Le train venait de quitter la gare et Louie faisait partie des derniers montés. Il avait embrassé ses parents à la hâte, surexcité à l'idée de se retrouver à Poudlard. A présent cependant, il était face à la dure réalité que se languir n'allait pas faire accélérer le train. Il devait trouver une voiture, s'y installer et patienter sagement jusqu'à son arrivée à l'école. A l'école de magie. Où il allait apprendre la magie. Difficile de patienter sagement avec cette perspective en tête. S'il n'avait jamais douté de son existence comme les vrais né-moldus, il n'avait jamais été confronté à ce monde. Malgré leurs dons, ses parents avaient décidé de l'élever parmi les gens ordinaires, et dans quelques heures, il allait se retrouver dans un des endroits les plus magiques de Grande Bretagne.

Le coeur battant la chamade à cette idée, il traversa les voitures, chacune trop remplie à son goût. Après avoir marché quelque temps en portant sa malle à deux mains, il trouva un compartiment qui était presque vide. La personne qui y était assise était un garçon très fin à l'apparence réservée, ses yeux verts assez inexpressifs sur son visage clair. Tout de suite, la curiosité écrasante de Louie lui envahit l'esprit. Que connaissait-il sur le monde sorcier ? Qu'avait-il à lui révéler ?

" Salut, je peux me mettre là ? "

Il avait formulé sa demande avec une grande amabilité, un sourire chaleureux et authentique sur le visage, trahissant à peine son intérêt et son excitation. Pourtant, il avait déjà un pied dans le compartiment, pressé de poser sa malle et son derrière après avoir vadrouillé d'une gare voisine à l'autre.

Taelis posée sur la petite table du compartiment dans sa cage, son sac à dos sur la banquette, Aeden regardait avec ennui les sorciers gambader sur l'autre quai en attendant que le train se mette en marche et quitte la gare de Londres. Contrairement aux années précédentes, il ne furent que quatre à voyager jusqu'à la capitale, étant donné que la plus grande de ses sœurs avait terminé ses études à Poudlard en juin dernier. D'un côté, il ressentait une certaine satisfaction de ne plus à la croiser au détour d'un couloir. Mais de l'autre, il restait toujours la cadette de la famille - la pire. Également répartie à Serpentard, il devait côtoyer Anna bien plus souvent qu'Elizabeth, et ce pour encore quelques années. Si seulement on le laissait prendre son propre balai et rejoindre la gare de King’s Cross par ses propres moyens, il pourrait ainsi éviter les quelques minutes en mauvaise compagnie.

La seule chose à laquelle le garçon pensait à cet instant était de revoir sa baguette magique. À priori, rien n'avait changé dans sa tête depuis la fin du mois de juin, jour où il avait dû la donner à un agent du Conseil avant de reprendre le Poudlard Express pour rentrer chez lui.

Autant de jours sans pouvoir la toucher ou la manier ne serait-ce qu'un peu sans lancer de sortilège avaient été si long et pénible qu'il s'était permit, sur un coup de tête, d'emprunter celle de son oncle en visite au manoir lorsqu'il avait le dos tourné. Une fois en sa possession, il avait fermé les yeux de longues minutes en s'imaginant avec son propre catalyseur en main, tournant sur lui même tout en faisant des gestuelles des premiers sorts qui lui venaient en tête. Le retour à la réalité avait été si brusque qu'il s'était demandé si l'emprunter quelques instants avait vraiment été une bonne idée ou si l'excitation du moment allait lui provoquer un plus gros manque pour le restant des vacances.

La porte de la cabine s'ouvrit tout à coup, sortant le flagois de ses pensées. Son regard se posa sur celui du jeune garçon qui semblait si différent du sien. Aeden pouvait percevoir tout l'enthousiasme qui l'habitait à travers ses yeux bruns - ou noirs, c'était difficile à dire sur le moment. "Vu son excitation, c'est un nouveau qui a trop hâte d'arriver à Poudlard ça." L'adolescent n'eut même pas le temps de le stopper pour lui demander de se présenter qu'il avait déjà posé un pied à l'intérieur. Il n'avait aucune envie de partager son compartiment avec un né-moldu excité comme une puce de découvrir une école qui devrait lui être interdite d'accès.

— Et là, pas si vite mon ami..., le coupa-t-il en plein dans son élan, la paume de sa main dirigée vers l'avant. "Manquerait plus qu'il ait l'impudence de s'asseoir celui-là." Quelqu'un doit arriver et il déteste par dessus tout avoir de la mauvaise compagnie, si tu vois ce que je veux dire...

Le manipuler avec un petit mensonge était l'une de ses meilleures techniques pour obtenir ce qu'il souhaitait. Il ne restait plus qu'à espérer qu'il comprenne le sens de sa dernière phrase.

Louie haussa un sourcil. Le poids de ses bagages commençait à faire son effet sur ses pauvres épaules, aussi il posa sa malle à la verticale sur le sol devant lui.

Le première année remarqua la chouette sur la table. Bien que cela paraissait étonnant, il ne l'avait pas tout de suite remarquée en ouvrant la porte du compartiment, probablement trop soucieux de se trouver une place dans le train : il lui lança un air curieux, un instant. Louie se souvint alors d'avoir vu sur sa liste de fournitures scolaires qu'il était possible d'aller à Poudlard avec un animal de compagnie, bien que le choix était restreint à certaines espèces comme les chats, les chouettes ou les hiboux. Il avait déjà préparé le terrain pour demander à ses parents un oiseau : il comptait les avoir à l'usure avant sa quatrième année.

Le jeune garçon avait toujours été fasciné par les oiseaux : bien qu'il n'ait jamais pris le temps de bien renseigner sur eux, il s'était toujours senti attiré par ces animaux. Parmi eux, les chouettes étaient très belles et celle sur la table n'était pas une exception, mais il avait d'abord à régler le problème de son camarade réticent s'il voulait avoir une chance de l'observer de plus près - cela présupposait que le garçon accepte de l'avoir assis avec lui, ce qui semblait mal parti, pour une raison qui lui échappait - l'enfant ayant été élevé à la moldue, il était loin d'avoir le complexe de supériorité des Sang-Purs en tête, bien qu'il était au courant du problème en raison de sa famille du côté de sa mère.

" Non, pas vraiment, dit-il alors, sans arrière pensée apparente : il semblait simplement un tantinet embêté par le fait d'être retenu dans une conversation chargé de bagages. Je peux trouver un autre compartiment, si tu penses que ton ami ne supportera pas la vue d'un première année, conclut-il de façon un peu hasardeuse en lançant un regard pressé dans l'allée. "

Il n'avait pas vraiment envie de passer son premier trajet dans une ambiance tendue à cause d'une paire de garçons trop select dans leur choix d'êtres humains de prédilection - ou bien peut-être s'agissait-il d'un simple malentendu qui allait se régler dans les quelques instants qui suivaient.

Les paroles du Serpentard semblaient l'avoir quelque peu agacé, effaçant le moindre élan de sympathie qui pouvait émaner de l'autre garçon en moins de trois secondes, et c'était assez compréhensible vu la façon dont Aeden lui avait parlé. Être stoppé aussi sèchement alors qu'il était très probablement entré sans intentions cachées, ne souhaitant sûrement que faire le trajet jusqu'à Poudlard dans la bonne humeur et rien de plus.

Le problème, c'était que le jeune Solis ne se posait pas ce genre de questions avant de parler. Et la réaction de l'autre brun à sa réponse montrait que ce n'était pas ce à quoi il s'attendait, lui qui avait lâché sa grosse malle sur le sol à cause du choc - ou alors de son poids, ce qui était aussi possible. Quel manque de bol de tomber sur le compartiment du troisième année pour un premier départ.

"Je suis pas tombé sur le centaure le plus intelligent du troupeau moi..." Le nouveau n'avait alors vraiment pas compris le sens de sa phrase ? Tout le monde aurait comprit le sens de sa phrase normalement, mais pas lui.

— Mais nooon, t'as rien compris..., souffla-t-il en surjouant son agacement. "Pourquoi je voudrais pas d'un première année d'ailleurs ?" Non, c'est plutôt à cause d-

Une idée de folie traversa l'esprit d'Aeden en même temps qu'il cherchait ses mots, s'arrêtant en plein milieu de sa phrase et se levant d'un bond de la banquette en claquant ses pieds sur le sol. Taelis se réveilla en sursaut et observa la scène depuis sa cage, lâchant un petit hululement d'incompréhension. L'adolescent s'avança ensuite vers la porte coulissante avec son regard indifférent de tous les jours, passant juste devant le nez du sorcier, et se mit à observer le couloir de droite à gauche.

— C'est bon, il est pas encore arrivé. Du coup, reprit-il en baissant le volume de sa voix pour ne pas être entendu d'une potentielle oreille indiscrète, se rapprochant du gamin mais en gardant une certaine distance "de sécurité". Il n'aime pas les sorciers impurs, avec du sang moldu dans les veines tout ça tout ça.

Lorsque le garçon aux yeux verts s'approcha, Louie se cambra légèrement pour s'assurer qu'ils n'étaient pas trop proches : son refus laisser le premier année s'asseoir dans le même wagon que lui donnait un côté dérangeant que le plus jeune n'avait pas l'habitude de percevoir chez ceux de son âge.

Il s'apprêta à protester lorsqu'il passa juste devant lui, ouvrant la bouche en fronçant les sourcils, mais quand il compris que c'était pour lancer regards furtifs dans l'allée avant de parler à voix basse, Louie perdit sa mine méfiante pour un air intrigué. Éternel curieux, il était toujours désireux d'entendre le secret qu'un interlocuteur avait a lui dire.

Ce qu'il entendit cependant le frappa de surprise et d'encore plus de curiosité. Louie était un Sang-Mêlé. Si sa mère était issue d'une famille de sorciers qui se vantait d'avoir une ascendance sans moldus apparents, son père était le premier à naître dans sa famille avec des dons magiques.

Il aurait pu donc être profondément vexé par une telle remarque, mais ses connaissances limitées du monde sorcier combinées à son immense curiosité en ce début d'année l'empêchaient de se sentir ainsi, trop enthousiaste à l'idée d'en apprendre plus. D'un air vaguement détaché pour masquer sa curiosité assez mal placée, il répondit :

" Ici aussi ? Mes parents m'ont dit qu'il n'y avait pas beaucoup de sorciers qui disaient ce genre de trucs, mais tu es le premier à qui je parle en dehors de ma famille et toi aussi, tu parle comme ça. "

@Aeden Solis
253 mots

La réaction de l'autre garçon ne lui avait pas semblé si horrible que ça lorsqu'Aeden lui avoua sa façon de penser. Ou peut-être que le fait de s'être caché derrière un ami imaginaire avait quelque peu allégé le comportement qu'il aurait pu avoir s'il était tombé face à une personne avec les mêmes opinions.

— Mais comment t'as fait pour acheter toutes tes fournitures pour l'école sans parler à un autre sorcier sur le Chemin de Traverse ? Ah, ou alors c'est papa et maman qui ont été obligé de parler à ta place ? demanda-t-il avec une voix plus enfantine, comme si il parlait à un petit bambin. Je me demande comment t'aurais pu t'en sortir si t'étais né 2 ans plus tôt, quand c'était interdit d'accès aux moldus.

Le bon vieux temps, la période où il ne pouvait croiser que des sorciers dans les boutiques de la capitale anglaise. Il n'y avait pas que des vrais sorciers comme lui, mais c'était déjà un bon début de ne pas à avoir ce genre de personnes dans les pattes. C'est bien dommage qu'elle ne dura pas éternellement et que le Conseil les accepta à nouveau dans ces lieux.

Aeden décida ensuite de retourner à sa place sur l'assise puis, une fois bien installé, ignora le jeune adolescent pour s'occuper de sa chouette qui semblait à deux doigts de regagner son sommeil. Il glissa sa main dans son sac et sortit d'une poche un petit paquet rempli de friandises pour le volatile, qu'il tendit en direction du bec de l'animal.