Mars 2048
Beauxbâtons, France


Assise à son bureau, Alice n’était, pour une fois, ni occupée à rédiger ses devoirs ni à écrire des compositions. A vrai dire, Alice avait déjà fait tout cela. A présent, ses préoccupations étaient toute autre.
Jeffrey Hunter, son chevalier servant d’un jour. Un Poufsouffle qu’autrefois elle aurait méprisé pour sa simple appartenance à la maison du blaireau, ou pour son adoration du Quidditch, ou encore pour son humour facile. Hors, aujourd’hui, Alice songeait au garçon d’une manière bien différente. Il avait volé au secours d’Althéa, sa chouette bien aimée, et cela sans s’inquiéter pour son propre confort. Ce geste courageux, et peut-être naturel pour Jeffrey, avait su toucher le cœur d’Alice.
Jeffrey Hunter n’était pas le genre de personne avec lequel Alice aurait pu songer avoir des points communs. Et pourtant, les deux adolescents avaient pu en découvrir quelques uns : leur affection pour le monde animal et leur volonté de travailler auprès des dragons. Alice se demandait parfois, lorsqu’elle songeait à Jeffrey, si d’autres choses pouvaient les lier. Peut-être pas. Jeffrey Hunter et Alice Sangblanc étaient trop opposés.

Sa plume entre ses doigts, Alice coucha sur papier les quelques mots qu’elle voulait adresser au Poufsouffle.

Jeffrey,

J’espère que tu te portes bien. Comme tu auras pu le constater de tes propres yeux, c’est le cas d’Althéa. Elle s’est remise de ce fâcheux incident en un battement de cil. Cette chouette est surprenante.

Malgré les mois qui ce sont écoulés depuis notre dernier échange, les détails de notre discussion me sont impérissables. Il ne m’est pas toujours évident de faire de nouvelles rencontres aussi pertinentes que la nôtre, et cela même si je suis aujourd’hui à Beauxbâtons. La nôtre m’est donc précieuse.

Je n’oublie pas le sauvetage d’Althéa, et encore aujourd’hui je te suis reconnaissante de t’être mis en danger pour nous aider. Aussi, il m’est inconcevable de ne pas récompenser ta bravoure. J’espère que Tiamat sera à ton goût.

Amicalement,

Alice Sangblanc

Dans un geste tendre, Alice se saisi du présent qu’elle avait préparé pour Jeffrey. Le fruit de nombreuses heures de pensées et de réflexions.
Alice avait songé à tout ce qui pourrait plaire à Jeffrey et rendre gloire à son sauvetage. Elle avait d’abord pensé à une chevalière ornée de dragon d’or blanc, mais un tel présent était trop intime, et Jeffrey aurait pu se fourvoyer sur ses intentions. Puis, elle avait eu en idée de lui offrir un séjour en Hongrie pour qu’il puisse découvrir les terres des Magyars, mais cette fois ce fut Père qui refusa, jugeant que c’était trop, bien trop pour un garçon qui avait seulement aidé sa chouette. Une figurine draconique aurait été trop enfantine pour un garçon de son âge.

Après de longues réflexions, une idée vint à l’esprit aiguisé de la jeune fille : une création. La sienne. Bien sûr, il lui avait fallu l’assistance de ses aînés Sangblanc. Alice n’était qu’une novice dans la création d’enchantements, là où ses aînés avaient de longues années expériences.
En quelques jours naquit alors une petite boule de verre, lieu de vie d’un dragon de fumée se repaissant des émotions de son porteur. La première fois qu’Alice avait pris sa création entre ses mains, le dragon de fumée avait déployé ses grandes ailes pour voler en cercle, agrémentant son bal aérien de superbes figures. La preuve formelle que son enchantement fonctionnait à merveille
Aujourd’hui, le vol de Tiamat était plus léger, à peinte teinté d’excitation. Alice se sentait fière, si fière d’avoir imaginé une telle création. Elle en viendrait même à envisager le métier d’enchanteresse pour permettre au Monde de profiter de son ingéniosité.
Peut-être le deviendrait-elle sur son temps libre, lorsqu’elle ne serait pas occupé à parfaire la vie des dragons. Et, comme pour avec le présent de Jeffrey, elle signerait chaque création de ses initiales en lettres d'or.



@Jeffrey Hunter

Avec le mois de mars Jeffrey retrouvait le plaisir de se rendre à la volière même si la météo n'était pas encore très clémente. Au moins le plus gros de l'hiver était passé, ce qui n'était pas pour déplaire au Poufsouffle. Ces dernières semaines le sixième année n'avait pas beaucoup mis le nez dehors à part quand c'était absolument nécessaire ou pour ses entraînements pour les courses de balais. De toute manière il n'avait pas beaucoup de temps libre non plus depuis le nouvel an.

Mrs Priddy avait décidé de lui confier l'insigne de Préfet, que Jeffrey avait accepté malgré quelques réticences. Et depuis cette nomination le quotidien de l'anglais avait pas mal changé. Le garçon avait du sacrifier quelques habitudes et les correspondances qu'il entretenait avec sa famille s'en était retrouvée notamment affectées. Pour autant certains courriers méritaient de ne pas rester trop longtemps sans réponse. Et pour une fois il ne s'agissait pas d'un courrier de sa famille.

Quelques jours plus tôt Jeffrey avait en effet reçu un courrier surprenant de la part d'Alice Sangblanc. Le contenu avait dans un premier troublé l'anglais mais il l'avait aussi trouvé touchant, tout comme le cadeau qui avait accompagné la lettre. Le Poufsouffle ne savait pas trop quoi penser de tout ça. De son point de vue il n'avait fait que porter assistance à un animal qui en avait besoin et pour le sixième année il était difficile d'imaginer que des gens puissent passer leur chemin en faisant comme s'ils n'avaient rien vu. Mais visiblement pour Alice ce geste avait été profondément marquant et gardait un bon souvenir de leur rencontre. Sur ce point précis en revanche, Jeffrey ne pouvait nier qu'il avait aussi apprécié le moment bien qu'une pointe de culpabilité accompagne ce constat.

Arrivé à la volière Jeffrey reprit son souffle quelques instants et n’appela pas tout de suite Khéops. Il préféra tout d'abord relire le courrier qu'il allait envoyer à son tour à la pensionnaire de Beauxbâtons.

Alice,

Effectivement ça faisait plaisir à voir. Althéa semblait en pleine forme. Je suis content qu'elle se soit remise aussi vite.

Je voulais vraiment te remercier pour ce magnifique cadeau que tu m'as fait. Je l'aime beaucoup et il n'est pas rare que je le mette sur la table de chevet pour que Tiamat m'accompagne dans mes lectures. Je ne saurai dire pourquoi mais ça me détend. Tu as un talent fou en enchantements et sortilèges en tout cas.

Je n'ai pas le sentiment d'avoir fait quelque chose de si fou que ça, il m'était juste impossible de laisser un animal souffrir par pareil temps. J'ose espérer que tout le monde en aurait fait autant à ma place... Quoi qu'il en soit merci encore pour ta délicate attention.

Je garde aussi un bon souvenir de notre rencontre même si avouons le, elle n'avait rien de conventionnelle ! Je suis content d'avoir de tes nouvelles et j'espère que tu n'es pas trop nostalgique de ce bref retour à Poudlard.

De mon côté tout va bien merci même si mon quotidien s'est bien transformé depuis ta venue. Quelques jours après ton départ pour Beauxbâtons j'ai été nommé Préfet. Bien que j'ai accepté cette responsabilité je ne suis pas encore très à l'aise dans ce rôle. Il faudra un peu de temps encore j'imagine pour me familiariser avec cet insigne.

A bientôt par retour de hibou, si tu le souhaites.

Amicalement,
Jeffrey

Pris dans la lecture de sa lettre Jeffrey fut surpris par le pincement affectueux donné par Khéops, qui l'avait rejoint. Le volatile semblait tout disposé à mener à bien la mission que son maître semblait sur le point de lui confier.

Le Poufsouffle prit tout de même quelques secondes pour caresser sa chouette harfang avant de cacheter soigneusement sa lettre et de l'attacher à la patte du volatile. Ce dernier prit alors son envol après un léger hululement en guise d'au revoir. Jeffrey regarda Khéops s'éloigner au loin jusqu'à ce qu'il ne soit qu'un tout petit point dans le ciel puis sans trop tarder le Poufsouffle reprit le chemin du château. Il avait des obligations de Préfet qui l'attendaient.

Alice avait prit l’habitude de ne jamais lire son courrier dans sa chambre. Habitude qu’elle n’eut d’autre choix d’adopter après avoir découvert que sa camarade de chambre et amie était une fouine. Léonie était bruyante, une vraie pipelette, mais lorsqu’il s’agissait de secret à découvrir ou de ragots a entendre, elle se faisait aussi discrète qu’une souris. Alice l’avait appris à ses dépends lorsque, un jour, alors qu’elle était occupée à lire un courrier d’Aliosus, elle sentit le souffle chaud de Léonie dans sa nuque, et ce quelques longues secondes après le début de sa lecture.
Depuis, Alice lisait ses courriers dans les couloirs, là où elle pouvait entendre les pas de ses camarades résonner.

Alice se félicita de cette habitude alors qu’elle découvrait la réponse de Jeffrey.

Les compliments de Jeffrey lui allèrent droit au cœur. Quand bien même elle avait conscience de ses talents d’enchanteresse, lire que Jeffrey l’en félicitait était agréable. Son cadeau avait fait mouche.

Le sourire qui avait commencé à naitre sur son visage se figea. Elle rapproche la lettre de son visage, ses sourcils se fronçant. Jeffrey remettait en question l’importance de son sauvetage. Par Circée, pas encore ! Père lui avait déjà suffisamment dit qu’un tel acte ne nécessitait pas de récompense. Pourquoi ne daignaient-ils pas comprendre que la bonté et les actes chevaleresque doivent être félicités, au risque de les voir un jour disparaître ? Jeffrey et Père étaient de bonnes personnes, sans doute pensaient-ils que chaque individu aurait fait la même chose, mais ils se trompaient lourdement.

Le reste de la lettre parvint à apaiser Alice. Elle y répondrait ce soir, puisque Léonie serait en classe d’Art Plastiques.

Assise à son bureau, Alice jeta un bref regard à ses camarades de chambre. Occupées à expérimenter de nouvelles coiffures, elles ne le la dérangeraient pas.

Cher Jeffrey,

Je suis ravie que ce cadeau te plaise. J’ai eu de nombreuses hésitations le concernant, aussi suis-je rassurée de lire que Tiamat était le meilleur choix possible. Les enchantements sont ce que je préfère, j’aime en invente. Celui ci est complexe, aussi ai-je reçu de l’aide. C’est une discipline intéressante et sans limite mais ô combien complexe.

Ne remet jamais en question la valeur de ta bonté. Crois moi sur parole : tout le monde n’aurait pas agit comme toi, et nous aurait abandonné. La gentillesse se perd, car trop souvent perçue comme une faiblesse. Ce n’en est pas une, bien au contraire. Mes remerciements ne sont pas mal placés.

Poudlard ne me manque pas tant que cela. Les souvenirs qui y sont liés ne sont pas tous joyeux. En réalité, ce sont plutôt les visages familiers qui me manquent. J’aime Beauxbâtons, plus que je n’aime Poudlard. Mais jamais Beauxbâtons ne m’apportera la joie que j’ai ressenti en revoyant vos visages.

Je suis ravi de lire que tu es devenu Préfèt ! Mes plus sincères félicitations. Personne n’est préparé à devenir préfet. Tu apprendras. De mémoire, Maddie était préfète ? Peut-être peux-tu demander conseils auprès d’elle ? N’hésite pas à demander à Aliosus. Il sera ravi de t’aider à aborder cette nouvelle fonction. Lui même incarne tout ce qui est attendu chez un préfèt. Je lui en toucherai un mot lorsque je le verrai. Nul doute qu’il sera honoré de t’aider. Quant à moi, je ne peux que tu conseiller de croire en toi. M’est d’avis que tu manques cruellement de confiance.

Aurais-tu des conseils à me donner concernant le vol sur balais ? En ce moment, en cours d’Arts Aériens, nous abordons le slalom, et je dois t’avouer être assez décontenancée.

A bientôt j’espère,

Alice

Alice lu sa lettre plusieurs fois pour s’assurer de n’avoir rien oublié. Demain, elle profiterait de la grasse matinée de Léonie pour la confier à Althéa.