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23 oct. 2023, 17:10
Arracher ses racines  PV 
La roue tourne, n'est-ce pas ? Moi je m'en vais, lui il reste, et d'autres arriveront. Ma plante sera remplacée par un nouveau végétal qui s'épanouira dans cette serre ; une camarade inconnue viendra s'installer dans mon lit, poser ses affaires sur mes étagères devenues vides, s'étendre sur le matelas qui a soutenu mes rêves et mes peurs, mes cauchemars et mes espoirs ; mes professeurs verront arriver de nouveaux septième année sérieux et passionnés, bouillonnants à l'idée d'apprendre et de voir l'avenir se révéler ; le monde roulera, changera, et de celui de Poudlard, je ne ferai plus partie. Cela paraît si simple, et pourtant, oh Merlin, que c'est dur à accepter. Reposer le couvercle, fermer les portes, faire ses valises ; et après ? Après, c'est juste terminé. Et je ne sais pas quoi faire du passé. Dans mes bras, il me paraît si lourd.

J'ai le regard tout ombragé. Un nuage est passé devant ma curiosité, l'a éloignée de mes pensées. Peu importe ce que je fais, la manière dont j'use pour échapper au présent, ce que je glisse devant mes réflexions, je suis toujours rattrapée par cette réalité toute aiguisée, pointue, blessante, qui m'érafle la peau. Je crois qu'au fond, j'ai juste hâte d'en avoir fini avec toutes ces questions, ces incertitudes, ces horizons brumeux. Je voudrais ne plus avoir peur en regardant au loin. Je voudrais quelque chose de stable, de concret, de solide, même si c'est douloureux. Je voudrais pouvoir me laisser porter tout en sachant où cela me mènera. Est-ce trop demander ?

Encore une fois, c'est sa voix qui m'arrache à la marée sombre de mon crâne dans laquelle je commençais à piétiner.

Mes pupilles quittent la plante pour se poser sur le Vert — les deux dégagent une forme de douceur et de sérénité qui me fait du bien, qui repousse cette marée sombre qui m'habite. Sa question reste un instant en suspens dans mes pensées, comme si son aura de bienveillance ne pouvait pas se fondre dans la masse sombre et épaisse qui éclabousse mes réflexions.

Les plantes prennent soin de nous ? Je tourne une nouvelle fois mon regard vers elles, comme pour les embrasser avec mes yeux, les prendre dans mes bras, les serrer tout contre mon corps épuisé, angoissé, inquiet, les respirer pour que leur parfum délicat chasse le brouillard, la marée qui s'est installée dans mon crâne. J'aimerais pouvoir les encrer dans ma peau, les tatouer contre mon âme, pour avoir leur aura, leur essence, leur présence toujours près de moi, contre moi, avec moi. Que ce serait apaisant ! Cela me fait penser à cette armure qu'Estefânia a fait apparaître quand nous nous sommes affrontées au club de duel. Si je pouvais coller les feuilles sur mon épiderme, contre mon esprit, j'aurais moi aussi une armure pour me protéger du monde qui m'est parfois douloureux.

Un sourire renaît avec douceur sur mes lèvres. Ce garçon, il est plus mature que ce qu'il veut montrer, n'est-ce pas ? Il se cache derrière un visage hésitant, presque timide, mais en réalité il a sous la peau tout un univers coloré de pensées et de rêves.

« Peut-être. »

Il a probablement raison, n'est-ce pas ? En prenant soin des plantes, en prenant soin des autres, on prend aussi soin de soi. La flore nous protège contre nos angoisses, sa présence les repousse plus loin, son aura apporte un peu de soleil dans nos cœurs. Alors, ce jeune Vert s'en est déjà rendu compte, si vite, si tôt ? A-t-il besoin que les plantes prennent soin de lui, qu'elles calment l'hésitation qui s'installe parfois dans sa voix ? Mais n'est-ce pas quand il a parlé d'elles, de sa Maggy, que ses paroles se sont envolées, faites porter par la passion ?

Oh Merlin, pourquoi se montre-t-il si gentil avec moi ? N'est-ce pas lui, de nous deux, qui a besoin qu'on prenne soin de lui ? Et n'est-ce pas à moi, par mon âge et le fait que je sois plus grande, qui devrait l'aider à prendre soin de lui ?

« Poudlard, c'était très bien, avoué-je en réponse à ses autres questions, le sourire aux lèvres. Mais... Je ne sais pas. C'est une page qui se tourne, tu vois ? Qui dit que je reviendrai dessus ? Peut-être que l'envie me passera, que le temps ne m'en offrira pas l'occasion... Et puis, l'avenir, c'est très brumeux tu sais. »

Je hausse les épaules, sans savoir quoi ajouter. Je manque de courage aussi, je crois, pour en parler. Je préférerais refermer la porte tout de suite, sans avoir à regarder par l'entrebâillement.

« C'est quoi ton nom ? » demandé-je un peu brusquement après quelques secondes silencieuses, mon regard perdu au loin dans ma scutumi.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

01 nov. 2023, 16:45
Arracher ses racines  PV 
De Poudlard, Ernest n’en découvrait encore que la partie émergée. Lui qui avait pourtant lu tant de livres, retenu tant d’anecdotes et posé tellement de questions à sa mère. En franchissant pour la première fois les grandes portes du Hall d’entrée, il avait découvert que la réalité était tout autre que ce qu’il s’était imaginé. À commencer par cette rencontre déstabilisante avec un chapeau fou. Ou alors était-ce lui le chapelier ? Et le Choixpeau, flou. Dans sa tête, ce n’était pas seulement la voix d’un artefact magique qu’il avait entendu, mais toutes celles qui murmuraient à ses oreilles et dont l’emprise l’empêchait d’être jamais serein. Comme un strangulot qui aurait planté ses longs doigts fins dans son épaule et l’entraînerait irrémédiablement vers des abysses sans fond.

Et malgré le verdict. Malgré l’énoncé tonitruant du patronyme du Seigneur des Serpents, Ernest avait eu du mal à y croire. À présent, il s’accrochait à ce mot qui avait résonné dans la Grande Salle, le faisant tourner en écho dans sa tête pour s’en convaincre. Il l’avait souhaité si fort. Ce qui n’empêchait pas le doute d’infuser ses veines quotidiennement. Et dans tous ses actes, dans toutes ses quêtes, et dans chaque regard qui se posait sur lui, il cherchait confirmation. Savoir où était sa place, à lui. Dans un monde sorcier ou dans un monde de moldus ? Dans une maison de détermination ou dans une maison d'ambition ? Était-il seulement capable de faire la différence entre les deux ?

Était-ce réellement un verdict ? Ou une sentence qui le conjurait à présent à adopter une mue dans laquelle il n’arrivait pas à se glisser malgré tous ses efforts. Allait-il réussir à se fondre dans le moule ? Des questions qui n’étaient pas nouvelles. Qui s’enroulaient autour de lui à la manière d’un boa constrictor, exerçant une pression constante et progressive. Est-ce qu’on pouvait être le serpent et la proie à la fois ? Ernest était à la recherche de réponses, comme une solution à sa fuite. Et quand il ne les trouvaient pas, quand il sentait que l’air commençait à lui manquer, c’était dans la serre qu’il trouvait refuge. Les plantes, elles, n’étaient pas compliquées.

L’attention qu’elles demandaient, la beauté simple qu’elles dégageaient par leur simple existence, qui n’en demeurait parfois pas moins complexe, lui permettaient de se tenir éloigné de ses propres pensées. Leur aura l’emballait avec douceur comme les bras de sa mère. Lucy n’était peut-être pas une sorcière, mais elle lui avait transmis une autre sorte de magie. Celle qui fait se mouvoir les plantes, monter la sève. Celle qui fait battre le cœur d’une forêt et les arbres à l’unisson. L’adolescent se confortait dans cette idée bien plus grande que lui, bien plus grande que tout ce que pouvait produire son esprit. La vie, c’était déjà une sorte de magie.

Tout en écoutant la jeune fille, le garçon s’agenouilla auprès de sa plante. Gardien de toutes les heures. Ou alors il avait besoin d’être un peu plus prêt d’elle pour entendre des réponses qu’il redoutait autant qu’il les désirait. Il tourna la tête vers la Serdaigle, fronça légèrement les sourcils non sans essayer de retenir une moue légèrement dubitative. Dans le silence qui s’ensuit, il replongea son regard sur sa plante, dans ses longs tubes allongés, dans ses motifs colorés. Le présent, c’était déjà le brouillard.

Il se redressa néanmoins d’un bond quand elle reprit la parole. Un ressort sur patte. Mais des pattes grêles et maladroites. Incertaines surtout.

“C’est… je… Ernest… Stevens… Serpentard…”

Comme si c’était devenu une partie de son patronyme. Comme si à force de le dire, ça allait finir par être vrai.

610 mots

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

05 nov. 2023, 16:28
Arracher ses racines  PV 
Je me demande pourquoi il est entré dans la serre, quelles étaient ses intentions au début, de quoi je l'ai détourné. Car, en effet, je l'ai un peu englouti dans mon présent, attiré dans mes problèmes, mes inquiétudes, mes doutes. N'en avait-il pas déjà assez ? Ce que je m'apprête à faire n'est probablement pas une bonne idée. Il est jeune, il a toute la vie pour apprendre, se forger, affronter le monde en le regardant droit dans les yeux, sans faillir. Je n'ai rien à voir avec tout cela, et aucun rôle à avoir. Je devrai probablement me retirer doucement, sans faire de bruit, le laisser avec sa plante, sa Maggy dont il était sûrement venu prendre soin. Certains parlent à leurs végétaux je crois, peut-être en fait-il partie ? Il doit en avoir, des phrases à dire. Je les vois coincées derrière ses yeux sombres. Elles n'attendent probablement que mon départ pour fleurir à la commissure de ses lèvres. Je devrai m'en aller, le laisser là, emporter mes questions et mes inquiétudes et prendre un peu des siennes sur mon dos. Ne serait-ce pas la meilleure solution pour nous deux ?

Je devrai m'en aller, mais désormais c'est impossible.

La manière dont il revient sur ses pieds, brusquement, avec sérieux, comme prêt à s'acquitter de sa tâche me renverse le crâne. Je doute et je ne sais plus quoi faire. Il est tellement jeune, Merlin. Je n'ai pas à lui donner des responsabilités, à lui poser sur les épaules une obligation, un devoir, une charge. Il doit être en première année, il découvre tout juste Poudlard. A-t-il seulement déjà été dans la salle sur demande ? Il ne peut même pas encore aller à Pré-au-Lard. Qui étais-je, moi, à son âge ? Une enfant un peu perdue, suivant sans se poser de question Anaë, bien loin d'imaginer tout ce que l'avenir me réservait. Mais, n'a-t-il pas dit que sa plante prenait soin de lui ? Et, le bonheur qui gagne ses traits, n'apparaît-il pas, justement, quand il parle de sa Maggy dont il a pris soin probablement une année durant ? Il est peut-être jeune, mais plus tard, ne sera-t-il pas trop âgé, trop désintéressé pour faire preuve de patiente et de dévouement et s'occuper d'une plante ? Alors, qui prendra soin de lui ? Et en même temps, ne passons-nous pas tous par cette phase de fragilité dans notre vie ?

Je ne sais pas quoi faire. J'aimerais écouter mon coeur mais j'ai peur qu'il se trompe. Devrai-je l'écouter lui, ce Vert ? Devrai-je le laisser choisir à ma place ? Mais ce serait poser sur son dos un nouveau poids. N'est-ce pas à moi de prendre une décision ? Je suis grande, j'essaye d'être réfléchie, de prendre les bonnes décisions. Je devrai pouvoir y arriver, non ? Ne suis-je pas la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour un enfant de douze ans encore plein de doutes et d'incertitudes ? Et pourtant, et pourtant, je ne sais pas, je ne suis pas sûre de moi, j'hésite, encore.

« Ernest Stevens... » Je laisse les secondes peser, s'écraser contre mon visage. Elles ont un goût âcre de poussières. « L'année prochaine, tu continueras à la laisser prendre soin de toi. » Est-ce une question ? Ou une affirmation ? Moi-même je n'en suis pas très sûre. Je pousse un soupir bref.

Mes épaules se voûtent, ma bouche se retrouve sèche. Je me tourne vers ma scutumi, celle qui occupe toutes mes pensées, celle dont je ne sais que faire.

A-t-elle pris soin de moi cette année ? Moi, je n'ai pas toujours pris soin d'elle. Et maintenant, je n'ai plus rien à lui offrir, à lui promettre. Elle ne retrouvera pas cette serre, n'aura pas de deuxième vie, et ses secrets resteront enfouis dans ses racines. Je repartirai avec elle et la déposerai dans la serre de ma grand-mère. Elle fleurira, fanera et s'abîmera là-bas. Plus avec moi. Qu'irait-elle faire dans mon avenir flou, brumeux et plein de brouillard ? Ai-je vraiment besoin qu'elle prenne soin de moi ? Peut-être. Mais je n'ai plus le courage de prendre soin d'elle. J'ai manqué de force cette année pour le faire, et je ne suis pas sûre d'y parvenir de nouveau. Merlin, cela me fait mal au coeur, mais c'est probablement la meilleure décision à prendre. Je m'en vais, tourne la page de ce grand chapitre de ma vie que Poudlard a été, et désormais plus rien ne me retiendra à ce château. C'est peut-être mieux ainsi. Je ne peux pas me bercer d'illusions plus longtemps. Mes racines à moi ne pourront que pourrir ici, il faut qu'elles soient arrachées pour laisser un peu de place aux nouvelles qui arriveront.

Je m'approche de ma scutumi et sors ma baguette.

« Reducio. »

Si j'avais changé une lettre, dit autre chose... Je secoue la tête. Quelle idée de penser à cela !

J'attrape le pot, désormais plus léger et moins encombrant, et le glisse sous mon bras. La cire luit encore un peu sur ses grandes feuilles vertes venues du Brésil. Est-ce qu'Estefânia serait d'accord avec ma décision ? Je n'en suis pas sûre, mais après tout je la connais bien moins que ce que je pense.

Je me tourne vers le Vert et ouvre la bouche... mais aucun mot ne sort. Je ne sais pas quoi lui dire. Je m'en vais, voilà. Alors, je tente un sourire qui se veut léger, mais qui me paraît si lourd sur mes lèvres. Avec lui, Poudlard et ses serres seront entre de bonnes mains, n'est-ce pas ?


Tss, j'étais persuadée qu'elle lui donnerait sa scutumi. Mais tout peut encore arriver ? C'est probablement mon avant-dernier post, sauf si Ernest bouscule un peu Aly.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

08 nov. 2023, 18:43
Arracher ses racines  PV 
L’annonce de son nom, comme à chaque fois qu’un adulte ou quelqu’un se rapprochant de cette définition le prononçait, résonnait dans l’air le faisant se recroqueviller un peu sur lui-même. Les épaules se voûtaient légèrement, le regard se baissait. Cet écho planait au-dessus de lui comme un reproche. Pourtant, Ernest ne faisait jamais rien de mal. Il s’appliquait à rester dans les clous. Il essayait de faire toujours mieux. Pour obtenir cette considération que les grands ne semblaient pas vouloir octroyer aux enfants. Pour être pris au sérieux.

Parce qu’il était convaincu de pouvoir être capable de comprendre, si seulement on lui expliquait. Mais les adultes se dissimulaient derrière leurs propres peurs sous prétexte de vouloir le préserver. Alors il cherchait les réponses partout où il pouvait les trouver. Dans les livres, dans les gestes des autres. Dans leurs regards aussi. Mais ces vérités restaient flous et emballées dans les non-dits. Mais comment se préparer, si on ne savait pas à quoi ? Comment s’entraîner efficacement si on ne connaissait pas les menaces qui nous guettaient ?

Collectionneur d’émotions, Ernest attrapait également les soupirs au vol. Même les plus imperceptibles. Un soupir, ça parlait parfois plus que des mots. Il avait l’impression que les plantes soupiraient aussi parfois. En voyant la jeune fille sortir sa baguette, l’adolescent ouvrit de grand yeux. Une septième année, ça devait être capable d’en jeter un certain nombre de sortilèges. De ceux auxquels il ne pouvait que rêver en lisant leur non dans les manuels. Parce qu’il n’était pas assez grand. Toujours trop petit.

Son regard se durcit alors, ses sourcils se fronçèrent en comprenant la teneur du lancer. Il aurait du temps pour apprendre le sortilège de réduction mais il en connaissait tout de même la formule. Sans qu’il ne la voit venir, une nouvelle sentence était tombée. Une fois de plus, une porte était en train de se refermer sur lui. Ses poings se serrèrent et son regard plongea au sol, sur le bout de ses chaussures. Encore une fois, il n’était pas à la hauteur.

Sauf qu’il en avait assez qu’on lui dise ce dont il n’était pas capable. Qu’il ne pouvait pas jeter tel ou tel sort, qu’il ne pouvait pas manger plus de chocogrenouille que son estomac ne pouvait en digérer, que sa volonté ne suffirait pas. Alors il décida de la laisser parler, elle, cette volonté qui le poussait tous les jours à se dépasser et parfois à dépasser certaines de ses limites. Pas toujours dans son intérêt. Si Ernest était introverti, il était au moins aussi borné.

Et alors que la demoiselle commençait déjà à s’éloigner, ces mots coincés dans sa gorge s’échappèrent de ses lèvres sans qu’il ne puisse réellement les contrôler.

“Je veux la prendre !!”

Le ton et la puissance de son cri le surprirent lui-même, faisant rougir légèrement ses joues. Et son regard de retomber sur le sol, ses doigts tripotant la fermeture de sa veste machinalement. L’aplomb était reparti aussi vite qu’il était arrivé. Ernest ne savait pas crier et ce genre d’effusion le laissait plus dans la confusion qu’autre chose.

“Je… j’veux dire… je peux la prendre… je saurais… j’en suis capable…”

Il releva la tête vers elle et la jaugea du regard. C’était son tour à présent, d’essayer de savoir de quoi elle était capable. De quel genre d’honnêteté il pouvait faire preuve face à elle. Jusqu'où pouvait-il abaisser ses barrières ? Ses yeux verts la fixaient avec une intensité peu commune.

“Si… si tu pars…maintenant… juste comme ça… alors… je serais juste un truc qu’on oublie…”

596 mots

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

23 déc. 2023, 18:55
Arracher ses racines  PV 
Les premiers pas sont les plus difficiles. Il ne faut pas se retourner, il ne faut pas douter, il ne faut pas montrer ne serait-ce qu'une once de l'hésitation qui fait se balancer notre cœur. Alors, lorsque je m'avance vers la sortie de la serre, mon pot sous le bras, je me cache dans une cape d'assurance froissée. Je n'ai le courage ni de regarder vers l'avant, ni de me retourner. Je ne suis sûre de rien. J'ai peur de tout. Je marche sur une poutre ronde et l'horizon paraît si lointain. Il me faut avancer et garder l'équilibre au cœur d'une tempête, les yeux clos.

Parce que je m'en vais. La phrase coule dans ma gorge sans que je ne parvienne à l'avaler. Je ne reviendrai pas. Et je prends avec moi toutes les traces de mon passage. Bientôt, mon nom sera oublié. Les fantômes et les tableaux ne se remémoreront plus mon visage. Je serai à peine un souvenir. Mais je m'y attendais, n'est-ce pas ? Alors pourquoi est-ce aussi dur de le vivre que de l'imaginer ? Il n'y a pourtant rien de surprenant dans cette situation qui est mienne. J'avais conscience des difficultés qui m'attendraient. Je connais mes faiblesses, mes peurs, mes failles. Je savais que cette épreuve serait complexe. Mais je ne pensais pas à ce garçon sur mon chemin. Il a soufflé sur mon esprit les poussières dorées du doute. Suis-je en train de prendre la bonne décision ? Était-elle déjà prise ou encore en suspens au bord de la voie ?

Je marche, j'avance, je m'approche de la sortie, mais rien ne me quitte. Comme si ce que j'avais fait n'avait permis de fermer aucune porte. Une sorte de choix factice sans conséquences. Les apparences, et uniquement les apparences. Et ensuite ? Que ferai-je une fois dehors ? Il me faudra assumer mes actes, en prendre l'entière responsabilité. Le puis-je ? Je n'en sais rien. Je suis pleine d'hésitation, mais je ne dois pas le montrer. Pourquoi ? Parce que si je ne le montre pas, alors je semble y croire, et peut-être parviendrai-je à me convaincre de la justesse de mon acte en y croyant, tout simplement ? Tout est si incertain, c'est comme si je marchais sur une forêt de pierres glissantes. Je voudrais arriver rapidement à destination, mais je ne suis pas sûre de prendre les bons chemins, et j'ai peur de glisser. Et cette plante que je tiens sous le bras, malgré mon sort, me semble plus lourde que jamais. À quoi bon penser aux quelques pas qui me séparent de la sortie si une fois dehors tout reste semblable ?

Et puis brutalement, comme un éclair dans un ciel bleu, son cri. Il semble être sorti directement de son cœur, sans avoir été réfléchi. Impulsif, émotif, mais pas pensé. Pour la première fois depuis que son regard a croisé le mien, sa voix s'impose à moi comme un éblouissement soudain dans mon horizon terne. Rien ne sert de fermer les yeux, je le vois les paupières closes. Ainsi, je ne sortirai pas de cette serre avec l'esprit aussi brumeux et tiraillé que maintenant. Il me contraint à souffler sur mon brouillard, à le dissiper. Ce matin, je perdrai quelque chose.

Arrêtée, je me retourne. Demeure alors en moi cette voix qui me souffle que je devrai avancer, poursuivre ce que je faisais, ne pas douter. Je ne l'écoute pas, toute concentrée sur le jeune Vert aux joues devenues rouges. Ce qui sort du coeur mérite d'être entendu, défendu. Si j'ai fait le mauvais choix, il me faut corriger cette erreur.

Je le regarde, droit dans les yeux. Peut-être parce que je ne peux pas faire autre chose. Il a ses deux pupilles fixées sur moi, prenant en otage mon attention. Ce qu'il dit est d'abord bancal, incertain, comme s'il n'en revenait lui-même pas de m'avoir arrêté, comme s'il doutait de la légitimité de ses revendications. Oh, je pense qu'il n'a pas dû en faire beaucoup tout au long de sa vie. Il ne doit pas dire souvent « non », n'est-ce pas ? Alors, pourquoi le faire maintenant ? Trouve-t-il autant de courage dans mon regard que j'en trouve dans le sien ? Quelle étonnante correspondance.

Ses premières explications, étrangement, me déçoivent. Tout n'est donc qu'une question qu'une question de capacité ? Mais si je m'apprêtais à partir, ce n'est pas parce que je ne le pensais pas capable de prendre soin de ma plante. C'est moi, en réalité, qui ne suis pas capable de me laisser une seconde chance. Si je laisse ma scutumi ici, son histoire ne sera pas terminée. Elle ne m'appartiendra plus totalement, mais nous demeurerons reliées. Je la transmettrai à ce Vert et, puisqu'elle vient de moi, elle m'encouragera à garder un lien avec elle à travers lui, à laisser une petite part de moi à Poudlard, aussi. Est-ce une bonne chose, laisser un peu de moi là où rien ne devrait demeurer ? Mérité-je une deuxième chance dans mon histoire avec ma plante, moi qui après avoir pris soin d'elle si longtemps, l'ai abandonnée parce que je n'étais pas capable de poursuivre ce que j'avais entrepris ?

Je pourrais lui donner et fermer en même temps le chapitre concernant ce végétal en lui offrant. Mais ce ne serait pas juste, parce qu'il est là.

« Tu n'es pas un truc qu'on oublie. » Mon ton a une pointe de dureté.

Peut-être puis-je oublier une plante, mais pas la confier à une personne et oublier celle-ci, la laisser seule avec ce nouveau devoir à accomplir. Je ne pourrai pas le laisser. Ce n'est même pas envisageable. Si je lui fais don de ma scutumi, il est en mon devoir de l'accompagner pour l'aider quand il rencontrera des difficultés et le soutenir quand ce sera compliqué. Il est jeune et capable, oui, mais il aura peut-être des moments de faiblesse, d'incompréhension, de doutes. Alors, je devrai être là.

Je détourne le regard, secoue la tête.

« Un truc qu'on oublie ». Pourquoi dire cela ? Et pourquoi, oh Merlin, y suis-je si sensible ? Je ne veux ni qu'il soit un « truc », ni qu'il puisse être oublié. Pourquoi fait-il poser sur moi cette cruauté, cette injustice ? Si je franchissais les portes de cette serre, serais-je à ses yeux aussi horrible ? Je pourrai m'arrêter sur le fait que tout est une question de sensibilité, et que ses impressions sont probablement exagérées par rapport à la réalité, mais que vaut mon point de vue face au sien ? N'ont-ils pas la même force, la même légitimité ? Il a le droit de se sentir blessé si je sors, tout comme j'ai le droit d'être en désaccord avec lui. Puis-je cependant accepter ce désaccord et son sentiment sans rien y faire ? J'en suis incapable. Je ne veux pas le blesser, lui faire mal. Alors, je ne peux pas passer cette porte.

Mes yeux retrouvent les siens.

Par Merlin, il est si jeune. Ses iris, sa voix, la fragilité qu'il me présente, il y a quelque chose chez lui qui m'attendrit et me donne de la force. Je n'ai pas le droit de retirer l'espoir qu'il porte dans ses yeux verts. Je n'ai pas le droit de garder avec moi ce que je lui ai proposé, lui faisant croire qu'il n'est pas à la hauteur de mes attentes. Je n'ai pas le droit de prendre le courage qu'il me donne pour mieux renoncer.

D'un geste de ma baguette, ma scutumi retrouve sa taille normale. Ses feuilles viennent me frôler le visage. J'avance vers le garçon, incertaine mais trop touchée pour faire quoi que ce soit d'autre. Je suis de ces êtres qui, quand le coeur est atteint, ne peuvent plus que lui obéir.

Je pose la plante aux pieds du Vert. Cette fois-ci, mon regard n'ose pas croiser ses yeux. J'ai peur que mêler mon histoire à la sienne à travers ce végétal ne lui apporte plus de mal que de bien.

« Elle a besoin de beaucoup d'eau. Tu peux recueillir la cire sur ses feuilles, mais reste prudent quand tu le fais. Elle vient du Brésil et est magique. Tu ne trouveras pas grand-chose à son propos dans la bibliothèque de l'école, simplement quelques mentions sans détails. Elle grandit vite. Un jour, peut-être qu'elle te dépassera. »

Avec ces derniers mots, un sourire vient se glisser sur mon visage.


Aly, quand on touche à sa sensibilité, est trop prévisible ahah.

Excuse-moi pour ce temps de réponse. J'espère qu'il ne s'étirera plus de cette manière.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

07 janv. 2024, 13:28
Arracher ses racines  PV 
Ernest avait observé la jeune fille s’éloigner. Prête à passer cette porte qui était celle d’un autre monde. Celui des adultes. Et à la refermer sur lui. Et puis le trop plein avait cédé. Comme un barrage qui ne pouvait plus contenir le courant tumultueux de ses pensées. Le torrent de questions, de doutes et de soupçons avait fini par briser ses propres barrières pour reprendre le cours naturel de sa course. Pour un temps. Une fois la pression lâchée, Ernest aurait vite fait d'ériger une nouvelle digue. Il n’était pas habitué aux effusions d’émotions. Il était plutôt un enfouisseur. Comme un niffleur, il les saisissait au vol avant de les enterrer bien profondément à l’abri des regards.

Et de sa bouche sortirent des mots qui blessent de les dire à voix haute. Le genre de peur qu’on préfère ignorer. Celle qui le poussait dans ses retranchements et lui ôtait toute demi-mesure. Celle qui le poussait à donner le meilleur de lui-même, et toujours plus. À viser toujours plus haut. L’excellence, comme preuve d’existence. Au sommet, personne ne pourrait plus l’ignorer. L’adolescent voulait marquer son nom sur les trophées, tout comme sa mère. Pour laisser une trace de sa présence, une preuve de son passage. Parce que s’il n’y avait pas de preuve, qu’est-ce qui prouvait vraiment qu’on avait été en vie ?

Mais le revers de cette peur était celui qui le rendait méfiant à l’égard de tous. Qui redoutait le regard des autres et le jugement. Alors Ernest s’isolait. Souvent avec les plantes, elles qui s’abstenaient de toute appréciation. Le garçon jonglait avec l’ambivalence de sa position. Comment être reconnu quand on excellait à l’exercice d’invisibilité ? Ses attentes reposaient dans les regards de professeurs, héros fantastiques qu’il élevait sur des piédestaux disproportionnés, oubliant qu’eux aussi n'étaient que des êtres humains. Et puis à présent sur cette Serdaigle. Le gamin ne réalisait pas le poids de la responsabilité qu’il posait sur ses épaules.

Le ton de la voix de la rouquine, emprunt d’une certaine dureté le fit se recroqueviller un peu plus. Et déjà l’ombre du remord plainait dans son regard. Il n’aurait pas dû hausser le ton, la prendre à partie. Ce n’était pas poli. Pour un garçon qui s’escrimait à rester dans le cadre du politiquement correct, ça ne se faisait pas. Et voilà qu’il allait se faire disputer. Ou remettre à sa place. Mais quelle était-elle réellement, cette place ? Mais du haut de ses douzes ans, c’est de cette manière qu’il interprétait le demi-tour. Il n’aurait pas dû faire de vagues. Et voilà qu’une nouvelle sentence s’apprêtait à tomber. Une de plus dans cette première année qui s’était avérée bien plus chaotique que la manière dont il se l’était fantasmé.

Et d’un regard, la jeune fille effaça toutes ses certitudes. Ou du moins, ce qu’il croyait croire. L’adolescent observa stupéfait la plante reprendre sa taille d’origine sans vraiment oser s’y fier. Personne n’avait jamais été prêt à lui accorder une telle confiance. Il fallait dire qu’il n’accordait pas non plus la sienne si facilement. Remettre tout en question, c’était son mode opératoire. Pourtant, il était prêt à prouver à la Serdaigle qu’il valait la peine qu’on mise sur lui. Il l’écouta avec attention, hochant la tête vigoureusement. Il ne connaissait pas encore cette plante mais aucun doute qu’il saurait où chercher. Grâce à sa mère d’abord, qui était une encyclopédie botanique à elle toute seule.

Et puis il aurait tout l’été pour chercher. Entre le Chemin de Traverse et les musées d’Histoire Naturelle de Londres, il trouverait forcément. Une autre étincelle s’était allumée dans son esprit à la mention de ce pays de tous les mystères qui titillait l’adolescent depuis la découverte des correspondants l’hiver précédent. Le Brésil. Vaste forêt tropicale d’où émanait une magie qu’il n’était pas encore en mesure de comprendre mais qui trouvait un écho au plus profond de son être. La mission devenait alors capitale. Presque vitale.

“J’en prendrais soin… c’est promis… comme si c’était la mienne… enfin… c’est toujours la tienne évidemment et… je… je pourrais te donner des nouvelles… si tu veux…”

Voilà où elle se trouvait, la connexion. Une passerelle entre lui et l’extérieur. Cet extérieur qu’il ne pouvait que rêver à travers ses lectures mais dont les possibilités semblaient presque infinies. Peut-être que c’est ce qu’il cherchait depuis le départ. Peut-être qu’il ne s’agissait pas de plante. Le gamin s’approcha de la plante qui serait à présent sous sa tutelle et effleura ses longues feuilles. Une nouvelle compagne pour ses moments de solitude. Une nouvelle confidente peut-être.

“Est-ce que… est-ce qu’elle a un nom ?”

Toutes les plantes d’Ernest avait toujours eu un nom. Et si la question à double sens avait pu sembler stupide aux premiers abords, cette once de confiance en lui que la jeune fille venait de lui insuffler le rendait peut-être un peu plus téméraire. Un peu moins sensible à la peur qu’on se moque de lui. Cette fille semblait savoir ce que c’était d’avoir une plante. Réellement.

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

03 févr. 2024, 13:24
Arracher ses racines  PV 
Il change à mesure que je parle, que j'agis. Je ne peux pas m'empêcher d'observer son visage soumis à ce qu'il se passe au-dehors de lui, comme une fleur dominée par la météo et les caprices du ciel. C'est pour lui que je fais cela, pour lui que j'ai choisi de faire demi-tour, de revoir ma décision. Mes pensées sont un océan, et il a jeté dessus un éclat vert. Je crois même que je m'en veux d'avoir choisi au départ de ne pas lui confier la scutumi. Je voulais endosser des responsabilités, choisir comme une adulte, prendre la meilleure résolution, mais j'en ai oublié de penser à lui. N'est-ce pas ce qui arrive à bien des adultes ? En voulant déterminer ce qui est le mieux pour les autres, ne les oublient-ils pas ? Moi qui suis en train d'entrer dans leur monde, de fermer la porte sur ma jeunesse, moi plus que n'importe qui dois faire attention à tout cela. Grandir, ce n'est pas oublier le passé. Merlin, jamais je ne devrai mettre mon confort avant celui des autres. Je m'en fais la promesse. Je ne ferai plus deux fois cette erreur. Jamais je ne laisserai quelqu'un être oublié.
Alors, je m'enroule autour de cette assurance, me pousse vers le ciel grâce à elle, comme si elle était la tige de bois qui permet de faire pousser les plantes de manière droite. Je m'appuie sur cette résolution pour grandir. Je resterai fidèle à mes principes avant de l'être à ceux accrochés au statut d'adulte.

Ernest semble surpris par ma réaction. A-t-il douté de moi ? A-t-il eu peur que je m'en aille sans un regard pour lui ? A-t-il craint que je sois déjà grande, déjà soumise à d'autres priorités et questionnements ? L'inquiétude qui m'atteint est comme un souffle froid sur mon visage qui me glace un instant le crâne. Si l'image que je renvoie est celle-ci, que dois-je faire ? Ce n'est pas ce que je suis, n'est-ce pas ? Je ne fais pas demi-tour en oubliant les autres. Je ne veux pas faire peur ou faire mal, car alors c'est moi qui ai peur, et qui ai mal. S'est-il trompé dans ce qu'il a compris et perçu, ou ai-je été infidèle à moi-même ? J'aurais si honte d'aller à l'encontre de ce que j'ai construit, de la manière dont je me suis formée. À moins que ce ne soit ce que je suis en train de devenir, cette adulte qui pense davantage à soi qu'aux autres ? Je ne me le permettrai pas.

Pourtant, il la prend cette plante, en glissant une promesse et son regard dessus, en laissant les mots couler, comme s'ils avaient profité de son étonnement pour échapper aux remparts de ses pensées, mais il la prend. Néanmoins, une phrase de ses paroles manque de me faire froncer les sourcils. Je m'applique à garder mon visage détendu, ouvert et rempli d'assurance, et ce sans trembler. Le contrôle n'est qu'extérieur, il cache ce que je pense. Il faut être sereine pour inspirer de la confiance. S'il le faut, mes traits se figeront dans le marbre et le temps pour dissimuler les ombres qui ébranlent mes pensées.

*C'est toujours la tienne, évidemment*, le croit-il ? Ses mots font le tour de mes certitudes, jusqu'à se mordre la queue. Ai-je l'air de lui prêter ? Ai-je seulement parlé de lui prêter ? Mon corps s'est prostré sur des « non » qui me paraissent solides, certains. Pourtant, l'attitude d'Ernest me contraint à réévaluer mes actes, mes choix, mes mouvements. Ne me suis-je pas trompée, au départ ? Ne le pourrai-je donc pas de nouveau ? Ai-je laissé traduire, par inadvertance, des pensées qui ne sont pas les miennes ? Ai-je laissé croire à quelque confusion ? Que ce soit le cas ou non, n'est-ce pas de mon devoir de souffler la lumière sur ces zones d'ombre ? Mieux vaut envisager la tempête et ne pas la voir venir que ne pas s'y préparer et la découvrir face à chez-soi, grande, menaçante, et inarrêtable. La prudence est une qualité que je respecte.

« C'est la tienne plus que la mienne, maintenant. Je te la donne. Sauf si tu n'en veux plus un jour, dans ce cas je pourrai la reprendre. »

La scutumi reposant désormais ailleurs que dans mes bras, je ne sais plus que faire de mes mains. Elles s'accrochent comme des escaladeurs à mon corps plein de creux — je laisse tant ici. Néanmoins, rien ne parvient à faire revenir l'incertitude sur mes traits figés. Mon visage a été taillé dans une pierre tombée du Soleil.

« Cependant, elle n'a pas de nom. Mais tu peux lui en trouver. »

Je n'ai jamais été très familière de l'idée de donner des noms aux plantes. Parlent-elles ? Pensent-elles ? Alors, à quoi leur servirait d'être nommées ? De pouvoir les distinguer ? Mais les plantes sont généralement assez semblables ; qui pourrait éviter une confusion entre elles ? Dans ce cas, faut-il les nommer pour s'en sentir proche ? Peut-on seulement partager de tels sentiments, capables de n'aller que dans un sens, avec une plante qui ne ressent rien ? Je pense que le nom est généralement un plaisir particulier pour ceux qui ont un végétal, comme si en donner un permettait de s'y sentir lié. Si cette plante a un nom, n'est-elle pas, parmi les autres, unique ? Peut-être. Mais la mienne qui n'en a pas, en a-t-elle besoin pour être à mes yeux différente de toutes celles que j'ai connues ? Je n'en suis pas sûre. De toute manière, le Vert peut bien faire ce qu'il veut avec elle, je ne lui en voudrai pas. Elle est plus à lui qu'à moi, bien que je ne puisse l'oublier.

« Mais... » Mon visage de marbre se fissure brusquement. « Cela me fera toujours plaisir d'en avoir des nouvelles. »

Est-ce la confession, la faiblesse de quelqu'un qui se sent devenir fragile ? Non, mais de toute manière, à quoi bon s'en inquiéter ? Je fais confiance au garçon, je sais qu'il n'oubliera pas ma demande, ni n'abandonnera la plante quelque part.

Si j'ai laissé tomber ma scutumi, je ne le laisserai pas tomber, lui. Ma deuxième chance sera une réussite. Je porterai l'humanité sur mes épaules s'il le faut. Je ne céderai pas, je ne céderai plus.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique

11 mars 2024, 11:45
Arracher ses racines  PV 
Le monde tel que l’imaginait Ernest était rempli de cloisons. Comme un labyrinthe qu’il fallait traverser pour passer de l’enfance à l’âge adulte. Un monde caché, plein de virages, de détours et d’impasses. Un monde où on le tenait à l’écart et où il se tenait à l’écart. Et sans s’en rendre compte, il avait érigé son propre dédale dans un univers déjà particulièrement complexe. Mais voilà qu’il entrevoyait un nouveau passage. Un itinéraire qui n’existait pas sur la carte. Comme une sorte de passage secret, ou bien un raccourci. Cette plante, c’était un nouveau lien entre eux deux. Une sorte de promesse. Et au travers de sa plante, la jeune fille serait alors une passerelle. Un pont entre deux mondes.

Son regard oscillait entre la plante et la Serdaigle, comme l’aiguille d’une boussole qui ne trouverait pas son nord. L’une et l’autre agissaient comme des aimants ne laissant pas au garçon l’opportunité de fixer son attention. L’adolescent tentait de sonder la grande sans parvenir à interpréter les émotions qui se manifestaient derrière ses yeux. Lui ne savait pas les cacher de cette manière. Son visage était comme un livre où toutes ses émotions explosaient comme des tâches d’encre. Il ne maîtrisait rien. Pas encore.

“Elle sera toujours à toi…”

Parce qu’elle l’avait nourri, entretenu, aimé sans le moindre doute. Et parce qu’Ernest avait la conviction que les plantes gardaient tout en mémoire. Une mémoire différente de la sienne mais une mémoire quand même. La scutumi était le témoin d’une vie. Ou d’un fragment de vie. Est-ce que la plante appartenait à la jeune fille, ou la jeune fille à la plante ?

“Elle sera à nous, alors…”

Ernest avait besoin de ce lien partagé. Besoin de s'accrocher à un nouveau repère. Même si elle était loin, même s’ils ne savaient rien l’un de l’autre et même s’ils ne s’adressaient plus jamais la parole qu’à travers une note. Son regard replongé sur la plante qu’il observa avec un peu plus d’acuité. Elle n’avait pas de nom. Peut-être qu’il lui en trouverait un. Lorsqu’il aurait appris à faire sa connaissance. Lorsqu’il en saurait plus sur son histoire et ses origines. Et qu’ils se seraient apprivoisés.

“Toi non plus tu n’en as pas… enfin… j’veux dire… tu ne m’as pas dit…”

Il aurait bien pu lui en inventer un. Comme tous ces amis imaginaires qui avaient peuplés son existence. Des créatures parlantes ou pensantes, des plantes intelligentes. Mais pas de fille. Sauf qu’elle n’était pas une créature, pas imaginaire non plus. Et elle n’était pas son amie. Pas encore. Peut-être jamais. Peut-être qu’elle serait autre chose. Le petit brun entrevit sur le visage de la rouquine l’ombre d’une réaction. Une pointe de trouble, un léger émoi, il n’aurait pas su dire mais quelque chose. Une fissure dans laquelle il était prêt à s’engouffrer. Sa digue à elle qui commençait à se lézarder.

“Aussi souvent que tu voudras ! ‘fin, je…. j’le ferais… j’promets…”

Voilà à présent qu’Ernest, telle une liane s'agrippait à cette main invisible. Qu’on lui avait tendu ? Ou qu’il avait saisi de force ? Ne s’accrochait-on pas à une bouée de sauvetage avec la force du désespoir ? Ou alors l’espoir de quitter les eaux tumultueuses qui nous avalaient pour nous recracher ensuite ?

“Il faudra… un mot… pour l’professeur… pour qu’il sache…”

Un acte de foi devant un autre adulte. Une preuve qui dirait que la plante lui avait été confiée. Comme une attestation qui disait qu’il en serait digne.

Toutes mes excuses pour le délai :blush:

2ème année RP 48-49 / 13 ans / FICHE PR / Discord : erneststevens
"Figure-toi, Ernest, que l'amour est comme un gâteau." Sigmund Charleston

20 avr. 2024, 16:17
Arracher ses racines  PV 
Mon assurance s'installe. Ses racines s'étendent dans mon corps, prenant la place du vide qu'y a laissé la plante. Elle se forge, et durcit, devient inébranlable, jusqu'à fleurir au bout de mes doigts. La période que je traverse est si étrange, si pleine d'incertitudes, si emprunte de doutes. La détermination qui en surgit brusquement aujourd'hui, comme une tige qui percerait la neige, me surprend et m'ébranle un peu, mais me fait beaucoup de bien. Je peux me tenir à elle comme à un mât au milieu d'une tempête. Elle me ramènera chez moi, ne me fera pas perdre mon chemin. Ma voie, elle me la montre. Je dois être fidèle à moi-même, à mes valeurs, à ce qui est important pour moi. Alors, ce choix que j'ai fait pour ma scutumi, ce choix si imprévu, si douloureux — quand bien même je ne la mesure pas encore, cette douleur —, si étonnant, je sais que c'est le bon. Il ne me fait pas peur, car je le sens être juste. C'est rassurant, dans ce monde qui tangue tant, de pouvoir me raccrocher à cette assurance qui est mienne.

Contre toute attente, le « toujours » du jeune Vert résonne agréablement sous ma peau. Ce que je donne, ce que je perds, j'en garde tout de même quelque chose. Je ne m'en sépare pas définitivement. Enfin, si, c'est ce que je souhaite. Cependant, je ne coupe pas tous les fils qui m'y relient. Ces racines que j'arrache, elles pourront peut-être de nouveau trouver leur place près de moi. Non, je ne conserve pas la plante ; non, elle n'est plus sous ma responsabilité. Pourtant, elle et moi ne sommes pas séparées pour toujours. Je ne ferme pas totalement la porte. C'est plus doux, moins net. Je sens déjà les contours flous de ce « toujours » m'embrumer l'esprit. Mais, étrangement, je m'y accroche. Tout ce que j'ai fait pour cette plante ne s'efface pas aujourd'hui. Qui dit qu'à l'avenir, elle ne recroisera pas mon chemin ? Néanmoins, je sais que, malgré le fait qu'Ernest affirme que la scutumi est toujours à moi, elle ne l'est déjà plus vraiment. Et ce n'est pas grave. N'est-ce pas ce que je souhaitais ? Pourtant, je n'ose rien ajouter. Les mots mijotent dans la caverne de ma bouche sans trouver la force d'en sortir.

C'est ce « nous » qui ouvre la porte, qui débloque le verrou. Il me pousse à hocher la tête, à affirmer, à confirmer. « D'accord, » dis-je, avec l'étrange impression de sceller un engagement. Qu'il est rare de partager un nous avec un presque-inconnu si jeune. Je m'en sens responsable. Je devrai être à la hauteur, rester présente, ne pas oublier, ne pas abandonner. C'est important. J'ai encore beaucoup à apprendre sur la responsabilité, mais je veux apprendre, réussir, et faire de mon mieux. Cela me réconforte pour l'avenir.

Alors, après sa promesse de me donner des nouvelles de ma scutumi, je m'active. Je me sens portée par ma détermination et le soulagement que cet étrange accord avec le Vert m'apporte. Mon cœur, arrivé ici en peine, est désormais plus fort et plus serein. Pour ma plante, je sais que l'avenir ne sera pas terne. Elle ne prendra pas la poussière dans un coin sombre d'une vieille serre surchargée. Elle connaîtra encore la lumière, la douceur, et la compagnie d'une personne qui saura prendre soin d'elle. Et elle deviendra belle, sous toutes ces attentions.

De ce fait, c'est souriante que j'écris sur un papier un petit mot à l'intention de Mr Charleston. Ce sont des phrases brèves et simples, qui mettent à l'écrit mon accord pour qu'Ernest s'occupe désormais de la scutumi, et remercient le professeur pour cette serre destinée aux élèves qui me manquera dans le supérieur. Je signe de mon nom et de mon prénom avant de tendre le bout de papier au jeune Vert.

« Voilà pour Mr Charleston. Au fait, Alyona Farrow, c'est ça mon nom. » Je prends une inspiration, hésitante. « Merci. Merci de t'occuper de la scutumi. C'est gentil et... ça me fait plaisir. »

Je souris, baisse les yeux. Je ne suis pas très à l'aise avec les mots et les remerciements. J'aimerais l'être, mais les phrases ne sortent d'entre mes lèvres qu'hésitantes et fragiles. C'est dur d'exprimer ce qu'on ressent, de retirer la façade qui nous masque le visage.

« Il faut que j'y aille. » Je n'ai pas d'impératif, mais je sens l'émotion s'installer doucement sur mon visage, et cela me gêne. Je ne sais pas comment réagir à cela, je ne sais pas si c'est bien. Ne suis-je pas une adulte désormais ? Si je montre la tristesse qui monte en moi comme la marée, ne serait-ce pas une erreur ? Je ne sais pas, Merlin. Je ne sais pas, mais je n'aime pas le nœud qui se glisse dans ma gorge, et la peine qui voile délicatement mon regard. Je m'en vais, c'est tout. C'est inévitable. Cela ne devrait pas être aussi dur. Je n'abandonne rien, ni personne. Je resterai toujours liée à ce lieu, à cette serre, à ceux qui y passent. Qui pourra m'interdire de les revoir ? Qui dit que je ne reviendrai jamais ici ? Par Circé ! que l'avenir est brumeux.

« Voilà. Je... J'espère qu'on se reverra. »

Je souris, prends mes affaires, fais un bref signe de la main, et quitte promptement la serre. J'ai peur, si je me retourne, que l'émotion me submerge. Alors, je n'attends aucune réponse, je ne regarde pas ma scutumi, je n'ajoute rien pour Ernest, et je me jette vers l'avenir.


Cette fois-ci, je crois que c'est la fin pour moi ! Merci pour tout. C'était très doux à écrire. J'espère qu'on pourra se retrouver pour une suite !

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique