L'astronome esquissa une moue dubitative en écoutant les réponses - toujours les mêmes ! - du jeune Serpentard. Une moquerie, une réaction à chaud, une erreur... Le garçon était en boucle, prenant soin d'esquiver l'insulte qu'il avait lui-même proférée à l'encontre de l'une de ses camarades. Mais les invectives et la provocation avaient au moins le mérite de débloquer une discussion jusque-là stérile. Après une bonne demi-heure, le première année semblait enfin un peu plus enclin à répondre de ses actes.

Neven hocha la tête lorsqu'il l'interrogea, comme pour l'inviter à poser la question qui le taraudait. « Je ne comprends pas, Mister Sponsz... N'était-ce pas vous hier soir, qui souhaitiez discuter de ce qu'il s'était passé ? commença-t-il, surpris par le revirement de l'élève depuis la veille au soir. Mais puisque ce tableau vous intrigue... ajouta-t-il en suivant son regard vers le portrait de Galileo. Je connais effectivement les éléments factuels de la soirée... Qui a dessiné au tableau, qui a envoyé des avions en parchemin, ou encore qui a insulté et frappé ses camarades ? Tout ça, ce ne sont que des faits ! » Et seuls les faits étaient punissables. L'objet de la présente convocation n'était d'ailleurs pas tant de déterminer la sanction adéquate - qui était déjà bien claire dans l'esprit du professeur - que de comprendre les intentions derrière les actes.

« Les faits par contre, n'expliquent jamais le "Pourquoi ?" Ce sont pourtant des détails bien plus importants que les faits eux-mêmes. expliqua avec calme le gallois. Le passé n'était certes pas modifiable, mais il pouvait encore influencer l'avenir proche, notamment en limitant la récidive. Par exemple : auriez-vous réagi différemment si votre camarade était née de parents sorciers ? Ou alors : pourquoi vous êtes-vous abaissé à utiliser vos points, plutôt que votre baguette ? » interrogea-t-il, le sourcil haussé.

Le professeur semblait s'agacer encore plus de la situation. Pourtant Augustin était bien honnête avec lui, il lui avait dit sa vision des choses, qui pouvait ne pas être du goût du Gallois.

- À vrai dire monsieur, je pensais que vous me convoquiez parce que vous compreniez ma situation, mais j'ai l'impression de parler à un mur. Pourquoi me reprochez-vous d'avoir frappé Logan? Il m'a cherché et il l'a bien mérité, vous n'étiez pas là, donc je suis désolé mais cette histoire ne vous regarde franchement pas, c'est entre ce Gryffon et moi!

Cette fois, il avait débordé, et il s'était réellement énervé. Son tempérament était explosif, et le professeur ne semblait pas être de son bord comme il l'avait espéré. Quitte à de toutes façons écoper d'une sévère punition, autant faire comprendre son point de vue au Gallois, peut-être aurait-il un peu de recul et comprendrait ce qu'Augustin ressentait.

- Pourquoi j'ai fais ça? demanda-t-il dans un sourire mauvais, et bien parce que j'en avais envie monsieur. Et oui, j'aurais agi différemment si la personne devant moi avait un sang respectable, et j'ai utilisé mes poings car que voulez vous que je sorte de ma baguette à part un Lumos ou un Reparo?

À ce stade là de sa scolarité, il n'avait effectivement pas appris de sorts capables de nuire à une personne sinon Crocenpattus, auquel il n'avait absolument pas songé durant le cours d'astronomie. Mais son sang chaud bouillonnait en ce moment, il était à bout et bien que jeune et malin, il restait un enfant misanthrope et agressif au possible envers les gens qu'il n'appréciait pas.

Votre situation ? s'amusa l'enseignant en observant le jeune Sponsz monter sur ses grands hippogriffes. Celle d'un élève de première année à Poudlard, en somme... Il se garda toutefois bien de l'interrompre dans sa colère ; pour la première fois de l'après-midi, le garçon s'exprimait avec sincérité. « Bien, on avance... Vous avez terminé de geindre ? finit par demander, durement, Neven à l'attention du petit sorcier albinos, une fois son numéro terminé. Dorénavant, veillez à garder les histoires qui ne me regardent pas hors de la tour d'Astronomie, voulez-vous ? Dans le cas contraire, je me verrai dans l'obligation de m'en mêler... » ajouta-t-il en glissant un coup d'œil rapide en direction de son précieux tableau.

Enfin, ils touchaient du bout de la baguette le véritable sujet. Comme quoi, c'était encore et toujours une histoire de sang... Reportant son attention sur le jeune Serpentard, l'astronome scruta son visage en fronçant les sourcils. « Votre camarade méritait peut-être son sort, certes... commenta-t-il tout en hochant la tête, sceptique. Mais votre réaction n'est pas digne d'un Serpentard, ni même de votre sang, jeune homme. » Derrière lui, le portrait de Galileo jugea bon de renchérir : « Et pourtant, elle tourne ! »

La discussion aurait sans doute pu - sans doute dû - s'arrêter là. Le gallois attrapa sa plume et se pencha sur l'évaluation qu'il avait commencé à corriger une dizaine de minutes auparavant, laissant ainsi le jeune sorcier réfléchir à ses actes et aux conseils qu'il venait de lui donner. Il entreprit d'annoter le parchemin, rayant une mention erronée par ci, annotant les réponses qui manquaient de développement, entourant ou soulignant les éléments qui étaient attendus. Seul le grattement de sa plume sur le parchemin perturbait la quiétude de l'après-midi. Après avoir griffonné la note - un Acceptable de justesse ! - et une appréciation qui n'était pas des plus encourageantes sur la copie, le professeur Pearce leva les yeux vers le première année.

« Il va vous falloir apprendre que ce genre d'actions desservent complèment votre cause, Mister Sponsz. » reprocha-t-il, implacable.

Le professeur venait de mettre Augustin en garde sur ses affaires de bagarre, si possible pas dans la tour d’Astronomie. Qu’est-ce que ça voulait dire, validait-il le comportement indirectement?
Tout cela était bien étrange ; de plus le professeur ajouta que Logan avait peut-être bien mérité son sort.

Dans la tête de l’albinos, tout était désormais confus : si le professeur était de son avis, pourquoi avait-il agi de pareille manière? Il espérait le découvrir.

L’astronome prit alors une copie - toujours la même -, et commença à rayer de nombreuses phrases et à noter des précisions manquantes au moment de réaliser l’examen. Augustin sachant lire à l’envers, il eut le temps de lire certaines remarques comme : « Manque de précisions, inadmissible de ne pas citer Vénus ici! » et bien d’autres encore.

Après de longues minutes de réflexion, un sourire se dessina sur le visage d’Augustin. Un sourire dont seul lui avait le secret. Il murmura juste assez fort pour que la Gallois l’entende :

- Cela dessert ma cause, mais quelle cause monsieur? Nous parlions d’insultes à l’instant et de dignité?

Il sentait que la conversation devenait pour le moins intéressant et il espérait obtenir du professeur le même sourire mesquin qui faisait lire derrière les lignes. Il avait désormais compris.

@Neven Pearce, c’est corrigé, excusez-moi pour la confu!

« Par la barbe de Galilée, ne vous faites pas plus bête que vous ne l'êtes, Mister Sponsz. » déplora l'adulte en reposant sa plume à l'équilibre sur son encrier. À la mention de son nom, l'illustre astronome florentin se retourna dans son tableau, comme flatté. Les lèvres pincées en une moue préoccupée, Neven scruta un long moment le visage du jeune garçon, cherchant à sonder ses intentions.

« Les sorciers de lignée pure dirigent déjà notre monde. Leur suprématie n'est plus à asseoir... reprit-il finalement, se retenant d'ajouter qu'ils ne pouvaient que s'en réjouir. L'enseignant fronça légèrement les sourcils en cherchant à adopter un ton posé. Votre statut de sang vous octroie ainsi de nombreux privilèges. Qu'espérez-vous de plus, au fond, en vous en prenant à plus faible que vous ? »

Taiseux, le gallois laissa le première année réfléchir à ses actes pendant un court instant. Lui était plutôt partisan du principe d'assimilation. L'apparition de pouvoirs magiques au sein d'une famille moldue était certes préjudiciable, tant pour la communauté sorcière que pour la famille en question, mais l'on n'avait pas encore trouvé de sortilège pour les circonscrire. Au sein du Consilium, le secrétariat à l'Innovation magique y travaillait sans doute. À défaut d'autre chose cependant, Neven considérait qu'il valait mieux en faire de bons sorciers, qui créeraient un jour leur propre lignée. Et c'était dans cet objectif-là, entre autres, que l'astronome avait déposé sa candidature au poste de professeur à Poudlard.

On y était finalement, M. Pearce avait finit par craquer. Il avait lentement relevé la situation sur les sang-pur qui dirigeaient le monde des sorciers, et un léger sourire en coin le trahissait sur sa position politique.

Il releva encore les actions du petit serpent blanc en lui demandant l’intérêt que cela portait pour lui qui était déjà avantagé par le statut de sang dans cette société.

- Monsieur, il en va de mon honneur. Que ce soit sang pur ou non, je ne me laisse simplement pas marcher dessus. Le fait que ces personnes soient de sang… il marqua une courte pause hésitante, impur…? Ne change rien à l’équation, même si j’avoue que ça me conforte dans l’idée que ces gens sont foncièrement en recherche de conflit. Si vous regardez vraiment ce qu’il s’est passé, je n’ai rien demandé à la base, c’est cette fille qui m’a adressé la parole en me manquant de respect.

Il marqua une pause pour regarder le professeur dans les yeux : il était sincère dans ce qu’il disait, et tout intelligent qu’il était, il n’avait que douze ans et était absolument certain d’être la victime dans cette affaire.

Il ajouta :

- J’ai grandi auprès des Moldus M’sieur, je les déteste, ils sont exécrables. Vous voyez ça? montra-t-il en pointant ses cheveux albâtre, c’est la source de tous mes problèmes, et ces imbéciles de Moldus ne trouvent rien de mieux à faire que de se moquer de moi, j’ai donc naturellement appris à me défendre, c’est tout.

@Neven Pearce

Cette fois-ci, le professeur Pearce ignora les nouvelles justifications bancales quant aux incidents de la veille. Il connaissait la version que lui avait rapportée le portrait de Galileo et préférait s'y tenir. À ses yeux, l'enjeu était désormais bien ailleurs. Je sais très bien de quoi ils sont capables... se garda-t-il bien d'indiquer alors qu'il écoutait les reproches du jeune Serpentard. En silence, il l'observa d'un air grave et finit par lâcher un imperceptible soupir de dépit.

« J'ai perdu mon grand-père lors de la récente guerre qui nous a opposés aux moldus... » expliqua-t-il après quelques instants, sans plus entrer dans les détails. Les sentiments du gallois étaient encore mêlés et confus suite à cette perte, qui datait pourtant d'il y a presque cinq ans. La culpabilité prédominait, sans aucun doute, et le rongeait encore ; alors exilé à Tawaneer, Neven n'avait pas pu assister aux obsèques. Sourcils froncés, il secoua légèrement la tête pour se sortir ces sombres souvenirs de l'esprit. Loin de lui l'idée de se confier à un élève, et encore moins à un première année.

« Croyez-moi, je ne les porte pas plus que vous dans mon cœur. décréta-t-il avec calme, en guise de conclusion. Mais ne vous trompez pas de combat, jeune homme. Je connais bien des sorciers de sang "pur" qui seraient susceptibles de s'en prendre à vos cheveux... Apprenez à vous défendre plus intelligemment qu'avec vos poings. »

L'astronome marqua une pause. D'une main - la gauche - il attrapa sa plume de sa main gauche et de l'autre, il fit glisser jusqu'à lui le parchemin suivant sur sa pile. « Vous pouvez y aller. Mister Kohler vous attendra mercredi prochain à 14h dans son bureau. Ne soyez pas en retard. » indiqua-t-il simplement, avant de se plonger dans la correction de sa copie.