Suite de ce RP

J'avais gravi les escaliers et couru dans les couloirs, ma main toujours fermement attaché à celle de Lucia. Etrangement , elle avait l'air de me faire confiance, au moins assez pour se laisser guider vers l'inconnue de ma destination.
Je savais pertinemment, qu'en voyant la porte de la salle de répétition, les émotions de ma camarade changeraient sûrement pour vriller vers de l'appréhension, de la colère peut être un peu, mais il fallait qu'elle dépasse tout ça.

Dans le dernier virage qui menait à notre but, sachant que le prochain couloir lui ferait deviner mes intentions, je resserrais un peu plus mes doigts dans les siens, comme si ma pression lui donnerait le courage et la force nécessaire pour cette épreuve.

Haletante, le front légèrement mouillé d'avoir trop couru, mes pas se firent plus lent, laissant un peu la pression retomber, j'accompagner Lucia juste devant la porte close de la salle en marchant calmement. Mon cœur battait sûrement aussi vite que le sien, je me rappelais avec une précision incroyable, la moindre de mes sensations, la plus petite émotion vécue lors de MA première fois ici. Un tourbillon, une vague, une explosion...
C'était assez difficile à retranscrire par des mots, mais ce jour-là, j'avais compris que ce serais un besoin vital pour moi.
J'espérais secrètement que pour Lucia se serait la même chose, qu'elle pourrait se libérer de tout ce qui lui pesait, aujourd'hui et chaque jour.

- Prête ? mes yeux planter dans les siens l'observaient sans ciller, un léger sourire posé aux coins des lèvres.

@Lucia Varalta

Éli devait avoir senti l'appréhension de Lucia puisqu'elle resserra sa prise en s'approchant de la salle de répétition. La jeune pouffy n'avait plus le choix, ce n'était pas le moment de faire demi-tour et cela risquerait de décevoir sa camarade à ses côtés. Et tout cela était sans compter la force de sa camarade qu'elle ne connaissait pas et qui était peut-être bien supérieur à la sienne.
Le rythme avait accéléré sur les derniers mètres du couloir et sa camarade semblait avoir été un peu fatiguée par ce trajet. Elle s'arrêta quelques instants devant la porte fermée de la salle, comme pour reprendre son souffle, ou laisser retomber un stress ? Du côté de Lucia, c'était compliqué de savoir ce qu'elle ressentait. Ce n'était pas vraiment du stress, ni vraiment de la colère puisque cela faisait maintenant plusieurs minutes qu'elle savait où Éli voulait l'emmener et, ce n'était pas difficile de comprendre l'objectif de cette visite, elle n'allait pas lui demander de rester assise sur le bord pour discuter. Lucia se sentait à sa place et en même temps absolument pas. Tant que la porte restait close, tout irait bien, mais en entrant dans la salle, cela risquait de changer. Se poser au milieu de la salle pour danser, lui faisait peur, même très peur, cela l'effrayait vraiment, mais d'un autre côté, cette salle la faisait rêver et le fait de pouvoir danser lui manquait toujours énormément, malgré les quelques pas qu'elle avait pu faire ce matin.
Lucia s'attendait à ce qu'Éli ouvre la porte, mais les secondes défilaient et rien ne bougeait, enfin presque. Rien ne bougeait jusqu'à ce que sa camarade tourne sa tête vers elle et, en regardant Lucia dans les yeux, elle lui lança un simple mot. Simple mais efficace, très simple, mais plein de gentillesse. Un simple "prête?".
Comme si, c'était Lucia qui avait les clés en main maintenant. Et pourtant, depuis le début, c'est Éli qui dirigeait tout. Alors pourquoi ce revirement de situations? A moins que ça ne soit qu'une impression, que c'était un mot gentil mais qui n'avait de sens que rhétorique ? Et pourtant, la brune semblait attendre son acquiescement pour ouvrir la porte. Il fallait que Lucia prenne une décision, mais surtout, une décision qu'elle n'allait pas regretter. Si elle disait non, elle le regretterait dans les prochains mois, les prochains jours ou même peut être les prochaines heures. Il fallait qu'elle dise oui. Elle n'avait pas le choix. Et pourtant, cela la terrorisait de plus en plus.
Elle respira un bon coup, ferma les yeux pour quitter le regard perçant d'Éli, et acquiesça d'un signe de tête presque franche, presque sûre d'elle.

Les secondes s'étiraient en minutes et Lucia avait l'air de lutter contre des pensées contradictoires. Cherchant surement un peu de courage pour affronter son appréhension. La jeune Poufsouffle finit par se laisser emporter par mon élan et capituler face à ses angoisses trop présentes jusque là.
D'un mouvement de tête, elle me fit comprendre que le moment était le bon, enfin.

Les yeux fermés comme pour se protéger de l'intensité du moment, elle ne pouvait pas voir la porte qui s'ouvrit sous la pression de ma main, mais je percevais très nettement les pulsations tambourinantes au creux de ma paume, l'écho de son cœur battant à tout rompre et se répercutant jusqu'au veines de sa mains encore dans la mienne.

La salle était comme à son habitude, grande, plutôt vide en son centre, la scène à droite et les quelques instruments présents, dont le magnifique piano n'avaient pas bougé non plus, on pouvez y voir la lumière des fenêtres tracer des formes géométrique sur le sol noir.
Le bureau du chef de cœur, de l'autre coté était plutôt bien rangé aujourd'hui, et on pouvais y voir la fameuse boite à musique magique que j'avais beaucoup utilisé ces dernières semaines.

Apres avoir amener ma camarade jusqu'au centre de la salle de répétition, la laissant ainsi profiter d'une vue d'ensemble, je m'approchais du bureau pour saisir le précieux coffret aux allures de mini cirque.

- regarde, c'est super cette boite tu connais ? tu peux lui demander n'importe qu'elle musique, c'est encore mieux qu'un Mp3.

Je ne savais pas vraiment si Lucia était assez en confiance pour de suite danser sérieusement, surement pas, il fallait que je trouve un moyen de rendre tout ça plus facile pour elle.

- par exemple moi j'adore mettre IKO IKO pour m'amuser...Je fait complètement n'imp' dessus. Les premiers accords de la chanson résonnèrent dans le vaste espace, remplissant joyeusement la pièce.

Avec un large sourire et comme je venait de lui expliquer, je sautillais un peu partout dans la pièce, esquissant quelques mouvements complètement incohérents, qui ne ressemblait d'ailleurs pas du tout à de la danse, mon petit défouloir clairement désordonné.
Revenant un instant vers elle pour lui prendre les deux mains cette fois, je commençais une ronde un peu folle comme nous le faisons étant enfant pour s'amuser. Tournant de plus en plus vite, jusqu'à en perdre la notion de l'espace qui nous entouré. Grisées par la musique et la douce folie.

@Lucia Varalta

Après avoir acquiescer, Lucia regretta, presque, d'avoir dit oui, elle ne pouvait plus reculer. Et encore moins lorsqu'elle entendit la porte de la salle s'ouvrir sous la main d'Élisabeth. Celle-ci tira Lucia jusqu'au centre de la pièce et la jeune rousse s'autorisa à ouvrir les yeux. Le premier réflexe qu'elle eut fut de regarder si elles étaient bien seules, et Éli n'avait pas menti sur un point, elles étaient bien seules à cette heure-ci dans cette grande salle. Cela rassura Lucia mais ça lui enlevait en même temps une excuse pour fuir le fait de danser.
Ce dilemme lui donnait mal à la tête, elle n'avait qu'une envie, c'était de danser, de se libérer complètement, mais en même temps, il y avait cette peur et ce secret qu'elle voulait garder au fond d'elle, et ne surtout pas le propager.
Sa réflexion fut de courte durée, quelques secondes après qu'elles soient arrivées au centre de la salle, Éli se dirigea vers une sorte de coffre et expliqua à Lucia comment il fonctionnait. Il était vrai que cette machine fascinait la jeune irlandaise. Elle qui appréciait tant la musique, le fait de pouvoir écouter celle qui lui plaisait quand elle le voulait lui était très plaisant. Sa camarade lança alors une musique en expliquant à Lucia que c'était celle sur laquelle elle aimait faire n'importe quoi, se lâcher complètement et se faire plaisir. Cette musique, Lucia l'avait déjà entendue mais de loin, ce n'était pas vraiment le style qu'elle mettait puisqu'elle n'était pas vraiment toujours sur le rythme, peu importe la musique, alors pas besoin d'une musique spéciale pour cela.
Éli commença alors à danser dans tous les sens, à enchainer les mouvements, sur le rythme de la musique mais celui-ci était tellement flou que peu importe le rythme, il correspondrait à la musique. Lucia se sentit libérée dans cette salle, mais dès qu'Éli lui prit les mains pour l'entrainer dans sa danse, son corps se contracta à nouveau aussitôt. Elle se laissa faire mais il n'y avait rien de grâcieux, elle était complètement tendue et tout son corps semblait refuser la danse, tétanisé par la peur.
Les secondes passèrent et rien ne bougea. Elle se décida alors à fermer les yeux pour oublier le fait qu'il y a avait un public, et se laisser entrainer par la musique. Celle ci commença alors doucement à faire effet. Elle était loin d'être détendue mais ses mouvements étaient légèrement plus fluides, enfin, si on pouvait vraiment dire cela. La jeune irlandaise avait envie de lâcher les mains de sa camarade et se s'enfuir en courant dans un coin de la salle, comme pour disparaître, mais elle ne voulait pas quitter cette salle car la musique lui faisait du bien. En pensant à tout cela, son corps se raidit à nouveau et son contrôle d'elle-même commençait à lui faire défaut. Elle finit par se laisser emporter par ses pensées et suivre ce que son corps lui demandait. Elle lâcha les mains d'Éli et se réfugia dans un coin de la salle pourtant si vide. La présence d'Éli la terrifiait mais, il fallait qu'elle danse.

L'effet de détente et de lâcher prise que j'avais voulu instaurer, n'avait pas vraiment l'air de se transmettre à ma camarade. Essayant de ne pas la fixer, je continuais à bouger aléatoirement.

Mes mains encore dans celle de Lucia, je pouvais sentir la tension passer en elle. Chaque seconde avait l'air d'être une épreuve.
Le rythme de la chanson donnait le ton à mes pas, légers et insouciants, chaque temps marquait une libération, chaque silence un souffle.
Les coups d'œil que j'osais lancer de temps à autre sur ma partenaire, me donnaient l'impression que tout était perçu à l'inverse pour elle.

Un instant, ses yeux clos firent naître de l'espoir en moi, était ce un début d'abandon ?
Non.
Un instant, ses yeux clos firent naître son isolement malgré moi.

Sans pouvoir agir sur sa douleur intérieure, incapable sans en avoir les clefs, je ne pouvais que la laisser abandonner mes mains, et se mettre à l'écart. J'avais banni de mon corps le moindre tressaillement, la musique elle-même presque spectatrice de la scène, venait de livrer ses derniers accords.

L'immense salle si joyeuse et pleine de vie parfois, venait de revêtir son manteau de glace.

Immobile au milieu d'une scène silencieuse, mes mains le long d'un corps qui ne savait plus ou se mettre. Est ce que je devais la rejoindre et lui imposer ma présence ? Est ce que je devais sortir de la pièce pour la laisser seule ?

Je n'avais aucun recul sur la situation, du haut de mon jeune âge il me manquait des rouages.
Laissant mon instinct parler comme souvent, je pris le parti d'aller m'asseoir en tailleur dans le coin le plus à l'opposé du sien.
J'étais là.
Elle le savait.

@Lucia Varalta

Le silence qui s'était installé pesait sur Lucia, cela la terrifiait encore plus. Sa camarade avait décidé de se mettre sur le côté, à l'opposé parfait de la salle. Cette réaction surpris énormément Lucia lorsqu'elle le vit. Elle s'attendait à beaucoup de choses, mais pas à ça. A vrai dire, elle n'avait pas beaucoup réfléchi à ce que pouvait faire Éli. Elle avait seulement réfléchi à la réaction qu'elle aurait voulu qu'elle choisisse. Mais au final, ce n'était pas le choix que sa camarade de maison avait choisi. La jeune rousse aurait aimé que celle-ci vienne se placer à côté d'elle. Pour lui laisser de l'espace, mais pouvoir la rassurer. Mais personne ne pouvait deviner ce qu'il se passait dans la tête de Lucia. Surtout quand celle-ci était emprise de tous ses démons. Toutes ses pensées qui se bousculaient dans sa tête jusqu'à la faire craquer, et encore une fois, ils avaient réussi.
Éli avait en effet laisser l'espace dont Lucia avait besoin, sûrement plus même, peut-être trop. Il fallait que Lucia affronte ses démons toute seule. En même temps, elle ne pouvait pas demander à quelqu'un qu'elle connaissait à peine, de s'intégrer dans sa tête pour porter avec elle tous ses poids. Déjà, elle ne pouvait pas demander ça à quelqu'un qu'elle connaissait depuis longtemps, alors une jeune fille de son âge, qu'elle connaissait assez peu, c'était inenvisageable. Et pourtant, Lucia en avait rêvé.
Le silence qui s'était installé dans la pièce depuis l'arrêt de la musique obligeait Lucia à se retrouver avec ses pensées, à les affronter. D'un côté, son envie de danser, de se libérer. De l'autre, la peur, les angoisses, le regard des autres, ou ici de l'autre, ses émotions, son passé, son histoire, et tout ce que la danse pouvait apporter, en bien, et porter, en mal. C'était tellement difficile à expliquer, tellement compliqué de mettre des mots dessus. Tout ça n'avait aucun sens. Pourquoi quand elle dansait tous ses problèmes s'envolaient, et pourtant, avant de danser, les problèmes se multipliaient plus encore. Elle avait envie de crier, de lâcher tout ce qu'il se passait dans sa tête, de s'en libérer. Mais les larmes ne pouvaient plus rien changer. Il y avait une chose qui avait le pouvoir de la libérer. Mais cette chose était la raison de cette terreur, de cette boule d'émotion si forte qu'elle avait laissé de côté depuis longtemps. Assez longtemps pour l'avoir oublié, assez longtemps pour se sentir libérée, assez longtemps pour qu'elle croit au fait qu'elle pouvait avoir disparu définitivement. Mais ceci n'était que provisoire. Sa disparition était effective, tant qu'elle n'avait pas de raison de lui donner raison d'apparaître. Et là, la jeune irlandaise était en train de lui en donner une. Une raison d'apparaître, une raison de la faire tomber, une raison de la briser, une raison de la faire douter, et une raison de lui donner la possibilité d'abandonner. Mais ce n'était plus possible, plus maintenant. Lucia avait bien trop baissé les bras pour pouvoir les baisser maintenant. Il fallait qu'elle affronte sa peur. Elle n'avait plus le choix. Plus aujourd'hui. Enfin, elle pouvait toujours fuir, s'en aller. Mais ce choix n'était plus vraiment permis.
Elle ferma les yeux, respira un bon coup. Ce n'était pas une bonne idée. Tant pis. Pas grave. C'est parti. Lucia se leva, retourna au centre de la salle, en passant par la boîte à musique qu'Éli lui avait montré quelques minutes auparavant.
- Est-ce que tu peux fermer les yeux quelques instants s'il te plaît ?
Elle demanda à cette boîte magique de jouer la musique "Les moulins de mon coeur" ♫.
Une fois au centre de la pièce, entendant les premières notes de cette musique qu'elle appréciait beaucoup. Elle ferma ses yeux, et se força à oublier toutes les paroles de son cerveau. Et elle laissa son corps commencer à suivre la musique. Celle-ci commençait très lentement, elle suivit donc le rythme calme de cette chanson. Elle tournait légèrement sur elle-même, se déplaçant de quelques pas, laissant son corps prendre le contrôle de ses pas. La musique n'accélérait pas vraiment mais elle avait pris l'habitude d'accélérer le rythme ordinaire par ses pas, afin de laisser ses émotions les plus fortes partir dans la musique. Elle savait qu'Éli avait certainement ouvert les yeux à cette partie de la chanson, mais Lucia décida de ne pas prendre en compte cette information, elle garda ses yeux fermés et laissa son corps se libérer de toutes ses peurs dans cette libération si douce qu'était la danse, et cette union de la musique et du corps, pour oublier les émotions du cerveau.

En me mettant à l'écart, j'avais volontairement choisi de la laisser se débrouiller un peu seule, de la laisser face à elle-même, de ne pas l'encourager ni la contraindre.
Je voulais qu'elle choisisse de danser, je voulais qu'elle se libère, et je l'avais accompagné jusqu'ici pour lui donner l'impulsion, mais les derniers pas, ou plutôt les premiers, elle devait les faire elle-même.

Le silence.

J'étais souvent mal à l'aise quand aucun bruit ne m'entourait, mes pensées trop présentes venaient combler le vide et alors...
Je n'aimais pas le silence.
Je faisais tout pour l'éviter, mais aujourd'hui il était nécessaire.

Le silence.

J'avais fermé les yeux et j'écoutais ma respiration, j'inspirais, je bloquais... je soufflais, je bloquais...
Je voulais que mon calme contrebalance le feu qui devait la consumer.

Le silence,
et puis ses pas.

Mes yeux se rouvrirent quelques secondes.
Elle avançait vers le centre dans une détermination timide qui la maintenait debout.
Lorsqu'elle saisit la boite à musique, me demandant de ne pas regarder, je savais que le combat le plus dur venait de se jouer, même si d'autres suivraient.

Les premiers accords, lents et graves résonnèrent dans la grande pièce, et les mots posés venaient se calquer sur le fils des émotions palpables. Sans même voir Lucia, je pouvais sentir l'énergie de ces mouvements.

L'archet du violon glissant sur les cordes, venait noircir la partition à mesure qu'elle investissait l'espace.

Je n'avais pas envie d'ouvrir les yeux, c'était son moment.
Je me contentais de percevoir l'intensité de l'instant fragile.

@Lucia Varalta

Les larmes avaient coulé délicatement pendant que ses pas s'enchaînaient et la musique avait fini par s'arrêter, se terminer. Lucia se sentait libérée, même si les larmes montraient la douleur qu'avait eu ses pas, mais aussi cette libération tellement importante et plaisante. Elle avait réussi. Il fallait maintenant qu'elle ouvre les yeux, mais cela n'était plus compliqué. Elle avait réussi, et cela lui avait fait un bien fou. La chose qu'elle voulait à présent, c'était de recommencer.

Lucia ouvrit cependant les yeux, et son regard se tourna automatiquement vers la partenaire qui l'avait emmené vers ici. Elle s'attendait à la voir réagir à sa danse, mais la jeune irlandaise remarqua rapidement que sa camarade avait gardé ses yeux clos, elle n'avait donc vu aucun des pas que Lucia avait fait.

Elle s'approcha donc de sa partenaire, et lui demanda simplement.
- Tu veux choisir la prochaine musique ?

Lucia avait envie de danser, de continuer, de ne pas s'arrêter, son ventre avait arrêté de grogner, son cerveau avait tu toute sensation de faim, il fallait qu'elle continue. Cette étape était tellement libératrice, tellement agréable, tellement... Trop de mots décrivaient la chute de ses maux, l'arrêt de ses pensées, et la fin d'une première page tournée. Même si la peur du regard des autres, du regard d'Éli, n'avaient pas disparus, elle voulait lui tendre la main, danser avec elle, et profiter d'un moment privilégié, sur la scène, ensemble.

Les bruits délicats des mouvements de Lucia accompagnaient la voix grave du chanteur, et je ressentis presque simultanément l'émotion dont elle devait être emplie.
Les faibles notes de piano, délicates, légères, avaient propagé la chair de poule sur mes bras, et l'envie de me lever pour faire à mon tour, passer l'émotion autrement me démangeait, mais je résistais.

Une dernière respiration et le retour au silence, prononcèrent la fin de ce renouveau à l'aveugle. Je n'osais pas encore ouvrir les yeux, j'espérais entendre le son de sa voix pour m'assurer qu'elle allait bien, qu'elle avait réussi à trouver l'apaisement dont elle avait tant besoin aujourd'hui.

Les pas de Lucia se rapprochèrent de moi, et elle rompit le calme, enfin.

J'ouvrais les yeux doucement et me levais pour être à son niveau, ma main gauche se posa sur son épaule, un léger sourire sur les lèvres.
Je n'avais pas envie de parler, pas maintenant.
Le lien qui venait de s'inscrire entre nous, sûrement invisible aux yeux des autres, n'était pas construit de mot.

Elle avait envie de continuer et m'invitait à poursuivre avec elle.
Je savais exactement la musique que j'avais besoin d'entendre à cet instant, l'émotion que j'avais envie de lui transmettre.
M'approchant de la petite boite, les mains fébriles de savoir le moment important, je lançais la mélodie.

A peine débutée, la musique entraîna mon corps en un instant, mes heures de cours, mes pas, tout rejaillissait comme piloté par un marionnettiste fantôme. Je ne dansais pas vraiment, mon corps était juste transporté, et jouait seul tel un pantin.
Ce n'était même plus ma volonté qui dirigeait, c'était devenu mon instinct qui parlait sur cette scène, et je savais qu'il allait forcément entraîner le sien.

Ici et maintenant, nous n'étions que deux âmes dansantes, nos émotions à fleurs de pas.




@Lucia Varalta

Sa camarade ne lui répondit pas, enfin, pas par des mots, mais sa main posée sur son épaule et son sourire voulaient tout dire. Aucun mot ne pouvait avoir plus de valeurs que le geste qu'elle venait de faire. Elle venait d'encrer ce moment, de le rendre hors du temps, de supprimer tout ce qui pouvait s'être passé avant, tout ce qui se passerait après. C'était juste aujourd'hui, et c'était juste maintenant. Ce calme permit à Lucia de respirer, de reprendre possession d'elle même entièrement, aujourd'hui, elle existait.

Éli lança une nouvelle musique en s'approchant de la boîte magique. Celle-là, Lucia ne l'avait jamais entendue. Mais dès les premières notes, elle se sentit emportée, transportée par la musique. Et l'effet sembla être le même pour la brune qui l'accompagnait. Celle-ci se mit à danser, laissant son corps transporté par la musique. Certes, elle ne l'avait pas vu danser sur la chanson précédente puisque ses yeux étaient clos, mais Lucia venait de comprendre une chose, leurs danses avaient le même sens, et la même direction. Peut-être que parfois Éli danser en contrôlant chacun de ses pas au millième de centimètre près, mais ce n'était pas toujours le cas, et lorsque sa danse était faite pour vider tout ce que son cœur ne pouvait pas exprimer, son esprit laissait place à ses pas, son corps prenait le contrôle, ou le perdait, c'était difficile à faire la distinction à cet instant précis. La jeune irlandaise ferma alors les yeux, se recula de quelques mètres de sa camarade pour ne pas lui rentrer dedans, et se laisser transporter à son tour par la musique. Son cerveau en pause, le regard des autres oublié, elle était là, juste elle, son corps, et la musique. Les pas d'Éli accompagnaient sa danse, mais elle sentait au fond d'elle, qu'elles étaient toutes les deux seules, dans une même pièce, sur une même musique, mais dans un monde qui n'appartenait qu'à elles.