A peine Lucia avait-elle lâché le titre de la chanson dont les notes venaient de s'arrêter, qu'Éli avait prit le relais, donnant les paroles de la suite du refrain. Sa camarade semblait avoir compris, par sa réponse, ce que ressentait Lucia, et plus encore, venait de lui tendre la main en s'arrêtant avant la fin des paroles. Cette fois, le coeur de la jeune rousse était trop sensible. Les larmes coulèrent directement, et elle ne chercha pas à les essuyer. C'était comme si elle avait gagné une partie de sa confiance en trouvant les bons mots, en ne partant pas tout de suite. Mais maintenant qu'elle était restée, Lucia devait réussir à parler, et ce n'était pas encore chose acquise.

L'annonce de sa non-solitude fut encore plus difficile à entendre. Bien sûr que si elle était seule, ou plutôt elle avait besoin d'être seule. A moins que ça ne soit son cerveau qui lui faisait croire ça ? Est-ce que ce n'était pas elle qui s'était créée sa solitude elle-même ? C'était compliqué à savoir sans avoir de recul. Les relations sociales lui manquaient un peu en effet, mais elles lui demandaient tellement d'efforts, et celle-ci n'y faisait pas exception. Elle devait affronter la réalité en face, et c'était la chose la plus dure qu'elle pouvait faire. Affronter en face ses larmes, ses émotions, ses peurs. Mais est-ce que ce n'était pas le chemin pour les voir disparaître ?

En vérité, elle n'avait pas la réponse, et il y avait peu de chance qu'elle l'ait un jour. Mais l'envie d'y croire y était. Une chose venait de changer, elle voulait que tout redevienne comme avant. Comme avant les vacances de Noël, et pourtant, elle ne savait pas ce qu'il s'était passé. Qu'est-ce qui avait fait tout changer comme ça ? Quel avait été l'élément déclencheur ? Elle n'en avait aucune idée, et pourtant, tout avait changé depuis ces vacances. Elle n'était plus la même, ou plutôt si, elle était redevenue celle qu'elle était il y a deux ans. Avant que Poudlard ne change tout autour d'elle. La magie était bien réelle, et elle avait pu en profiter longuement. Y-avait-il quelque chose qui avait changé, la magie avait-elle perdu l'effet qu'elle avait eu ? Sa place à Poudlard était-elle toujours la même ?

Le fait qu'Éli reste à ses côtés lui donnait envie de répondre que oui, sa place n'avait pas changé, ou plutôt, elle venait d'être confirmée. Sa camarade voulait l'aider, peu importe ce qu'il se passait, elle était là, et elle voulait l'aider. Et ça valait beaucoup de choses aux yeux de Lucia. Il fallait qu'elle la remercie, mais comment ? En parlant ? C'était tellement difficile, pour ne pas dire impossible. Les larmes coulaient réellement depuis quelques secondes, et parler en pleurant n'était pas le fort de Lucia. Et pourtant, il fallait qu'elle réagisse, qu'elle montre qu'elle l'ait compris, entendu, écouté. Son premier réflexe fut de tourner la tête vers sa camarade, attraper son regard était trop compliqué, mais se rapprocher d'elle par ce premier pas était déjà quelque chose qui pouvait être vu par son amie.

- Comment tu peux en être si sûre ?

Elle n'était pas sûre que la provocation soit la meilleure des solutions, mais les phrases courtes étaient les seules possibilités de paroles qu'elle avait à ce moment-là, et elle ne savait pas quoi dire d'autre.

Tout comme cette chanson déclenchait une certaine émotion chez Éli à chaque fois, Lucia juste à côté semblait être profondément touchée elle aussi. Des larmes roulaient le long de ses joues, marquant un peu plus son mal être à chaque nouvelle goutte salée.

Sans savoir si elle avait bien fait de rentré dans la bulle de sa camarade en continuant les paroles, Éli l'observait un peu hésitante, un peu coupable aussi, mais Lucia fini par parler. Dans ses mots, bien plus profonds que ce qu'ils paraissaient, la jeune Poufsouffle pouvait ressentir toute l’appréhension qu'elle avait à lui parler. Son ton n’était pas agressif, mais elle distinguait pourtant la carapace de protection cachée derrière. Lucia entrouvrait la porte, il ne lui restait plus qu'à s'y engouffrer.

- je suis là moi... et j'ai pas l'intention de partir.

D'un geste, Éli se décala du mur, sorti sa baguette et se concentra un instant. La jeune fille se mis face à la porte et dans un sentiment d’isolement elle en traça le tour. D'une voix claire et distincte elle prononça un collaPORta qui vint sceller celle-ci. Satisfaite, elle avança vers le bureau du chef de cœur pour lancer de nouveau la dernière chanson, et revint s’asseoir à coté de Lucia sans la regarder.

- Je suis là moi. Sans ajouter aucun mots, sans poser aucune question, elle laissais sa camarade réagir comme elle en aurait le besoin.

Sa camarade aurait pu prendre peur, mais à l'inverse, elle assura à Lucia qu'elle était bien là, et qu'elle n'avait pas l'intention de partir. Ou, autrement dit, que la jeune rouquine n'avait rien à craindre, que si elle souhaitait parler, il y avait une oreille de disponible, mais si elle souhaitait faire autre chose, à part partir peut-être, sa camarade l'accompagnerait également. Cette réponse mit Lucia en confiance, et pourtant, quelque chose continuait de la faire douter. Les larmes étaient toujours présentes, et parler était encore compliqué. Mais malgré tout ça, elle voulait lui faire confiance, lui faire comprendre. Et rien que l'idée de penser ça, lui donna envie de revenir en arrière. Mais pourquoi avait-elle parlé ? Tout allait bien et c'était le principal, tout le monde devait y croire. Point.

Mais pourtant, Éli n'en croyait pas un mot, et les larmes que Lucia avaient laissé sortir, prouvait que ça n'allait pas. Cette balance tournait en permanence dans sa tête, se confier ou non, revenir en arrière ou avancer, faire confiance ou remettre son bouclier en place ? Ce doute constant l'empêcha de voir Éli se lever, ce n'est que le son qui sortit de sa bouche qui sortit Lucia de ses pensées. Collaporta. Elle venait de bloquer la porte. Personne ne pouvait rentrer. Enfin, si bien sûr, mais pas naturellement. Et elle ne pouvait pas sortir techniquement parlant. Mais Lucia décida de ne pas penser à ce détail. Son débat intérieur n'avait pas complètement disparu et c'était inutile de remettre des arguments dans la partie.

Quelques instants plus tard, la dernière chanson que Lucia avait joué, celle qui avait fait couler ses larmes lorsque les paroles avaient été prononcées par sa camarade, commençaient à retentir à nouveau dans la salle, et qu'elle sentit à nouveau la présence de sa camarade à ses côtés. Et puis finalement, une dernière phrase, aussi libératrice que lourde de sens que Lucia ne parvenaient certainement pas à tous les comprendre. Elle était là. Et cela voulait certainement dire, qu'elle ne partirait pas.

Lucia aurait pu réfléchir et tourner le problème dans tous les sens, tant et si bien que la chanson serait terminée. Mais elle décida de se faire confiance. Son corps n'était pas son meilleur allié ces derniers temps, loin de là. Mais il lui avait souvent donné les bons conseils, alors, autant essayer. Son instinct lui disait de se remettre à danser, que tout ce qu'elle aurait besoin de dire passerait par là. Et malgré la peur et l'appréhension, malgré le silence qu'elle voulait garder et l'armure qu'elle ne voulait briser. Lucia se leva et s'installa au centre de la salle, les yeux fermés. Et laissa son corps parler.

Celui-ci disait tout ce qu'il y avait à dire. Les larmes coulaient, son corps était faible et semblait pouvoir lâcher à tout moment, et pourtant il tenait, sur le rythme des chansons. Ses mouvements exprimaient toutes les émotions qui étaient en elle, la colère, la peur, la tristesse, l'angoisse,... Et puis, à la fin du premier refrain, pendant lequel les larmes et les pas étaient les plus vrais et plus honnête que cela était possible, si quelqu'un pouvait le voir, Lucia finit par parler. Ce n'était pas encore une victoire, mais c'était sûrement une main qu'elle pouvait tendre, ou alors attraper celle qui venait de lui être tendue.

- Tu peux me rejoindre si tu veux.

Lucia venait de la surprendre, Éli n'aurait jamais cru qu'elle serait capable de se lever et de danser dans cet état. Mais la jeune fille ne danser pas vraiment sur la piste, elle se livrait. Elle ne lui parlait pas mais ces gestes étaient bien plus révélateurs que le moindre mot.

Éli ne la quitter pas des yeux sans pour autant osé bouger de sa place, mais lorsque Lucia parla enfin pour l'inviter sur la piste, elle prit quelques secondes de réflexion. Elle adorait danser, et d'instinct elle avait envie de la suivre, mais Éli savait aussi que Lucia était mal, elle savait qu'il y avait quelque-chose qu'elle ne lui disait pas. La suivre sur la piste c'était l'encourager à ne rien dire.

La danse était un super moyen d'extérioriser, la plupart du temps, mais là Éli avait l'impression que sa camarade prenait presque cela comme un camouflage, un repère secret ou elle se cachait avec beaucoup trop d'insistance, pour ne pas affronter le vrai problème.

Elle savait que son refus allait déstabiliser Lucia, mais elle resta là, sans bouger. Elle la regarda encore un moment danser, puis fini par dire calmement.
- Danse toi. D'un geste Éli libéra la porte d'un Finite, et sorti de la pièce sans rien dire. Le corps dans le couloir, la tête d'Éli repassa par l'embrasure pour préciser sa pensée à Lucia. Je pars nous chercher de quoi manger pendant que tu danses encore un peu, Tu m'rejoins près du lac ? Il n'y a personne à cette heure... t'as besoin d'manger et on s'ra tranquille là-bas.

Éli reparti dans le couloir en direction de la grande salle, ne lui laissant pas l'occasion de refuser. Manger était quelque chose que la jeune fille trouvait réconfortant, et vu l'état de Lucia, il fallait qu'elle tente une nouvelle approche.

Surement FIN de RP pour moi, selon la réaction de Lucia, on se retrouve au lac ?

En proposant à Éli de la rejoindre, Lucia pensait que celle-ci n'allait pas hésiter une seule seconde, et pourtant. Sa camarade n'avait pas vraiment réagit sur le moment, et avait même finit par lui dire qu'elle ne viendrait pas. Cette réponse imprévisible déstabilisa légèrement Lucia, mais le fait que sa camarade parte, débloquant la porte, la perturba d'autant plus. Et malgré l'explication de sa camarade, Lucia se laisse tomber au milieu de la piste, perdue. D'un côté Éli lui avait dit qu'elle ne partirait pas, et puis juste après elle s'en va. Et puis aller au lac pourquoi faire ? Elle ne pouvait pas danser là-bas, que pourrait-elle faire si son cerveau refuse de se concentrer. Et manger ? Elle n'avait absolument pas faim, ce n'était pas le moment. Elle devait danser, juste danser. Mais la rousse se sentait à bout de forces. Elle n'avait ni la force de se relever, ou de partir, ni la concentration nécessaire pour refermer la porte comme l'avait fait Éli quelques minutes avant.

Lucia resta assise là, au milieu de la piste de danse, pendant de nombreuses minutes. La musique s'était arrêtée, et tout s'était arrêtée de tourner autour d'elle. Les larmes coulaient en torrent, mais pour la première fois depuis plusieurs semaines, celles-ci semblaient la libérer plus que l'enfermer. Une fois ses larmes calmées, et le mal de tête, au niveau des sinus, qu'elle connaissait si bien, arrivé, Lucia se releva, récupéra ses affaires contre le mur, au bord de l'entrée, et sortit de la salle de répétition.

Elle avait à présent deux choix qui s'offraient à elle, accepter de parler, de laisser Éli prendre le contrôle, et se diriger vers le lac. Ou bien garder ce contrôle si important pour elle, et fuir, une nouvelle fois, vers le dortoir, ou les couloirs, la tour d'astronomie, ou n'importe où ailleurs. Il y avait une solution de facilité, mais qui ne ferait que l'enfermer à nouveau dans sa boucle infernale, et l'autre tellement plus difficile, mais qui pouvait peut-être faire changer les choses. Quelles choses ? C'était une autre question, Lucia ne savait toujours pas poser des mots sur ce qui se passait en elle, ce qu'il s'était passé ces dernières semaines, mais au fond d'elle, quelque chose lui disait d'accepter. Accepter la présence d'Éli, accepter de perdre le contrôle parfois, et qu'au final, elle l'avait déjà perdu depuis un moment, accepter l'invitation au lac.