Il a des questions, énormément de questions et je les comprends toutes car elles sont toutes légitimes. Je m'efforce de ne pas m'écrouler alors que tout mon corps ne désire qu'une chose, partir. Je veux partir d'ici, quitter toutes les personnes que j'ai pu rencontrer, toutes les personnes qui ont une fois croisé ma route ainsi, plus personne ne souffrira par ma faute. Plus que tout je souhaite disparaitre totalement de leur mémoire mais je sais qu'avec cet enfant que je porte je n'en ai pas la capacité et puis, je serais bien incapable d'ensorceler tout Poudlard. Je me demande si l'enfant que je porte survivra à ma simple présente et si Lukas se remettra un jour de m'avoir rencontré. N'était il pas mieux avant de me connaitre ? Les choses n'auraient elles pas été plus simple sans mon existence ? Aujourd'hui, il s'inquiète, il s'interroge, il pleure et il prend ses distances parce que je suis un jour entrée dans sa vie au lieu de rester à ma place. Je prends une grande inspiration qui soulève ma poitrine avant de tendre ma main vers Lukas pour qu'il l'attrape et s'installe à côté de moi.

- Je ne peux pas bloquer votre esprit, je ne peux même pas vous apprendre à le faire... Je peux simplement vous garantir que personne ne cherchera à entrer dans votre esprit pour cette histoire. Il suffira que j'explique que tout ça est de mon propre fait et non du votre.

Dans mon esprit les choses sont soudainement très claires et je sais parfaitement comment sauver l'enfant et le concierge. Il suffira que je prétexte avoir manipulé Lukas pour qu'il agisse comme il l'a fait, que je prétexte m'être servie de lui pour qu'il propage cette rumeur mais qu'en réalité, tout n'est que mensonge. Un mensonge inventé par une femme en proie à la colère et à la solitude qui n'a trouvé que ce moyen pour se venger d'un amour passé.

Entrainé par la main qui m’oblige à m’asseoir, je perds ma position et m’adapte à la sienne. Son explication me déçoit, mais elle me rassure. Si personne n’entrera dans mon esprit, alors je devrais pouvoir mentir sans trop de problèmes. Je n’ai qu’à me persuader que c’est elle qui en est à l’origine, comme elle le dit. Si elle ne risque rien, alors je n’ai pas de raison de modifier cette explication aux yeux des autres. En revanche, je briserais cette entente si j’apprenais que par ma faute, elle était punie à hauteur des punitions que peuvent recevoir les adultes.

Je hoche la tête, comme signe d’entente. Je baisse les yeux sur sa main qui est restée si proche de la mienne. Sa main ne m’a jamais quitté, sa protection non plus, il serait temps de lui faire confiance. Je tente de balayer ce sujet en reprenant quelque chose de moins dramatique et qui nous lie elle et moi.

— Est-ce qu’on peut reprendre nos cours privés ?, demandé-je avec un léger sourire, avec l’espoir qu’à sa réponse, je sache si l’histoire peut être enterrée ou non. Je veux reprendre notre routine, revenir à la vie avant le 03 novembre, revenir au premier rang dans les cours de Défense.

Je jette un coup d’œil vers le bureau, le lieu où elle cachait son carnet noir et me demande si elle fera attention à toutes ses affaires désormais. Tout comme je me demande si elle me reprêtera sa baguette, si elle viendra à nouveau me rendre visite à Portree, ou si tout est à refaire et à gagner.

Le conversation prend une autre tournure, l'atmosphère est plus légère et je sens un poids quitter mes épaules quand il n'aborde plus le sujet du concierge. Je me sens soulagée qu'il n'en parle plus, soulagée qu'il ne parle plus de sa potentielle punition qu'il n'aura jamais et soulagée de voir que je compte toujours un peu pour lui. Il n'a pas besoin de me le dire, le simple de fait de me demander à reprendre nos cours privés est une déclaration. Et ce sourire, ce petit sourire qu'il n'accorde qu'à moi me fait sourire en retour tant il m'a manqué. Parce qu'il m'a manqué et que je ne veux pas briser notre lien je le reprends dans mes bras et plaçant mes mains sur son dos je le serre un peu plus fort pour qu'il comprenne que je suis là et je serai toujours là.

- Evidemment que l'on peut, venez mercredi, nous avons beaucoup d'heures à rattraper.

Je le relâche et lui laisse son espace vital. Satisfaite de la conclusion de notre échange, je me dirige vers mon bureau et saisi l'une de mes plumes avant de griffonner quelques mots sur un morceau de parchemin. Dessus, j'inscris que Lukas Sharp était en entretien avec moi jusqu'à présent et qu'il a l'autorisation de braver le couvre-feu sous ma tutelle le temps de retourner jusqu'à sa salle commune. Si j'avais été en meilleure forme je l'aurais accompagné jusqu'à son terrier mais je sens que la fatigue me gagne et je doute de pouvoir revenir jusque dans mes quartiers une fois aux cuisines.

- Tenez voici votre laissez-passer pour retourner jusqu'à vote salle commune. Lui dis-je en lui remettant le document. Bonne nuit, Lukas.