Les cours donnés n'avaient pas toujours la même saveur ; parfois, il m'arrivait de ne pas apprécier mes propres cours tant je possédais l'impression d'être aussi ennuyeux qu'un portrait radotant son passé. Et mes élèves le subissaient trop durement, et cela se voyait à la façon dont certains pouvaient se tirer les cheveux en fonction du sujet exploité.

En cet après-midi, cela avait été le cas avec mes quatrièmes années lorsque l'expression du jour se rapportait à la différenciation entre un tableau magique et un tableau moldu ; j'eus même crû que certains allaient pleurer de rage face à tant d'informations que je voulusse compensées.
Alors, désespéré par ma propre personne, j'effaçai mon tableau avec un vieux frotteur : cela me permettait de ne pas faire exploser ma colère sous forme magique et me permettait aussi de me confier à mon familier.

— J'ai encore été dur, n'est-ce pas, Méléagant ? Je vois bien qu'ils n'étaient pas pris dans mes fougueuses explications et que tu te baladais d'épaules en épaules pour leur apporter un soutien moral. J'ai donc été aussi mauvais à ce sujet ? Je pensais avoir amélioré mes cours par rapport à mes deux précédentes années d'enseignement. Que puis-je réellement faire pour ne pas être aussi assommant qu'un fantôme usant d'un gramophone bien trop âgé ? Si t'y étais à ma place, que ferais-tu, Méléagant ?

Je ne reçus nulle réponse de sa part, ce qui me paraissait étrange. Habituellement, il aurait énoncé son cri comme une réponse bien particulière avec une intonation qui me ferait comprendre ses impressions. Mais rien, cela ne me semblait pas ordinaire.

Alors, je me retournai vers mon bureau constatant brutalement de son absence.

— Même toi, je t'ai fait fuir cette fois...

Courte journée pour la sorcière qui n'avait qu'Étude des moldus le vendredi mais elle n'en était pas moins épuisée. Le cours lui avait semblé durer au moins le triple de sa durée habituelle. Tout n'avait pas été inintéressant non plus, la lionne avait aimé apprendre quelques détails de plus sur les tableaux magiques, les anecdotes qu'elle ne connaissait pas encore lui donnait le sentiment grisant de mieux comprendre le monde magique qui la questionnait tant encore. Malheureusement ces petits détails qui captaient la curiosité de la timide n'étaient que du rang du détail sur le cours dans son intégralité. Enfin au moins elle voyait le côté positif, pas une fois elle n'avait dû prendre la parole, elle avait eu très peur à plusieurs reprises mais c'était ses voisins qui avaient dû affronter cette épreuve.

Soulagée, et contente d'être en week-end Marine ne dérogea pas à ses habitudes et monta poser ses affaires dans sa salle commune et au passage nourrir sa boule de poil affamée qui ne se faisait pas prier pour rappeler qu'il était l'heure du ravitaillement de croquettes. Bien que la sorcière l'ait toujours connue toutes excitée au moment du repas, ce soir elle notait quelque chose de différent, c'était trop. Justement c'est ce trop que Tilao avait de suite remarqué et lorsque l'adolescente c'était penchée pour verser quelques croquettes dans sa gamelle, la femelle avait saisi l'opportunité pour lui sauter dessus. Surprise Marine avait eut le bon réflexe de se redresser rapidement d'un regard vers la cible du chat elle trouva ce qui clochait : l'animal de M.O'Lake !

Son estomac fit un bon, son visage se décomposa, elle en oublia même de gronder la boule de poil pour lui avoir fait reverser des croquettes partout. Une boule dans la gorge elle répara la bêtise (après avoir mit le reptile loin des griffes d'un chat joueur) refusant d'admettre ce qui allait suivre. Comment avait-elle pu ne pas se rendre compte de sa présence, elle ne se souvenait même plus de quand il était monté sur son épaule, pourquoi personne ne lui avait rien dit ? Angoissée elle s'imaginait le pire, elle avait quand même kidnappé (sans le vouloir, certes) l'animal d'un professeur.

La rouge et or avait rapidement descendu les étages, l'animal de retour sur son épaule, pour rejoindre la salle de cours espérant que le rapporter au plus vite à son maître atténuerait sa faute. Devant la porte tous les membres tendus elle finit par toquer à la porte après une longue hésitation, sentant la nausée monter. Ses cordes vocales lui semblaient tellement nouées qu'elle se demandait bien comment elle allait réussir à produire quelconque son pour saluer son professeur quand la porte s'ouvrirait.

La solitude, longue en apparence, m'avait permis de décharger une bonne partie de ma frustration en attendant le retour de ce qui eut été longtemps mon plus fidèle compagnon. Mes pensées avaient eu un impact très dérangeant sur cette gestion de la colère.

Pourquoi m'avait-il abandonné ? Était-ce parce que je le saoulais lui aussi ?

Ne voulant plus en entendre plus de mon propre esprit, je rangeais ce que j'avais subitement envoyé valdinguer, réparant mon matériel avec quelques larmes sur le bord des yeux ; je me sentais désolé pour moi-même de paraître si pitoyable. Mais cela ne devait pas durer plus longtemps, s'il revenait je ne devais pas lui en vouloir, ni même lui hurler dessus. Certes, il me comprenait, mais je ne pouvais punir pour un acte passé, il ne l'assimilerait pas comme étant dû à quelque chose de trop lointain pour lui.

Un bruit me ramena finalement à la réalité, à la raison. Quelqu'un souhaitait me voir. Alors, prenant sur moi et replaçant mes cheveux dans leur coupe habituelle, j'ouvris la porte dans un geste lent et pus apercevoir le visage de l'une de mes élèves du cours que j'avais donné cet après-midi-là.

─ Miss Beylacq, est-ce que tout va bien ? Vous me paraissez légèrement pâle, vous avez oublié quelque chose ? Je ne vous mangerais pas si cela était le cas, ça nous arrive à tous.

Oui, son attitude me dérangeait, elle n'avait pas été très active aujourd'hui, et cela en était peut-être son excuse pour cela ? Même si je me doutais qu'elle n'en répondrait pas à l'affirmative tant elle semblait emmurée dans sa propre inquiétude.

En pleine ébullition intérieure les mots volaient dans l'esprit de la lionne qui tentait d'en aligner quelques uns dans un propos intelligible qu'elle pourrait réciter en excuse quand la porte s'ouvrirait. Mais à peine essayait elle un certain assemblage qu'une pensée venait tout détruire la faisant reprendre à 0. C'est sans surprise que la porte s'ouvrit avant qu'elle n'ait pu préparer quelque chose sur quoi s'appuyer quand elle se retrouverait face à l'adulte qui apparu dans l'encadrement de la porte. La timide déglutit difficilement : c'était à son tour de parler les derniers mots de l'adulte s'étaient déjà envolés depuis quelques secondes mais sa bouche refusait de s'ouvrir. Autant sous le coup de la panique que pour répondre la brunette se mit à secouer la tête de gauche à droite.

Non ça n'allait pas et ça risquait de s'empirer quand elle aurait ouvert la bouche pour révéler sa faute. Si elle savait que les adultes n'étaient pas des ogres elle n'en était pas plus à l'aise en leur présence, et rajoutez le fait qu'elle craignait de voir s'abattre la fureur de son professeur pour l'enlèvement de son animal, elle n'était pas prête de se détendre malgré les mots de M.O'Lake qui se voulaient sans doute rassurants.
- Oui... Enfin non ! Je, j'ai... Non, il... non. J'voulais pas... J'l'avais pas vu... J'suis désolée... Il, il a eu un, un peu peur de... de mon chat j'crois mais il... il va bien. Pardon, pardon... Fini par lâcher Marine épuisée par l'effort fourni pour forcer sa mâchoire à s'ouvrir malgré la peur venue la crisper.

Le dernier mot articulé elle attrapa l'animal sur son épaule et le tendit à l'adulte, les yeux baissés sur le sol qui avait quelque chose de rassurant, il lui permettait d'éviter les yeux de l'adulte qu'elle préférait de ne pas croiser d'autant plus maintenant qu'elle s'était expliquée. Silencieuse, elle attendait anxieuse, l'estomac noué la réaction de son professeur.

Le silence s'abattit sur la rencontre. Je ne comprenais pas ce qui lui arrivait. Pourquoi avais-je l'impression de lui avoir offert la terreur et la pétrification comme compagnons de voyage ? Elle semblait tellement paniquée, horrifiée de ce qu'elle allait me raconter, voire honteuse. Pourtant, tous mes élèves savaient qu'il n'y avait aucune infamie à venir me solliciter pour des informations complémentaires sur les leçons que je dispensais ou encore pour converser de sujets triviaux.

Mon regard ne la quittait pas avant que sa voix ne brise le silence, m'expliquant ─ de manière confuse ─ qu'elle avait retrouvé Méléagant à la sortie des cours ; ou plus précisément, que ce vaurien s'était engouffré sur son épaule, y avait fermé les yeux et s'y était agrippé sans intention de revenir. Bien que je fus légèrement inquiet en apprenant qu'il avait échappé à la mort sous les griffes d'un chat ; heureusement que le destin en eût décidé autrement. Cependant, cela n'avait plus guère d'importance tant j'avais la sensation qu'elle allait bientôt craquer comme si je la blâmais. Elle était innocente dans tout cela, le seul coupable étant ce vagabond.

M'agenouillant à sa hauteur, bien que mes genoux n'en supporteraient guère la pression, je pris le menton de la jeune adolescente entre mon pouce et l'index avant de lui redresser légèrement la tête et de lui adresser un sourire rassurant.

─ Miss Baylacq, ne paniquez pas, ne pleurez pas ; vous n'y êtes pour rien, n'est-ce pas ? Détendez-vous, pleurez si vous en avez besoin, mais ne vous en veuillez pas. Ce n'est nullement votre faute si ce fripon a réalisé une fugue en vous utilisant comme moyen de locomotion, même si je pense qu'il soit resté avec vous parce que vous étiez préoccupée. S'est-il passé quelque chose lors du cours dont je dois assumer la responsabilité ?

Je lui offris un sourire et la laissai agir comme elle le ressentait ; je n'allais pas la laisser se laisser ronger par ses émotions négatives.

Rien, pas un cri, seulement le silence lui répondit avant qu'une main vienne chercher son menton. Elle laissa sa tête suivre le mouvement imposé par la main de son professeur alors que l'inquiétude continuait de se creuser une petite place au creux de son ventre. Se faire gronder sans cri, seulement couvert d'un regard assassin et d'une voix menaçante était peut-être pire que la dispute plus classique. Mais là encore rien de tout cela : un sourire. Un sourire ?? La lionne ne comprenait pas. Il n'allait pas la remercier tout gentiment d'avoir ramener son animal après l'avoir enlevé tout de même ? Certainement que croiser le regard de son professeur aurait pu l'aider à mieux comprendre ce qui était en train de se passer mais cette action dépassait de loin les limites du courage de la rouge et or qui avait déjà toutes les peines du monde à croiser le regard de ses camarades et même des ses amis alors d'un adulte n'en parlons même pas !

Heureusement quelques petites secondes de patience permis à la lionne de se faire une raison : le professeur ne lui en voulait pas, mais alors pas du tout. Pourtant l'adolescente ne pouvait que se jeter la faute sur ses épaules. Dans un sens si c'était sa faute, elle aurait dû se rendre compte de sa présence et déposer le lézard sur son bureau plutôt que de le mener jusque dans l'antre des Rouges. Plusieurs fois il lui était monté dessus et chaque fois elle avait bien pensé à vérifier qu'il s'était échappé, mais pas aujourd'hui... Mais l'adulte enchaîna avant qu'elle ne puisse se jeter la faute. Une technique pas très futée lorsqu'on espère ne pas se faire punir mais lorsqu'elle se considérait en faute sa vérité se déversait sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit.

Et plus encore de ne pas lui en vouloir, il s'inquiétait de ses préoccupations, définitivement l'anglaise était désarçonnée. Ce que c'était malin ces petites bêtes ! Marine pouvait citer une multitudes de choses qui l'inquiétaient voire la rongeaient : sa timidité et sa famille pour n'en citer que deux, mais elle tâchait de tout dissimuler quand d'autres personnes l'entouraient. Mais visiblement le petit lézard avait le nez fin, un peu comme sa Tilao.
- Non... Non c'est pas... c'est pas votre faute... Enfin pas tout à fait mais à la source le problème venait de la timide.
En effet l'animal avait dû facilement déceler les pics de stress de l'adolescente quand son maître avait manqué de l'interroger durant le cours, enfin c'est ce que la Gryffonne avait cru percevoir, il avait peut-être seulement visé ses voisins de table. Mais au final c'était de sa timidité maladive dont venait le problème. Rien de plus normal qu'un professeur qui interroge ses élèves même ceux qui ne demandent pas la parole ne serait-ce que pour savoir s'ils suivent ou comprennent bien le cours. Normal ou pas la sorcière avait une peur bleue de prendre la parole en cours, même pour simplement dire un mot ou agiter la tête pour répondre oui ou non, être interrogé ramenait les regards vers l'intéressé et c'était déjà beaucoup trop.

La réponse de la jeune fille tarda à venir, indiquant clairement une difficulté que Méléagant, avec sa perspicacité primale, avait sans nul doute perçue. Bien que cette situation ne m’étonnât guère, je ne pouvais m’empêcher de ressentir de la compassion pour elle à cause des conséquences qui se répercutaient sur elle. Cela semblait complexe, mais mon devoir en tant que professeur m’imposait d’agir pour le bien-être de mes élèves, et en particulier pour le sien.

— Je comprends… Entrez, nous allons tenter d’en parler. Détendez-vous, Miss, je ne vous ferai aucun mal, bien au contraire, je m’efforcerai de vous apporter mon aide du mieux que je ne le peux. Si Méléagant a été témoin de quelque chose, cela n'est pas rien et je ferais tout pour que vous vous sentiez bien. D'accord ?

Je lui adressai un sourire avant de lui ouvrir la porte de mon bureau attenant à la salle de classe et l’invitai à s’asseoir sur le fauteuil de son choix ; la discussion étant imprévue, il me devait bien de lui laisser la possibilité de choisir ce qui pourrait, en partie, la détendre.
Son état m’inquiétait et le fait de voir — en cet instant — Méléagant regrimper sur son épaule prouvait qu’une solution s’imposait.

Sans m’asseoir pour le moment, je me dirigeai vers l’une des étagères pour en sortir quelques paquets de bonbons multiples — magiques et moldus — ainsi qu’un ou deux sachets de chips ; des réserves que je conservais dans mon bureau personnel pour éviter de déranger les elfes de maison. Alors qu’en matière de boissons — hormis le thé, le lait ou le jus de citrouille frais — j’étais limité à de l’eau, du jus de citrouille en bouteille ou du soda sorcier.

— Servez-vous à votre guise, n’hésitez pas. Une boisson, en plus, vous ferait-elle du bien avant de commencer ?

Comment ça "Entrez" ? Les yeux verts de la lionne quittèrent le sol - sur lequel ils s'étaient fixés depuis de longues minutes - alarmés. Quand est-ce que c'était partie en sucette ? Marine était venue ici seulement pour rapporter le petit lézard à son maître, comment tout ça avait pu tourné en un semblant de rendez-vous chez le psychologue ? Le corps en alerte la lionne aurait voulu trouver un échappatoire, fuir cette conversation qu'elle n'avait pas le courage de tenir, et d'autant plus auprès d'un adulte. L'adolescente avait déjà du mal à se confier auprès de ses camarades les plus proches alors auprès d'un adulte ce n'était pas une mince affaire. Pour autant elle n'était pas en mesure de négocier et n'en avait de toute façon pas le courage alors elle se contenta de suivre la direction indiquée par son professeur qui la menait directement à son bureau.

Malgré les paroles de l'enseignant qui se voulaient rassurantes la quatrième année ne parvenait pas à se sentir plus à l'aise. L'esprit trop inquiété par la discussion qui allait suivre l'adolescente se laissa porter par les évènement hochant machinalement la tête à la question de M.O'Lake bien que l'expression de l'anglaise trahissait le fait qu'elle ne se détendait pas du tout, au contraire elle avait l'impression de monter de plus en plus en pression. Méléagant dû capter ce pic d'angoisse monter chez la brunette qui sentit le lézard remonter le long de son bras lui faisait quelques chatouilles. La timide le regarda grimper laissant se dessiner un petit sourire rassuré sur ses lèvres. Elle ne connaissait que peu le petit animal mais sa présence avait le don de la rassurer. Elle attendit qu'il soit arrivé à destination pour prendre une inspiration de courage et entrer dans le bureau pour se laisser tomber dans le premier fauteuil qui s'offrait à elle, son angoisse gagnaient ses jambes qui lui semblaient se transformer en boules de coton.

Muette la rouge et or laissait son professeur s'occuper de mener la discussion qu'il lui imposait. De son côté l'adulte tentait toujours de mettre son élève à l'aise, cette dernière étudia sérieusement son offre en notant la présence de bonbons sorcier qu'elle ne connaissait pas encore parmi les friandises qu'il lui proposait. Maintenue immobile par sa gorge et son estomac noués qui protestaient violement contre le fait d'avaler quoi que ce soit. Pourtant la Gryffondor savait que siroter une boisson ou se coller les dents avec un caramel assez puissant pourrait lui permettre de garder le silence plus longtemps mais c'était sans compter sur le nœud qui grossissait dans son estomac.
- Euh... euh non, non merci... Réussi-t-elle à articuler avec un sourire timide.