitté. La boule de poils fait sa vie, il squatte ma malle pour dormir le soir, et vadrouille le reste du temps.
La chambre n’est pas gigantesque, mais confortable et accueillante. C’est bien suffisant pour moi. Je n’ai, de toute façon, pas grand-chose à moi en dehors de mes fringues, du linge de maison, et deux ou trois effets personnels. J’ai laissé tout le reste, tissus et matériel de couture, aux nouveaux gérants du GaiChiffon. Cela leur sera plus utile, je n’en ai plus la nécessité. Je n’abandonnerai jamais vraiment la confection de vêtements, je suis doué dans ce domaine, mais nul besoin de m’embarrasser.
Allongé sur le bord du lit, le roux ronronne sans porter une quelconque attention à ce que je fais. Assis sur un vieux tapis élimé, je consulte la Gazette du Sorcier, histoire d’y trouver une nouvelle occupation. Je ne m’arrête pas sur les annonces proposant des jobs de serveurs, ou de vendeurs. J’ai passé trop d’années à mon compte pour pouvoir obéir à un patron. La vente ne me tente plus. J’ai envie d’autre chose, de rebondir sur un nouveau challenge. J’ai même cessé de picoler, c’est tout dire. Un article, consacré à l’aménagement de nouvelles infrastructures dont a bénéficié la ville de Godric’s Hollow, attire mon attention. Je n’ai pas encore eu l’occasion de m’y rendre. Son centre-ville, ainsi que le Quartier de Pervell, semblent avoir fait peau neuve depuis l’installation du nouveau gouvernement sorcier. Je ne porte pas vraiment tous ces escrocs de politicards en haute estime, mais cette vielle bourgade a retrouvé un dynamisme économique intéressant. Je serai bien resté dans mon bon vieux Pré-au-Lard, cher à mon coeur, mais il est temps pour moi de « sortir de ma grotte », comme dit Diane. L’article indique que les petites baraques de la vielle ville sont en rénovation. J’ai toujours vécu en maison, je ne parviendrai pas à m’acclimater à un appartement, aussi moderne soit-il. Le charme de l’ancien a toujours eu ma faveur. Je me renseignerai sur le prix d’acquisition d’une de ces maisonnettes.
Je ferme le journal. J’ai la dalle. J’irai bien voir si le Chaudron propose toujours ses fameux sandwichs à la Française. Chat ne bouge pas d’une oreille. Il a déjà bouffé, et entame sa quatrième sieste de la journée. C’est dingue de roupiller autant. Quand je pense que les premiers temps, avant qu’il ne m’adopte, je ne pouvais pas l’approcher. Il se planquait partout. Il n’a jamais été capable de chasser une souris, et il fait tourner Castagne en bourrique, mais je l’aime bien. Il est sauvage, comme moi, c’est peut-être pour ça que nous parvenons à vivre ensemble.