La fillette haussa les sourcils lorsque Tessa lui annonça connaître ce sortilège. Vraiment ? C'était étonnant, vu son année. Faisait-elle partie de ces élèves insupportables qui voulaient grandir trop vite et qui avaient pris de l'avance sur le programme pour se la péter devant les autres ? Enfin, cela restait à prouver. Il y a une différence entre connaître le nom du sortilège et tout savoir sur celui-ci.

Ayant une petite volonté de vérifier les dires de la Serdaigle, Cheryl reporta alors toute son attention sur celle-ci et croisa les bras en lui demandant d'un air intéressé :

— Ah oui ? Dis-moi alors la gestuelle, la formule et son histoire ?

C'était légèrement méchant de sa part. Surtout que, honnêtement, qui se souvenait des histoires des sortilèges ? Et par Merlin, à quoi cela servait-il de savoir comment ont été inventé les sorts ? On n'en avait rien à faire ! C'était pas pour rien que la rouquine détestait littéralement les cours d'histoire de la magie. Apprendre tant de choses pour les oublier le lendemain, quelle perte de temps.

À vrai dire, la Serpentard avait déjà trouvé ces trois informations, d'où sa question. Si la première année mentait, il lui suffisait juste de baisser les yeux, regarder ce qui était écrit sur sa feuille de parchemin, et vérifier si les informations étaient les mêmes.

Un frisson d’angoisse parcourut l’échine de la jeune Serdaigle. Elle trouvait toujours le moyen de faire basculer une discussion du mauvais côté, c’est-à-dire vers la compétition. Et là, elle était prise au piège. Une voix intérieure lui soufflait de partir en courant vers sa salle commune et de s’enfermer dans son dortoir, mais elle décida malgré elle de s’abstenir. Il fallait trouver une solution pour se sortir de ce pétrin. Changer de sujet était son seul échappatoire. Et elle savait parfaitement s’y prendre, car - heureusement pour elle - jouer la comédie était un de ses meilleurs atouts.

- AAAAHHH ! Il…il y a une grosse araignée dans tes cheveux ! mentit-elle en se forçant à pleurer.

Elle avait fait du théâtre pendant toute son enfance, et visiblement, son talent lui servait plus qu’elle ne le pensait. Pendant plusieurs secondes, elle se força à ne pas cligner des yeux, puis se repassa tous les moments difficiles que la vie lui avait forcé à subir. Rapidement, elle sentit une petite larme couler sur sa joue.

- OOOHHH, elle est gigantesque ! On dirait…une araignée-loup !

Elle profita de ce moment de comédie intense pour jeter un coup d’œil sur le parchemin de Cheryl, qui contenait normalement les informations qu’elle refermait sur le sortilège de flammes. Après avoir tout mémorisé, elle se tourna vers l’adolescente, un air effrayé recouvrant son visage.

- Attention, elle se balade dangereusement dans tes cheveux…!

Aha, Tessa avait l'air de ne pas savoir quoi répondre. Evidemment qu'elle ne pouvait pas répondre à ça. A part si on était un adepte des manuels de sortilèges et des cours, cela était difficile d'y répondre. Enfin, la première année semblait tout de même apprécier la lecture mais son silence en disait long. En réalité, c'était ce que cherchait la Serpentard. Bien que le but des deux élèves étaient de faire la paix, il semblerait bien qu'une certaine rivalité subsistait.

Soudain, Tessa haussa la voix. L'exclamation de la Serdaigle fit sursauter la rouquine qui se mit à hurler en pleine bibliothèque dès qu'elle entendit le mot "araignée". Une araignée dans ses cheveux ?! Était-ce réellement ce qu'elle avait entendu ? La fillette perdit son air hautain et fier pour se transformer en furie paniquée.

— RETIRE-MOI ÇA ! s'exclama-t-elle en secouant ses cheveux avec ses mains.

Au lieu de l'aider, la première année renforça la panique de la jeune Styles en lui annonçant qu'il s'agissait d'une araignée-loup. UNE ARAIGNÉE LOUP. Toute la bibliothèque devait entendre le cri strident de Cheryl qui pleurait déjà intérieurement quant à l'état de ses si beaux cheveux dont elle était si fière. Son apparence et son image étaient toujours ce qui comptait le plus pour elle, mais à ce moment précis, c'était sa survie le plus important.

— MAIS AIDE-MOI AU LIEU DE PARLER ! s'écria-t-elle toujours en se secouant les cheveux.

La situation dans laquelle elle avait mit Cheryl était plutôt amusante. Il n’y avait que la brunette pour trouver ce genre d’idées dans des moments si embarrassants. Alors, elle observa sa camarade essayer de faire partir l’araignée-loup imaginaire de ses cheveux. Une cri s’échappa des lèvres de la Serpentard, dont ses yeux se voilaient d’une lueur de panique. Elle secoua ses cheveux de plus belle, en demandant à Tessa de l’aider plutôt que de parler. Ce moment était tellement ridicule qu’une rire incontrôlable s’échappa de la bouche de la fillette. Un mal de ventre la noua en deux, tellement elle ne pouvait plus s’arrêter. Aïïïe, je dois respirer, pensa-t-elle en sentant des larmes perler dans le coin de ses yeux. Elle se ressaisit rapidement, puis se rendit compte de son erreur. Elle venait de se moquer de Cheryl. C’était la première fois qu’elle perdait le contrôle de cette façon. Habituellement, elle arrivait à garder son calme. Alors, elle baissa ses yeux vers le sol, gênée. Comment éviter la potentielle colère de sa camarade ? Super, elle s’était mise dans un sacré pétrin. Et tout ça pour quoi ? Pour espérer se réconcilier avec Cheryl, et oublier leur dispute qui s’était déroulée le mois précédent.

- Euh…l’araignée est…partie…tu…tu veux que je te prêtes ma brosse ? Je…j’en emmène toujours une dans mon sac au cas où. Enfin…je…j’suis pas entrain de dire que t’as les cheveux en bataille…juste…ils…ils sont parfaits, tes cheveux…

Des secondes qui semblaient être des heures pour la rouquine s'écoulaient et, au lieu de l'aider, Tessa s'était mise à rire. Pendant ce temps, cette fichue araignée, insecte des enfers, était logé dans ses cheveux. Ses cheveux ! Était-ce un cauchemar ? Par Merlin, faites que tout ça ne soit qu'une hallucination, un cauchemar, tout ce que vous voulez, mais rien de réel. Mais ça l'était. Cheryl s'était com-plè-te-ment ridiculisée devant la première année. Et pour une fillette comme elle pour qui l'image comptait beaucoup, cela lui fit comme une claque sur le visage. Une claque qui allait laisser des traces pendant un bon bout de temps.

Le rire de la Serdaigle s'estompa plusieurs secondes plus tard et cette dernière lui annonça que l'araignée était partie. Quel soulagement pour la deuxième année qui se retint si fort d'injurier sa camarade et tout ce qui existait sur Terre. Elle lui proposa même de lui prêter sa brosse. Sous-entendu que ses cheveux étaient en bataille. À vrai dire, vu la façon dont la Serpentard s'était secouée les cheveux, le résultat devait être... en bataille. Et Tessa se reprit vite, l'assurant que ses cheveux n'étaient pas en bataille. En voilà une fillette qui savait comment parler à Cheryl.

— Bien sûr que mes cheveux sont parfaits idiote ! rétorqua la rouquine en s'arrangeant sa chevelure du mieux qu'elle pouvait à l'aide de ses mains.

Elle se racla la gorge, fatiguée d'avoir hurlé, et sortit sa brosse à cheveux afin de les démêler. Sa chevelure retrouva vite sa splendeur post-incident araignée.

— Sache que t'es vraiment la pire, ajouta-t-elle après avoir rangé sa brosse. Et je retire ce que j'ai dit, j'accepte PAS tes excuses.

Elle se retourna vivement et alla réunir ses affaires avant de les prendre dans ses bras et de quitter cette fichue bibliothèque.

La jeune Serdaigle regrettait profondément ses éclats de rires incontrôlables face à l’expression apeurée de Cheryl. À présent, elle avait peur que cette dernière ne comprenne son jeu d’actrice et perde son sang froid - même si ce devait déjà être le cas. Elle lui cracha au visage que ses cheveux étaient parfaits, puis se les arrangea avec sa brosse. Bientôt, ses mèches rousses retrouvèrent leur splendeur habituelle.

Alors que Tessa s’apprêtait à ajouter quelques mots gentils pour calmer la situation, elle reçut les reproches de sa camarade comme du venin toxique. Elle, elle était la pire ? Comment…comment ça ? Ça pouvait paraître complètement stupide, mais lui dire qu’elle était « la pire » lui faisait vraiment de mal. Depuis ses disputes imposantes avec sa cousine, il leur arrivait parfois de se croiser dans les couloirs. Pendant ces moments-là, Laly ne se retenait pas de l’accuser d’être « la pire ».

Cette phrase, si peut importante, lui faisait l’effet d’un poignard dans le cœur. Choquée, elle s’écarta de Cheryl et s’agrippa à la première chaise à sa portée. Habituellement, elle se serait énervée et n’aurait pas hésité à se défendre comme la dernière fois où les deux Serpentard avaient essayé de lui piquer son livre, mais là, elle ne fit rien.

- De…d’accord…je…c’est pas grave…de toute façon, je…je ne m’attendais pas à…ce que tu acceptes mes excuses…

Et elle resta figée pendant de longues minutes, le regard plongé dans le néant.