7 février 2048
Salle de répétition
Avec @Ernest Stevens

La mélodie résonnait dans la pièce, les notes se suivaient, se croisaient, s'enlaçaient ...

Les doigts de Daphné couraient sur le piano à mesure de la mélodie et ses pieds appuyaient sur les pédales délicatement.

Daphné était complétement plongée dans son piano, dans son univers. Elle n'avait pas joué depuis longtemps, depuis la rentrée. Une éternité pour elle. Le piano était pour elle un moyen de s'échapper, de balancer toutes ses émotions à quelqu'un sans lui faire réellement mal. Elle adorait ce monde d'évasion, elle se sentait elle, libre d'être qui elle voulait comme lorsqu'elle dansait.

Daphné avait commencé a danser et à jouer du piano avant même de savoir parler, la danse et le piano avaient toujours été un moyen pour elle de se libérer et d'exprimer ses sentiments sans contrainte.

Ce matin-là, Daphné s'était réveillé du mauvais pied, elle avait passé sa journée à ronchonner et de mauvaise humeur. Elle était tellement de mauvaise humeur que personne ne l'avait approché, sauf son frère. Lui, il s'était approché, et il en était ressorti avec le joue écarlate qui avait été colorié par une gifle. En soit, il n'avait rien fait, il s'était juste approcher, mais ça en avait été trop pour Daphné.

Elle ne savait pas pourquoi elle avait été comme ça toute la journée, mais lorsqu'elle était tombé par hasard sur la salle de répétition, elle avait su quoi faire pour enfin se libérer de toute cette tension. Avant d'entrer, elle avait collé son oreille contre la porte, pour être sûre qu'il n'y avait personne. Puis, elle avait timidement poussé la porte pour la première fois.

Elle n'avait jamais osé rentrer dans cette pièce de peur de déranger, et elle le regrettait. Daphné sentit que cette pièce allait être son antre, son endroit à elle. Elle s'était approché du piano et avait entamé un de ses morceau préféré : "Merry-Go-Round of Life - Howl's Moving Castle" de Joe Hisaishi.

Elle joua les dernières notes et soupira de bien être, enfin, elle était de bonne humeur.

@Ernest Stevens, enfin là !

Ernest sortait des toilettes des garçons quand son attention fut attirée par le début d’une mélodie bien familière. Des notes délicates d’abord. Comme une brise légère qu’on remarque à peine. Comme envoûté, le garçon laissa ses pieds le mener jusque devant la porte de la salle de répétition. Discrètement, il passa la tête par l'entrebâillement. Il fut surpris d’y reconnaître la silhouette rousse de l’une de ses camarades de promotion. Une serpentard qu’il n’eut pas de mal à identifier. Depuis le début de l’année, Noah avait pris Daphné en grippe. Il ne savait pas pourquoi exactement ni ce qui nourrissait cette animosité. Quoi qu’il en soit, ces deux-là ne s'aimaient pas.

Lui n’avait rien de particulier contre la jeune fille. Au contraire, Daphné faisait partie de sa maison. De ces visages qui devenaient tous les jours un peu plus familiers. Des repères. Il n’avait jamais vraiment eu l’occasion de discuter avec elle. Elle et sa cousine étaient toujours fourrées ensemble. Et pour Ernest, plus de deux personnes c’était déjà un groupe et les groupes, ça le mettait mal à l’aise. Un peu moins sur ses gardes donc, l’adolescent fit quelques pas dans la pièce. Ce qui le surprenait plutôt, c'était le choix de la musique. Merry Go Round of life était tirée de l’un de ses films préférés et il la connaissait par cœur.

Discrètement et silencieusement, il s’appuya contre un mur du fond. Il attendait la suite avec impatience. Le moment où l’air de carrousel se transformerait en un tourbillon intense d’émotions. Et Daphné ne manqua pas au rendez-vous de la chanson. Les notes et le rythme s’accentuèrent. Avec une intensité qu’Ernest avait rarement entendu ni ressenti. La profondeur de son jeu lui coupait le souffle. Jamais il n’aurait pensé que la petite rousse avait ça en elle. Puissance et agressivité mêlées à la délicatesse et la légèreté.

Les dernières notes résonnèrent dans la salle comme suspendues. Absorbé par les émotions que suscitaient cette chanson et la nostalgie à laquelle elle le rappela Ernest laissa maladroitement tomber son sac sur le sol dans un bruit sourd, provoquant le retournement de la jeune fille.

“Euh… Salut, Daphné… Pardon, je… voulais pas t’interrompre ou quoi… ‘fin.. j’écoutais juste… T’es vachement douée…”

Il se rapprocha alors un peu du piano, non sans une certaine retenue.

@Daphné Bridgerton

Daphné finnisa son morceau en beauté, complétement détendue. Décidément, il allait falloir qu'elle fréquente cette pièce plus souvent ! Elle ne se souvenait pas que le piano avait un tel effet de relaxation sur elle.

Elle allait enchainer sur un deuxième morceau lorsqu'elle entendit un bruit sourd qui la fut se retourner vivement. Qui pouvait donc être là ?! Si c'était son frère jumeau, elle ne donnait pas cher de sa survie !

Elle se calma immédiatement lorsqu'elle aperçu Ernest Stevens. Ce n'était pas lui qui allait la mettre en rogne. Il était réputé pour être assez timide avec les filles, contrairement à son meilleur ami dont Daphné avait d'ailleurs fait les frais.

Lorsqu'il s'excusa et qu'il la complimenta timidement, toute la colère de la jeune fille que le garçon soit entré tomba. Il avait l'air vraiment sincèrement désolé.

- Ne t'en fais pas ! Après tout, la musique, c'est fait pour s'écouter ! ... Merci beaucoup d'ailleurs ! Pour le compliment !

Daphné lui souria et se leva du siège du piano pour se retrouver à sa hauteur, elle détestait que les gens lui parlent de haut, même si ce n'était pas intentionnel de la part du jeune homme ...

- Tu sais jouer ?

Daphné commença à se dire qu'un petit quatre mains ne pourrait pas leur faire de mal à tout les deux. Cela permettrai un rapprochement entre les deux jeunes Serpentard, et Daphné comptait bien soutirer à Ernest tout les secrets les plus inavouables de Noah, rien de mieux que de diffuser que le garçon faisait encore pipi au lit pour sa vengeance. Elle cacha sa supercherie avec un grand sourire qui était quand même à cinquante pourcent sincère.

Les mains dans les poches, Ernest se tenait debout à côté du piano. Il observa brièvement la jeune fille, lui rendit son sourire dans une tentative plus ou moins réussie. Elle était loin du dragon cracheur de feu décrit par Noah. Et à la voir comme ça, au piano, il avait du mal à l’imaginer comme un démon sanguinaire. Cela dit, la puissance des émotions charriées par son morceau l’avait décontenancé.

“J’voulais pas t’interrompre, hein… et puis… j’peux partir si ça te gêne…”

Mais la rouquine semblait plutôt ouverte à l’idée de partager quelques mélodies. Quand elle se releva de son tabouret, le petit brun fut bien forcé de lever un peu les yeux. Toutes les filles ou presque étaient plus grandes que lui et s’il avait fini par se faire une raison, ce n’était jamais agréable de se le faire rappeler par les faits.

“Moi ? Euh… nan… enfin… pas comme toi.”

Ernest ne manquait pas de dextérité face à un clavier et s’il savait lire la musique, les seuls morceaux qu’il jouait étaient des compositions qu’il avait apprises par cœur. La véritable pianiste, c’était sa mère. Elianor savait rendre un morceau vivant là où lui n’avait que des réflexes mécaniques. Ce n’était pas qu’il n’aimait pas le piano, c’est juste qu’il ne remportait pas les suffrages de sa sensibilité. Bien sûr, il savait apprécier un beau morceau comme tout le monde, se laisser couler dedans. Mais seulement en l’écoutant. Et encore, parce que c’était sa mère.

“Je connais quelques trucs, vite fait… ma mère m’a un peu appris.”

Et il s’était montré docile. Ernest avait toujours fait ce que sa mère lui demandait. Plus encore ces dernières années où il avait l’impression qu’elle lui échappait. Que la tendresse qu’elle avait nourrit pour lui depuis sa naissance s’effilochait.

Daphné grimaça lorsqu'elle se leva : le garçon était plus petit qu'elle et elle savait à qu'elle point cela pouvait être difficile de se faire "devancer" par une fille concernant la taille, son frère jumeau avait ce soucis là, une raison de plus pour leur conflit de jumeaux. Enfin bref ...

Daphné décida donc de s'écarter du garçon pour que leur différence de taille soit moins frappante, même si Daphné n'était pas grande, il y avait un bon écart entre les deux jeunes Serpentard.

Le Serpentard avait l'air très peu sûr de lui, chose qui faisait ressentir de l'agacement et en même temps de l'amusement à Daphné. Elle décida de se concentrer sur le deuxième sentiment qui lui tira un sourire espiègle.

- Je suis sûre et certaine que tu joues très bien !

Daphné sentait que le garçon avait un talent fou qu'il n'osait peut-être pas déclamer par peur de se faire voir vaniteux ou peut-être n'avait-il tout simplement pas confiance en ses capacités. Mais Daphné était sûre et elle décida de ne pas sortir de cette salle avant d'en avoir le cœur net.

- Tu joues quoi ?

Daphné trouva très touchant que se soit sa mère qui lui ait appris. Elle, elle avait eu le droit à un professeur particulier particulièrement insensible à ce qu'elle voulait faire ou jouer.

- C'est génial que ce soit ta mère qui t'ai appris ! J'aurai adoré ! Malheureusement c'est un professeur vaniteux et égoïste qui m'a enseigné le piano. Je ne sais pas comment il faisait pour être aussi coincé ! A croire qu'il avait un balai coincé dans les fesses ! Enfin bref ... sombre époque !

Ernest enfonça un peu plus ses mains dans ses poches et ses joues se mirent à rosir à la réflexion de la demoiselle. Il haussa les épaules et une moue gênée déforma ses lèvres. Le compliment était probablement de bonne foi venant de la rouquine, mais elle n’avait jamais entendu jouer le petit brun alors il savait que ce n’était qu’un mot de politesse.

Mais c’est qu’elle semblait plutôt déterminée, la Serpentard. Sous l’aplomb de son regard, Ernest baissa la tête, fixant les pédales qui se cachaient sous le clavier. Son regard balaya les touches. D’abord les blanches. Puis les noires. Dans un sens. Puis dans l’autre.

“Euhm… pas des trucs très compliqués… j’sais faire les accords mais… enfin je me débrouille mieux avec la mélodie… et les pédales… ‘fin… c’est pas évident…”

L’espace de quelques instants, en écoutant la jeune fille parler de son expérience d’apprentissage, il s’était dit qu’elle oublierait qu’il lui avait dit qu’il savait jouer et qu’elle reprendrait sa place. Peut-être qu’elle jouerait un autre morceau. Mais Daphné mis cours à cet épilogue et sa posture n’indiquait en rien qu’elle était prête à se rassoir sur le tabouret. Un léger sourire se profila sur ses lèvres quand elle énonça les mots balai et fesses. Il n’avait que douze ans, alors forcément.

“Mais ça valait le coup… tu joues super bien…”

Un moyen comme un autre de noyer le poisson. Mais c'était sincère.

Daphné observa son jeune camarade qui semblait vouloir s'enterrer les deux pieds sous terre, ses mains s'enfonçait dans ses poches et il baissait la tête. En réalité, Daphné savait bien qu'il était tout simplement gêné, mais pourquoi ? Elle n'aurait pas su le dire.

Elle écouta son camarade attentivement en essayant de bien comprendre tous ce qu'il disait, il semblait vraiment très timide ou intimidé.

- Si tu veux, je pourrai t'aider à t'améliorer ! Personnellement, ce qui me met en difficulté, c'est le fait que j'ai des petites mains, il y a pleins d'accord que je dois modifié du coup. Surtout sur les morceaux de Chilly Gonzales, tu connais ?

Daphné accepta avec joie le compliment de son camarade, la jeune fille s'avait qu'elle excellait au piano, ce n'était un mystère pour personne et surement pas pour elle. Après tout elle faisait du piano depuis si longtemps qu'elle aurait été vexé qu'on ne la complimente pas.

- Heureusement que ça a marché ! Si j'avais fait toute ses années de piano pour que ça ne donne rien et que je ne puisse pas jouer un seul morceau, j'en aurai vraiment été énervé !

Daphné décida qu'il était temps d'aborder le sujet "Noah River". Daphné contait bien mettre à exécution sa vengeance.

- Au fait, petite question, on est d'accord que tu es dans le même dortoir que Noah River ?

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Ernest haussa les épaules mais n’osa pas décliner la proposition de la demoiselle. Elle faisait preuve de gentillesse et de bonne foi, ça aurait été impoli de refuser. Il se contenta d’afficher un air mi-figue mi -raisin. Quelque chose qui ne voulait pas vraiment dire non mais qui ne voulait pas dire oui, non plus. Le piano, c’était le truc de sa mère. Il avait aimé apprendre et jouer avec mais seulement parce que c’était synonyme de temps passé de manière privilégiée avec elle.

Il acquiesça néanmoins à sa remarque à propos d’avoir des petites mains. Lui n’était pas très grand, d’ailleurs plus petit qu’elle et ce n’était pas toujours facile d’être petit. Il fallait faire preuve d’autant plus de ruse que ce soit pour se frayer un passage entre les élèves ou pour attraper un livre sur les plus hautes étagères de la bibliothèque. Pour ça, heureusement, il avait appris le sortilège de lévitation auquel il s’était beaucoup entraîné.

Un sourire se dessina sur ses lèvres en entendant une référence familière. Ce qui lui fit déduire que Daphné avait probablement des influences moldues dans sa vie. En première année, le statut semblait être un centre d’intérêt qui titillait la curiosité de nombreux élèves. Ernest restait généralement discret à ce propos mais l’enthousiasme de pouvoir partager une connaissance commune avec la petite rousse l’emporta sur la prudence.

“Ouai… mes mères elles ont plein de disques de lui… j’ai même vu une vidéo une fois… c’est un sacré pianiste… j’aime bien… y a des morceaux qui sont pas trop compliqués aussi.. ‘fin.. si tu cherches pas à l’imiter, ça passe…”

Il en avait un en tête en particulier. Un que sa mère avait beaucoup joué quand elle se mettait encore face au clavier.

“J’pense qu’on progresse toujours quand on s’entraîne et qu’on s’donne du mal… toi t’as dû te donner vachement de mal, ça s’entend…”

Ernest releva la tête du clavier alors que la Serpentard changeait complètement de sujet. S’ils partageaient tous les mêmes cours depuis déjà quelques mois, les premières années étaient toujours dans une phase d’identification et de découverte de leurs camarades de classe. Certains groupes s’étaient formés rapidement. D’autres moins. Les rapports évoluaient néanmoins. Ernest passait beaucoup de temps seul, ce qui ne l’avait pas empêché de commencer à faire plus amples connaissance avec certains élèves.

“Euh… Noah ? Bin… euh… ouai… il est dans ma chambre… Ezra, aussi…”

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