Et soudain tout change. La conversation perd toute l'animosité qui l'habitait jusque là et Tamsin sent au fond de son ventre, les vannes qui s'ouvrent. Ce garçon n'est pas méchant, bien au contraire. Il était simplement venu trouver une quiétude qu'elle a troublé, mais il reste un véritable amoureux des étoiles. Aussi monte-t-il un intérêt tout particulier à ce qu'elle raconte. Il ne se moque pas, là où d'autres se seraient empresser de la traiter de folle. Un sourire étire timidement les lèvres de Tamsin à sa question. Lentement, elle secoue la tête, ses cheveux blonds cendrés suivant le mouvement. « Non pas encore » confesse-t-elle. « Mais peut-être qu'elles ne me comprennent pas ? Ou qu'elles n'ont rien de spécifique à me dire en ce moment. » Doucement elle effectue un mouvement d'épaules qui signifie qu'elle l'ignore totalement au fond.

Tamsin est une enfant née dans les croyances divinatoires de sa mère, aussi sait-elle que le bon moment n'est pas toujours venu. Les astres n'ont peut-être pas de conseiller à lui prodiguer pour l'instant. Mais un temps viendra probablement où ils lui donneront les réponses dont elle aura véritablement besoin. Telle est son éducation et sa manière de penser la vie. « Ce qui compte c'est qu'elles m'écoutent vraiment. Jamais elles ne se plaignent. Elles me guideront plus tard j'en suis certaine. » Ses yeux plongent de nouveau dans la sombre voûte céleste, comme si elle s'en faisait la promesse et que leurs yeux brillants en étaient témoins.

« Et tu sais le meilleur ? » lui demande-t-elle, en reportant son attention sur lui. Son sourire s'étirant d'avantage à la perspective de l'amusante révélation qu'elle s'apprête à lui faire. Elle baisse la voix, sa réponse se perdant dans une chuchotis : « C'est que du coup, elles savent garder les secrets comme personne. »

J'hoche la tête, bien que je ne pense pas que la fille puisse le voir. Je suis sûr que les étoiles peuvent nous répondre, mais pas par la parole. Elles ont d'autres moyens de communication que nous n'avons peut-être pas encore découvert et qui pourtant, son juste sous notre nez. Peut-être que, plus tard, ça sera moi qui trouverai un moyen de communiquer avec elles. Ce genre de pensées me confortaient encore plus dans mon choix de carrière futur.

J'esquisse un demi-sourire et tourne ma tête vers elle. C'est vrai qu'il n'y a pas plus fidèle et secret qu'une étoile. Dommage qu'elles ne puissent pas donner de conseil quand on est dans une situation difficile. Mon sourire toujours sur le visage, je m'adresse à la fille.

- Tu sais, moi aussi je sais très bien garder les secrets...Tu voudrais bien me confier ton nom ?

J'avais dit ça comme si son identité était un des plus grand secret qu'elle pouvait me confier à propos d'elle. Quitte à la voir souvent ici si elle aime autant que moi la vue du ciel, autant la connaitre un peu, même beaucoup. J'ai même plutôt envie de devenir ami avec la Parleuse d'Etoile qui partage mon refuge dans ce château. Plus nous parlons, moins je vois d'inconvénient à ce que nous partagions ce lieu tous les deux.

D’hostile et froide, la tension dans l’air devint peu à peu douce et chaleureuse. Sans se connaître réellement, les deux adolescents n’étaient plus un intrus l’un pour l’autre. Ils en venaient même à se faire des confidences, rien que ça. Tamsin n’aurait pas parié un gallion sur cette frimousse renfrognée qui l’avait presque mise dehors tout à l’heure. Et pourtant voilà qu’ils en venaient à partager le même espace, sans pour autant se faire de l’ombre, la clarté des étoiles ne leur en laissant apparement pas l’opportunité.

Son souffle faisait de petits nuages dans la pénombre, y créant presque une petite galaxie personnelle. L’heure était aux présentations — et après tout il n’avait pas tord. Elle n’y voyait pas d’inconvénient, ni de secret à conserver son identité (sauf celle de son pseudonyme d’espionne évidemment) aussi lui confia-t-elle avec chaleur son prénom, hérité des îles d’Écosse : « Tamsin, je m’appelle Tamsin. » Puis, parce que c’était donnant-donnant : « Et toi tu es ? » Elle l’aurait bien surnommer le démon de la tour d’Astronomie, si les tensions ne s’étaient pas apaisées entre eux. Dans le fond, elle brûlait d’envie de savoir qui il était, cet observateur du ciel qui comme elle semblait dévoué aux cieux et qui sans malice l’avait écouté déblatérer ses drôles de poésies sur la voûte céleste.

Malgré ce début catastrophique, nous avons quand même réussi à nouer une amitié. Du moins, c'est comme ça que je vois notre relation.

Tout aurait pu se passer différemment. C'est vraiment étrange de ce dire ça. On aurait pu se disputer, se crier dessus et complètement cacher nos moments de solitude, mais non. Nous avons été compréhensif l'un envers l'autre, et nous voilà maintenant à nous faire des confidences. Ce n'est pas plus mal, je ne souhaite pas entretenir de relation hostile avec qui que se soit.

Tamsin ? C'est un prénom très beau et original. J'avoue que les prénoms trop courant et simple ont toujours été pour moi quelque chose que je n'appréciais pas. Un prénom, c'est le reflet de soi, de sa personnalité. Comment peut-on se distinguer des autres avec un prénom commun ? Il perd tout son charme, ses saveurs.

- Moi, c'est Awstin. Ravie de te rencontrer.

Je ne vois pas quoi rajouter d'autre. Il n'y a rien d'autre à dire, c'est tout. Mon attention est bientôt totalement aspirée par la contemplation du ciel, infini, majestueux et reposant. C'est en quelque sorte une thérapie pour moi de venir ici. Etrangement, c'est seulement quand j'observe le ciel comme maintenant, sans bruit et dans la pénombre que ma concentration est à son paroxysme. Les étoiles m'aspirent, m'attirent, me fascinent et ne me lâchent plus.