Inscription
Connexion

06 août 2023, 16:42
 Turquie   Solo++  Carnets de voyage Tome 18 : Zagan
21 Avril 2036



Dans mon malheur, j'avais eu de la chance : mon enquête à Erzeroum m'avait rapidement fait comprendre que ma connaissance approximative de la langue turque allait être mon principal problème à l'avenir. Après avoir laborieusement compris les indications d'un habitant qui semblait lui aussi vaguement maîtriser l'anglais, j'avais ainsi décidé de mettre à profit les quelques semaines que je pensais avoir devant moi pour m'entraîner à au moins comprendre une conversation. Que Merlin bénisse mon pessimisme, j'avais heureusement prévu un parcours bien plus ardu dans ma recherche du sorcier, ma prévoyance pas le moins du monde émoussée par les derniers mois plus plaisants passés en compagnie d'Aki. Et une fois encore, j'avais eu raison de penser ainsi : sans cela, je n'aurais pas pu compter sur autant de provisions, et par la même occasion dire adieu à ma concentration linguistique.

C'est ainsi que les mois avaient succédés aux semaines et que le printemps chassa doucement l'hiver hors des hauteurs de la ville. Et alors que j'avais bien avancé - pas de quoi m'enorgueillir, mais au moins tenir une conversation, mon passage journalier matinal aux abords de la vieille bicoque à l'écart de la route m'appris que mon attente touchait à sa fin. Fenêtres ouvertes, cheminée laissant s'échapper un mince filet de fumée, il n'y avait aucun doute possible : le sorcier était de retour. La détermination guida alors mes pas de mon campement à l'ancienne demeure alors que mon cœur lui se serrait par un sombre mélange d'appréhension et d'excitation. Si seulement la moitié de ce que j'avais lu ou appris sur lui était vrai, j'allais bientôt me retrouver devant un sorcier devant qui des sorciers encore bien plus âgés que moi seraient tout autant précautionneux que je ne l'étais. Et si la vie m'avait déjà appris à me méfier d'êtres magiques semblant plus faibles que moi, elle n'avait nullement besoin de m'apprendre à me méfier de ceux qui faisaient plus que paraître plus puissants.

Assez rapidement, en m'approchant de la demeure du sorcier, je me rendis compte qu'on m'avait devancé. C'était un jeune sorcier turc d'une vingtaine d'années, assis en tailleur à un ou deux mettre de l'entrée, fixant la porte d'un regard noir. Lorsqu'il le reporta brièvement sur moi, je constatais que je l'avais déjà vu questionner quelques habitants de la ville une ou deux semaines en arrière. Manifestement, nous savions tous les deux être là pour les mêmes raisons et, si je m'en foutais comme de ma première potion, cela ne semblait pas être son cas. À peine le depassais-je que mes observations furent assez rapidement interrompues : quelque chose bloquait mon avancée, expliquant en partie le regard noir de l'inconnu. Résigné quand à la signification de ce blocage, je m'installais le dos contre l'arbre le plus proche, surveillant de mon point de vue improvisé la porte et le jeune sorcier antipathique.

Au bout d'une dizaine de minutes seulement rythmées par le croassement aléatoire d'un corbeau nous observant posé sur une des fenêtres, un autre homme nous rejoint. Plus âgé, sûrement presque autant que je ne l'étais, il afficha un air amusé lorsqu'il ne pu à son tour plus avancer, au même point que nous. Reculant pour saluer l'autre sorcier, l'humeur de ce dernier lui arracha un sourire alors qu'il le quittait pour rejoindre l'arbre qui m'abritait.

- Je vois que la mauvaise humeur repousse aussi bien que la magie, mon ami. Je suis Baqir.*

J'espérais ne pas avoir mal compris les paroles de.. Baqir, mais sa main m'indiquait que mes efforts avaient portés leurs fruits. Je serrais la sienne précautionneusement.

- Suileabhan.

- Süleyman ? Non, ça y ressemble, mais ça ne l'est pas. Süleyvan ? C'est mieux. Et d'où viens-tu, mon ami ?

Je passais de l'agacement à la surprise. Depuis combien d'années n'avais-je pas entendu mon prénom aussi bien prononcé ? À mesure que les années m'éloignaient des Îles Britanniques, je n'avais fait que rencontrer de plus en plus de personnes incapables de ne pas l'écorcher. Qui aurait cru que cela se passerait mieux en Turquie ?

- L'Irlande.

Il parut impressionné.

- À côté, l'Afġānistān parrait toute proche.

À peine Baqir cessait-il de parler qu'une voix gronda de l'intérieur de la maison.

- Vous êtes trois. Je n'en veux qu'un. Partez et revenez deux.


*Les dialogues sont en Turc mais restent écrits en Français par facilité.
@Aki Davis pour la mention

Concierge de Poudlard inRP depuis Septembre 2047.
Rejoignez l'UDS !

07 août 2023, 19:16
 Turquie   Solo++  Carnets de voyage Tome 18 : Zagan
À peine avais-je eu le temps de saisir la teneur des mots turcs qui sonnaient à nos oreilles que je vis du coin de l'œil le premier arrivé se relever vers nous, le regard mauvais. Sans attendre ni perdre de temps, l'expérience de vétéran qui vibrait dans mes nerfs me fit rouler vers la droite, saisissant ma baguette d'une main au passage et me relevant de l'autre. Juste à temps, puisqu'un sort que je n'identifia pas fila en direction de l'arbre.. pour s'écraser sur un bouclier érigé à la hâte par Baqir. Un seul regard dans sa direction m'en appris beaucoup : si j'étais resté, sa barrière m'aurait également fourni une protection.

N'ayant aucun temps à perdre pour m'en étonner ou m'en réjouir, je me contentais de hocher vaguement la tête dans sa direction. L'instant d'après, je m'étais déjà concentré pour lancer un puissant Fumos. Le sort, déjà utile dans un duel, n'en devenait que plus utile lorsqu'il y'avait un ou plusieurs alliés - et heureusement, cela semblait être mon cas ici. Qu'il agisse ou non sur l'écran de fumée, la plupart des adversaires avaient déjà perdu dans cette configuration. Mais je ne vendais pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Me saisissant à pleine main de la colère qui envahissait mon cœur à l'idée de cette attaque et des souvenirs qu'elle m'obligeait à me rappeler, je me glissais sans un bruit derrière le jeune turc.

À quelques pas de son dos, je sentis le vent magique qui finissait déjà de balayer mon dernier sort. Baqir n'en perdit pas une miette et je l'entendis crier une formule inconnue qui stoppa net le souffle aérien de notre ennemi commun.

- Stupefix !

C'est sans aucun remords que je vis ma cible s'effondrer net sur le sol, se brisant sûrement le nez au passage, et laissant échapper son catalyseur. Le jeune sorcier était tombé sur une stratégie simple - cinq ou dix ans de plus, et il aurait pu la contrer sans effort. Il avait manqué de jugeote et d'expérience, principal défaut selon moi de ceux de son âge. Et puis, comme un constat en retrait de ma réalité, je reposais mes yeux sur mon allié improvisé, une partie de moi concluant cyniquement qu'à présent, nous n'étions plus que deux.

Surprenant écho de mes pensées, la porte s'ouvrit alors sur une silhouette dont seule la voix nous était connue jusqu'alors. Zagan. Malgré moi, je me retrouvais à hausser le sourcil devant l'apparence du sorcier. On m'avait vendu un maître centenaire que j'imaginais tout de noir vêtu, et je me retrouvais devant un homme d'âge mûr en robe rouge ornée d'un blanc de soie. Je soupirais intérieurement. La robe ne faisait pas le sorcier, j'étais le premier à l'affirmer, et l'atmosphère était suffisamment tendue pour que je ne me mette plus en danger par simple maladresse.

- Ne pas achever un adversaire n'est pas très sage. Il respire encore. Vous êtes trois, encore.*

Cette fois, ce fut moi qui me retrouvait stupéfié, tout en me maudissant intérieurement. Qu'esperais-je, en venant ici ? Car maintenant, on me demandait de mettre fin à la vie d'un homme. Vraiment ? Devais-je accepter de payer ce prix ? Je sentais ma soif d'apprendre, de puissance jailliir en moi, plus forte à chaque seconde encore. Je pouvais sacrifier beaucoup de choses. Je le devais. Mais une autre vie..? Non. Je n'étais pas aussi assoiffé. Alors, ma colère éclata.

- Vous me demandez de le tuer ? Ce jeune était bête, et mérite d'être puni. Il nous aurait peut-être tué, vous aurait sûrement écouté. Mais vos mots ne trompent pas ! C'est vous qui l'avez poussé à nous attaquer. Vous voulez sa mort ? Tuez le vous même ! Adieu.

- Quel terrible accent.

L'air aucunement troublé, le vieux sorcier marmonna quelques mots que je ne compris pas, avant de reprendre la parole.

- Revenez demain.

Sans aucune intention de répondre, je revenais déjà sur mes pas, bien décidé à ne pas remettre les pieds ici. Soudain, un fort pressentiment me poussa à me retourner comme si ma vie en dépendait.. pour me retrouver avec le regard brûlant de Zagan me transperçant d'intensité.

- Je te suggère de ne plus jamais employer ce ton avec moi. À demain.


*Les dialogues sont en Turc mais restent écrits en Français par facilité.

Concierge de Poudlard inRP depuis Septembre 2047.
Rejoignez l'UDS !

07 août 2023, 21:56
 Turquie   Solo++  Carnets de voyage Tome 18 : Zagan
Oscillant toujours entre précaution et fureur - contre moi autant que contre le vieux sorcier - je me dirigeais sans attendre et d'un pas rapide vers mon campement dressé non loin. Arrivé sur les lieux, ma fureur s'était suffisamment calmée pour remarquer, ou plutôt appréhender le fait que j'avais été suivi. Sans même me retourner, je savais qu'il s'agissait de Baqir. Ce que je ne savais pas par contre, c'était ce qu'il faisait encore ici. Et surtout, j'étais bien trop en colère pour m'y intéresser. Pourtant, il allait bien falloir m'y mettre pour qu'il ne me colle pas plus longtemps dans les pattes.

- Tu as attendu ici tout ce temps ? Pas étonnant que tu sois arrivé avant moi.*

- Tu n'es pas resté là-bas ? Tu n'avais qu'à achever cet enfant pour devenir le nouvel apprenti de ce fou furieux.

J'avais répondu en lui tournant le dos, occupé que j'étais à effacer les divers enchantements de protection dispersés dans et autour de mon camp. Contrairement à ce que j'espérais, ma voix restait chargée des accents de la colère que j'avais inutilement une fois encore tenté de masquer, de leurrer au travers d'une autre activité.

- Doucement, mon ami ! Je ne suis pas un meurtrier.

Légèrement adouci, je soupirais en finissant de récupérer ma tente magique et mes dernières affaires.

- Ce n'est pas parce que je ne suis pas assez fou pour parler ainsi à ce.. vieux fou que je ne partage pas ton avis.

Comme s'il n'avisait que maintenant de mes préparatifs, le sorcier afghan s'écria alors que je marchais, bien décidé à quitter cette clairière et la région avec.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- J'ai assez perdu de temps ici. Je retourne continuer mes recherches.

- Écoute. Réfléchis un instant. Tu n'as pas trouvé la réaction de Zagan étrange ?

Trop énervé pour réfléchir davantage tout en restant conscient qu'il s'agissait d'une erreur, je notais juste ce qui me sembla être l'hésitation de Baqir à prononcer le nom du sorcier. Sa question m'arracha cependant un rire acide.

- Tu veux dire, en dehors du fait qu'il me demande de tuer un jeune passionné ?

Ce fût à son tour d'éclater d'un rire, franc cette fois. Je me retourner pour le foudroyer du regard.

- J'imagine que tu voulais dire idiot, et non passionné. Mais sérieusement, réfléchis. Pourquoi quelqu'un qui te demanderai de tuer un homme nous laisserait partir en nous demandant de revenir le lendemain ?

- Qui suis-je pour juger sa folie ?

Ma réponse avait fusé, mais il est vrai que Baqir soulevait quelque chose, et je sentais ma curiosité poindre derrière mon écran de colère.

- Ce que je veux dire, mon ami, c'est que je pense que tu as fait le bon choix. Pas seulement en temps que sorcier, j'entends, mais également par rapport aux attentes de Zagan.

Repenser à cet homme suffisait à faire repartir ma fureur, mais je savais que mon ami avait au moins en partie raison. Le sorcier, outre ses menaces, n'avait aucune autre raison d'avoir réagit ainsi. Seulement, ma rage ne partait pas, et n'avait pas le turc pour seule origine. Non, j'étais autant sinon plus retourné contre moi-même. L'espace d'un instant, je m'étais questionné, non, j'avais hésité quant à l'idée de tuer l'homme que j'avais mis à terre. Et ce, pour apaiser ma soif de puissance. Cette simple idée me mettait hors de moi. Je devais devenir plus puissant à tout prix, sauf à celui de devenir ce que je voulais combattre. Et cela, j'avais failli l'oublier l'espace d'un instant... Confronté à la réalité de mes choix et de mes attentes, je remettais forcément en cause mon chemin jusqu'ici. Et ça, l'afghan ne pouvait pas comprendre. Ou du moins, c'est ce que je pensais en cet instant.

- J'ai beaucoup sacrifié pour en arriver où je suis aujourd'hui. Je pense que c'est pareil pour toi. Tu penses que ça vaut le coup de partir maintenant ?

Ma colère continuait de gronder, mais j'étais redevenu suffisamment lucide pour savoir que prendre une décision en cet instant aurait été une erreur. J'allais avoir besoin de temps pour réfléchir et analyser la situation.. et Zagan m'avais donné une journée. J'expirais à nouveau, dirigeant cette fois mes pas vers une clairière plus éloignée de la bicoque que celle que je venais de quitter.


*Les dialogues sont en Turc mais restent écrits en Français par facilité.

Concierge de Poudlard inRP depuis Septembre 2047.
Rejoignez l'UDS !

08 août 2023, 00:46
 Turquie   Solo++  Carnets de voyage Tome 18 : Zagan
Je ne fus pas très étonné de voir que Baqir me suivait, pas plus que lorsqu'il se proposa sans un mot pour m'aider à dresser le camp que j'avais démonté quelques dizaines de minutes plutôt. Je n'avais eu aucun mal à trouver un nouvel emplacement, ayant eu largement le temps de repérer la région à mon arrivée et durant le reste de l'hiver. Le silence cessa cependant très vite à mesure que nous avancions : la bonne humeur du sorcier afghan se mua un flot ininterrompu de réflexions, puis de questions et de réponses. D'abord passablement agacé par son attitude tranchant avec ma colère froide, je finis par capituler devant le caractère enjoué de mon compagnon provisoire. Je n'étais plus un enfant depuis longtemps, et n'allait pas reporter ma colère sur autrui tel une manifestation puérile de mes jeunes années.

L'heure du dîner approchant, une fois mes enchantements installés dans la clairière, je décidais de sortir et partager mes provisions avec Baqir, qui me remercia à l'identique en faisant apparaitre des plats qui m'étaient inconnus. Visiblement, à en juger par son absence de bagages et son dernier sortilège, il possédait un point d'ancrage dans la région, sûrement à Erzeroum. En clair, il n'avait pas vraiment de raison pour rester ici avec moi. Alors qu'il m'expliquait ce qui se trouvait sous mes yeux, c'est moi qui pour la première fois relança la conversation.

- Tu t'es installé en ville ?*

- Um ? Ah, oui, une connaissance me prête une chambre pour la durée de mon séjour ici.

- Nous aurions pu nous croiser, alors.

- Non, comme je te disais, je viens d'arriver. Je comptais être en avance, mais m'installer m'aura pris plus de temps que prévu. Tiens, essaie ça !

Ni doué en cuisine, ni doté d'un sens particulier de la gastronomie ou du goût - ce qui avait été particulièrement utile pour ma survie - je n'étais pas spécialement pressé de goûter aux aliments de Baqir. Mais il fallait bien manger et, après quelques bouchées, je devais avouer que cela faisait plusieurs années que je n'avais plus goûté quelque chose d'aussi savoureux. Ce n'était cependant que de la nourriture, pas de quoi s'extasier. Je le remerciais, et nous embrayâmes sur d'autres sujets de conversation. Le reste de la journée fut du même acabit, oscillant entre ce que mon invité et moi voulions bien confier de nos vies - pour ma part, rien de très croustillant. Un moment et fatalement, alors que la nuit commençait à tomber, la conversation dévia fatalement sur ce qui nous avait poussé tous deux à venir ici. Il n'y avait rien à cacher : aucun doute ne planait que chacun d'entre nous, pour une raison ou une autre, cherchait à en apprendre davantage sur la magie noire. Que nous avions fini par entendre parler d'un maître de celle-ci, vieux sorcier du nom de Zagan Selaheddin, vivant aux abords d'Erzeroum. Et que le reste était connu de chacun de nous.

Avant d'aller se coucher, ou plutôt de débuter une longue nuit de réflexion allongée, je sortis une de mes bouteilles de țuică, un de mes nombreux souvenirs de Roumanie.

- Je te sers un verre ?

- Ne te donne pas cette peine, mon ami. Ne vois pas cela comme une offense, mais chez moi, nous ne buvons pas d'alcool.

- Pardonne-moi, je l'ignorais. C'est ta.. religion, c'est ça ?

- Je suis croyant, oui.

Nous passâmes le reste de l'heure à échanger sur les croyances de nos pays natals respectifs, avant que je rentre seul dans ma tente, Baqir m'assurant avec un sourire qu'il n'avait besoin de rien pour passer une bonne nuit. J'avais déjà bien assez à penser pour lui demander de m'éclairer à ce sujet, et ainsi me retirais-je pour la nuit. Repassant dans ma tête les évènements de la matinée, je finis difficilement par conclure que la vision de Baqir était la bonne. Je n'avais tué personne pour atteindre l'objectif que j'allais peut-être pouvoir atteindre demain. Ma route avait été longue pour en arriver jusque là. Rien que pour cela, je ne pouvais pas faire machine arrière.


*Les dialogues sont en Turc mais restent écrits en Français par facilité.

Concierge de Poudlard inRP depuis Septembre 2047.
Rejoignez l'UDS !

08 août 2023, 15:27
 Turquie   Solo++  Carnets de voyage Tome 18 : Zagan
22 Avril 2036



J'avais fini par m'endormir plus tôt que je ne le pensais, puisque je me réveillais à l'aube sans ressentir le poids de la fatigue d'un court repos nocturne. La nuit avait porté conseil, c'était certain, puisque la colère avait fait place à la détermination mêlée d'anxiété qui caractérisait bien mon objectif du jour. Une rapide toilette plus tard, je sortais de ma tente, décidant au passage de me passer de mon Irish Team matinal pour aujourd'hui, même si je le regrettais déjà. Je n'avais tout simplement pas le temps pour, et désirais éviter une nouvelle crispation de Baqir - même s'il m'avait assuré qu'il n'y avait pas de problème, je l'avais senti se tendre alors que je finissais mon verre de țuică.

Cette dernière précaution se révéla être inutile : après être sorti de ma tente, je ne mis que quelques instants pour m'apercevoir que l'afghan m'avait faussé compagnie. Je ne m'étonnais pas outre mesure. Me souvenant de nos discussions, j'estimais qu'il était parti rejoindre la chambre qu'on lui prêtait à Erzeroum. Sans y penser davantage, je vérifiais que mes enchantements étaient toujours en place, avant d'emprunter en sens inverse mon errance d'hier. Une dizaine de minutes plus tard, je me retrouvais aux abords de la maison, déjà occupés par Baqir. Cette fois, il m'avait précédé. Je le saluais d'un hochement de tête, et il me répondit d'un sourire en coin. Un rapide examen des lieux m'appris que comme si cela n'avait été qu'un rêve, il n'y avait plus aucune trace de notre affrontement d'hier, pourtant bien réel. C'est à cet instant que la porte s'ouvrit pour la seconde fois, révélant encore une fois le vieux sorcier au regard imperturbable.

- Vous êtes deux mais je n'en veux toujours qu'un. J'ai plusieurs tâches à vous confier. Puis, je ferais mon choix.

Après les réactions d'hier, j'étais prêt à tout.. sauf à entendre ce que Zagan nous demanda ensuite.

- Cela fait des lustres que je n'ai pas bu de țuică. Rapportez-en moi.

Stupéfait par la demande du sorcier, je restais interdit. Quel pouvait être le rapport entre un mage noir turc et de l'alcool roumain que je savais d'ailleurs pouvoir trouver dans mon paquetage. M'étais-je trompé, était-il vraiment fou ? Ou devais-je filer en récupérer une bouteille et en finir avec cette tâche ? Tout à mon questionnement, je remarquais que d'un mouvement, Baqir sortit un objet en verre que je ne connaissais que trop bien... Ma bouteille ! Ce fils de troll m'avait volé ma bouteille à peine entamée, et me gratifiait même d'un clin d'œil en l'offrant au sorcier ! Ma fureur était telle que j'entendis à peine et ne m'énerva pas plus lorsque le vieux sorcier fit son commentaire.

- Je n'ai jamais précisé de moyen d'en obtenir. Ça fera l'affaire.

Trop en colère pour réfléchir sur l'incongruité de la situation, ma rage éclatait face aux deux hommes qui ne semblaient pas s'en soucier, ce qui me mettait hors de moi. La trahison de l'afghan serait chère payée, je l'aurais juré sur tous les anciens dieux.

- Il y'a des ours dans la région. Rapportez-en un. Sans le tuer.

Et voilà qu'il continuait avec ses tâches insensées. Baqir me lança un sourire provocateur.. auquel je répondis avec un rictus sombre. Au travers de ma colère, j'avais aperçu une solution qu'aucun d'eux n'aurait pu anticiper, et me débarrasser du traître et de la tâche le plus rapidement possible. Dans ma situation, mon idée n'en serait que plus difficile, mais je serais les dents pour enfermer un instant ma colère et en appeller aux meilleurs souvenirs de mes années difficiles.

- Expecto patronum !

Sortant d'un éclat lumineux apparut la matérialisation de ce sort que je n'avais plus utilisé depuis mon départ de Poudlard : un grand ours noir comme formé d'une lumière blanche, se dressant immédiatement sur ses pattes arrière. Tel un avertissement, il ouvrit grand la gueule pour rugir un cri inaudible avant de retomber sur ses pattes, menaçant. Et pourtant, alors que nul n'osait plus parler, ce fut un grand éclat de rire perturba la scène. S'en était trop, je..

- Silence, Baqir.

- Pardon, Maître, mais en dix ans, je n'avais jamais vu ça, et je crois que vous non plus. Gardons le ! Vous savez que j'appréciais beaucoup Jared, mais il est clair qu'il a beaucoup plus de potentiel que lui.

- J'aurai du m'occuper de ta langue il y'a des années. Je voulais observer encore, et éviter une décision hâtive.

- L'erreur de Jared n'est..

- Baqir, ça suffit. Mais maintenant que tu m'a forcé la main, je ne peux plus revenir en arrière.

Mon incompréhension face à la situation était telle que, pour la première fois de ma vie, ma colère vida complètement mon corps et me laissa comme épuisé. Et puis, je cru comprendre. Il restait encore des parts d'ombre mais, depuis le début, les deux sorciers se jouaient de moi, et étaient déjà élève et maître. Aveuglé par ma colère, je les avait laissé me manipuler. Cette fois, la colère qui remontait resta sourde, au fond de mon cœur.

- À genou, vous deux.

- L'apprenti Baqir salue Maître Zagan.

Ciblé par le dégâts perçant du sorcier, je me décidais après une hésitation à imiter les mêmes salutations visiblement attendues. Je mis donc un genou à terre, essayant de me souvenir des mots exacts prononcés par Baqir.

- L'apprenti Suileabhan salue Maître Zagan.

- À compter d'aujourd'hui, moi, Zagan, accepte l'apprenti Suileabhan comme son second disciple, jusqu'à ce que l'un de nous trépasse.

Relevant la tête, je pu observer un court instant une once d'émotion dans le regard de mon nouveau maître, Zagan.

Fin du Tome 18
Prochainement..

Concierge de Poudlard inRP depuis Septembre 2047.
Rejoignez l'UDS !