La première fois que Sigmund Charleston était devenu professeur, il croyait encore au mythe des éternelles vacances jalousées par ceux qui exerçaient d'autres professions. Il n'avait pas fait long feu en tant que professeur d'étude des moldus : en réalité, il avait rapidement réalisé qu'il préférait pratiquer qu'enseigner ; et on s'amusait bien plus dans le métro londonien que devant des élèves. Alors, il n'avait pas eu le temps de constater que professeur, c'était bien du boulot. Cette première expérience ne l'avait pas empêché de réitérer l'exercice, et voilà sept mois qu'il portait désormais le chapeau pointu de professeur de botanique. Ça lui allait bien mieux, et il avait développé ce besoin irrépressible de prendre soin des jeunes pousses (les humains, pas les plantes -mais ça fonctionnait aussi pour les plantes) en devenant grand-père, donc l'enseignement lui correspondait au final plutôt bien.

Mais personne -non personne ! ne lui avait dit qu'il fallait travailler pendant les vacances d'été. C'était une honte ; un scandale ! quand il avait bien plus important à penser, et à faire d'ailleurs : son mariage approchait à grands pas désormais. Pourtant, il devait revenir à Poudlard toutes les semaines : les plantes ne s'accordaient aucune pause et demandaient un entretien régulier. Il fallait aussi organiser quelques bricoles çà-et-là, parfois remplir quelques papiers très intrigants et remettre le nez dans les notes vaguement prises durant les six derniers mois pour organiser de manière plus efficace les prochains cours.

Parfois, Sigmund avait même l'impression de sentir la présence d'Archibald dans les serres. S'il craignait de ne pas être à la hauteur, il avait encore plus peur d'une chose : les fantômes, et plus particulièrement ceux des vivants. Les clefs des serres avaient été changées trois fois (il avait prétexté des accidents de botrucs et des dégradations liées aux conditions météorologiques dans ses notes de frais adressées à la direction) dans l'espoir de ne plus voir l'homme grisonnant dans les parages, mais il retrouvait toujours un arbuste taillé par-ci, une plante arrosée par-là. Ça le rendait dingue. Presque plus que de devoir travailler pendant l'été ! Alors il s'efforçait de faire de son mieux ; d'être irréprochable. Il lui fallait tenir encore une année au moins ; après, Elian aurait terminé ses études, et il n'aurait plus à se préoccuper de l'obtention de ses ASPICs. On pourrait ensuite le remercier sans qu'il ne s'en offusque, sa mission aurait été complétée. Mais pardi -encore fallait-il survivre jusque-là au fantôme d'Archibald Featherstone !

Une partie de son travail pendant l'été, c'était de préparer la prochaine rentrée scolaire. Il y avait étonnamment beaucoup à faire. Ce qui le tenait occupé ce jour-là, c'était la rédaction du nouveau règlement des serres de Botanique. Le professeur de Botanique avait lu -et relu encore- la version de son prédécesseur, il ne parvenait à se mettre en accord avec et grimaçait et grognait sous sa moustache face à tant d'absurdités. Armé de la plume verte habituellement réservée aux corrections, Sigmund barrait rageusement toutes les parties jugées inutiles dudit règlement en vue d'élaborer la parfaite version qui dicterait les règles pour l'année 2048-2049 et assurerait -cette fois peut-être pour de bon- sa prise de pouvoir des lieux.

Article 1 – Accès aux Serres de Botanique.

L'accès aux Serres de Botanique est totalement libre en dehors des périodes de cours, si ces dernières sont ouvertes. Lorsqu'un cours a lieu, seuls les élèves participant au cours sont autorisés afin de garder un minimum d'ordre dans la classe. Veuillez pour cela vous référer à mon emploi du temps. Tout élève se trouvant dans les serres hors des horaires autorisées sera sévèrement puni sera invité à quitter les lieux.

Punir les élèves ? Drôle d'idée ! Ce n'était pas en se montrant aussi autoritaire avec les enfants que ces derniers allaient devenir des adultes épanouis et équilibrés.

« Méchant Archibald, » grogna encore Sigmund.

Article 2 – Comportement dans les Serres de Botanique.

Vous êtes priés d'avoir un comportement décent dans les Serres de Botanique et d'être respectueux envers les plantes qui y poussent et envers moi-même. Certaines plantes peuvent être sensibles, il est donc interdit de les toucher, ni de leur dire du mal. N'arrosez pas les plantes sans ma permission, certaines peuvent déjà avoir été arrosées et d'autres ne le nécessitent pas forcément !

Je sais qu'il peut faire chaud dans certaines serres, mais je vous demanderai de bien vouloir garder une tenue appropriée, comme partout dans l'école. Restez calmes et silencieux également.

Tout élève que je surprendrai à maltraiter mes plantes sera puni à hauteur de son imbécillité. Je suis en droit de vous refuser l'accès aux serres si votre comportement n'est pas adapté.

Merci de respecter les plantes, vos camarades et le personnel travaillant dans les serres lors de vos visites dans ces dernières, et pendant les cours.

Il n'est pas respectueux d'avoir un comportement inapproprié.

À priori, le règlement était parfaitement clair et semblait, aux yeux du professeur Charleston, tout à fait dissuasif pour ne pas commettre d'impairs.

Article 3 – Les Cours.

Pendant les cours de Botanique, les règles de l'Article 2 s'appliquent. De plus, je vous demanderai de rester calmes et concentrés. Je suis disponible à tout moment pour répondre à vos questions, et mon bureau est ouvert aux mêmes horaires que les serres si vous voulez me contacter. et les horaires de mon bureau sont indiquées sur ma porte si vous souhaitez me tenir compagnie.

« J'espère qu'ils viendront me voir tous-les-jours. » Il s'était parfois senti un peu seul, l'année précédente.

Des manuels sont mis à votre disposition à la bibliothèque et également dans les serres de Botanique. Les ouvrages présents dans les serres peuvent être empruntés, mais il faut m'en faire la demande afin que je puisse m'assurer de leur retour. librement tant que vous remplissez bien les fiches d'emprunt laissées à disposition.

Pour rappel, les cours ne sont pas facultatifs, et ce n'est pas parce que c'est de la Botanique que l'école buissoninière est autorisée. Pour chaque absence, un justificatif vous sera demandé, et vous devrez rattraper les cours ratés. Si j'apprends que vous séchez les cours, vous devrez non seulement rattraper ce que vous avez raté, mais venir en retenue pour assimiler que la Botanique est une matière importante dans votre cursus.
Votre présence à chaque cours de botanique est obligatoire. En cas d'absence, un justificatif sera demandé. Si vous n'avez pas de justificatif, nous discuterons autour d'un petit thé.

Article 4 – Matériel de Cours.

Pour les cours de Botanique, il vous sera demandé d'avoir des gants protecteurs et des bottes ou vieilles chaussures. Une paire de cache-oreilles peut être utile, notamment pour les élèves ayant l'étude des Mandragores dans leur programme, mais je peux en fournir si besoin. Pour tout oubli de matériel, je vous fournirai celui de l'école ; je vous conseille vivement d'apporter les vôtres car les gants et les bottes fournies par l'école ne seront pas forcément à votre taille et sont un peu vieux. Donc si vous souhaitez garder une bonne image auprès de vos camarades, ramenez votre propre matériel.

Des arrosoirs, de la terre, des billes d'argile et tout autre instrument de Botanique sont mis à votre disposition. Vous êtes priés de ne pas les abîmer et de les utiliser avec soin, Tout matériel cassé sanctionnera son auteur et tout débordement vous expulsera hors des serres de Botanique. s'il vous plaît.

Article 5 – Les Devoirs de Botanique.

Les devoirs que je vous donne ne sont pas facultatifs et doivent donc être rendus dans les temps si vous ne voulez pas vous voir attribués un Troll. Ils sont à faire seul et toute triche sera sanctionnée par la note minimale et une retenue, j'autoriserai certains devoirs communs pour les travaux de groupes. Merci de faire vos devoirs. Il n'y aura personne pour vous aider pendant vos examens : rendez-vous service vous-mêmes en apprenant et révisant bien vos cours ! L'entraide est acceptée et même encouragée dans la réalisation de vos devoirs. Veillez simplement à rendre des copies individuelles et personnalisées.

Des devoirs pratiques vous seront donnés. Vous avez la possibilité de venir aux serres en dehors des cours pour vous exercer.


Article 6 – Le Bureau du Professeur.

Mon bureau n'est accessible qu'avec mon autorisation. Si vous n'y avez pas été invité, vous serez très sévèrement puni, je conseille donc de ne pas tenter cette intrusion. Sachez de plus que je m'y trouve jamais loin. Si je n'y suis pas, c'est que je suis dans les serres. Sentez-vous libres de venir me rendre visite. J'ai toujours des petits biscuits dans mon bureau.

Les horaires d'ouverture de mon Bureau sont celles des serres de Botanique. indiquées sur la porte.

« C'est bien, comme ça. Ça me paraît pas trop mal. Archibald en avait écrit beaucoup pour pas grand chose, au final. » commenta-t-il à voix haute.

Et il y avait tout un article sur les objets interdits ? Bah, ça coulait sous le sens ! Celui-là était parfaitement inutile, alors Sigmund le raya simplement sans aucune forme de reformulation ou simplification.

Article 7 – Objets interdits.

Les objets interdits partout dans l'école le sont évidemment dans les serres de Botanique.

Sont, de plus, interdits tous les objets pouvant nuire au silence et aux plantes se trouvant dans les serres. Les objets coupants et inflammables provenant de l'extérieure des serres sont prohibés. Un panier, enchanté pour être extensible, est mis à l'entrée des serres pour y laisser les objets que vous portez sur vous et n'étant pas autorisés.

Tout élève surpris avec un objet interdit se le verra confisqué et une heure de retenue lui sera infligée.

« Mais d'ailleurs, je ne suis pas obligé de mettre en place un règlement.. ? Il y en a déjà un dans l'école de toute façon. Et la liberté d'expression et d'agir des élèves, hein ! » Les bras croisés, il se renfonça dans son siège, l'air soudain bougon.

Il s'apprêtait à tout déchirer quand une idée lui vint : oui, quitte à avoir un règlement, autant parler un petit peu de la serre N°6. Elle était devenue un lieu libre d'accès aux étudiants, aussi bien pour les plantes que pour passer du temps entre amis ou pour consulter quelques ressources. Peut-être pouvait-il accorder une petite chance supplémentaire à ce règlement, même s'il préférait définitivement une certaine forme... d'anarchie.

Article 7 – La serre N°6

La Serre N°6 est mise à disposition des élèves afin de leur offrir un lieu où entreposer et entretenir leurs plantes. Vous pouvez y déposer vos plantes en remplissant sur place un simple formulaire. Leur entretien est ensuite de votre responsabilité : vous pouvez vous référer aux horaires indiquées pour venir vous occuper de votre ou vos plante.s.

En cas de non-entretien des plantes laissées dans la serre, je m'en chargerai et me réserverai le droit d'adopter les abandonnées.

La Serre N°6 offre également un espace convivial où se tiennent des ateliers mensuels ouverts à tous les élèves. Des ressources et livres sont consultables sur place. Certains peuvent être empruntés en remplissant un petit formulaire d'emprunt.

Voilà, c'était bien mieux ainsi. Il relut une dernière fois pour s'assurer d'avoir bien supprimé toute mention d'une punition éventuelle. Ses supérieurs seront probablement très satisfaits d'apprendre qu'il a tellement d'autorité qu'il n'a jamais besoin de punir ses élèves.

Quand il se sentit pleinement satisfait de sa version revisitée du règlement d'Archibald (il n'aurait jamais pu écrire une telle œuvre lui-même : c'était définitivement trop d'articles différents et de règles), il entreprit sa réécriture au propre. Ouf, la journée de travail était enfin presque terminée !