Je ne peux m'empêcher de ricaner en entendant la réponse Ginger. Je savais qu'elle avait de l'esprit, pensé-je alors, parce que c'est un bon trait d'humour qui réussit même à m'arracher un rire.

« Oui il l'est, et il vient d'Ilvermorny. »

Je me laisse alors aller à penser à lui, en attendant qu'elle rebondisse sur le reste des mes paroles. Bien que je sois impatiente de le voir débarquer à Poudlard, j'ai aussi un peu peur. Il faut dire que je ne sais même pas à quoi il ressemble. Je l'imagine comme quelqu'un de grand, beaucoup plus grand que moi, plus grand que Ginger aussi. Mais sinon, j'ai du mal à voir autre chose. Plus le temps passe et plus la hâte se transforme en appréhension.

Après quelques secondes de silence, la capitaine me pose de nouvelles questions. Et ces questions là me font presque oublier la course qui m'attends encore.

« Je sais que, lorsque un Animagus se transforme, il garde sa conscience propre. Mais je crois que ça n'empêche pas un certain instinct animal. On dit aussi que plus l'Animagus garde sa forme animale, plus il peut s'oublier en tant qu'humain et prendre des réflexes animaux. Mais je ne sais pas si un Animagus oiseau sait voler tout de suite ! Il faudra que je pose la question au professeur Dawson. »

Répondis-je avec un en train non dissimulé. Il y a quelques années, dire que je ne sais pas aurait été douloureux, mais dans ce cas précis ça ne me dérange pas le moins du monde. Je ne me rends même pas compte que je le prononce.

Et j'ai complètement oublié la course à pieds. C'est comme si parler de ma formation m'avait redonné un second souffle.

« Et puis, si je dois faire du sport, c'est pour améliorer mon endurance et mon rythme cardiaque. Le professeur Dawson a dit que mes performances seraient meilleures sous une forme animale, mais le mieux c'est de se rapprocher de ses compétences. Alors si je deviens un animal avec un rythme cardiaque plus élevé, je crois que c'est mieux de m'en rapprocher le plus possible. »

Mes mots sortent tous seuls, mais si cela ressemble fort à une conversation avec moi même, je lève les yeux pour regarder Ginger. Je lui adresse un petit sourire l'air de dire voilà tout ce que je sais. A cet instant, je me rends compte que la discussion tourne vraiment autour de moi, mais je ne sais pas quoi dire pour m'intéresser à elle. Je commence à y réfléchir en attendant sa réponse.

Ilvermorny. Je mets un moment à me remémorer de quelle école de magie il s'agit. Bien sûr, je n'aurais pas dit non à un échange avec n'importe laquelle des écoles, mais quitte à avoir le choix, Illvermorny n'a pas été jusqu'à dans mes favoris.

D'un hochement de tête, j'accueille les informations que me fournit Adaline. S'oublier en tant qu'humain pour adopter des réflexes de plus un plus animaux... ah ouais, je commence à comprendre pourquoi il est nécessaire de faire tout une formation, pour devenir Animagus. Ce n'est pas juste qu'il s'agit d'une métamorphose particulièrement compliquée... c'est carrément quelque chose de potentiellement risqué. Je fronce les sourcils : je me demande s'il est possible d'atteindre un point de non-retour, dans la transformation. Ce qui m'amène à une nouvelle question :

"Un Animagus fait comment pour se retransformer un humain... enfin, il peux parler sous forme animale ? Ou c'est une espèce de sortilège informulé ? D'ailleurs, il n'aura pas sa baguette, non ? Comment il fait ? Ça doit être tellement stylé la magie sans baguette, tu penses qu'on apprendra un peu à Poudlard ?"

C'est quelque chose qui m'intéresse sincèrement... j'aimerais beaucoup un jour être capable de faire de la magie sans mon catalyseur. Ça doit être tellement pratique et rassurant, de ne pas dépendre d'un objet pour pouvoir laisser sa magie s'exprimer !

J'allais demander ce que la course vient faire dans tout cette histoire de formation, mais ma camarade de maison me devance. Je ne peux pas m'empêcher de sourire d'ailleurs, par-ce qu'Adaline semble bien avoir retrouvés son souffle, avec tout ce qu'elle me raconte. Tant mieux, parce que je constate qu'on va bientôt arriver au bout de notre tour de terrain fait en marchant.

"Prête pour reprendre un peu de course, je demande à la brune. juste autant que tu penses pouvoir faire, j'te suivrai... mais oublie pas le sprint final cette fois !"

Je la regarde d'un air interrogateur, attendant sa confirmation pour la suite de ce petit programme sportif improvisé.

En continuant de marcher à ses côtés, je réalise que Leo Ginger est une personne intéressante.

Elle est certes bourrue, du moins autant qu'elle en a l'air quand on la regarde s'exclamer ou brandir son poing après une victoire, mais elle n'en est pas moins intéressante. En évitant de penser trop longtemps à ce que j'ai raté en la classant comme une fille à qui je ne parle pas, je me concentre plutôt sur ces questions. Le fait qu'elle me porte un intérêt, enfin qu'elle porte un intérêt à la formation que je suis, aide sûrement à la rendre plus intéressante.

« Alors, je sais que selon le niveau de maîtrise le sorcier peut se transformer sans baguette. Certains ont besoin de leur baguette pour se transformer en animal. Mais pour redevenir humain, c'est un peu comme un sortilège informulé oui, c'est sa volonté qui le fait redevenir un humain. »

Je souris en lui adressant un petit regard en coin. Visiblement, la magie informulée allume une petite lumière dans son regard, et je hoche la tête.

« Je crois que c'est pas au programme... Mais tu peux toujours essayer de convaincre Miss Perkins de te donner des cours particuliers. »

Répondis-je avec un petit sourire. Même si je ne sais pas du tout si Miss Perkins maîtrise ce genre de magie, j'imagine quand même qu'elle doit avoir deux ou trois conseils à donner à une élève de cinquième année qui brûle d'envie d'en apprendre plus... Cette perspective pourrait être la mienne si je ne devais pas déjà commencer le footing, faire de la résonance cardiaque tous les jours et apprendre à méditer correctement. Sans oublier les cours particuliers.

Ginger me rappelle à l'ordre et je hoche la tête.

Je reprends la course au même rythme. C'est un rythme lent, je m'en rends bien compte en voyant la mine de la capitaine qui me suit sans mal - presque avec ennui. Je me sens coupable un instant, de lui infliger une course aussi lente, mais je me reconcentre sur ma respiration.

Alors que je termine un premier tour de terrain, mes poumons recommencent à brûler. Ma respiration se fait plus rapide et beaucoup plus haletante et le tintamarre de mon cœur jusque dans mes oreilles m'empêche de me concentrer correctement.

« Je crois que c'est le sport qui sera la plus dur cette année... Encore, la méditation, les respirations... Je commence à m'y faire... Et puis... les métamorphoses inter... espèces... sont difficiles... mais... je finirais... par... réussir... »

Dis-je à la capitaine, trottinant à côté de moi. En commençant ma phrase, je n'imaginais pas qu'elle prendrait cette tournure, mais je ne pouvais pas la laisser inachevée.

D'un hochement de tête, je prends connaissance des informations que me fournit Adaline. C'est marrant... s'il y a deux jours, quelqu'un m'aurait dit qu'il suit la formation Animagus, j'aurais probablement lâché un "ah ok, cool" sans m'en préoccuper outre mesure. Et sans m'y intéresser d'avantage, surtout, ce qui airait été une erreur, comme je dois maintenant le constater. Les circonstances, le fait de retrouver Adaline sur un terrain qui m'est familier, dans un domaine que je maîtrise, ont fait que j'ai laissé les mots "formation" et "Animagus" faire le tour de mon esprit plutôt que de les renvoyer directement dans un tiroir "ouais, bof, on s'en fiche un peu" de mon cerveau. Et je suis contente de l'avoir fait puisqu'en prenant le temps d'y réfléchir, des questions qui m'intéressent réellement me sont venues. Et en réfléchissant à ces questions – ou plutôt aux réponses fournies par ma camarade – de nouvelles questions me sont venues... tout une avalanche d'interrogations curieuses et sincères.

Et je suis presque un peu surprise – positivement, bien entendu – de la facilité avec laquelle Adaline et moi menons cette discussion. Enfin c'est vrai que je sais interagir avec facilité avec plus ou moins tout le monde, je trouve toujours des anecdotes à raconter ou peux rigoler sur des banalités. Mais je ne suis pas sûre qu'Adaline soit quelqu'un avec qui le small talk soit une discipline particulièrement satisfaisante. Aussi, je suis contente de voir qu'elle n'a pas l'air de s'ennuyer à causer avec moi.

D'ailleurs, les cours particuliers, c'est une chouette idée.

"Ouais je verrai... c'est que l'emploi du temps d'une joueuse de Quidditch est chargé !"

Je souris. En vrai, pas taaaant que ça. Bien sûr, j'ai les cours, j'ai beaucoup d'heures d'entrainement et entre les clubs de duel, de sortilèges et des courses, j'ai beaucoup de programme. Mais mon temps libre, pouvoir passer du temps avec ceux que j'apprécie, m'est précieux également et je sais toujours aménager des moments détente et légers entre les heures plus intensives. Par exemple, je pense que je vais grandement ralentir l'apprentissage de la langue des êtres de l'eau, dans laquelle je m'étais lancée l'année passée et qui demande beaucoup de temps. Alors j'aime bien, mais il y a d'autres choses que j'aime plus et qui pour le coup, me sont plus importantes. C'est aussi simple que ça.

On se remet doucement à trottiner et je me dis qu'avec tout ce qu'elle me raconte, l'emploi du temps de la Gryffondor ne doit pas être particulièrement léger non plus. Je me demande ce qu'elle fait de son temps libre. Hormis réviser et passer du temps à la bibliothèque, je veux dire...

Enfin bref. Le souffle de la brune se fait à nouveau plus saccadé, aussi je lui lance un sourire encourageant :

"Tu t'en sors bien en tout cas, continue comme ça !"

On parcourt encore quelques mètres et je suis son rythme avec facilité, puis, spontanément je lui lance :

"Hé, je viens de penser à un truc... je te donne des conseils en course et pour améliorer ton endurance et toi en échange, tu m'aides un peu avec la métamorphose... t'en dirais quoi ?"

Le silence s'installe à nouveau entre nous deux. Le temps d'un instant, je ne pense plus que c'est chiant de parler avec les autres, je ne pense plus qu'il y a que les élèves les plus brillants qui brillent vraiment, je ne pense plus qu'il faille avoir des bonnes notes pour être intéressant. Je me dis que Ginger a bien fait de venir me trouver sur son propre terrain pour me sortir un peu du mien.

En continuant à trottiner, je scrute le terrain qui s'étend devant nous. Sur mon front se mêle sueur et condensation, mon nez froid est rougi et mes bras commencent à ressentir la caresse du vent de novembre.

Quand la proposition de Ginger parvient jusqu'à mes oreilles, je ne peux dissimiler un petit sourire. Si elle me propose de lui donner des cours particulier, c'est qu'elle me considère come une professeure intéressante non ? Et ça, c'est bien le meilleur compliment qu'on puisse me faire. Bon, c'est vrai, elle ne l'a pas dit comme ça.

Je tourne la tête vers elle, tout en trottinant, et je hoche la tête.

« Je savais pas... que tu t'intéressais à la métamorphose... »

Répondis-je sans réfléchir.

L'instant d'après, je me rends compte que cette remarque est mal placée. Oui, elle s'intéresse à la métamorphose, sinon pourquoi est-ce qu'elle me demanderait de lui donner un coup de main. Je secoue la tête, quelle débile je fais, je pense avant de me reprendre.

« C'est d'accord ! Je pense que... j'aurais besoin... de toi... pour la course. »

Ajouté-je en haletant.

Je jette à ma comparse un sourire qui veut en dire long avant de me reconcentrer sur la course. Il faut que j'atteigne l'objectif que je me suis fixé, même si mes poumons menacent à nouveau d'exploser, même si mon nez se met à couler, même si la sueur imprègne chaque parcelle de mes vêtements. Je dois finir ces trois tours de terrain.

Ginger m'accompagne silencieusement jusqu'à ce que je termine, puis on échange quelques mots avant de se quitter. Du genre, repose toi bien, n'oublie de bien manger à midi, retrouve moi à la bibliothèque demain.