Inspiré par tous ces petits Inktober qui pop up, et ayant l’envie d’écrire un recueil d’histoires sur un petit Botruc depuis un an, je saute sur l’occasion. L’idée était que l’arrière grand-mère de Lukas aurait écrit ce petit livre d’histoires qui a fini par arriver sur sa table de chevet, dès ses sept ans. Un jour, un mot, une histoire.

I — Rêve II — Araignées III — Chemin IV — Esquive

V — Carte VI — Doré VII — Goutte VIII — Crapaud

IX — Rebond X — Fortune/Chance XI — Promenade XII — Epicé

XIII — Hausse XIV — Château XV — Poignard XVI — Ange

XVII — Démon XVIII — Selle XIX — Dodu XX — Gel/Givre XXI — Chaînes

XXII — Rugueux XXIII — Céleste XXIV — Superficiel XXV — Dangereux XXVI — Enlever

XXVII — Bête/Animal XXVIII — Briller XXIX — Massif/Immense XXX — Pressé XXXI — Feu

Merci Placido pour ce joli tableau.

........Dans les hauts de Polperro, dans l'Ouest de l'Angleterre, c'est vers 18h50 que le soleil se couche un 1^er octobre. Ainsi, c'est vers 18 heures que Tom, tout sourire, démarre sa course annuelle vers le grand sequoia. L'air s'est déjà bien rafraichi, mais cela n'arrête pas le petit garçon qui ne veut pas manquer les premières feuilles d'automne que l'arbre perdra. Le rendez-vous est immanquable, et son fidèle ami Nestor le Botruc est évidemment accroché à son épaule pour l'événement.

« Tu te tiens bien, hein ?, s'écrit Tom qui voit la petite brindille verte s'agripper à son col. On y est presque ! »

Nestor suit l'ordre de son ami et essaye du mieux qu'il peut de garder ses petits crochets plantés dans le tissu du vêtement, mais il lui faut parfois émettre quelques bruits aigus pour rappeler à Tom que ses pattes ne sont pas infaillibles. Avec la vitesse du garçon, la petite brindille se retrouve les branches arrières en l'air ; et même si la sensation de voler ne lui déplait pas, il préfèrerait s'assurer de sa stabilité sur son humain préféré.

La course se termine après quelques minutes et le grand sequoia les accueille de ses feuilles brunes et dorées. Tom, essoufflé par la pente qu'il vient de grimper, plaque ses mains sur ses genoux pour reprendre son souffle, avant d'être attiré par Nestor qui l'imite. Le rire cristallin du garçon résonne sur la petite colline et celui-ci amène sa main jusqu'au Botruc pour le recueillir et le rassurer.

« Pardon, j'aurais dû te mettre dans ma poche, s'excuse Tom en fixant les petits yeux boudeurs de la brindille. On va s'asseoir ? »

Aucunement vindicatif, Nestor saute de la main du garçon pour fouler enfin le sol, étirer ses petites pattes et tester la force de l'arbre. Ce n'est pas son type d'écorce préféré, mais il ne se refuse pas de limer ses griffes avant et s'en satisfait. Une fois son ami assis en tailleur devant l'arbre, il saute à nouveau sur son épaule et les deux attendent, la tête relevée vers le haut du tronc que les premières feuilles tombent.

Les premiers rayons du soleil arrivent, croisent quelques feuilles, mais aucune ne veut tomber.

« Oh nooon ! Nestor ! Si les feuilles ne tombent pas, on ne pourra pas faire de vœu ! »

Alerté par la déception de son ami, le Botruc saute de l'épaule de Tom pour s'accrocher à l'arbre et monter jusqu'à la deuxième plus haute branche. De son équilibre hors pair, il court jusqu'à son extrémité, à la recherche de la feuille la plus brune, et plante ses griffes dans la tige. Le dos penché en arrière pour lui donner plus de contre-poids, la petite brindille tire de toutes ses forces pour arracher la feuille et la laisser tomber. Après avoir tiré deux fois dessus, celle-ci se décroche et son voyage dans l'air commence, tourbillonnant de plus en plus vers la tête du petit brun. Satisfait de son idée, Nestor remonte la branche et descend du plus vite qu'il peut pour atterrir à nouveau sur l'épaule de son ami. Ni vu ni connu.

« Oh regarde ! Là-haut !, s'acclame Tom en pointant la feuille de son index. Il attend que le rayon du soleil transperce la feuille, comme le veut la tradition écossaise et vient plaquer ses paumes sur ses yeux pour se concentrer. Je fais un vœu, maintenant ! »

Une fois la pensée terminée, Nestor sautille d'impatience sur l'épaule de son ami. Tom, qui comprend très bien que celui-ci lui demande de la partager, rit et se met à réfléchir.

« Mais si je te le dis, ça ne marchera peut-être plus ? Sous l'insistance du Botruc, Tom ajoute : Bon, d'accord ! J'ai demandé à ce que tous mes cauchemars se transforment en rêves. »

Le regard de Nestor se veut inquiet et songeur. Peut-être qu'il n'y a pas de raison de s'inquiéter, mais le Botruc en était sûr : demain, il faudra lui parler de la commande à rêves.

Dans la chambre de Tom, un sorbier entoure la tête du lit de l'enfant et accueille Nestor lorsque celui-ci se repose. Le Botruc a pris le rythme de son ami et c'est, bien emmitouflé dans une petite laine, qu'il dort le long d'une branche. Toutefois, son sommeil est interrompu lorsque le petit brun, pourtant dans un sommeil profond, se réveille dans un sursaut et tout transpirant. Nestor saute alors de sa branche pour atterrir sur le torse de celui qui est tout affolé et le toise du regard.

« Encore un cauchemar !, se désole Tom qui reprend peu à peu conscience de ce qui l'entoure. Et ne me regarde pas comme ça, je ne te raconterai pas. Son dernier mot catégorique lancé, il agrippe sa couette et se recouvre en se tournant sur le côté, comme prêt à se rendormir. »

La petite brindille, inquiète pour lui, réfléchit à une solution. Quelques jours plus tôt, Nestor avait pensé à lui exposer le concept de la commande à rêves, mais voyant l'enfant dormir paisiblement, il avait mis l'idée de côté. Cette fois, il n'avait pas d'autre choix, il allait falloir lui en parler, et surtout, réussir à lui faire comprendre. La communication entre les deux s'était établie assez rapidement lorsque Tom l'avait recueilli, mais certaines idées demandaient un peu plus de stratégies linguistiques. La petite créature scanna alors la chambre à la recherche d'indices. Impossible de prendre du parchemin et une plume, Nestor ne saurait pas écrire la langue de l'humain. Son langage à lui, c'était les branches, les feuilles, les cris et les sautillements. Jusque là, le garçon avait pu le comprendre.

« Je peux savoir ce que tu fabriques ?, questionne Tom en relevant la tête, observant son ami s'agiter à travers toute la pièce. »

Le Botruc enchaine les allers-retours dans la pièce et entasse des petites brindilles les unes sur les autres, puis vient arracher des plumes de l'oreiller de Tom sous la bouche entrouverte par le choc de ce dernier. Une fois le travail terminé, Nestor vient se replacer sur le torse du garçon et croise ses branches, pleinement satisfait de son œuvre. L'enfant se redresse alors en replaçant son oreiller derrière son dos, et fronce les sourcils en tentant de déchiffrer le rébus.

« Euuuh... Nestor ? Je suis censé comprendre quelque chose ? La petite brindille, quelque peu offensée par cette demande, plante une griffe dans le t-shirt de son ami. Aïe !, lâche Tom en se massant le torse pour faire disparaître la douleur. Bon, attends, laisse-moi prendre le temps.. Je comprends les signes de l'addition et du résultat, mais pourquoi est-ce qu'il y a deux plus (+) ? »

La petite créature se retourne, tentant de suivre le raisonnement du garçon, et fonce vers le petit amas de plumes posées avant le signe de l'addition. Une fois devant, il se met à sautiller dessus pour attirer son attention.

« C'est quoi ça ? Un nuage ?, demande Tom pourtant bien concentré. Nestor soupire et fonce maintenant sur la tête du garçon pour sautiller dessus. Ma tête ? Y a un nuage dans ma tête ? Nestor sautille encore pour le forcer à réfléchir encore plus loin. Mon cauchemar ? Tu parles de mes rêves en général ? Soulagé, le Botruc repart en direction du rébus, presque essoufflé par l'exercice qu'il regrette presque d'avoir commencé. Ok, ok, je te suis. Donc.. Mon rêve et un plus... est égal à un autre rêve et un plus... »

Nestor commence à perdre patience et lâche des petits bruits aigus qui ont le don d'agacer Tom.

« Ah ! C'est le signe du positif ? Un rêve positif est égal à un rêve positif ? Entrainé par la bonne réponse signalée par un énième sautillement du Botruc, Tom se met à réfléchir plus vite. Tu veux dire que si je pense à quelque chose de positif, je ferai un rêve positif ? Donc plus de cauchemar ? Je peux demander ce que je veux avant de dormir alors ? »

Nestor, alors de retour sur le torse du garçon, se laisse tomber en arrière, épuisé mais heureux que son message soit passé.

« Merci, Nestor ! Je vais pouvoir arrêter de rêver d'araignées ! Je vais commander des papillons, à la place, lâche Tom en s'emballant à nouveau dans sa couette. Bonne nuit ! »

Epuisé de l'effort, le Botruc n'avait pas pu se rendormir et avait choisi de veiller sur son ami, s'assurant ainsi que la commande de papillons avait bien été envoyée et reçue. Plus de cauchemar à l'horizon.

Allongé sur l’herbe, les bras croisés derrière la tête, Tom observe les formes des nuages en commentant chacun d’eux.

« Oh, regarde celui-là, à côté du tout petit. On dirait un cloporte !, s’exclame-t-il en tournant la tête vers Nestor, lui-même allongé sur un petit copeau de bois. »

Le Botruc s’anime sous l’appel d’un potentiel goûter et plante ses yeux grondeurs dans ceux de son ami, lorsqu’il comprend qu’il ne s’agit que d’un nuage.

« Oh, et celui-là, on dirait un chapeau de sorcier ! Après quelques secondes de silence, il revient, le regard songeur, vers la petite brindille qui reste concentrée sur l’activité à laquelle ils jouent. Tu crois que je serai un bon sorcier ? »

Intrigué par la question plutôt sérieuse du garçon, Nestor se redresse et secoue très fort sa petite tête pour l’assurer de l’évidence de la réponse. Tom, perplexe, se redresse à son tour pour mieux réfléchir.

« Combien de maisons il y a Poudlard, déjà ? »

La petite créature regarde ses deux petites pattes et les présente une première fois, puis une deuxième fois à son ami, espérant ainsi qu’il fasse le calcul.

« Hmm, quatre, tu as raison. Est-ce que j’ai donc quatre fois plus de chance d’y aller ? Nestor réfléchit un instant, n’ayant pas envisagé cette demande, ni ce calcul, avant d’être interrompu par deux autres questions. Et si je ne recevais pas ma lettre ? Et si je n’étais pas un sorcier ? »

Son fidèle ami réagit aussitôt et vient se placer devant lui en sautillant et rouspetant par de petits bruits aigus. Voyant que celui-ci ne réagit pas, il fonce droit dans la poche de son pantalon pour en retirer de toutes ses forces la mini baguette en bois qu’il s’était confectionnée. Comprenant son dessein, Tom lui vient en aide et extirpe son faux catalyseur de sa main droite pour le brandir devant lui.

« C’est vrai que j’ai déjà ma baguette, rit le petit brun en remerciant son ami d’un sourire. Il brandit davantage son petit bout de bois en direction du ciel. Je serai un grand sorcier, j’irai à Poudlard et je protégerai tous les Botrucs. Et toi, Nestor, tu seras leur chef ! »

Ce dernier hoche la tête, satisfait du futur rôle qu’on lui assigne et du chemin que prend son ami, puis saute sur son épaule.

Tom s’amuse à fendre l’air à l’aide de sa baguette, telle une épée à la puissance sans précédents, et le petit Botruc l’imite, car lui aussi s’imagine la même vie que le garçon.

Partis après leur petit-déjeuner, les deux amis, Tom et Nestor se dirigent vers la petite forêt cachée, dans l’ouest de Polperro. Cette aventure en ravit un, mais le Botruc est un peu timide et préfère se cacher dans la poche de la veste brune du garçon.

« Oh, allez, fais pas cette tête, ça va bien se passer, tente-t-il de le rassurer. »

La petite créature se replie davantage sur lui-même, pas vraiment convaincu par les mots de son ami et fixe ses grandes pattes. Il faut dire qu’il n’est pas retourné dans cette forêt depuis un long moment et la peur de ne plus savoir s’y prendre est présente depuis son réveil.

« Papa dirait que c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Et moi je serai derrière toi. Tout le temps. Promis. »

Lorsque Tom arrive vers le petit chemin parsemé de feuilles jaunes et marron, il ne peut s’empêcher de lever la tête en se pliant la nuque, pour observer la cime des arbres. Tous perdent leurs feuilles, mais les pointes forment un ligne qu’il appelle « la ligne magique ». Cette ligne, il l’a suivie un jour en se promenant seul et a fait la rencontre de Nestor, alors tout déboussolé.

« Ça te rappelle quelque chose ?, demande-t-il, tout sourire, sans quitter sa ligne de vue. Je crois qu’on y est bientôt. Tu veux que je te laisse commencer seul ? »

Le petit Botruc, qui s’est relevé pour se tenir droit dans la poche, a posé ses longues griffes sur le rebord de la couture, afin de s’agripper tout en observant le paysage. Il relève la tête en direction du garçon et la secoue en guise de réponse. C’est un non catégorique, il n’est pas encore prêt. Tom lui sourit, comprenant bien qu’il va devoir l’aider encore un peu et poursuit son chemin en silence.

Trois cent mètres plus loin, la forêt se change en une forêt plus mystique et offre des couleurs plus rouges, brunes et même vertes. Les wiggentree font leur apparition et les bruits de pas de Tom ont fait fuir les petits habitants nichés sur leurs branches. Il est impossible de les voir, mais des petits yeux curieux observent les deux visiteurs.

« Je crois qu’il faut que je m’arrête là, Nestor, chuchote-t-il en lui tendant la paume de sa main pour qu’il grimpe dessus. La patte hésitante, il sort tout doucement de sa poche en scannant la forêt de ses yeux intimidés et avance vers l’index de son ami. Tu veux essayer sur cette branche ? »

Le Botruc hoche de la tête, prêt à reprendre confiance en lui, et s’aventure sur le premier arbre où il est délicatement déposé. Voilà que sa mission a commencé : redécouvrir son habitat originel et se balader. Tom ne lui avait pas demandé de chercher tout de suite à se faire des amis, mais tout simplement à tester les branches qu’il devra un jour protéger. A mesure qu’il avance, Nestor prend plaisir à sentir ses grandes griffes s’agripper aux branches et sautille même entre deux bourgeons. C’était bien comme le vélo, cela ne s’oubliait pas.

Son entrain s’accentue et il se retrouve à une dizaine de branches plus loin que son ami qui l’attend derrière. Il ne prend même plus la peine de regarder derrière lui, et sautille encore et encore et esquive une branche après l’autre. Il sautille d’ailleurs tellement qu’il ne voit pas que la branche qu’il vient d’emprunter est tordue et qu’il ne pourra pas se réceptionner correctement.

Sa patte arrière glisse et le Botruc se rattrape in extremis à l’écorche à l’aide de sa griffe avant.

« Nestor ! Ça va ?, crie Tom inquiet qui ne l’a pas quitté des yeux »

Son pas s’est avancé instinctivement et quelques Botrucs se sont réveillés, déjà alertés par ce potentiel danger qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer. Le garçon, bien conscient de ce pas brusque qu’il vient de faire, le repose délicatement à sa place initiale, et s’excuse en une petite moue gênée en direction des yeux qui le fixent.

En attendant, la petite créature est toujours attachée à son écorce et fixe le sol d’un air anxieux. Ses enjambées l’ont emmené à trois mètres au-dessus de la terre ferme. Tomber ne le briserait pas, mais il aimerait tout de même éviter.

« Allez, t’as ça en toi ! Tu peux t’élancer et attraper la branche à ta droite ! »

Les encouragements de son ami le pousse à essayer mais la distance l’effraie.

« Balance-toi ! Fais des mouvements en avant et en arrière pour te donner de l’élan ! »

Le Botruc hoche la tête et s’exécute. Une fois, deux fois, trois fois et voilà qu’il s’élance dans les airs, avec une énergie qui le surprend.

« Vas-y, maintenant plante ta griffe ! »

Encore une fois, Nestor suit les conseils de son ami et plante de toutes ses forces sa patte dans la branche qui le sauve d’une chute vertigineuse. Les petits applaudissements discrets derrière lui lui font comprendre qu’il est bien sain et sauf et qu’il a réussi. Toutefois, n’ayant plus tellement envie de renouveler l’expérience, il s’empresse de retourner dans la poche de Tom et de se satisfaire de cette première expérience.

« Je crois que t’en as assez fait pour aujourd’hui, plaisante le garçon. Bravo, Nestor ! »