Dakota avait voulu profiter de son mercredi après-midi pour se balader dans le parc et s'entraîner à ses lancers de sortilèges. Assise dans l'herbe, elle lançait des repulso sur des morceaux de bois, mais le coeur n'y était pas. En règle générale, elle adorait s'entraîner aux sortilèges qu'elle n'avait pas encore vus en cours et que lui apprenait Virginia. Mais ce jour-là, son esprit était occupé par tout autre chose. Depuis la petite réunion secrète dans les toilettes abandonnées, elle n'arrêtait pas de penser à un certain garçon qu'elle aurait pourtant préféré oublier. C'était comme si avoir prononcé son nom pour cette fichue liste le rendait plus réel. Ne pouvait-elle pas continuer à vivre sa vie en toute simplicité ? Elle essayait depuis plusieurs jours de le chasser de ses pensées, mais même sa petite séance de méditation n'eut pas l'effet escompté.

Elle se leva et commença à marcher sans but, espérant sans doute trouver une distraction. Ses pas la menant vers les serres de botanique, elle tomba sur une boîte toute décorée de coeurs et de fleurs. Tout son corps se figea. Elle avait entendu parlé de cette boîte aux lettres installée par le Professeur Charleston pour la Saint Valentin. N'étais-ce pas un signe ? Devait-elle tout lui avouer ? Mais avouer quoi ? Au fond ce n'était vraiment pas grand chose, à peine un petit élan de son coeur qui la poussait vers lui.

Toute cette histoire de fête des amoureux ne l'avait jamais passionnée le moins du monde. Ce n'était pas qu'elle n'avait pas eu d'exemples de belles histoires d'amour dans son cercle proche, bien au contraire, ses parents pouvaient parfois se révéler... démonstratifs. Mais elle avait simplement d'autres préoccupations, les cours, le Quidditch, le surf, entre autres. Et comme aucun garçon connu n'avait encore fait battre son coeur, elle ne s'en préoccupait tout simplement pas.

Fatiguée par toutes ces émotions contradictoires, elle finit par se dire qu'elle n'avait vraiment pas à en avoir honte. Ces sentiments naissants pour un quasi-inconnu n'avaient pas à la faire rougir. C'était ainsi, voilà tout, comme la rotation de la terre sur elle-même ou le chant des oiseaux. Et elle n'y pouvait absolument rien, alors à quoi bon se torturer. Si on y réfléchissait bien, c'était plutôt positif. Elle aurait été heureuse de savoir que quelqu'un pensait à elle de cette manière. Elle trouva un coin plus tranquille et se mit à écrire sur un parchemin neuf. Elle resta plutôt évasive, ne tenant pas à ce que ça aille plus loin, mais voulant surtout se débarrasser des images qui peuplaient ses pensées. Elle glissa sa lettre dans une enveloppe et la cacheta.

Elle se dirigea vers la boîte aux lettres, bien décidée à l'y glisser. Mais son bras s'interrompit, figé sur sa lancée. N'était-elle pas en train de commettre une grosse erreur ? Même si cette lettre était désintéressée, ne conduirait-elle pas à d'inévitables conséquences ?

Assis dans l'un des fauteuils de la salle commune de Gryffondor, Azraël, plume en main, était penché sur un rouleau de parchemin. Ayant plusieurs devoirs à faire, il avait pris la courageuse décision de passer son mercredi après-midi à travailler. Il avait d'abord eu l'idée de se rendre à la bibliothèque, mais lorsqu'il était remonté dans la tour de Gryffondor après le déjeuner pour aller chercher ses affaires, il avait trouvé que la salle commune était étonnamment calme pour un mercredi après-midi, aussi avait-il choisi d'en profiter en s'y installant.

Il travaillait depuis déjà deux heures lorsqu'il se redressa, s'étira, puis posa la tête quelques secondes contre le dossier de son fauteuil tout en fermant les yeux. Il jeta ensuite un coup d’œil maussade à son devoir de potions, puis poussa un long soupir. Malheureusement, son travail avançait moins vite qu'il ne l'aurait souhaité, et il avait maintenant la désagréable impression qu'il lui faudrait des semaines entières pour en venir à bout. Il commença à avoir mal à la tête et ressentit alors le besoin de prendre l'air. Après tout, une petite pause ne pouvait lui faire que du bien... Respirer de grandes bouffées d'air frais était un bon moyen pour lui de mettre au clair ses idées et de retrouver la motivation.

Il rangea donc ses affaires et quitta sans plus tarder la salle commune, avant d’emprunter le chemin qui menait vers le hall. En sortant du château, il prit la direction des serres. Il avait dans l'idée de se promener un peu parmi les plantes, ce qui lui permettrait à coup sûr de s'apaiser. De plus, ce serait l'occasion pour lui d'observer à nouveau ces plantes toutes plus mystérieuses les unes que les autres. Depuis la dernière fois elles avaient sûrement bien poussé, et il espérait que l'hiver n'était pas trop rude pour elles.

Alors qu'il arrivait à proximité de la Serre Méditerranée, il s'arrêta de marcher. Une fille se tenait là, à quelques mètres de lui, immobile. De là où il était, Azraël ne la voyait pas très bien, mais il crut reconnaître une fille de Gryffondor qui devait avoir quelques années de plus que lui et qu'il avait déjà croisée dans la salle commune, mais à qui il n'avait jamais parlé. Que faisait-elle là ? Pourquoi ne bougeait-elle pas ? Il était possible qu'elle soit en train d'attendre quelqu'un, mais elle n'en donnait pas l'impression.

Pensant qu'elle avait peut-être besoin d'aide, Azraël s'approcha d'elle, et c'est alors qu'il se rendit compte qu'elle faisait face à la boîte installée par leur directeur de maison à l'occasion de la St-Valentin. Souhaitait-elle donc y déposer une lettre ? Mais pourquoi hésitait-elle ? Était-ce par crainte ? Par timidité ? Par embarras ? Le blondinet ne voulait pas avoir l'air intrusif mais il jugea que des encouragement pourraient être les bienvenus. En effet, il était plus simple pour la plupart des gens de réaliser une tâche ardue en étant soutenus par quelqu'un, et si Azraël pouvait se rendre utile en jouant ce rôle pour la jeune Gryffondor, ce serait avec plaisir.

« Salut ! Tu veux mettre une lettre là-dedans ? » demanda-t-il alors avec douceur.

Dakota sursauta lorsqu'un élève lui demanda si elle voulait mettre sa lettre dans la boîte. Elle ne l'avait pas vu arriver, trop préoccupée par ses contradictions intérieures. Elle retira son bras d'un geste brusque et cacha la lettre derrière son dos. Un petit blond aux yeux chaleureux se tenait devant elle. Elle reconnut le Gryffondor. Il était en première année et il lui arrivait de le croiser en salle commune. Il était plutôt extraverti et on le remarquait facilement, mais son nom lui échappait.

Que faire maintenant ? Elle était coincée. Il l'avait vu avec une lettre à la main, hésitant à la déposer. Elle ne pouvait pas mentir, et ce n'était pas dans ses habitudes. « Euh... En fait je ne sais pas. Je pensais que je voulais la mettre mais maintenant je ne suis plus sûre du tout. Ça doit te paraître bête. » répondit-elle avec un petit rire. Elle essaya de détourner la conversation, ne voulant surtout pas s'étendre sur le pourquoi de ces tergiversations. « Tu es en première année, c'est ça ? Comment tu t'appelles déjà ? Tu te plais à Poudlard ? »

Cette petite intervention était peut-être arrivée juste à temps pour l'empêcher de faire une bêtise. C'était peut-être un signe. Le signe qu'elle ne devait pas poster cette lettre. Oui, c'était forcément ça. Envoyer une lettre anonyme, désintéressée en somme, non mais quelle idée. Le faisait-elle vraiment pour Awstin ? Est-ce que ça lui apporterait réellement quelque chose ? À part de la confusion, elle en doutait maintenant. Il allait forcément vouloir découvrir qui avait écris cette lettre, et ça pourrait au final avoir des conséquences désastreuses ou au minimum désagréables pour tous les deux.

Lorsqu'il lui adressa la parole, la jeune fille, visiblement prise au dépourvu, cacha derrière son dos d'un geste vif ce qu'elle tenait à la main. Azraël pensa qu'en toute logique il devait s’agir d'une lettre, mais il ne chercha pas à en avoir la confirmation, concentrant plutôt son regard sur la Gryffondor. Maintenant qu'il la voyait nettement, il avait la confirmation qu'il s'agissait bien de l'élève qu'il croyait avoir reconnue, une fille blonde qui devait avoir treize ou quatorze ans. L'air encore un peu mal à l'aise qu'affichait sa camarade ne l'empêcha cependant pas de lui répondre sans animosité, ce qui rassura le blondinet.

« Oh, pourquoi ça ? T'as peur ? Mais non, ça me paraît pas bête du tout, je t'assure ! Moi aussi j'aurais peur de déposer une lettre là-dedans si je voulais le faire. » affirma le Gryffon en désignant d'un geste de la main la boîte devant laquelle ils se trouvaient.

Rapidement, la fillette essaya de faire dévier la conversation vers un autre sujet, en posant plusieurs questions successives à Azraël. Était-elle gênée à ce point ? La lettre qu'elle hésitait à glisser dans la boîte avant qu'il n'arrive devait donc probablement être une déclaration d'amour, ou bien elle était particulièrement timide en ce qui concernait ses sentiments. Ne voulant pas paraître impoli et puisqu'elle semblait vouloir le connaître un peu mieux, Azraël répondit à ses questions, en gardant toutefois dans un coin de sa tête la mystérieuse lettre qu'il comptait bien l'aider à déposer.

« Oui c'est ça ! T'es en quelle année toi ? Moi c'est Azraël ! Et je suis désolé mais je connais pas non plus ton prénom.. » ajouta-t-il, un peu gêné. « Oh oui, tout est trop incroyable ici ! Je me suis fait plein d'amis géniaux et j'apprends tellement de choses tous les jours, j'adore vraiment la magie ! » conclut-il, le visage illuminé par un large sourire et un regard où pétillait la joie.

Était-ce la peur qui avait retenu son geste ? Cette émotion n'avait guère de place dans son monde intérieur et l'empêchait rarement, pour ne pas dire jamais, de faire ce qu'elle avait prévu. Mais ce qu'elle avait pu ressentir pour Awstin était tout nouveau, et c'était bien plus effrayant que de désobéir pour se rendre au village moldu voisin, ou encore que de prendre une vague un peu trop haute.

Dakota pressentait que le genre de blessures qui pouvaient en découler faisait bien plus mal qu'une fracture ouverte du coude. Sans doute s'inquiétait-elle qu'Awstin puisse découvrir qu'elle était à l'origine de cette lettre. Pour autant, elle ne pouvait pas dire qu'il s'agissait d'un sentiment de peur. Il s'agissait d'autre chose, mais quoi ? C'était indescriptible. Une sensation étrange s'était logée au creux de son ventre et ce n'était pas complètement désagréable.

« Je ne sais pas vraiment si j'ai peur. Pour tout te dire, mon esprit est assez confus, je n'arrive pas à mettre mes idées en place et à me décider. J'ai trop de pensées contradictoires. Je crois que c'est la première fois de ma vie que je réfléchis autant avant de prendre une décision. D'habitude tout est simple, je sais toujours quoi faire et je ne me pose pas de questions. Mais là, c'est différent. »

Le garçon se présenta, rayonnant. Sa bonne humeur et son enthousiasme mirent Dakota en confiance. Ils semblaient avoir le même genre de caractère et la Gryffonne se dit qu'il tombait bien. Il lui rappela comment elle était en temps normal. Il ne fallait surtout pas qu'elle change pour un malheureux petit ressenti étranger.

« Moi c'est Dakota, je suis en troisième année. Oh, c'est super ! Moi aussi j'adore Poudlard, et surtout les cours de Sortilèges, de Métamorphoses et de Divination. Et le vol bien sûr ! »


Vraiment désolée pour ce retard

Azraël écouta la jeune rouge et or avec attention, tout en l'observant d'un air intrigué. Si elle n'avait pas peur, que pouvait-elle bien ressentir ? De l'appréhension ? De l'angoisse ? De la confusion ? Elle continua en expliquant au blondinet la complexité des pensées qui se contredisaient dans son esprit, paraissant désemparée de devoir y faire face pour la première fois.

Le Gryffon comprenait bien ce sentiment car étant d'un naturel à se fier à son instinct et à son optimisme, lui aussi avait tendance à ne pas trop se prendre la tête. Néanmoins, il lui était arrivé à plusieurs reprises de se sentir tellement indécis qu'il avait l'impression de se tenir face à un immense mur, sans avoir la moindre idée de comment s'y prendre pour l'escalader. Cela survenait la plupart du temps dans le cas où il avait une décision très importante à prendre, ou lorsqu'il se retrouvait dans une situation particulièrement inconfortable.

« Je comprends... Si tu veux tu peux essayer de m'expliquer ce que tu ressens, et moi je t'aiderai à mettre tes idées au clair ! Parfois un avis extérieur, ça fait du bien. » ajouta-t-il avec un petit sourire encourageant.

Il n'était pas sûr que la jeune Gryffondor accepterait de se confier à lui, d'autant qu'ils ne se connaissaient pas, mais pour sa part il souhaitait réellement faire tout son possible pour lui prêter main-forte. Au fil du temps puis avec Eva, il avait découvert que l'amour était un sentiment pouvant conduire à une inépuisable source de bonheur, mais il n'en restait pas moins extrêmement compliqué à comprendre, surtout pour des enfants n'ayant jamais eu de relations amoureuses.

Lorsque Dakota se présenta à son tour, Azraël la trouva plus joyeuse qu'auparavant. Visiblement, lorsque l'on s'éloignait du sujet qui la tourmentait, la jeune fille était du même genre enthousiaste que son camarade de maison, ce qui fit sourire ce dernier. Il n'était pas si fréquent qu'il croise des personnes lui ressemblant de cette façon, et il se dit alors qu'il avait été chanceux de faire cette rencontre.

« Enchanté ! Ohhh t'es en troisième année, ça veut dire que t'as accès aux matières en plus ! Est-ce que t'as choisi Soin aux Créatures Magiques ? Je rêve d'avoir ce cours, mais va falloir que j'attende... J'ai pas beaucoup entendu parler de Divination, vous étudiez quel genre de trucs ? Et pour ce qui est du Vol j'aime bien mais.. disons que je suis pas très doué. » dit-il avec un petit rire mêlant gêne et amusement.

Azraël était ravi de pouvoir échanger avec Dakota sur ses impressions à propos de Poudlard et des matières que l'on y étudiait. Son point de vue et ses conseils d'élève de troisième année pourraient être très précieux au petit Gryffon, qui avait encore beaucoup de choses à apprendre sur la plus prestigieuse des écoles de magie. Toutefois, il gardait à l'esprit la mystérieuse lettre de Saint-Valentin de la jeune fille, et son souhait d'encourager celle-ci à confesser ses sentiments n'avait pas diminué. Peut-être aiderait-il ainsi un couple à se former, ce qui serait formidable !