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17 août 2023, 16:55
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RUBY, 13 ans
02 novembre 2046 08h41
Salle de Défense Contre les Forces du Mal, Premier étage, Poudlard

sur la base de ce sujet.

[light of the seven]

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De finibus bonorum et malorum — Cicero
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La tension palpable dans la classe colle à ma peau comme la chaleur d'un jour d'été. Impossible de s'en débarrasser : c'est poisseux, étouffant, ça donnerait envie de s'enfuir en courant. Seulement voilà : je ne sèche jamais les cours et la leçon d'aujourd'hui est bien trop importante pour m'imaginer la manquer. Merlin, je le voudrais pourtant, je le voudrais terriblement. Mais je reste sagement collée à ma chaise, m'efforçant de dissiper le trac qui me prend à la gorge.

Il y a quelques minutes, Falkner et Valerion nous ont annoncé le thème de la séance et c'est comme si une brique m'était tombée dans l'estomac. Je les entends toujours discourir mais leurs voix sont lointaines, indistinctes, brouillées par l'agitation intérieure qui me prend en otage. *Je les déteste*. J'ai l'affreux sentiment d'avoir manqué quelque chose. Par Circé, j'étais persuadée que ce cours attendrait, qu'il ne nous prendrait pas au dépourvu comme il le fait maintenant, que c'était suffisamment lointain pour que je ne m'inquiète pas encore. Et le voilà qui revient avec la force d'une gifle magistrale. Je ne me sens pas préparée, j'aurais dû réviser, étudier tout ce que je pouvais sur Riddikulus et la créature qu'il combat. Je me passe une main sur le visage, comme si le geste pouvait m'aider à me raccrocher à ce qu'il me reste désormais, c'est-à-dire ma baguette et moi-même.
Je me suis placée un peu à l'écart des autres dans l'amphithéâtre, en hauteur pour mieux les surplomber et les observer. Je fulmine véritablement en voyant que certains n'ont pas l'air aussi surpris que moi. À cet instant, je me sens terriblement vulnérable. Je n'ai qu'une envie, me barricader loin des autres et réparer mon erreur en me plongeant dans les livres.

*Il n'existe personne qui aime la souffrance pour elle-même, ni qui la recherche, ni qui la veuille pour ce qu'elle est*.

Cicéron, hein ? Les paupières closes, je me répète cette phrase en boucle en attendant que la voix de la professeure éclate à nouveau dans le silence. J'attends qu'elle frappe encore, qu'elle me meurtrisse un peu plus puisqu'elle sait si bien le faire ; je suis sûre qu'elle y prend plaisir. Comme je la déteste. Et puis tous ceux là, ceux qui sont pendus à ses lèvres, *les inconscients !*, n'ont-ils aucune idée de ce qui les attend ?

Je secoue la tête compulsivement en signe de protestation, comme pour me persuader que c'est faux, que la professeure ment, que ce cours est une mauvaise blague ; moi je ne comprends pas. Au fond, je me demande surtout pourquoi, pourquoi nous infliger ça, nous demander d'exhiber nos peurs aux yeux de tous sans broncher. C'est stupide. On a bien assez d'une vie pour apprendre à connaître nos peurs, à quoi est-ce que ça peut bien servir de les étaler devant le jugement d'une classe entière, remplie d'humains qui dégoulinent de curiosité ? Valerion a beau dire ce qu'elle veut, le jugement fait partie des hommes et de leur façon de penser, de leur manière de faire face au monde. Oh, moi je ne vais pas me gêner pour observer en silence les peurs des autres ; mais qu'ils portent un jugement sur la mienne ? Ça jamais.
Ces derniers mois, je les ai passés à me faire mystérieuse, à me faire connaître sans que nul ne puisse véritablement discerner qui je suis. Ça m'a conféré un sentiment de contrôle enivrant. C'était délicieux. Parce que tout est si relatif : le charme, l'identité, l'influence ! Je me plais à changer de peau en fonction des gens que je côtoie. Mais je ne suis pas prête à laisser tomber mon masque devant tant de personnes.
*J'SAIS MÊME PAS DE QUOI J'AI PEUR*, j'aimerais hurler. Même ça, je suis mortifiée de l'admettre. Alors intérieurement, je supplie Valerion de changer ses plans, de laisser tomber l'armoire et tout ce qui va avec, peu importe, tout sauf la peur ; mais je sais bien que mes prières resteront vaines.

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19 août 2023, 20:35
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02 novembre 2046 09h07
Salle de Défense Contre les Forces du Mal, Poudlard

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Aujourd'hui, je vais croiser le regard de la Peur. Cela paraît si simple, dit comme ça. Ils agissent tous comme si l'exercice était facile, mais moi je sais que ce ne sera pas le cas. Les deux adultes, là, avec leurs conseils à la noix, comme leur air calme me débecte. Il me semble presque hypocrite face à nos mines désemparées.
Mentalement, je me suis finalement résignée à me confronter à mes angoisses. Je ne laisse rien paraître de mon trouble et nul ne pourrait deviner la bataille qui se livre dans ma tête à cet instant. Ma respiration est à peu près normale mais, intérieurement, je suis pétrifiée. L'armoire en bois qui trône au milieu de la salle semble me fixer et m'inspecter de toutes parts. C'est comme si la chose qu'elle renfermait voulait déjà m'examiner du regard pour mieux repérer mes failles. Profondément dérangeant.
*Penser à quelque chose qui me déplaît fortement ?*. Facile, leur séance aux allures de supplice. Et cela fait déjà vingt minutes que j'essaye de contrôler la situation comme je peux.

*Il n'existe personne qui aime la souffrance pour elle-même, ni qui la recherche, ni qui la veuille pour ce qu'elle est*.

C'est un refrain dans ma tête, des mots qui m'obsèdent. J'anticipe ma peur à une vitesse effrayante : je sens mon cœur pulser et enfler jusqu'à m'étouffer.
Mais les mots de Valerion me tirent soudain de ma transe. *Sa plus grande peur ?*. Merlin, si je m'attendais à ça. Je reste bouche bée et le poids sur ma poitrine s'envole, laissant place à une incrédulité totale en voyant la femme s'avancer devant l'armoire. J'ai le temps d'apercevoir une sorte de bébé inerte, gisant à terre, avant que Valerion ne le transforme d'un Riddikulus expert.
Cette scène semble surréaliste. Comme un seau d'eau glacée que l'on viendrait me renverser sur la tête. Je jette un coup d'œil aux autres élèves qui semblent aussi surpris que moi, pour la plupart. J'aimerais pouvoir me remettre de ma stupeur mais je n'oublie pas les consignes de la professeure.

*Prendre des notes*. Enfin quelque chose que je maîtrise. C'est d'accord, autant suivre les directives. Je me sens un peu plus forte, armée de ma plume, en quête de savoir. Et les premiers élèves descendent dans l'arène. Bientôt, ce sera mon tour.
Mais en attendant, je vais me faire un plaisir d'observer les autres défiler tour à tour et exposer leurs peurs au grand jour. Je vois des adultes, beaucoup d'adultes. *Pas étonnant*, je pense. L'espace d'un instant, je me demande ce que tous ces Grands ont bien pu infliger aux enfants pour les terroriser de cette manière. Je fronce les sourcils en laissant affluer les réponses dans mon crâne puis reporte mon attention au centre de la salle. Je vois des créatures, des êtres comme l'on en voit dans les cauchemars et que l'on pense chimériques jusqu'à ce qu'ils apparaissent devant nous pour nous pétrifier. Je vois des animaux, de simples bestioles qui semblent en terrifier certains mais qui sont parfaitement inoffensifs à mes yeux, intimidants tout au plus. Secrètement, j'ai bien du mal à contenir la fierté un peu idiote de ne pas me laisser atteindre par toutes ces scènes supposément horrifiques.

Je vois des élèves qui échouent pitoyablement et j'hésite à esquisser un sourire avant de me rappeler que je ne suis pas encore passée. J'aurai tout le temps de me réjouir de leurs échecs si je réussis haut la main ce truc, cet exercice déraisonnable.
Je vois aussi des élèves tétanisés par la peur qui renoncent avant même d'avoir pu échouer, ou réussir, peu importe. Je ne peux m'empêcher de me dire que c'est la faute de Valerion si ceux-là s'avouent vaincus et repartent sans une once d'héroïsme. Et puis je me rappelle ensuite que je n'en ai strictement rien à faire de leurs états d'âme. Ce qui compte, c'est mon passage, mon Riddikulus, et rien d'autre.

Le problème avec tous ces élèves, c'est que leur visage s'inscrit à l'instant même dans ma rétine. Le problème, c'est que je connais désormais l'identité de tous ceux qui auront le plaisir de découvrir en même temps que moi ma pire frayeur. Et ça, ça ne me plaît pas du tout.

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07 sept. 2023, 13:55
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02 novembre 2046 10h25
Salle de Défense Contre les Forces du Mal, Poudlard

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J'ai répété ce moment durant les trente dernière minutes ; enfin, je me mets en mouvement. Mon corps s'anime et se déplie mécaniquement tandis que je plonge mes mains dans les poches de ma robe. À moi aussi, je veux cacher qu'elles tremblent un peu. Je resserre mon étreinte autour de ma baguette pour me donner un peu de courage, mes yeux rivés sur l'armoire. J'ai l'impression de la dévisager en retour, d'inverser la tendance. Je n'ai tout simplement pas le droit à l'erreur, dans cet exercice auquel je suis condamnée.
À cet instant, je serais bien incapable de dire si les autres se désintéressent de moi ou si des tas de regards me transpercent en même temps, dans un silence de mort. Le cœur au bord des lèvres, je crois que je ne sais plus rien du tout.

L'armoire s'ouvre. Un miroir se matérialise furtivement devant moi, tandis que je baisse les yeux et fixe mes chaussures, fauchée par la peur.
Lorsque je les relève, je croise le regard d'une femme plus âgée, aux traits tirés, qui l'enlaidissent nettement. Elle est blonde, la tignasse sale et peu soignée, les yeux plus vitreux que bleus. Elle ne sourit pas, elle n'y arriverait probablement pas. Elle ploie littéralement sous le poids de la vie et de tout ce qu'elle y a raté. Elle est dévorée par les regrets, par le temps qui est passé trop vite, par tous ses échecs accumulés, par tout ce qui l'a presque tuée. Et son regard me crie « Je ne suis plus rien. »
*C'est moi*, je pense. *C'est moi plus âgée*.

J'ai un haut-le-cœur. Je ne peux pas croire que ce reflet me ressemble. C'est tout bonnement impossible, horrifiant, honteux. L'espace d'une seconde, je suis seule face au vertige du temps qui file et qui se fiche bien de savoir si je m'en sortirai dans la vie. Il ne m'attendra pas. Je ne veux pas devenir cette personne. Je ne veux pas me laisser devenir cette chose. J'ai peur de moi-même, peur de perdre le contrôle de mes jours et d'échouer lamentablement à mon propre jeu. Je croyais m'en sortir convenablement dans le maelström de l'existence, mais le miroir vient me rappeler à quel point le succès est volage, l'autre moi-même pour témoin. Et ça m'est insoutenable.
Une envie irrépressible de disparaître me prend, là maintenant, alors même que je sens plusieurs paires d'yeux me fixer, que je me rappelle être au centre de l'attention — comme cela me plaît si souvent — mais tout est différent lorsque l'on prête aussi attention à soi-même et que l'on est pétrifié par ce qu'on voit. Je voudrais revenir en arrière, loin, très loin, et devenir quelqu'un d'autre pour ne jamais avoir à me confronter à ma version adulte ratée. Mais je ne peux pas, et je reste coincée là, en face de mon Épouvantard.

Et puis je me rappelle que ce miroir doit disparaître, que ce qu'il me dévoile doit retourner dans les profondeurs de l'armoire ; parce que ce n'est qu'un exercice. Un stupide exercice qui oppose une créature à une humaine et entre deux, un catalyseur de magie. Rationnel, simple, logique, efficace. Et pourtant, le regard de la femme aimante le mien. Je reviens à elle comme les vagues se réconcilient inlassablement avec la grève et ne peuvent jamais vraiment la quitter. Je me sens terriblement jugée par ma Peur. Un foutu exercice.

Machinalement, je lève mon bras droit et pointe ma baguette sur ce miroir. L'amphithéâtre s'est évanoui autour de nous : plus rien n'existe désormais à mes yeux, excepté ce Reflet et moi. Je voue une haine si viscérale à l'espèce de monstre qui me fait face que ma détermination à réussir est plus forte que jamais. Je veux aller au delà de la peur, dépasser cette émotion, percer le voile et faire surgir le rire. C'est mon seul remède, mon issue de secours.
Mes pensées s'affairent et se représentent la scène la plus ridicule qu'elles puissent imaginer. Je ne suis pas quelqu'un qui a l'habitude d'être hilare ou excessivement rieuse. L'idée même de me faire rire artificiellement, presque de manière programmée, forcée, cela m'agace franchement ; mais je n'ai pas le choix. Je lâche « Riddikulus » d'un ton sec ; je veux juste en finir.

L'image sur la glace se métamorphose pour laisser place à mon véritable reflet. Je retrouve mon corps actuel et cela me procure un sentiment de réconfort sans nom. Les cheveux parfaitement arrangés, la posture impeccable, l'allure vivante. Seulement, je suis vêtue d'un uniforme jaune et noir, clairement identifiable comme appartenant à la maison Poufsouffle. Mon reflet se dandine légèrement, l'air éberlué en contemplant ses propres vêtements et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire en voyant dans quel inconfort le plonge cet accoutrement. Moi, une Poufsouffle ? C'est l'idée la plus absurde que j'aie jamais entendue. Complètement risible. En un sens, les deux reflets du miroir ne me ressemblent pas, chacun à leur manière, mais celui-ci devient tout simplement comique tant il est insensé.

*Il n'existe personne qui aime la souffrance pour elle-même, ni qui la recherche, ni qui la veuille pour ce qu'elle est*.
L'Épouvantard a disparu. Mais je ne sais pas très bien si ma Peur s'en est allée aussi. Je la sens encore tapie au plus profond de moi, prête à resurgir lorsque je ne m'y attendrai pas.

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