Mercredi 24 février 2049
21 heure pile

Je suis un génie...

Devant cette fenêtre je ne peux m'empêcher de penser à quel point je peux parfois, faire preuve de grande intelligence. Malgré qu'en temps normal, je ne trouve pas plus de sens à ma vie, mes paroles et mes actes, qu'une mouche n'en trouve à aller vers le crottin et la lumière. Mais qu'importe au final, qu'importe d'être sans cesse intelligent, d'être intelligent au quotidien... L'important n'est-il pas d'être intelligent dans les moments qui comptent, et, seulement dans ces moments là ? À quoi bon être toujours et ne n'avoir de cesse de faire preuve d'intelligence, si, au final tu te retrouves contraint à devoir sans cesse te surpasser pour ne pas t'abrutir. Moi, je suis déjà abruti, donc je n'ai pas ce poids.

Et quoiqu'il en soit, pour cette fois, au moins cette fois tout du moins, j'avais été intelligent, alors certes, je regarde la fenêtre et me fiche de ce qu'il peut bien se passer aux alentours, mais au moins je resterais celui qui a essayé. Il est bientôt 21 heure, bientôt l'heure de me retourner me retrouver face à face avec un professeur, un préfet, voire plusieurs. Ou bien face à ceux devant qui aujourd'hui je souhaite faire droit... En effet je me suis demandé, est-ce vraiment possible de tout régler d'un coup, de faire deux personnes s'accorder aussi vite et bien ? Toutes les pensées et les doutes que j'avais à propos de ça... Tout cela a défilé si vite dans ma tête. Comment est-ce que ça se fait que dans notre société, un pro né-moldu et un anti né-moldu peuvent vivre en même temps sans se battre jusqu'à la mort pour imposer son idéologie ?
Et bien, tout simplement... C'est parce qu'on a pas le droit de tuer. Et on a, à ma connaissance, encore moins le droit de forcer quelqu'un à adhérer à ses idées, car de toute façon c'est impossible... Mais quoiqu'il en soit... Hors de la société, qui sait ce qu'il adviendrait de l'un ou de l'autre des personnes aux convictions politiques et idéologiques différentes ? Ils pourraient s'entretuer et c'est d'ailleurs, peut-être, pas mal probable non ? Mais en société ils ne le font pas, car le droit oblige. C'est la loi qui empêche cette situation et autant, la loi, les règles, le règlement, j'en ai pas grand chose à faire, autant quand Charlie me fait signer des contrats je prends ça très très au sérieux, plus encore que la loi... Pourquoi ?
Mon cerveau, dans son excès de vitesse a directement pensé, car la loi s'applique à tout le monde mais le contrat entre lui et moi n'est qu'entre deux personnes donc, autant je peux échapper à la loi, autant échapper à un contrat avec Charlie... À moins d'avoir trois pieds dans la tombe ET ENCORE, c'est pas facile facile.

Et tout ça est arrivé au même moment, si je fais un contrat avec Elisabeth et Gideon, alors sa rupture sera reprochable à l'un de nous, et, étant donné que je suis intimement convaincu et persuadé qu'un contrat entre quelques personnes qui se comptent sur les doigts d'une main est plus solide et puissant qu'une loi qui s'applique sur tout un territoire ou tout une population, ou qu'en sais-je, alors je pense que ce contrat est le meilleur moyen de satisfaire tout le monde, Elisabeth devra me supporter en raison du contrat et moi aussi, on ne devra pas s'attaquer même si ce sera possible à moindre mesure, pour le fun quoi, et enfin, un principe de transparence non retro... Actif ? Sera imposé.

21h, je me retourne.
Si ça n'est pas mes deux tourtereaux préférés... Je vous propose une lettre, dans chacune des lettres se trouve un contrat rédigé par mes soins et je vous laisse le soin de le lire, sans déchirer la lettre bien sûr ni le contrat car il se veut sceller notre "alliance", en quelques sortes... Son nom, la Triade.

Au début, j'avais opté pour le trident, mais c'était tellement claqué au sol... J'ai finis par choisir le triade et ça va bien, bien mieux que le trident ou le trio, oh mon Dieu quel calvaire le trio, c'est tellement flou que t'es boligé de rajouté un adjectif, "le Trio d'Or" ? "Le Trio invincible" ? Non sérieux quel calvaire, vive la triade.

- Sachez que... J'ai mis du temps... À me remettre, à me dire la vérité, à arrêter d'être lâche, envers moi-même, envers toi Gid', et surtout toi Elisabeth... Ce contrat, c'est mon ultime preuve et mon ultime essai... J'ai compris qu'il y'avait certaines choses qui prenaient du temps, qui prendraient, du temps... Et que l'on s'apprécie est incontrôlable, que l'on se supporte semble même impossible, et que l'on se tolère prendrait du temps... Mais nous ne sommes pas plus que des chiards rassemblés autour d'un intérêt commun, le "bonheur" de Gid' pour moi et Eli et le notre bonheur pour Gid', alors il n'y a pas vraiment de temps à perdre à attendre qu'un jour on ai la confirmation que l'on puisse s'apprécier avec Elisabeth, arrêtons, de tourner autour du pot, comme des lâches, comme des moins que rien.

Je sentais le charisme, se dégager littéralement de moi, amenez-moi Hercules, Zeus même - me disais-je au fond - je le foudroie, je le mettrait k.o, c'était drôle de faire des discours ainsi...
Contraignons-nous, Elisabeth et moi, à nous supporter même dans l'adversité, même dans la haine et ça forcera la complicité, car le destin ne se plie à la volonté d'aucun homme peut-être que trois chiards sauront lui faire plier le genou. Je ne demande pas à ce que les écarts des uns et des autres soient oubliés, mais qu'au moins, la vie puisse continuer pas normalement, mais mieux qu'avant et le mieux dans tout ça, c'est que c'est une triade... Comme on est trois, si une seule personne part, la triade est dissoute, en claire. Cette organisation repose non seulement sur la confiance et le respect du contrat mais aussi sur la certitude et la conviction que l'on est tout les trois sur la même longueur d'onde, alors lisez donc ce contrat.

Je me suis surpassé sur ça, j'ai mis du temps à le faire, je me suis inspiré d'autres contrats, je n'ai eu de cesse de le poursuivre, dans mes cours, dans mes pensées, sous le lit, alors que j'étais censé dormir, pendant que je mangeait, je n'ai eu de cesse de réfléchir... Et au final, il y avait 12 articles, enfin, 13 techniquement mais 13 n'est pas un multiple de 3.
Article premier, la Triade est respectivement composée de Redose Omniak, Elisabeth Willis et de Gideon Atwood. Article deuxième, chacun de ses membres détient un pouvoir souverain sur l’avenir de la Triade. Article troisième, la Triade prime sur tout, sauf sur ses membres. Article quatrième, la Triade a officiellement vue le jour le 24 février, dans la tour d’astronomie, après 21 heure, sur proposition du rédacteur du contrat, Redose Omniak. Article cinquième, les membres de la Triade sont égaux en droits et en devoirs. Article sixième, les membres de la Triade ont un devoir mutuel, d’entraide, de respect, de protection, de transparence et d’honnêteté. Article septième, les membres de la Triade ont un devoir de discrétion, de protection et de réserve de la Triade à l’égard du monde. Article huitième, si un cas de conscience est posé, aucune sanction ne peut être appliqué. Article neuvième, la personne qui signe ce contrat s’engage à le respecter, les sanctions sont déterminées par les autres membres. Article dixième, qui souhaite modifier le contrat doit obtenir l’accord des deux autres membres. Article onzième, toute traîtrise de l’un des membres à l’encontre d’un autre membre résulterait en la destruction pure, simple et immédiate de la Triade. Article douzième, toute traîtrise de l’un des membres à l’encontre même de la Triade, résulterait en sa destruction pure, simple et immédiate.
C’était un sacré contrat, je me suis appliqué, vraiment appliqué, ma mémoire n’a fait que surchauffer je me suis rappelé de tout ce que Charlie pouvait dire, de tout ce que j’ai lu, vu, de ce que je pouvais penser moi-même pour au final créer ces articles divisés en sections, de la composition, des droits et des devoirs, de l’exception, de la sanction, de la modification et enfin, de la destruction…

- Bien évidemment, aucune règle n’est absolue, de toute façon vous l’aurez compris, même si il y’a un problème, n’importe qui peut le régler ! Alors maintenant, devant vos yeux, je vais signer ce contrat Et Redose signa ce contrat avant de se planter le bout du doigt avec une aiguille même si ça pique - je me demande si Eli en sera capable – pour finalement laisser couler cette goutte - ou plus, osef - dans l'eau.

- J’ai appris qu’au Japon il était chose courante de voir du Sacré, de l’alcool, lors de la signature d’un contrat, c’est pour ça que j’ai rameneeeer de l’eaaaauuuuu ! Si quelqu’un pouvait la transformer j’ai oublié ma baguette.

J’écoutais pas vraiment ce qu’ils disaient j’étais trop fatigué pour ça, mais quoiqu’il en soit ça fait quelques temps que j’ai pas essayer de lancer de sorts, je devrais essayer bientôt, je peux pas rester ainsi trop longtemps… Alors j’ai beau avoir ma baguette, je veux pas montrer que j’arrive pas à lancer de sort, bien sûr, si ils me demandent je serais obligé quand ils auront signer le contrat mais… Je veux profiter du déni encore un peu de temps et puis, quoiqu’il en soit, l’important était là.
Etais-je même toujours moi-même ? Réfléchir, écrire, faire que les choses se passent bien, ce n’est pas moi, aurait-ce pu être moi ? Peut-être, mais ça n’était pas vraiment moi, moi, je ne cause que la destruction normalement, je ne sème que le chaos et la désolation, la tristesse chez les gens, mais là… J’ai l’impression de pas être ce …
Ce Redose Omniak. Et bon Dieu ce que ça fait du bien, je peux même boire et ça, presque sans avoir peur, je pourrais même toucher du feu qui sait bahaha… Je comprends Redose Omniak, sûrement parce que je ne suis qu’une version temporaire et fatiguée de lui qui apparaît après une plus longue période encore de fatigue… Le feu interdit du frère, l’alcool interdit du père… Redose Omniak, qu’est-ce qui ne te sera pas interdit après ça, au fil du temps, ta sœur finira par te haïr comme tout le monde et Gideon aussi j’imagine, l’amour interdit…

Mais j’aimerais profiter, au moins un peu, au moins… Assez ? Je veux juste que les choses… Soient plus belles avant que je ne m’efface pour laisser place à un monde délecté de deux de ses plus horribles, monstrueuses, pathétiques, minables et lâches créatures, un monde simplement plus heureux et plus léger…

- À la votre mes camarades ! Sans même me soucier de si ils avaient signer ou transformer l’eau en vin – ce qui n’est plus mon problème, j’ai donné la lettre, l’aiguille, et l’eau – je prends un verre l’expose dans l’air au dessus de ma tête rapidement et hop là, cul-sec, peut-être que comme ça mon évidente apparence de grand fatigué aura un sens… Et puis, au final, est-ce qu’on en a pas un peu rien à faire de donner un sens aux choses, à la fatigue, à l’amour, à la haine… Et si on acceptait que les choses peuvent n’avoir aucun sens, c’est très bien comme ça après tout. Si les choses n’avaient aucun sens on en serait pas là, le monde serait plus beau, plus joyeux, plus solide car il pourrait porter sur ses épaules toute la culpabilité des gens qui ne se sentiraient plus coupables plus que la loi et la morale n’a pas de sens, que rien n’en a. Pas même les sanctions, pas même la vie, pas même les clopes, ni l’alcool, ni le mal, et tout tourbillonne dans un tourbillon de gribouillis…
La fatigue… Quelle folie tout de même, si j’acceptais que plus rien n’avait de sens, je ne serais sûrement déjà plus là après tout…

Rentrons.

@Gideon Atwood et @élisabeth willis

D'innombrables nuits s'étaient écoulées sans qu'il ne soit présent. Nous partagions le même espace, le même dortoir, et pourtant, il ne semblait jamais être à sa place. Pas quand j'étais là. Dire que je lui en voulais était un euphémisme. Nous étions amis. Nous étions comme des frères. La trahison, elle n'a cessé de s'accumuler. Si l'agression de ma copine n'avait pas suffi, il l'avait embrassée. Je ne sais pas si ce qui me dérange le plus est le fait qu'elle ait pu le savourer avant moi. Quand je l'ai embrassée, une partie de moi s'est demandé si son goût était resté sur ses lèvres. L'avait-elle frappé et s'était-elle enfuie, ou était-elle restée et s'était-elle attardée ?
Même si j'essaie de ne pas ressentir les affres de la jalousie, cela me dérange qu'il lui ait parlé. Qu'il l'ait croisée. Que leurs improbables rencontres clandestines aient été plus fréquentes que celles que j'ai eues avec mon camarade de dortoir. Combien de nuits l'ai-je vu sous son lit. Toujours avec une bizarrerie que j'expliquais d'une manière ou d'une autre. C'est lui que je venais voir quand il se passait quelque chose. La personne avec laquelle je voulais partager mes victoires et mes échecs. Ça me dérangeait. Ça me rongeait.
Les femmes semblent toujours savoir. Je sais qu'elle a vu le changement en moi. La façon dont un petit nuage semble planer au-dessus de ma tête pour aigrir mon humeur. Je vois qu'elle fait des efforts et je l'apprécie. Lorsqu'elle me laissa un mot me demandant de me joindre à elle pour une promenade jusqu'à la tour d'astronomie, je ne pus m'empêcher d'en saisir l'importance. C'était le début de notre histoire. Un retour dans le passé que j'ai été plus que ravi de revisiter. Les doigts enduits des siens, nous sommes arrivés au sommet quelques instants avant neuf heures. Cette fois, je ne me préoccupais pas du spectacle de diamants sur une toile de velours noir. Au contraire, je saisis ses joues et je l'embrassai. Le seul spectacle dont j'avais besoin, c'était elle. Sa beauté et sa chaleur.
Et puis une voix me fit sortir d'un moment de tendresse. Une voix que je ne connaissais que trop bien.
Red.
Lorsqu'il tendit une lettre vers moi, je la regardai avec appréhension. C'était très différent de tout ce à quoi je m'attendais. Des semaines sans parler, et il avait une lettre pour moi ? Était-ce un poisson d'avril ? Une alliance. Entre nous trois. C'est tout ce que je voulais. C'était un fantasme auquel j'avais cessé de croire. Et pourtant, il était là, offrant un contrat à signer. Un pacte pour nous lier.
Il est peu volumineux et pourtant, il me semble lourd dans ma main. Ce n'est pas tant son poids, mais ce qu'il signifie. Je me tourne vers elle. Mon Eli. Ma belle et précieuse Eli. Je croise son regard comme s'il détenait la réponse à la question de savoir si tout cela est réel ou non. S'il s'agit ou non d'un piège.
La triade.
C'était accrocheur.
Appréciation. Tolérance. Red utilisait tant de mots, et bien qu'il n'en avait pas besoin, il comprenait ce à quoi son ami voulait en venir. Quand on subit autant d'abandons dans sa vie, cela laisse des séquelles. Aussi réelles que n'importe quel bleu, aussi profond que n'importe quelle coupure.
C'est pourquoi j'ouvris l'enveloppe et regarda la page qui s'y trouvait.
Je l'ouvris et lis le premier article. Article premier, la Triade est respectivement composée de Redose Omniak, Elisabeth Willis et de Gideon Atwood. Vraiment songé. C'était peut-être dur, peut-être même mal intentionné, mais il m'avait brisé le cœur.
Article deuxième, chacun de ses membres détient un pouvoir souverain sur l’avenir de la Triade. Je fais une pause et je lève les yeux entre eux. Je ne peux pas me prendre au sérieux. Je vis pour attirer l'attention. Pour être le pitre de la classe. Cela ne peut pas être différent. Non, mais vraiment, tu te dépasses là.
Article troisième, la Triade prime sur tout, sauf sur ses membres. Je pause pour rire. C'est quoi, de donner le droit d'agresser ma meuf ?
Je roule les yeux avant de lire le prochain article. Article quatrième, la Triade a officiellement vu le jour le 24 février, dans la tour d’astronomie, après 21 heures, sur proposition du rédacteur du contrat, Redose Omniak. J'utilise un ton hautain lors de ma lecture. On est égaux, mais c'est toi qui rédiges le tout ? Ce n'est pas comme si j'étais douée pour rédiger un contrat. Jouer la comédie, rassembler les gens, semer la discorde, mais pas ça. Je ne suis pas la tête pensante de la triade.
Article cinquième, les membres de la Triade sont égaux en droits et en devoirs. Comme de fait. Je ne suis pas le génie. En devoir ? Je pause et je lis le prochain article. Article sixième, les membres de la Triade ont un devoir mutuel, d’entraide, de respect, de protection, de transparence et d’honnêteté. Respect et transparence. Non mais... Est-ce la punition pour tes mensonges ?
Article septième, les membres de la Triade ont un devoir de discrétion, de protection et de réserve de la Triade à l’égard du monde. Article huitième, si un cas de conscience est posé, aucune sanction ne peut être appliqué. Je continue de lire. Article septième, les membres de la Triade ont un devoir de discrétion, de Non mais mec, vraiment. C'est quoi tout ça ? Je voulais juste que tu sois mon ami. Que tu te battes pour moi. Au lieu, tu m'as fait mal, et maintenant, tu veux que je signe un papier pour montrer que je me soucie de toi ? Comme si c'était moi qui avais tout gâché ?[/color]
Peut-être que dans quelques années, j'apprécierai les mots, mais peu importe. Si c'est ce dont il a besoin pour me dire qu'il tient à moi, alors qu'il en soit ainsi. Tu sais quoi, je vais signer. Pas parce que je me soucie de ces articles, mais parce que tu me manques. Tu me manques tellement que ça fait mal, et si c'est comme ça que je peux m'assurer de te garder et de la garder en sécurité, alors qu'il en soit ainsi.
Je le plaque contre un bureau et je signe de mon nom. Quand je pense que c'est fini, il apporte un gobelet et une aiguille. Je connais ce film. Je l'ai regardé en streaming une fois. Je me pique le doigt et fais couler du sang dans le gobelet, attendant que les autres fassent de même. D'un coup de baguette, j'utilise le sort que j'ai utilisé sur les plus jeunes. Je transforme leur eau en vin. J'aurais aimé qu'il soit là. Je suppose que cela changera. Il est à moi maintenant. Et elle aussi.
À la nôtre, je corrige avant de boire à mon tour.
Bien que j'aurais aimé l'accompagner jusqu'à son dortoir au terrier, c'est son bras dans le mien que je retrouve à travers les couloirs jusqu'à la tour. On a beaucoup à discuter une fois au dortoir.

@redose omniak et @élisabeth willis

Lorsqu'elle avait fait passer le mot à Gideon, qui lui demander de la rejoindre discrètement le soir même pour un rendez-vous "promenade dans la tour", Éli savait pertinemment qu'il allait s'attendre à une nouvelle soirée illégale sous les étoiles, ou leur passion et leur couple serait l'unique distraction, pourtant, il n'en était rien. Trop convaincu, que la perspective d'un rendez-vous avec Red n'aurait pas été aussi facile à accepter pour son copain, elle avait menti une nouvelle fois, persuadée que ce soir, sa présence était inévitable.

Depuis plusieurs semaines, entre la dispute qui avait éclaté entre les amis, et son infidélité à demi avouée, la jeune fille ne faisait que s'inquiéter. Elle avait terriblement peur de le perdre, et les petits moments juste à deux devenaient presque de la survie pour arranger les choses. Cette imposture nocturne l'a stressé beaucoup, ils avaient besoin de se retrouver, de s'aimer sans élément perturbateur, et dans d'autres circonstances, ce rendez-vous sous les étoiles aurait été la perfection pour ça. Pourtant ce soir, elle s'attendait à tout venant de Redose, toute la journée, les scénarios c'étaient enchaîner dans son esprit, les meilleurs comme les pires, il etait enfin temps d'avoir des réponses meme si elle commençait sérieusement à douter de l'issue favorable de tout ça.

Son après-midi libre de cours lui avait permis de bien réfléchir à la manière d'atteindre discrètement la tour avec Gideon, peu avant le couvre-feu. Malgré leur expérience de la chose, le risque restait présent malgré tout, pourtant, ne pas y aller sembler être un risque plus grand encore pour elle. Lorsqu'elle avait retrouvé enfin son griffon, le contact chaud de ses doigts liés aux siens l'avait rassuré immédiatement, mais chaque pas qui les rapprochés maintenant du point de rendez-vous, semblait l'éloigner un peu de lui, comme si leur couple dépendait de cette conversation secrète. Elle n'avait aucune idée de ce que Redose allait dire, tout pouvait basculer en quelques secondes, mais repousser l'échéance de cette rencontre augmenter chaque jour ses angoisses, il fallait mettre un terme à tout ça, maintenant.

Une fois arrivée, les lèvres de Gideon se posèrent sur les siennes, bâillonnant ses craintes pendant un instant, il n'y avait qu'eux, et ce baiser sous les étoiles. Éli aurait tout donné pour que rien ne vienne gâcher ça, mais leur étreinte se glaça d'un coup, figée par la voix du griffon à l'origine du rendez-vous. Déliant leur corps, Éli lança un regard désolé vers Gideon, en espérant qu'il comprenne pourquoi elle avait agi ainsi, ne lui révélant qu'en partie la raison de leur présence ici. Son cœur manqua quelques battements en observant Redose venir vers eux, quel coup machiavélique avait il prévu cette fois ? Toutes les suppositions qu'elle avait pu faire sur cet échange ne valaient pas les mots qu'il prononça juste après. Éli mit quelques secondes à comprendre le sérieux de sa proposition, et de ce contrat qui semblait tellement improbable...

Sans l'avoir lu, l'idée même de tout ça fit remonter des émotions ambivalentes chez elle, elle voulait juste qu'ils se supportent, que les garçons n'entachent pas leur relation de sa faute, c'était une certitude, mais aujourd'hui, c'était tout autre chose que Redose venait de poser sur la table. Il leur proposait de faire partie d'une entité, ensemble : la Triade. La jeune fille encore plus perdue face à ça, ne savait plus comment réagir, muette, à la fois intriguée, heureuse et stressée de voir la réaction de Gideon devant cette proposition audacieuse qui remettait tout en question, elle n'arrivait plus à réfléchir.

"c'est mon ultime preuve et mon ultime essai"
"rassemblés autour d'un intérêt commun, le "bonheur" de Gid' pour moi et Eli et le nôtre bonheur pour Gid',"

Le mot "bonheur" coulant des lèvres de Redose était surprenant à entendre, il semblait presque déposé là sans que l'on ne l'ait invité. Mais tout ce qu'il disait était juste, jamais elle n'avait eu autant envie d'acquiescer à ses paroles. Chaque mot semblait réfléchi, et pensé avec toute la sincérité dont il disposait, rien ne semblait feint cette fois. Redose n'avait jamais été aussi charismatique et sûr de lui qu'en cet instant, Éli ne pouvait que se laisser aller dans une confiance sans failles. Après avoir terminé son discours, elle l'observa signer, puis sceller ce pacte en faisant couler son sang, surprise et complètement captivé par l'implication et l'importance qu'il mettait dans toute ça.

Avant de prendre connaissance du dit contrat, Gideon plongea ses yeux intensément dans ceux d'Éli, l'enveloppe entre ses mains. Sans réussir à sourire, trop impressionnée par tout ce que ce parchemin pourrait représenter pour eux trois, Éli lui répondit d'un regard qui en disait long sur sa pensée. Durant toute la lecture du parchemin, elle scruta discrètement, et l'écouta avec attention. Chaque article suscitait une réaction différente, brouillant un peu plus les pistes, ne permettant pas à Éli de savoir véritablement s'il comptait accepter ce contrat ou non. A chaque remarque de Gideon, son cœur faisait un bond, elle entendait les petites piques bien ciblées qu'il envoyait vers son ami au passage, attaques minimes bien méritées souvent. A chaque article, elle espérait que son mec n'explose pas les lignes de Red, mais le septième article sembla pourtant réveillé en lui le feu du conflit passé.

La jeune fille se pinça les lèvres, consciente du brasier qui coulait encore dans les veines de son copain, en apnée elle se crispa d'un coup, mais finalement, les mots du griffon tombèrent sans détour sur une vérité cash. Tout en balançant le peu d'intérêt qu'il portait aux mots inscrits sur le parchemin, c'est son amitié pour Redose, et son amour pour Éli qu'il laissa exploser entre eux, scellant soudainement ce pacte par l'encre et le sang, comme Redose venait de le faire juste avant, les liant lui aussi par ce geste, les uns aux autres. Éli savait le sacrifice que cela représenté pour eux, mais elle savait aussi que cette triade était sûrement leur seule chance, le seul équilibre possible qu'ils avaient. La jeune fille pris le temps de les observer l'un est l'autre, fière de ce qu'ils avaient réussi à surmonter pour arriver à ça, confiante dans cet avenir qui paraissait soudainement moins lourd.

L'amour déraisonnablement fort qu'elle ressentait pour Gideon, cette étrange attraction-admiration pour Red qu'elle ne pouvait contrôler, leur amitié inébranlable, son besoin de devenir plus forte, de reprendre le pouvoir sur sa vie, tout ça pouvait vraiment exister par cette alliance aujourd'hui, à trois envers et contre tous. À son tour, elle s'engagea donc par le sang, et se lia à la triade. Plus forte immédiatement, comme si elle faisait maintenant partie d'un tout indissociable, elle savait qu'elle venait de remettre sa vie entre leurs mains, tout comme ils venaient de lui offrir la leur. Sous leur protection, elle se sentait capable de bien plus. Levant son verre, elle osa enfin délier sa langue pour rejoindre leur voix : à la triade ! Laissant couler dans sa gorge le goût un peu âcre du vin, qui lui tira une légère grimace.

Ce soir-là, elle rentra discrètement au terrier, l'esprit bourdonnant de ce rendez-vous improbable, convaincue que rien ne serait plus jamais pareil désormais.