Ça y'est ! Narcisse avait enfin terminé la punition que lui avait infligé le concierge il y a une semaine de ça. Et le moins qu'on puisse dire, c'était que la salle de classe de Miss Valerion n'avait jamais été aussi propre. On pouvait certainement trouver beaucoup de choses à redire sur Narcisse, mais il savait nettoyer ! Avec une mère militaire, il était hors de question qu'il ne sache pas faire ce genre de choses. Et puis pour être honnête, il aimait bien ranger et nettoyer, ça lui occupait l'esprit, occupait ses mains et passait son temps. Les deux premiers jours, il n'avait pas eu le sourire malheureusement, et seule la honte accompagnait ses pensées. Mais cette émotion fut rapidement remplacée par une nouvelle : la détermination. Détermination à faire amende honorable et à réparer la stupidité qu'il avait commise ! Malgré son absence de mauvaise intention, la bêtise restait une bêtise, et une énorme à ses yeux ! Il avait déjà écrit à ses parents pour leur raconter.

Mais aujourd'hui, enfin libéré de sa charge, il était plus que temps d'aller demander pardon au principal concerné, victime involontaire de sa bêtise : le concierge. Hors de question pour Narcisse de s'y dérober, c'était un devoir moral en plus d'être à ses yeux la bonne chose à faire. Alors aussitôt le ménage terminé, il bondit en direction de son bureau, se postant devant sa porte, il rajusta sa robe de sorcier (sans réaliser, malheureusement, la présence d'une toile d'araignée dans ses cheveux qui avait eu l'opportunité d'élire domicile sur sa tête lors de sa dernière séance de nettoyage derrière une armoire de Miss Valerion). Il se racla la gorge, avant de toquer trois coups rapides sur la porte. Puis il se tint droit comme un I, les mains derrière les dos, imitant inconsciemment la rigueur militaire de sa mère.

Fait notable et sûrement dû à l'évolution récente de sa relation avec la professeur de Défense Contre les Forces du Mal, Suileabhan n'avait pas souffert de ses insomnies la nuit dernière. En conséquence, il avait pu rejoindre son bureau dès le début de la matinée, contrairement à son habitude. Et pourtant, à cette heure matinale où personne ne venait jamais le trouver - en tout cas, il n'était normalement pas là pour l'entendre - un petite main cogna à la porte. En pleine gorgée d'Irish Tea, il ne s'embêta pas à autoriser l'entrée à voix haute, et se contenta d'ouvrir la porte à distance, merci la magie.

L'étonnement du concierge fut conséquent lorsqu'il reconnut l'identité du requérant en la personne du jeune Poufsouffle falsificateur de signatures. Ce n'était pas vraiment un enfant à qui Suileabhan voulait donner de son temps. Était-il venu pour se plaindre, pour s'excuser peut-être ? Si par il ne savait quel miracle, c'était bien le cas - et il l'espérait pour lui, il n'allait certes pas rester planté là à lui faciliter la tâche.

- Mister Brando ! Quelle agréable surprise de constater que vous êtes toujours parmi nous. J'aurais cru qu'en l'espace d'une semaine, vous auriez déjà fait en sorte que des officiers viennent vous chercher. Quel bon ventus vous amène ?

L'Irlandais s'arrêta pour faire signe au jeune garçon de s'approcher et de s'asseoir.

- Si vous cherchez quelques signatures pour parfaire vos compétences, vous pouvez les retrouver juste là, dans ce tiroir.

Le concierge conclua en offrant à Narcisse le même sourire qu'une semaine auparavant, la colère en moins.

Narcisse redressa la tête lorsque la porte s'ouvrit face à lui, agitant ses cheveux et la toile d'araignée, alors qu'il déglutit avec difficulté. Il hésita entre immédiatement commencer à présenter ses excuses, ou alors commencer par saluer l'homme. Il s'excusait souvent et n'avait aucune difficulté à le faire ni même à reconnaître ses torts, mais venir voir quelqu'un spécialement pour s'excuser, voilà quelque chose qu'il n'était pas habitué à faire. Il était plutôt du genre à s'excuser sur le champ, sans attendre. Cette hésitation lui coûta l'initiative de la prise de parole, et il se raidit en se mordillant la lèvre inférieure, son regard virevoltant entre le sol et le plafond, glissant sur ceux du concierge. Il n'arrivait pas à savoir ce qu'il devait répondre. Le sarcasme n'était pas son fort, pas du tout même, et bien souvent, lorsqu'il y était confronté, il plantait, réfléchissait trop et hésitait. Mais la dernière pique de l'homme lui permit de rebondir plus aisément.

Il se racla la gorge en reprenant sa contenance, avant de finalement plonger son regard dans celui du concierge, sans peur ni hésitation, déterminé. Puis il s'inclina de manière raide, les bras le long du corps.

- Non m'sieur ! J... c'est pas c'que je voulais ! J'voulais présenter à nouveau mes excuses !

Il se redressa, toujours aussi droit, contrôlant son corps qui ne demandait qu'à ponctuer ses paroles de mouvements parasites. Son visage était tendu du mordillement de l'intérieur de ses joues.

- J'suis vraiment désolé pour c'que j'ai fait, j'ai, j'ai pas réfléchi, j'voulais pas vous porter préjudice, c'était méchant et j'en suis vraiment désolé !

Il décida de s'arrêter là. Il ne voyait pas quoi dire de plus, malgré toutes les justifications qu'il mourait d'envie de lui présenter, se trahissant par une rougeur sur le haut de ses joues. Les excuses, disait son père, n'était pas prétexte pour se justifier. Une gêne et un embarras manifeste se lisait dans sa gestuelle pourtant inexistante, mais surtout sur ses traits, ainsi qu'une grande honte.

Alors que ses piques bien senties à l'intention du jeune garçon avait fait mouche, Suileabhan se surpris à ressentir une pointe de déception. Avait-il quelque part espéré que Brando réagisse avec humour ? Il aurait fallut un miracle, il n'avait que onze ans. Cependant, le concierge était bien obligé d'admettre que les excuses de l'enfant sonnaient sincères à ses oreilles, même s'il doutait qu'il ait encore vraiment compris la gravité de ses actes. Il soupira.

- C'est justement ce que je vous reproche, Brando. Vous n'avez pas réfléchi. C'est bien de l'admettre, encore faut-il y travailler. Mais tout n'est pas perdu, puisque vous avez eu assez de présence d'esprit pour venir me trouver.

Suileabhan n'avait pas souvenir qu'un autre élève ait fait ce que le Poufsouffle venait faire ici depuis le début d'année, un bon point pour lui, mais cela ne changeait en somme pas grand chose.

- Asseyez-vous.

L'Irlandais attendit que l'élève prenne place avant de continuer.

- Vous voyez, vous n'avez pas seulement porté préjudice à mon identité, ou au prestige de l'école. Vous vous êtes heurté vous même, en sapant les bases de confiance entre vous et les sorciers sensés faire de vous un jeune homme compétent. Et bien sûr, en perdant du temps et de l'énergie que vous auriez pu mieux utiliser. Vous comprenez ?

Suileabhan plongea ses yeux dans ceux de l'enfant.

- Alors dites-moi, Brando, qu'avez vous appris de cet échec, et qu'allez-vous faire pour remédier à ce défaut de réflexion dont vous me parlez ?

Se tenant toujours aussi droit qu'un I, Narcisse ne se laissa pas intimider par la présence du concierge, affrontant fièrement son regard, attendant de voir sa réaction. S'il avait été plus mature, il aurait sans aucun doute remarqué la petite pointe de déception qui s'était peint sur le visage de l'homme, et il aurait certainement compris qu'il aurait pu réagir autrement et attraper la perche qu'il lui tendait. Mais Narcisse était bien trop premier degré, ce n'était pas son genre. Il attendit donc, le cœur battant. Le reproche de l'homme le frappa en pleine figure, et il rougit incroyablement rapidement, avant de baisser imperceptiblement le regard. Il savait qu'il n'avait pas réfléchi, il s'en était même rendu compte à la seconde où le hibou était parti. Mais ce n'est pas parce qu'il reconnaissait sa bêtise que cela allégeait le poids de sa honte et de sa culpabilité.

Il se mordit les lèvres, ce qui lui fit faire un moue relativement ridicule, avant de sursauter lorsqu'il lui demanda de s'assoir. Après un instant d'hésitation et une grande inspiration, il s'exécuta, laissant pendre ses jambes et se résolvant à de nouveau affronter le regard de l'homme, les mains sur les genoux.

Les réprimandes, il connaissait, et il fut surprise de constater que celles du concierge se rapprochait quelque peu de celles que ses parents lui infligeaient quand il le fallait. Il allait droit au but en exposant les problèmes et en soulignant ce qui n'allait pas. Sans qu'il s'y attende, cette similarité le détendit et le mit plus à l'aise. Il se relâcha légèrement et un léger sourire flotta sur ses lèvres.

Il baissa malgré tout les yeux en hochant la tête, sentant son visage s'empourprer de devenir brûlant.

- Oui, oui... Hrm... c'était pas mon intention, vraiment...

Il prit ensuite une grande inspiration en réfléchissant aussi vite qu'il le put. Il déglutit avec difficulté, ses index venant se frotter doucement l'un contre l'autre.

- Euh... Bah, euh... vous, vous avez dit qu'j'devais m'entraîner plus, du coup, c'est c'que j'vais faire déjà. Et, hrm, j'sais qu'j'agis trop vite, j'fais toujours ça, ça je sais, mais j'arrive pas à réfléchir avant d'faire un truc. C'est après qu'j'mesure.

Une nouvelle inspiration, il se frotta l'arrière de la tête.

- Et euh... du coup, j'vais quand même essayer d'réfléchir un peu plus, mais c'était bête, c'était super bête... Euh, et merci d'm'avoir lancé un sort, quand même... J'ai complètement raté mais au moins j'ai une idée d'c'que ça fait.

Un sourire se forma difficilement sur son visage, mais il irradiait une certaine reconnaissance et une volonté de mieux faire dès le lendemain.

À mesure que Suileabhan intégrait le discours des gestes et mots du Poufsouffle, il eût envie d'éclater de rire et de claquer bruyamment sa main contre son front. Comment pouvait-on être aussi ridiculement jeune, aussi magnifiquement persuadé et autant incroyablement à côté du chaudron que ne l'était Narcisse Brando ? Car le concierge ne s'y trompait pas, c'était plus que de l'espoir qui naissait dans la voix du garçon, c'était des certitudes qui s'epanouissaient. Et cela lui conférait un petit côté attachant, agaçant ? Il n'aurait su le dire complètement.

- Je l'avais bien compris les douze premières fois, Brando. Mais, contrairement à ce qu'en dit un dicton moldu, les intentions ne sont jamais ce qui compte le plus. C'est pour cela que nous autres, êtres que nous sommes, devons réfléchir pour améliorer nos idées avant d'agir, et non agir pour ensuite réfléchir à nous améliorer. Enfin, rien ne vous empêche de faire les deux, mais c'est peut-être trop pour le moment...

L'adulte sourit pour lui-même avant de continuer.

- Vous savez ce qu'il se serait produit si cela avait été quelqu'un d'autre à ma place ? Un sorcier comme il en existe des centaines, ne comprenant pas qu'on ne peut en attendre autant d'un enfant de onze ans ? Une action en justice, à minima. Et c'est pour vos proches autant que pour vous que cette histoire aurait pu se terminer en tragédie.

Suileabhan secoua la tête et soupira.

- Mister Brando, savez-vous réellement ce que signifie s'entraîner ?

C'était une question purement rhétorique, mais l'irlandais se doutait déjà qu'il aurait droit à une réponse à l'image du peu qu'il voyait du caractère de l'enfant.

Narcisse se mordit l'intérieur des lèvres en rougissant brusquement lorsque le concierge pointa la répétition presque mécanique de ses excuses, et il se redressa brusquement. Du point de vue de Narcisse, ce n'était pas parce qu'il répétait ses excuses qu'elles perdaient de leur valeur, et il avait les excuses particulièrement faciles. En revanche, il se trouva un point de désaccord avec lui : il croyait fermement que les intentions comptaient, mais bizarrement, il ne n'appliquait pas cette litanie à lui-même. Il pardonnait très facilement aux autres s'ils avaient de bonnes intentions, mais à lui-même, très difficilement. Il ne réagit absolument pas à la petite pique sur le fait que c'était peut-être trop dur pour lui de faire deux choses à la fois, il ne réalisa même pas que ce pouvait être une pique.

Il secoua la tête en toute honnêteté lorsqu'il lui demanda ce qui aurait pu se passer. Ses yeux s'écarquillèrent alors démesurément, comme s'il n'était pas capable qu'on puisse réagir d'une telle manière. Cela ne lui serait jamais venu à l'esprit que l'on puisse prendre ainsi une telle bêtise ! Son visage s'empourpra lourdement, au point de devenir presque violet de honte, et ses oreilles se mirent à brûler alors qu'il baissa par réflexe la tête en serrant son pantalon, mordillant ses lèvres. Il déglutit avec difficulté avec de pencher la tête sur le côté, puis de se racler la gorge et d'arquer les sourcils un court instant, pour finalement redresser la tête.

- Euh, s'entraîner, ça veut dire essayer d'faire mieux qu'hier, enfin, pour moi. Peu importe dans quel domaine, on peut toujours s'entraîner pour réussir à être moins mauvais qu'hier mais pas aussi bon que demain !

Il s'agissait là d'un mélange des concepts et des mots de ses deux parents. Si Honor avait amené la mentalité, Oscar avait conceptualisé cette mentalité avec ses mots à lui.

S'il n'avait pas su à l'avance que le Poufsouffle ne détenait évidemment pas la réponse à sa question, Suileabhan en aurait presque regretté d'avoir parlé. Dans ces circonstances, il se contenta plutôt d'un grognement désapprobateur.

- Non.

Au moins, cela avait le mérite d'être clair.

- Vous ne faites qu'évoquer un objectif possible qui n'est même pas certain d'être atteint. S'entraîner Brando, ce n'est pas faire de son mieux pour dépasser sa médiocrité. S'entraîner, c'est étudier à n'en plus finir le même sort, répéter les mêmes gestes, les mêmes mots nuits et jour jusqu'à comprendre l'essence même de ce qu'on cherche à maîtriser.

Perdu dans ses pensées et souvenirs de six années avec les dragons, l'irlandais affirma quelque chose qu'il aurait aimé apprendre à l'âge de l'enfant qu'il avait devant lui.

- Oubliez la progression. À votre âge, il s'agit d'un élément certes très visible mais sur lequel vous ne devrez pas vous appuyer. Maîtrisez les bases - toutes les bases, avant de viser plus haut. Voilà le début de la signification du mot entraînement.

Mais Suileabhan n'oubliait pas que le garçon était avant tout venu ici pour s'excuser. Et s'il l'avait fait, c'était parce que l'événement qui s'était produit ne devrait pas lui donner droit à une aide de sa part. Cependant, le concierge pouvait au moins lui accorder une chance de remonter un jour dans son estime, même s'il doutait allègrement des chances de l'enfant pour y parvenir.

- Ouvrez grand vos oreilles, Brando, parce que je ne me repeterais pas. Vous ne méritez pas de conseil, pas encore tout du moins. Aussi je me contenterai d'un seul mot : Umbrella. À vous de trouver ce qu'il signifie et comment cela vous rapprocherait-il d'un véritable entraînement.

Dans un an ou deux, Suileabhan serait fixé, et peut-être reverrait-il le Poufsouffle pour de véritables conseils. Ou peut-être pas..


Fin du RP de mon côté, vous pouvez venir réclamer un ajustement de vos PR !

Narcisse fronça les sourcils et pencha la tête lorsque le concierge répondit par la négative. Son regard se perdit dans le vide tandis qu'il réfléchissait aux mots prononcés. Sa main se leva pour se poser sur sa bouche, et ses doigts frottèrent ses doigts sous la réflexion, il hochait doucement la tête machinalement. Alors comme ça, devenir meilleur n'était pas le but de l'entraînement ? Mais alors, du coup, peut-être que... Maîtriser plein de petits éléments est peut-être ce qui constitue l'entraînement ? Ou alors, c'est le processus...

Il leva la tête en croisant les bras et en fronçant les sourcils. C'était déjà ce qu'il faisait ça ! Répéter encore et encore les mouvements et les mots ! Il le faisait jusqu'à tomber endormi sur son lit quand il essayait de maîtriser certains sorts ! Il ne savait pas pourquoi, mais il en ressentit un léger pincement au cœur, et une envie irrationnelle de lui prouver qu'il avait tort !

Il plongea ses yeux dans les siens lorsqu'il lui présenta son conseil. Comment ça, il devait oublier la progression ? Mais il avait déjà tant progressé depuis le début de cette année ! Ah, oh... Ah oui, peut-être qu'il avait raison. Son index se reposa sur ses lèvres tandis qu'il replongeait dans sa réflexion. Les bases, avoir de bonnes bases, sa mère aussi répétait toujours cette litanie. Mais combien de temps fallait-il pratiquer les bases pour enfin passer à l'étape suivante ?..

Il le défia du regard lorsqu'il lui donna sa consigne finale. Alors comme ça, il ne méritait pas de conseil hein ? Il écarquilla les yeux, mais, ne venait-il pas de lui donner un conseil ? Ou au moins une piste ? Son visage s'illumina d'un immense sourire, et il hocha énergiquement la tête.

- Yes sir ! Merci beaucoup !

Il lui fit un salut militaire machinal, avant de bondir de sa chaise pour se diriger vers la porte, et il s'inclina raidement.

- Merci encore, ça va m'être super utile !

C'est avec le cœur léger qu'il prit la direction de la bibliothèque, prêt à passer les prochaines heures, puis les prochains jours, et les prochains mois à rechercher tout ce qu'il y avait à savoir sur ce mot.