Aujourd'hui était enfin un jour de renouveau pour moi. Il était temps d'avoir une petite discussion avec la patronne. Depuis le temps que j'avais besoin de changer mes conditions de travail, il était temps que j'en parle. Que ce soit olfactif ou au niveau du comportement, tout indiquait que ce n'était plus qu'une question de jour avant que notre collaboration ne vire à l'explosion. Et après examen de ce que j'en pensais, je me surpris à me trouver satisfaite de ma décision ! Elle était trop stricte, à cheval et maniaque sur les règles, on ne pouvait pas s'amuser avec elle... Bon, certes, il faut dire que ma personnalité n'aidait pas.

J'étais impatiente, excentrique, exubérante, taquine, je n'avais pas la langue dans ma poche et j'étais impulsive. Je cherchais surtout à me divertir de mon éternel ennui, autant dire qu'avec cette patronne... La discussion était inévitable, il fallait redresser la barre et revoir certaines choses avec mon contrat. J'avais absolument besoin de prendre l'air et de négocier certaines vacances.

Toc-toc, qui était là ? C'est moi, allez ouvre-moi Agatha, j'ai quelque chose pour toi. En passant ma tête par l'ouverture de la porte, je lui lançai un regard taquin accompagné d'un sourire tout aussi amusé.

- Belle matinée, pas vrai ? Je ne te dérange pas j'espère ?

Agatha se souvenait avoir vu en France un film moldu dans lesquel le personnage principal répondait "Comme un lundi". Cela traduisait tout à fait ce qu'elle ressentait en matin de début de semaine. Ca allait. Comme un lundi, quoi. Agatha expira profondément : en cette période estivale, il y avait tant à faire, et de problèmes à régler. Il fallait régler ces factures, trouver un moyen de ramener Izel au Royaume Uni pour les vacances, satisfaire les sorciers qui se pressaient à l'auberge dans le but de faire les emplettes, et gérer son personnel. Stéphanie, en particulier, l'épuisait. Son manque de respect pour la hierarchie, sa tendance a offrir des verres à toute les jolies jeunes femmes qui passaient la porte, ou ses accrochages avec des clients, comme l'adolescente Bristyle étaient autant de gouttes qui remplissait un vase rétrécit par la fatigue de la gérante du Chaudron. Agatha avait besoin de vacances.

La propriétaire du Chaudron ne comptait certainement pas renouveller le contrat de la serveuse. Servir des verres excellents étaient un plus, mais Agatha ne souhaitait pas s'infliger de migraine pour un avantage aussi minime. A vrai dire, elle avait failli la renvoyer en avril, mais lui avait laissé une dernière chance. Elle avait signé un formulaire, et aimait respecter sa parole. En parlant du loup, qui vient de passer sa tête à travers l'embrasure de la porte comme une fleur ? C'était peu dire que Lillith savait choisir ses moments.

Il lui en coutait un peu, mais Agatha aborra un sourire poli et se leva pour lui ouvrir ma porte et lui proposer une chaise.

- Excellente. Entre Stéphanie. Que me vaut le plaisir de ta visite ?

En se rasseyant, avant que Stéphanie ait pu ouvrir la bouche, Agatha décida de mettre les deux pieds dans le plat.

- D'ailleurs, je voulais aborder avec toi le sujet de la fin de ton contrat. Je ne compte pas le renouveler, donc peut être est t'il temps pour toi de commencer à chercher quelque chose pour la suite ? Je suis prête à te faire une lettre de recommandation acceptable.

J'écarquillai les yeux une brève seconde, avant de pouffer de rire en ouvrant la porte en grande et en les fermant. Puis je posai les mains sur mes hanches, en prenant une grande inspiration, avant d'expirer tout aussi lentement. Wow. Agatha allait me simplifier la tâche, depuis le temps que je commençai à hésiter de démissionner si rien ne changeait, on pouvait dire qu'elle tombait à pic ! Je n'avais malheureusement pas eu le temps d'écrire une lettre de démission, ni quoi que ce soit. Mais bon, au moins, ça m'éviterait d'avoir à faire un abandon de poste et de démissionner ! Être viré, c'était marrant, au moins je ne remettrais jamais en question ma décision. Je croisai les bras sur ma poitrine, avant de sourire largement à Agatha.

- Et bien, et bien, on peut dire que tu m'ôtes les mots de la bouche !

Ma main se leva ensuite pour venir frotter mon menton, je calculais combien de temps j'allais prendre pour récupérer toutes mes affaires et quitter les lieux. Je hochai la tête, satisfaite, il ne me faudra qu'une vingtaine de minutes au maximum, parfait. Pas une seconde je ne considérais accepter sa lettre de recommandation. Jamais on ne m'en avait faite, et jamais je n'en aurais besoin, et puis quoi encore ? Supplier un prochain employeur de m'accepter parce que j'avais fait un boulot satisfaisant dans mon ancien job ? Pfff, à d'autres. Mon prochain boulot, je le trouverai seule. J'arquai un sourcil en posant ma main sur la poignée.

- Tu n'auras pas besoin de ne pas le renouveler, ma très chère Agatha, figure-toi que je démissionne !

Je jetai un œil à ma montre.

- Dans vingt minutes, grand max, j'aurais quitté les lieux.

Mon regard remonta pour se poser sur mon ancienne patronne, et je la plaignis un bref instant : comment allait-elle faire la somptueuse, magnifique, incroyable et parfaite Stéphanie Lilith ? Ah la la, sa perte, pas la mienne. Je lui fis un petit salut de l'index et du majeur collé sur mon front en lui faisant un clin d’œil, avant de commencer à tourner les talons.

- Au plaisir très chère !

C'est à peine si le bruit du loquet retentit lorsque je fermai la porte derrière moi, en prenant la direction de ma chambre pour récupérer le peu d'affaires que j'y avais laissé. Je pris une grande inspiration, et me surpris à emplir mes poumons plus pleinement que depuis des mois.

Je fis craquer mes phalanges, j'avais des tas d'idées pour rebondir, mais tout d'abord : il était temps pour moi de m'offrir des vacances !

Chacun sa route, chacun son chemin...
Belle continuation à toi, chère ex-patronne !

Le moins qu'on puisse dire, c'est que Lilith était en forme. Ces derniers temps, elle connaissait des sautes d'humeurs inquiétantes, mais apparemment Agatha avait choisit un bon jour. Merlin soit remercié.
Sa réaction, toutefois, était incompréhensible pour Agatha Birthwhistle, 48 ans, reine de la prévoyance. Démissionner en refusant les indemnités ? Partir en faisant fi de son préavis ? Des gens qui comptait sur elle aujourd'hui ? Stéphanie était un drôle de personnage, mais si les yeux pouvait incendier, le dos de son ancien barmaid et la porte d'Agatha auraient souffert. certes, ce n'était pas légal, et elle aurait pu poursuivre son ancienne employée. Mais à quoi bon ? Elle perdrait simplement plus de temps et d'argent, et cela valait pour les deux. La gérante se croyait fatiguée avant ? Qu'elle attende de voir un rendement en sous effectif au début des vacances scolaires ou chacun faisait ses emplettes sur le chemin de Traverse. Décidément, elle et Diane allaient devoir mettre les bouchées doubles. Triples. Mais annuler ses vacances n'était pas une option, il s'agissait du cadeau d'anniversaire de sa fille. Non, dès aujourd'hui, Agatha irait placer une annonce à la Gazette pour chercher du nouveau personnel, et se montrerait plus selective dans son recrutement. Agatha Birthwhistle née Hemsley n'est pas du genre à se laisser abattre, même si rien dans ce fichu lundi lui semble lui sourire.

Bonne continuation !