Pour décrire le concierge, Sharp avait utilisé le mot "bizarre" quand Sixtine en aurait utilisé bien d'autres. Mais aucun des mots qui traversèrent son esprit n'était positif. Il fallait dire que le concierge avait touché une corde sensible en s'en prenant au seul élève de deuxième année que Sixtine affectionnait. Malgré tout, le concierge n'en restait pas moins une figure d'autorité dans le château et la professeure, bien que blessée, ne s'autorisa pas à enchérir aux mots de l'élève.

Sans dénominateur commun, l'élève de la maison d'Helga avait rechangé de sujet pour s'attaquer à la discussion initiale. Il voulait connaître la vérité et il voulait qu'elle lui dise et, même si il ne l'avait pas avoué, Sixtine avait bien compris qu'il voulait être le seul dans la confidence. Que Suileabhan n'en fasse pas partie. Elle n'avait de toute façon pas l'intention d'informer le concierge de sa situation voulant à tout prix l'esquiver, ne pas le croiser, ne pas lui parler, ne pas le regarder. Si elle ne ressentait plus autant de colère envers lui, elle n'en était pas moins toujours très attachée. Elle savait bien qu'un petit regard, dans son état mental, pourrait changer toutes ses idées.

- Si j'estime que vous devez le savoir alors oui, vous le saurez et non, Kohler n'aura aucune information.

Elle ne souhaitait pas croiser le concierge, elle connaissait parfaitement ses faiblesses et savait qu'il en était une. Elle savait qu'un seul regard un peu trop prononcé, qu'une seule belle parole pourrait la faire fondre et elle n'en avait pas envie. Elle souhaitait être seule, affronter ses démons seule, être seule dans sa tristesse.

Elle se redressa et cette fois-ci, elle remercia mentalement Merlin de ne pas être soumise aux vertiges. Elle allait pouvoir remettre sa classe dans la disposition prévue pour les cours pratique sans craindre de s'effondrer. Quelques instants plus tard, la classe avait des allures d'amphithéâtre. La professeure avait ensuite récupéré ses affaires ainsi que son carnet qu'elle avait rangé dans ses poches avant de se retourner vers son élève et de lui demander de l'accompagner jusqu'à la grande salle, lieu du dîner.

352

Si la première partie de sa réponse me déçoit durant une seconde — l’enfant en moi croyant toujours mériter plus — je reste satisfait de sa finalité : le concierge n’en saura rien. Parce qu’il n’a rien à savoir, parce qu’il n’est plus dans la confidence et que moi, je le serai. D’ailleurs, est-il tout simplement au courant de son rendez-vous ? Où sera-t-il demain matin ?

Je n’ai pas le temps d’offrir plus qu’un sourire que Valerion se lève, cette fois sans mal, et mes yeux n’ont d’autre choix que de la suivre pour connaitre la suite de cet échange. J’assiste à une baguette qui remet la salle en ordre, ses affaires qui sont récupérées, son carnet et sa petite cordelette qui voyage avec elle, et soudain je m’interroge. J’ai toujours pensé qu’il ne contenait que des notes de cours, des sorts qu’elle aurait cherché à inventer, et au mieux des commentaires désobligeants sur les élèves qu’elle ne supporte pas. Pourrait-il contenir ce qu’elle pense de moi, et au mieux, ce qu’elle sait déjà de sa maladie ? Je relève la tête vers elle, observe où son carnet est déposé et me demande où il dormira ce soir, si ce n’est pas dans ses poches ? Son bureau ? Lui arrive-t-il de ne pas le prendre ?

Interrompu dans mes pensées par une invitation à aller dîner, je secoue la tête.

— Non, merci, j’irai plus tard avec Elijah et Éli. Bon courage pour demain, alors. Et merci pour … Je tends le menton vers les chaises où nous étions…. Le cours et de m’avoir prévenu.

Je mets de côté mon agacement de ne pas pouvoir lui poser plus de questions sur le concierge et subis les idées sournoises qui se préparent déjà dans mon esprit, sans que je ne puisse rien contrôler.