Je sentais que Mia était de plus en plus rassurée par mes mouvements réguliers. Tant mieux, je ne supportai pas de la voir mal en point ou triste. J'avais beau la taquiner parfois et la faire tourner en bourrique, elle comptait énormément pour moi et je ne laisserais personne lui faire de mal. Elle vint se blottir contre moi, le visage humide et je la serrais contre moi, comme si ce contacte pouvait stopper les larmes silencieuses qui glissaient sur mes joues. Oui, nous étions là tous les deux, et même si j'aurais aimé voir plus de survivant, savoir qu'elle avait survécu était suffisant à me dire que j'avais eu énormément de chance. Des familles avaient été détruites, des couples déchirés...Ce n'était pas mon cas.

Je regardai un instant les ruines en face de moi. Les souvenirs de mes collègues ayant péris me revinrent en mémoire. Les petits moments que nous avions partagés ensemble, un sourire au détour d'un couloir, une aide lorsqu'un problème arrivait...On les avait arrachés trop tôt, trop abruptement. Me ressasser tout cela n'était pas bon, je le savais, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Cela aurait été pire de tout garder pour moi. Face à un traumatisme, se renfermer dans son mutisme n'était pas la bonne solution, il fallait en parler.

Mia finit par se détacher de moi et j'en profitai pour essuyer les larmes qui restaient sur mon visage. Je devais avoir les yeux un peu rouge, mais en se moment, je me fichais éperdument d'être présentable. J'avais retrouvé le contrôle de mes émotions, bien que mon visage restait encore un peu humide. J'entrepris d'essuyer mes lunettes dans mon pull quand Mia reprit la parole d'une voix sérieuse.

Interrompant mon mouvement, je l'observai dans un premier temps, assourdi, avant de lâcher un petit rire et secouer la tête. Mais elle ne pensait qu'à manger, ce n'était pas possible ! Cette façon de changer abruptement de sujet était assez drôle. Remettant mes lunettes rondes sur mon nez, je lui répondis avec un petit sourire.

- T'es vraiment un estomac sur pattes toi. Aller vient, ajoutai-je en lui faisant signe de me suivre, je t'invite petit loup-garou affamé.

Oui, tout cela était triste et déchirant, mais je ne pouvais pas continuer à vivre dans le passé. Nous nous reconstruisions tous les deux petit à petit à notre rythme. La douleur liée à cette endroit ne disparaitrait jamais, et heureusement d'ailleurs car elle fait partie de nous et l'oublier serait une insulte à la mémoire de nos anciens collègues. Nous allions simplement vivre avec. La vie était parfois injuste, mais on finissait toujours par rebondir, et parfois on se retrouvait plus haut qu'on ne l'était avant.

En me redressant, je voyais bien que je n'étais pas la seule à avoir pleurer, son visage était humide et je n'avais pas besoin de lire dans les pensées pour savoir ce qui lui avait traversé l'esprit. Une grande partie de nos pensées étaient dédiées à ceux ayant perdu la vie, même à ceux que l'on ne connaissait pas. Collègue plus ou moins proche, cela importait peu, la vrai pensée restait là même. *Cela aurait pu être moi. J'aurais pu être à sa place et mourir, cela ne fait aucun doutes.* Avec Jasper nous avions choisi d'aller de l'avant, ensemble, mais cette pensée demeurait et je doutais fortement qu'elle s'en aille un jour. C'était plus fort que nous comme si le passé avait tendance à nous rattraper, rien n'y faisait et par moment c'est juste la goutte de trop qui nous fait verser une larme. C'est comme ça, on avance.

Je remarquais cependant que ma question avait fait mouche, il était là, à me regarder, lunettes en main et moi qui souriait, bien contente de ma question. Ma question n'avait rien de mal, franchement, existait-il quelque chose de mieux que la nourriture pour se remonter le moral ? Moi, j'étais convaincue que non. Chocolat chaud était bien entendu de mise, mais vu l'horaire, je pense qu'un plat chaud terminé d'un petit thé à la menthe ferrait parfaitement l'affaire. Je le regardais remettre ses lunettes et me répondre, un air faussement indigné sur le visage. Moi ? Un estomac sur pattes ? Franchement quelle idée, j'étais bien loin d'avoir un gros appétit, seulement, je voulais bien admettre que j'aimais particulièrement la bonne nourriture.

Entendant son invitation je le regardais on ne peut plus sérieuse. "Tu plaisantes ! C'est moi qui paie, la dernière fois déjà c'était toi qui avais payé, et je ne me laisserais pas faire je te préviens !" dis-je alors. "Et fait pas genre, je suis sûre que tu as tout aussi faim que moi, je le sais, c'est juste que ton corps ne te l'as pas encore fais savoir !" ajoutais-je. Qu'elle excuse complétement bidon... Mais dans le fond, est-ce que ce n'était pas les meilleures ?

Je jetai un dernier coup d’œil en arrière et observai le bouquet que je venais de déposer. Était-ce futile ? Je n'en avais aucune idée, j'étais seulement convaincue de l'importance que cela avait pour moi. Rendre hommage était la seule chose que je pouvais faire alors je continuerais à le faire. Je me faisais la promesse intérieure de profiter de cette vie, de cette chance que l'on m'avait laissé. Je savais que Jazz en avait parfaitement conscience et qu'on ne manquerait pas de continuer de profiter.

Merci à toi, j'ai vraiment adoré écrire ce rp