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15 sept. 2023, 17:07
Promis, j'en vaux la peine  PV 
Plus elle parle, plus mes sourcils se froncent. Jusqu'au moment où je ne suis plus capable de regarder dans sa direction. Je bats des paupières et tourne les yeux, troublée par ce qu'elle est en train de dire. Ses mots ont soulevé mon coeur avant de le laisser retomber brutalement. La sensation de chute me fait m'accrocher encore plus fort à ma tasse. Qui ferait cela ? a-t-elle dit. Qui mettrait quelqu'un qui a besoin d'aide à la porte ? Qui ferait cela ? Ça la gêne, dit-elle, ça la gêne que l'on puisse agir ainsi. Mon coeur sombre encore plus profondément en moi. J'ai dix-huit ans, je suis une personne très intelligente, je suis censée et débrouillarde. Pourtant, je ne comprends pas ce qu'elle puisse être si différente de ce que j'ai connu auparavant. Je sais qu'elle a raison, je n'ai pas été éduquée au fin-fond d'une forêt, je sais qu'on est pas censé mettre quelqu'un qui a besoin d'aide à la porte mais je n'arrive pas à me dire que la seule personne que je connais ayant agit comme cela était mauvaise.

J'ai envie de lui dire, à Priddy. Vous savez, elle m'a pas vraiment mise à la porte, hein. Je veux dire... Au début, oui, mais après j'ai trouvé un truc intéressant à lui dire et elle a bien voulu que je monte dans son bureau. Alors elle ne m'a pas vraiment mise à la porte, c'était pas ça du tout, c'est pas ce que j'ai voulu dire.

Les pensées se mélangent dans ma tête. Comment peut-on être capable d'obtenir des O à quasiment tous ses devoirs et ne pas savoir démêler ce qui est bien de ce qui ne l'est pas ? Comment puis-je être si excellente en cours et si peu capable de comprendre pourquoi les agissements de Priddy me plaisent et me déplaisent en même temps ? Pourquoi je peux réciter mes leçons les yeux fermés alors que je n'arrive pas à savoir si l'ancienne directrice me manque ou si je suis seulement soulagée par son absence ? Pourquoi je n'arrive pas à réfléchir clairement, pourquoi ses agissements se superposent à ceux de Priddy, pourquoi j'aimerais bien être malmenée par l'autre dans un couloir obscur et glacial alors que je suis si bien ici, dans ce fauteuil, avec celle-là qui me parle comme si elle me respectait ?

Ma professeure de sortilège m'offre l'occasion rêvée pour échapper à mes pensées. J'étire le bras pour déposer ma tasse là où je peux, dégageant ainsi ma main tremblante de la faïence brûlante. L'intérieur de ma paume est tout chaud. Je fais comme si les précédentes paroles n'avaient pas existé, comme si je n'avais pas envie de la pousser encore plus loin jusqu'à ce qu'elle réagisse enfin avec colère, ou jusqu'à ce que moi j'explose, comme la dernière fois. Son changement de sujet est cependant assez clair : elle ne veut pas parler du reste, ou alors ça ne l'intéresse pas. Je la comprends. Moi non plus, les états d'âme des autres ne m'intéressent pas tellement.

Je déglutis péniblement en essayant, en vain évidemment, de me composer un visage exempt d'émotions. Se concentrer, réfléchir. L'an prochain. Mes projets. Est-ce que je suis excitée à l'idée de ce qui arrive ? Je ne sais pas. Est-ce que je tente de profiter de ce qui me reste à prendre ici ? Je ne crois pas. Mais je sais ce que je veux faire l'an prochain.

« Je ne sais pas si... » Je me racle la gorge pour parler plus clairement. « J'hésite encore entre deux écoles. L'AESM et la GEAD. J'ai préparé les lettres de motivation pour chacune d'elles mais j'ai pas encore... J'ai pas encore... »

Mon regard se perd dans l'appartement. L'avenir me parait si loin, à la fois probable et complètement inconnu. Parfois il me parait très clair et alors j'ai hâte d'y être, hâte de quitter Poudlard et d'avancer. Et d'autres fois, mon avenir me parait aussi difficile à vivre que mon présent et alors je n'ai plus hâte de rien. Ni d'avancer ni de stagner. Ce soir est un soir comme cela. J'aimerais des choses qui n'arriveront jamais. Alors qu'est-ce qu'on en a à faire de mon avenir ?

Je papillonne des paupières pour me concentrer. J'observe la femme qui se trouve à mes côtés.

« Vous êtes allée à l'AESM, vous. »

Ce n'est pas une question. Je le sais parce qu'elle me l'a dit la dernière fois, dans son bureau. Juste avant qu'elle me parle de son voyage et qu'elle m'avoue avoir eu envie de tuer cette personne qui lui a fait du mal. C'est en des termes aussi crus qu'elle me l'a dit. Est-ce qu'elle se doute que je n'ai rien oublié de cette conversation et que parfois en cours, quand mon regard se perd sur elle, je me demande qui était cette personne et ce qu'elle a ressenti quand elle a décidé de l'épargner ?

« Est-ce que vous avez été déçue ? »

10 oct. 2023, 12:40
Promis, j'en vaux la peine  PV 
Tout en buvant sa boisson chaude, Sarah écoutait son élève en l'observant discrètement, cherchant à comprendre ou plutôt à deviner ce qui avait pu pousser une septième année indépendante et revendicative à venir lui rendre visite en pleine nuit. Le sujet des études supérieures sembla détendre l'adolescente qui reprit la parole de façon plus naturelle.

" J'ai effectivement été élève à l'AESM pour mieux comprendre les artefacts, l'ensorcelement et la création d'objets magiques m'a toujours interessé. C'était néanmoins un deuxième choix car j'ai commencé par magifac. Je voulais d'abord en savoir plus sur les catalyseurs qui sont à mes yeux les premiers objets magiques des sorciers. Tous uniques mais tous captivants. Ma petite sœur a été élève à la GEAD et je sais qu'elle a adoré cette periode. Je pense que si vous aimez la magie, vous ne serez pas déçue de toute façon. Si vous penchez plus sur l'étude et l'acquisition de connaissances que sur la pratique directe, je vous conseillerai plutôt l'AESM, mais ca reste un point de vue très personnel. Dans tous les cas, dites vous que vous pourrez continuer à vous former et à apprendre par la suite. Tout comme Poudlard, les grandes écoles permettent de construire des bases solides mais c'est à chacun de décider s'il veut ériger une tour ou non sur les fondations. La pratique personnelle fait beaucoup et dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à aller voir ailleurs ensuite si vous en avez envie. Quel domaine vous attire en particulier ? "

Sa tasse se vidait doucement et Sarah commencait à sentir la fatigue de la nuit écourtée maintenant que l'effet de surprise était dissipé.

Professeure de Sortilèges depuis Septembre 2046
DDM de Serpentard mars- juin 2047 / DDM de Poufsouffle septembre 2047 à février 2049

26 oct. 2023, 11:59
Promis, j'en vaux la peine  PV 
Je pose ma tête contre le dossier du fauteuil en l'écoutant. Quand elle parle, c'est moins difficile de la regarder, j'ai une raison de le faire. Je peux observer ses regards, ses mouvements, les chuchotements discrets de son corps. Je ne les comprends de toute manière pas, je ne sais pas ce que veut dire ce mouvement de lèvre, la danse légère de ses sourcils et je suis encore moins capable d'expliquer ses regards, mais au moins puis-je les regarder tout m'étonnant qu'elle parle aussi bien, aussi aisément, aussi fluidement. J'ai remarqué ça, chez elle. Elle n'a aucune difficulté à parler. Que le sujet la passionne ou non, elle déroule ses phrases comme autant de parchemins destinés à recevoir des dissertations passionnantes — je suis certaine que Sarah Priddy était une élève que j'aurais adoré rencontrer. Elle m'a un jour dit qu'elle était très solitaire et qu'elle ne se mélangeait pas aux autres quand elle était jeune. Qu'elle était passionnée, aussi. Je pense qu'elle aurait été ce genre de personne avec lesquelles j'aurais parfois aimé échanger un mot ou deux à propos de la magie, sans que cela ne nous force à éprouver l'une pour l'autre un quelconque sentiment d'amitié. Dans notre présent, elle en tant que professeure et moi en tant qu'élève, tout me parait plus compliqué. Rien n'est neutre dans ce que je ressens lorsque je la regarde. J'ai vaguement conscience de ce que j'attends d'elle, et plus vaguement encore conscience de la façon dont elle me décevra de toute manière.

J'aime ce qu'elle me dit. C'est certainement pour cela que je le rapproche aussi facilement de certains de mes souvenirs. Quand ma directrice se laissait aller, elle parlait comme cela elle aussi. Avec moi, ce n'était pas rare, étrange, non ? Elle parlait longuement pour me dire des choses qui me passionnaient, parfois, et qui me perturbaient, souvent. Je dois me forcer à me concentrer sur ses paroles, celles de Priddy, pour ne pas perdre le fil de ce qu'elle me dit. Pourtant, j'aime apprendre des choses sur elle. Je peux rajouter cela à la fiche mentale que j'ai déjà d'elle et qui est étonnamment plutôt fourni. J'apprends qu'elle a une sœur, qu'elle a fait plusieurs années d'études. Et ce qu'elle me dit sur l'AESM accentue encore l'attirance que j'ai pour cette école et qui reste pour le moment mon choix favori.

Encore une fois, je ne me perds pas en paroles inutiles. Sa question est le levier parfait pour poursuivre la discussion sur ce domaine beaucoup plus rassurant que tous les autres sujets dont nous aurions pu parler.

« La recherche, » commencé-je avant de me racler la gorge pour désenrouer ma voix. Comme je parle, j'arrache mes yeux de son visage pour les tourner vers le reste de la pièce. « La magie. » Je hausse les épaules en lui jetant un rapide regard en coin. « Vous devez penser que c'est flou, comme choix d'orientation, mais c'est pas le cas. J'ai besoin de comprendre la magie sous toutes ses formes. »

C'est à la fois vrai et faux. Par exemple, la métamorphose ne m'intéresse pas particulièrement même si, par amour de la magie, je ne mets de côté aucun domaine. Je ramène mes yeux sur la femme en serrant davantage les bras autour de mon ventre.

« J'imagine que les Sortilèges ont ma préférence. »

Je prononce presque cette phrase avec réticence, alors qu'il n'y a rien de flou ou de discutable dans ce penchant. Pourtant en disant ça, j'ai l'impression de dire : c'est clairement brouillon dans ma tête et lorsque je vous vois, parfois je pense à une autre, et ça ne me donne envie de vous dire des choses que je vais regretter par la suite. Que se passerait-il si je lui avouais de but en blanc que j'ai rêvé de l'ancienne directrice, cette nuit ? Que dirait-elle, que penserait-elle ? Me questionnerait-elle ? Me jugerait-elle ? Aurait-elle pitié de moi ? Peut-être est-ce déjà le cas, de toute manière. Bordel, il est minuit passé, je suis dans son bureau, je suis venue la trouver dans son bureau en pleine nuit. Elle est déjà bien gentille de ne pas exiger de moi des réponses qu'elle serait légitime d'attendre.

Je m'excuse pour ce retard !

03 déc. 2023, 10:29
Promis, j'en vaux la peine  PV 
La recherche. Rien d'étonnant dans le fond. La jeune Poufsouffle semblait avoir infiniment soif de connaissances, Sarah ne doutait pas un instant de lire un jour son nom associé à une thèse ou une découverte majeure. Si elle s'en donnait les moyens, elle en avait les capacités enfin...

" Je ne suis pas étonnée par ce choix, je comprends cette soif de savoir et de découverte. L'envie de pousser les limites pour mieux les comprendre. On comprend mieux pourquoi une porte est fermée en voyant ce qui bloque derrière, je ne peux le nier. "

La sorcière fit une petite pause, terminant pour de bon sa tasse, en réfléchissant à la suite. Est ce qu'elle s'inquiétait pour cette jeune fille impulsive avec les émotions à fleurs de peau ? Oui. Elle s'inquiétait pour elle car elle appréciait cette gamine même si, comme tout le monde, elle pouvait parfois se montrer agaçante et violente si on en croyait les rumeurs.

" Je continue moi-même mes recherches sur la magie et sa pratique. Je travaille sur la pratique de la magie sans catalyseur depuis quelques années, la maîtrise du flux magique interne notamment mais pas que. J'ai prévu de retourner en Egypte cet été pour parfaire certaines observations. La magie sans catalyseur demande une maîtrise du flux magique, des sorts en eux-mêmes, mais aussi un travail particulier sur la gestuelle. Je suis certaine que les sorciers portant des catalyseurs à même la peau ont beaucoup à nous apprendre dans ce domaine. Un comble quand on sait qu'ils ne peuvent pas pratiquer sans catalyseur puisqu'il est inscrit en eux. "

Elle déposa la tasse et, après un petit temps de silence, observa son élève.

" Je ne vous connais que comme élève Miss Bristyle, mais je suis persuadée que nous nous ressemblons un peu parfois. La différence étant peut-être dans le fait que vous êtes encore jeune et parfois pleine d'une colère que je n'ai pas ou plutôt... Disons que j'ai appris à laisser sortir mes émotions à petits flots pour ne pas les garder en trop grandes quantités, ça m'évite les débordements, mais ça implique d'autres choses, notamment d'accepter certains points faibles de ma personnalité. "

Les débordements de Bristyle était connus de tous et même si Sarah ne prenait pas pour gallion comptant tous les on-dit, on ne pouvait totalement nier leur existence. Elle ne pouvait pas non plus mentir sur le fait que la gamine ne disait pas tout, très loin de là. Elle gardait pour elle bien des choses, cela ne faisait aucun doute.

" J'espère que vous me donnerez des nouvelles quand vous serez partie de cette école qui nourrit votre esprit depuis bientôt sept ans, je suis persuadée que vos recherches seront tout à fait digne d'intérêt et je serai ravie de les suivre. Prenez garde cependant à ne pas vous oublier en chemin. Regarder derrière la porte est une chose, la franchir en est une autre. N'oubliez pas de faire attention à vous. Je serai profondément désolée d'apprendre que de mauvaises choses vous sont arrivées. "

Pas de sourire surfait, inutile avec cette élève là. Les mots suffisaient car elle leur donnait de la valeur. La sorcière planta ses yeux dans ceux de la Poufsouffle pour accentuer la sincérité de ses paroles et interdire à l'adolescente maintenant presque adulte d'en douter.

Professeure de Sortilèges depuis Septembre 2046
DDM de Serpentard mars- juin 2047 / DDM de Poufsouffle septembre 2047 à février 2049

12 janv. 2024, 19:44
Promis, j'en vaux la peine  PV 
C'est avec un long silence que j'accueille ses paroles. Je ne fais durer l'échange de regards qu'elle veut direct que quelques secondes, suffisamment pour qu'elle sache autant que je le sais que ce regard est lourd de sous-entendus, avant de ne plus pouvoir le supporter et de me tourner vers le reste de la pièce. L'émotion est revenue, là, dans ma gorge et dans mon coeur, dans mes poings serrés, dans mon visage qui s'est fermé et dans mon silence qui prend de l'ampleur. J'avais pourtant beaucoup à répondre à ses paroles, les premières. La recherche, la magie sans baguette, l'Afrique, les tatouages comme catalyseur... J'ai voulu la questionner sur les observations prévues pour l'été à venir, la questionner à propos de ce qu'elle compte mette en oeuvre pour repartir de là-bas avec le plus d'informations possible. J'avais des questions en tête, une bonne dizaine. Mais elles se sont envolées pendant la suite de son discours.

Je réarrange mes jambes sur le fauteuil, en les croisant pour mieux les décroiser. Une moue est désormais inscrite sur mon visage, le genre de moue qui me tord les lèvres vers le bas. Évidemment, ma première réaction est de douter : comme si elle voulait vraiment de mes nouvelles ! elle m'oubliera dès que j'aurais mon diplôme pour se concentrer sur des élèves plus normaux qui ne viennent pas la déranger au beau milieu de la nuit, elle m'oubliera parce que c'est comme ça que ça marche, rien n'est éternel.

Je pourrais passer des heures à ruminer les mensonges qu'elle vient de me sortir — j'ai beaucoup de mal à l'imaginer ravie de quoi que ce soit me concernant, non pas que je doute de ses paroles, mais je doute que cela perdure : elle se pense ravie ce soir mais demain il n'existera plus rien de ce sentiment, plus rien. Mais ce n'est pas ça qui me perturbe, qui pèse dans ma tête, qui tourne dans mon esprit, qui alourdit mon coeur. C'est tout le reste, les portes fermées que l'on veut ouvrir et surtout franchir, les chemins sombres sur lesquels on pourrait se perdre, les mauvaises choses qui pourraient arriver. Mon coeur a manqué un battement quand elle a prononcé ces mots et il en manque encore un lorsque, doucement, je ramène mes yeux sur elle pour la juger, les paupières légèrement fermées, les poings crispés sur les genoux.

Je ne parle jamais de ces choses, jamais. À personne. Parfois, je me permets quelques sous-entendus parce que la personne en face peut les entendre, Sarah Priddy par exemple, mais c'est tout ce que je m'autorise. La seule personne qui pouvait entendre ces choses que j'aimerais prononcer à voix haute est partie très, très loin d'ici.

Le temps parait se suspendre. Lorsque la nuit gouverne, les vérités sortent beaucoup plus facilement. Je l'ai déjà éprouvé à plusieurs reprises. Cette femme sait déjà beaucoup de choses de moi, si elle m'a bien écouté lors de nos dernières entrevues. C'est pour cela qu'elle me dit ça, qu'elle me met en garde. Je n'ai qu'une chose à dire pour changer le fil de cette conversation. Ce n'est pas bien difficile, je pourrais avouer une ou deux choses et voir si ses espoirs, ses attentes et ses "je serais ravie" perdurent après ces aveux.

J'arrache de nouveau mon regard de son visage frappé par les ombres de la nuit. Sur mes genoux, mes poings se desserrent et mes doigts se nouent les uns aux autres.

« Si je franchis la porte, ce ne sera pas par oubli de moi-même, ce sera par choix. »

Ma voix s'élève à peine. J'ai chuchoté, mais il n'y a rien dans mon ton qui pourrait faire croire que je ne crois pas sincèrement ce que je dis.

« Un choix que j'ai fait il y a plusieurs années. »

« Les livres ne suffisent plus » ; est-ce à ce moment-là que j'ai fait mon choix ? Ou devant son bureau, quand elle m'a parlé plus sincèrement que jamais : « Au début, c'est douloureux. Et puis un jour, on n'y pense même plus » ?

« Pourquoi tout le monde pense que je ne sais pas ce que je fais ? demandé-je dans un souffle en jetant un regard à la professeure de Sortilèges. Non, ne répondez pas. » Je me frotte le visage et me penche en avant, coudes sur les genoux. « Je... »

Et de nouveau, ma voix se bloque dans ma gorge. Je sais exactement pourquoi. Deux chemins se proposent à moi, ils sont tellement évident que j'ai du mal à savoir lequel choisir. Du mal à ne faire ne serait-ce qu'un choix. Il me serait facile d'embrayer à ce moment de la conversation sur les recherches que j'ai déjà en tête, les actuelles et les futures. Alors, connaissant la professeure, on ne parlera plus du reste, elle respectera mon changement de sujet et cela m'énervera secrètement. Ou alors je pourrais être sincère, elle posera des questions qui fâchent, celles-là même que j'attends depuis mon arrivée dans son bureau, et cela m'énervera aussi, mais sûrement moins secrètement.

Je me renverse contre le dossier du fauteuil, incapable de choisir une position et de m'y tenir. L'arrière de la tête posé contre l'assise, j'observe les endroits sombres de son appartement, les portes fermées, les recoins invisibles.

« La dernière fois, reprends-je sans y penser, sans penser au fait que j'ai déjà choisi quelle route emprunter pour cette conversation, vous m'avez envoyé le conte du Sorcier au coeur velu pour me mettre en garde contre quelque chose — magnifique édition, d'ailleurs. J'ai bien compris le message que vouliez faire passer. »

Je pose le coude sur l'accoudoir, le menton dans le creux de ma main, et ramène mes yeux sur elle. Cela m'étonne de me sentir calme alors que j'aimerais plutôt crier.

« Vous allez me parler d'un autre conte, ce soir ? J'ai pas besoin qu'on me fasse la morale, vous savez, j'annonce d'une voix neutre, presque légère, je me débrouille très bien toute seule. »

Je sais au moment où je prononce ces mots qu'ils sont plein de mensonges et de duperie. Et c'est tellement gros que Priddy le remarquera également : si je me débrouillais seule, je ne serais pas ici ce soir pour fuir mes cauchemars, je ne serais pas ici seulement parce que j'ai envie de retrouver un peu de ces sensations que je ressentais là-bas. Pendant une fraction de seconde, une grande vague de peur m'envahit, j'ai envie de lui crier : non, je ne me débrouille pas seule, ne me laissez pas ! Puis l'idée et l'envie disparaissent, écrasées par des couches et des couches de choses faites pour cacher les vérités qui dérangent. Je continue :

« Il ne m'arrivera aucune mauvaise chose. »

Mensonge, encore. Parce que tout au fond de moi, je sais. Je le sais comme un enfant qui connait une grande vérité sans pour autant pouvoir se l'avouer. Je sais que j'ai besoin des mauvaises choses, ardemment et un peu désespéramment. Complètement désespérément, en fait. Mais voilà, c'est une vérité qui ne se regarde pas en face, elle se regarde en coin et disparaît quand on se concentre dessus.

J'ouvre la bouche pour poursuivre et la referme aussitôt. J'allais changer de sujet, donner à Priddy l'occasion d'oublier tout le reste pour se concentrer sur la suite. Mais non, pas cette fois. Je ferme la bouche et je la regarde, douloureusement consciente de qui elle est et de qui elle n'est pas — sa réponse va d'ailleurs me le confirmer, je le sais, j'ai appris comment elle fonctionnait.

17 avr. 2024, 10:06
Promis, j'en vaux la peine  PV 
Le silence qui suit ces paroles est lourd de sens tout comme le regard que lui rend la jeune sorcière. Inutile de combler, l'adulte le sait et se contente donc de remplir à nouveau sa tasse avec du liquide chaud avant d'en boire une gorgée. Qu'est ce qui a bien pu la pousser à sortir de son lit en pleine nuit pour venir dans ce bureau ? Est ce que ce sont les doutes ? Ou au contraire... Les yeux de Sarah se plissèrent légèrement à la réponse de la Poufsouffle. Au contraire donc... Ce sont peut-être bien ses choix qui la terrorisent au cœur de la nuit. Des choix sur lesquels elle ne reviendra pas, c'était certain, le caractère de l'adolescente ne laissait pas la possibilité d'un retour en arrière. Des choix dont Sarah ne comprend d'ailleurs pas vraiment l'implication. C'était étrange de parler avec quelqu'un d'une chose dont on ignorait tout au final. Donner des conseils sur un parcours dont on ignorait le départ, les étapes et l'arrivée. Donner des conseils sur une course inconnue, en aveugle ou presque. La Galloise reprit une gorgée de tisane avant de contempler les flammes dans l'âtre devant elle, dans quel projet fou s'était lancé cette gamine ? Et depuis quand ? Et avec l'aide de qui ? Elle ? Sans s'en rendre compte ? Kristen Loewy qui semblait tant la perturber ? Sarah écoutait son élève pleine de conviction et pourtant tremblante ce soir, l'adulte en était persuadée.

" Vous savez ce que vous faites, c'était une certitude. Aelle Bristyle ne prenait pas grand chose à la légère à part peut-être ses camarades à Poudlard. Et j'espère en effet pour vous qu'il ne vous arrivera aucune mauvaise chose. La sorcière but une nouvelle gorgée sans détacher son regard des flammes. Elle n'y trouverait pas plus de réponse que dans les paroles de la jeune fille toute proche mais, leurs ondulations étaient un plaisir pour les yeux et une façon de se détendre l'esprit. Parfois, un esprit détendu pouvait voir des choses autres. Je ne sais pas ce vous avez choisi de faire il y a des années mais, vous êtes une personne intelligente et, j'en suis certaine, une personne honnête et loyale à votre façon. Chacun emprunte des chemins différents au cours de sa vie, et y appose son empreinte, je vous souhaite de ne pas vous égarer sur le votre, de ne pas vous oublier en façonnant bien votre chemin à votre image et non à l'image d'une ou d'un autre. Ce conte, n'est pas si stupide qu'il en à l'air et je suis persuadée que vous le savez et que vous avez très bien compris le message qu'il délivre depuis toutes ces années aux lecteurs aptes à le comprendre. Quant à vous faire la morale... "

Un petit sourire amusé, voir complice apparut sur ses lèvres. Si la Poufsouffle mentionnait cet ouvrage à cet instant, cela signifiait qu'elle avait en effet très bien compris le message et il était inutile d'en rajouter une couche. Les sentiments n'étaient pas le point fort de la jeune fille, ni ceux de l'enseignante. Pourquoi donc aller vers ce terrain glissant volontairement. Elle retourna enfin son attention vers la visiteuse du soir, délaissant les flammes.

" Je crois que vous vous la faite très bien toute seule en effet et c'est d'ailleurs probablement la raison de votre venue ici. Mais malgré tout, nous ne savons toujours pas ce que je peux faire pour vous au beau milieu de la nuit. Enfin moi du moins. Vous, vous le savez peut-être."

En effet, cette question restait en suspens et le regard de l'adulte se posa sur l'adolescente. Sarah aurait-elle une réponse ce soir ? Rien n'en était moins sûr.

Professeure de Sortilèges depuis Septembre 2046
DDM de Serpentard mars- juin 2047 / DDM de Poufsouffle septembre 2047 à février 2049

25 avr. 2024, 11:37
Promis, j'en vaux la peine  PV 
Façonner mon chemin à ma propre image et non à celle d'une autre ? À cette crainte évoquée par Priddy, une grande répulsion monte dans mon corps jusqu'à venir s'exprimer sur mon visage. Jamais, jamais je ne laisserai qui que ce soit façonner mon chemin à ma place ! Cette idée me parait aberrante, dégradante. Personne ne décide pour moi, personne ne m'influence, jamais. Je suis trop bien pour ça, trop intelligente, trop futée, trop solitaire, trop attachée à ma liberté. L'idée même d'imaginer que quelqu'un, qui que ce soit, puisse avoir suffisamment de pouvoir pour que j'en vienne à choisir mon chemin en fonction de ses choix... Je me sens presque insultée. D'une colère qui ne se comprend pas, qui provient d'un endroit de mon âme à laquelle je n'ai pas accès, ce qui m'arrange bien. J'ai envie de crier mon indépendance et de la prouver, peu importe comment je le fais. Mais la professeur poursuit son discours et je suis bien obligée de l'écouter, sa voix calme m'aider à ne pas m'enflammer pour me défendre d'une attaque que je comprends qu'à moitié mais qui vise particulièrement juste.

L'art d'évoquer les choses sans les nommer. Nous excellons apparemment à ce jeu, toutes les deux. Cela me fait encore plus mal à l'intérieur du corps. Évoquer ce sujet-là qu'à demi-mots, c'est quelque chose que je faisais aussi avec elle, même si à un moment les mots se sont précisés d'eux-même. J'ai une telle envie de retourner à cette période que mon souffle se bloque dans ma gorge. Je détourne le regard pour ne plus avoir à observer les entrelacs du visage de cette femme qui n'a rien à voir avec l'ancienne directrice et pourtant tout à voir.

Soudainement, tout son discours à propos des chemins à parcourir et ses espoirs pour moi, prononcés d'une telle façon que j'en viens à croire qu'elle n'a aucune envie de m'empêcher de faire quoi que ce soit où de contrôler la route que je parcours, tout ce qu'elle me dit me paraît perdre en importance lorsqu'elle en arrive à la conclusion. Brutalement, elle me met face à moi-même. Face à mes espoirs et à mes craintes. À mes envies et à mes réticences. Je le sens à son regard qui se pose sur moi : elle attend une réponse claire, sans détour. Et moi, j'ai la bouche fermée et les mots cadenassés. C'est à peine si je parviens à penser clairement. Parce qu'il y a mille réponses en moi et qu'aucune ne convient réellement.

Je suis là pour que vous me rejetiez. J'aurais aimé que vous m'engueuliez sur le pas de la porte, que vous me jugiez de m'être levée en pleine nuit pour venir toquer à votre porte, que vous me présentiez un visage moqueur, des mots cassants et un regard froid, je voulais ressentir votre mépris et pouvoir y opposer une réponse farouche. J'aurais aimé que vous me forciez à serrer les poings, à hausser la voix, à vous en vouloir de toutes mes forces, alors peut-être que j'aurais tempêté, j'aurais arpenté le couloir devant chez vous d'un pas vif, j'aurais frôlé le mur dans un mouvement haché et vous auriez compris que je voulais le frapper de mon poing. Vous m'en auriez peut-être empêché et alors je vous aurais haï encore plus fort, je vous aurais peut-être insulté et ça m'aurait fait du bien.

Je suis là pour que vous soyez totalement différente de tout ce que j'ai connu. Votre accueil, vos paroles, votre présence et votre regard. J'aurais aimé revivre ce moment devant la porte de votre bureau, celui où vous m'avez empêché de détruire n'importe quoi. J'aurais aimé qu'avec votre bienveillance, vous forciez mes barrières. Je me serais engoncée dans un silence profond et vous n'auriez pas insisté davantage, j'aurais laissé sortir des vérités à demi-mots, jusqu'à ce que... Ce que...

« J'aurais préféré que vous me mettiez en colère. »

J'aurais pu dire : je suis venue pour que vous me mettiez en colère, cela aurait sonné plus sincère. Cet aveu incontrôlé me fait froncer les sourcils. J'enfonce mes yeux dans l'âtre de la cheminée, peut-être dans le vain espoir de pouvoir cramer toute l'idiotie dont je suis faite.

« Mais vous êtes pas trop une femme à susciter la colère. »

Et dans ma bouche, ça ne sonne pas comme un compliment. Vous ne comprenez rien. J'ai envie d'avoir mal et de vous haïr. Pourquoi est-ce que vous êtes ouverte à la discussion, pourquoi vous êtes vous ? Pourquoi vous êtes vous ?