Luisa se sentait mieux après avoir évacué toute cette tristesse. Elle avait l’impression d’avoir relâché un poids énorme qui pesait sur ses épaules frêles. Et, pouah, que ça faisait du bien ! À présent, on pouvait la comparer à une petite plume, flottant au rythme de la brise d’hiver. Bon, elle était toujours désemparée face à cette situation, mais elle allait un peu mieux. Comme quoi, pleurer ne voulait pas dire « être faible ». C’était juste un moyen de respirer à nouveau et de sembler plus léger. Du moins, ça l’était pour la gryffonne.

Lorsque son amie lui avoua qu’elle était hypersensible, la brunette secoua la tête. Elle ne l’était pas personnellement, mais parfois elle souhaitait ressentir les émotions dix fois plus fortement que les autres. Juste pour mieux comprendre ceux qui l’entouraient, parce que manquer d’empathie la faisait quelquefois culpabiliser. En fait, elle avait peur d’être trop dure avec les autres, même si sur le coup, elle ne s’en souciait pas le moins du monde. Dit comme ça, c’était une qualité d’être hypersensible. Une grande qualité.

- Tu sais, Ashley, j’aimerais bien être hypersensible moi aussi. Quand je discute avec des gens et qu’ils me parlent de leurs problèmes…ben je m’y prends comme une cruche, parce que je n’arrive pas à décrypter leurs ressentiments. Je dirais que c’est un de mes plus grands défauts, d’être le contraire de l’empathie.

Soudain, elle frôla la syncope quand la blondinette lui récita le discours le plus long qu’elle ait jamais entendu. Waouh. Ces mots-là semblaient sortir tout droit du cœur d’Ashley, comme si elles se connaissaient depuis toujours, et pas depuis cinq minutes. Luisa n’était pas attendrie au point d’en pleurer, mais quand même. Depuis toute petite, elle ne recevait l’attention et l’amour de personne - exception pour Jake - et ce que venait de lui dire Ashley, c’était particulièrement déroutant.

Déroutant positivement, bien sûr.

- Oh, Ashley…je…je sais pas quoi dire. C’est beaucoup trop…c’est vraiment gentil. Moi aussi je serai toujours là pour toi, je te le promets. Parole de gryffon.

Rares étaient les moments où elle tenait parole, mais cette fois-ci, elle comptait bien respecter sa promesse, parce qu’Ashley le méritait. Eh ben dis donc, c’est une journée riche en émotions, remarqua-t-elle en arquant un sourcil. Comme quoi, malgré la pénombre qui encombre notre existence, il existe toujours un infime rayon de lumière qui peut nous ramener sur le bon chemin.

- Je sais que j’dois arrêter de penser à mes parents et de lire leurs lettres, mais…c’est compliqué. Même si je les déteste du plus profond de mon cœur, ils restent ma famille et…je me surprends toujours à croiser les doigts pour qu’un jour, leur opinion sur moi change. Ouais, tu peux l’dire, je suis paumée.

La blonde avoua à son amie qu’elle était hypersensible. Cette dernière lui dit qu’elle aimerait bien l’être parfois car, quand elle parle avec des gens et qu’ils lui parlent de leur problèmes, elle n’arrive à décrypter ce qu’ils ressentent. Elle lui dit que c’était son plus grande défauts, être le contraire de l’empathie.
La jeune fille était hypersensible depuis qu’elle a commencé à être timide. Ça a commencé quand elle regardait un film avec son frère et sa sœur, ( elle devait avoir 4 ans ) et au bout d’un moment, il y a eu une scène assez émouvante et la première année a commencer à pleurer. Depuis ce jour, elle ressent les émotions des autres mais plus forts et des fois, c’était un peu difficile de contrôler. Cela lui a valu quelques moqueries de la part de ses camarades de classe.

- Ouais, mais je t’avoue que des fois c’est un peu compliqué car les gens se moquent de moi.

En disant ces mots, le visage de la rouge et or se renfrogna. Elle venait de se souvenir des moqueries qu’elle subissait petite. Elle se rappelait de Louise, la fille qui au début avait été toute gentille, celle avec qui elle passait toutes ses journées, mais Louise, c’est également la fille qui est devenue méchante, celle qui embête les gens, plus particulièrement Ashley qui a été une cible facile pour elle. Et même si tout ça c’est du passé, c’est dur d’oublier, très dur. La blonde sentit ses yeux s’embrumer de larmes. Non, elle ne devait pas pleurer, pas maintenant. Pas devant son amie qui n’allait pas bien. Ne fais pas ta faible. Mais les larmes commencèrent à couler sur ses joues frêles. Elle s’assit par terre, calant ses genoux contre elle et en posant sa tête dessus. Elle pensait aux douloureux souvenirs, aux moqueries de Louise et des autres élèves, à la fille qui croyait être sa meilleure amie, la rabaisser.

- Dé…désolée…, dit-elle d’une voix tremblante.

Elle n’arrivait pas se calmer, elle tremblait comme une feuille. À cause de son ex-meilleure amie, elle a commencé à faire des insomnies, des cauchemars. Et elle en fait toujours aujourd’hui.

De rien, c’est normal. On est amies maintenant, dit-elle en adressant un léger sourire à Luisa après que cette dernière l’ait remercié.

La première année était contente d’aider Luisa, ses mots avaient été sincères. Elle pensait vraiment ce qu’elle avait dit à sa nouvelle amie.

- Oui, je sais, moi aussi je l’espère. J’espère qu’ils changeront d’avis sur toi mais là….ce n’est pas le cas. Mais tu peux leur montrer que tu n’es pas rien, au contraire, que tu vaux quelque chose. Pas besoin d’être la fille parfaite qu’ils ont toujours espéré avoir mais quand même, montre leur, tu leur prouver qu’ils ont eu tort à ton sujet.

La brunette se surprit à rouler des yeux à l’écoute des mots de son amie. Ashley venait de lui avouer que les gens se moquaient d’elle à cause de son hypersensibilité. Ces personnes-là sont complètement débiles, pensa-t-elle rageusement. Sa tristesse fut remplacée par un brin - pas si petit que ça - de fureur. Sans hésiter, elle posa sa main sur l’épaule d’Ashley, en rechignant sa voix intérieure qui lui suppliait d’échapper à tout contact.

- Il faut pas écouter ce qu’ils disent, fit-elle en secouant la tête. Généralement, les gens qui se moquent des autres sont ceux qui ont le moins de confiance en eux. C’est pour ça qu’ils s’attaquent aux « plus faibles » ; pour se sentir supérieur.

Elle n’avait jamais confronté ce type de problème parce qu’elle savait se défendre et intimider les autres lorsqu’elle le souhaitait, mais son meilleur ami d’enfance, Jake, connaissait parfaitement ce sentiment. Quand ils étaient dans leur école primaire de sorcellerie, les élèves le rabaissaient et l’insultaient parce qu’il avait perdu son oncle et sa tante à seulement cinq ans. Jake se confiait souvent à la gryffonne et lui révélait qu’il se sentait mal, terriblement mal. Alors, la jeune fille le défendait en usant de son habituelle répartie, et cela faisait fuir les harceleurs de son meilleur ami.

Soudain, Ashley éclata en sanglots, et elle s’affala sur le sol en enfouissant son visage dans ses genoux. La brunette s’assît à ses côtés d’un air désolé ; elle ne savait pas comment s’y prendre pour lui remonter le moral. Pourtant, elle ne réfléchit pas à la phrase parfaite pour la consoler. Elle passa son bras sur les épaules de son amie, et lui souffla attentivement :

- Que..que c’est-il passé, Ashley ? Je veux dire, dans ton enfance. Pour que cela te heurte à ce point.

Pendant un instant, sa situation avec ses parents s’effaça, et Luisa cessa de s’inquiéter pour n’importe quoi. Elle ne pensait plus à sa famille qui la détestait, ni à ses notes qui étaient passées d’Optimal à Désolant en quelques semaines, à cause de son manque de concentration causé par ses problèmes. À présent, elle ne voyait plus que son amie, et voulait comprendre pourquoi elle avait l’air si mal.

Au final, Ashley et Luisa avaient un point en commun. Elles enfilaient des masques invisibles pour faire croire à tout le monde qu’elles allaient parfaitement bien, alors qu’en réalité, c’était tout le contraire. Et à force de s’exercer à la tâche, elles se débrouillaient avec perfection, comme de véritables comédiennes. On mérite une récompense, ironisa-t-elle avec un sourire sans joie.

Luisa posa une main réconfortante sur l’épaule la jeune blonde quand cette dernière lui avoua que les gens se moquaient d’elle. La jeune fille apprécia le geste amical de la part de son amie. Cette dernière lui dit que les gens qui se moquent des autres sont généralement faibles et qu’ils font ça pour se montrer supérieurs aux autres. Ashley secoua la tête. Non, pas pour Louise. Elle, elle n’était pas du tout faible, au contraire. Elle aimait embêter les gens, c’était dans sa nature. Et la première personne qui est tombée dans ses filets, c’est Ashley, comme par hasard. Aussi, l’ex-meilleure amie de la jeune fille connaissait ses points faibles, elle savait comment l’atteindre facilement ; elle était donc une cible facile à abattre.

- Non….pas…Louise…elle, elle savait ce qu’elle faisait….elle…aimait…embêter les gens. Et la personne qu’elle a embêté….c’est m…, mais sa voix se brisa dans un flots de larmes.

C’était tellement dur, mais tellement. Cette époque a sans doute été la pire de la vie de la première année. Elle n’a jamais su comment elle devait se sortir de ce problème à l’époque. La souffrance l’avait gagnée à petit feu, et l’avait détruite jours après jours car au début - elle n’avait rien dit à ses parents, elle laissait faire, mais au bout d’un moment, elle a complètement craqué et a dit toute la vérité. Depuis ce jour, la gryffonne portait un masque pour se protéger des autres. Elle faisait semblant d’aller bien, alors qu’au fond d’elle, elle souffrait.

Quand la jeune blondinette éclata en sanglots, son amie s’assît à côté d’elle et passa un bras autour de ses épaules. Elle lui demanda qu’est ce qui s’était passé. La jeune fille ne répondit pas tout de suite. Elle n’avait pas vraiment envie de le dire, c’était douloureux. Mais elle savait qu’elle pouvait faire confiance à Luisa.

- Je….quand j’étais en…primaire, au CP j’avais 6 ans, je me suis faite une amie du nom de Louise…On était inséparables, on était tout le temps ensemble. C’était, ma meilleure amie…j’avais confiance en elle. Elle était hyper sympa avec moi….je l’adorais!
Mais quelques temps après, je n’sais pas…elle a complètement changé…elle a commencé à être méchante avec moi…elle voulait que je lui obéisse au doigt et à l’œil. Mais moi, je n’étais pas d’accord avec ça donc….elle l’a mal pris et elle a commencé à m’embêter à être méchante avec moi. Elle a même dit aux autres…élèves de la classe….de ne pas être amis avec moi. Du coup j’étais toute seule aux récréations ; ça a duré 1 ans… mais au bout d’un moment, j’en avais eu marre donc je l’ai dit à mes parents. Ils…ils m’ont retiré de l’école mon frère jumeau et moi et ma mère qui est une sorcière nous a pris un précepteur pour nous enseigner des choses sur la magie. Mais c’est à cette période là que j’ai commencé à faire des insomnies. Je me réveillais toutes les nuits en sursaut à cause des horribles cauchemars que je faisais sur Louise et le reste. Après, j’arrivais jamais à m’endormir donc je pleurais toute la nuit. Je ne sortais plus de chez moi, je ne voulais voir personne, pas même les membres de ma famille, je souffrais beaucoup trop. C’est là que j’ai commencé à m’écarter des autres, à m’insoler. C’est pour ça que je suis renfermée, introvertie, hypersensible. Je me méfie de tout le monde. Je suis froide avec les inconnus bref, c’est dur. Et j’ai encore peur aujourd’hui….j’ai….j’ai peur de souffrir de nouveau…je ne veux pas….je n’veux plus de ça….

Parler de son histoire a fait du bien à Ashley. Ça a permis de la « libérer « , d’un poids qu’elle avait sur les épaules, même si elle l’a encore un peu. Elle fait confiance à Luisa la preuve, c’est la première personne à qui elle en en parlait, preuve de confiance non?

Alors, Ashley se décida à lui raconter son histoire aussi choquante que poignante, et la brunette comprit que derrière l’armure ensoleillée et trépidante de son amie se cachait une âme encore plus brisée que la sienne, quasiment déchirée en deux. Le harcèlement que Jake avait subit n’était rien comparé à la douleur infligée par cette monstrueuse Louise envers son amie. J’espère que cette psychopathe a honte de son comportement, parce qu’à sa place, c’est ce que je ressentirais, pensa Luisa froidement.

Ashley avait été retirée de son école pour ne plus avoir à souffrir, et pourtant, son isolation semblait ne pas être si utile, puisqu’elle s’était renfermée sur elle-même et avait développé une anti-sociabilité. Bon, après, quel était le meilleur choix ? Subir les moqueries constantes de son ancienne meilleure amie sans savoir quoi faire ou rester cloîtrée entre quatre murs, en toute sécurité ? C’est sûr que dit comme ça…

- Je t’avoue que j’sais pas trop quoi dire, murmura Luisa d’un air désolé. Ce que tu as traversé, c’est…horrible. Juste horrible. Mais en même temps, même si j’ai vraiment, vraiment envie d’encastrer mon poing dans la face de Louise, je ressens beaucoup d’admiration. Pour toi. Parce que tu as vécu toutes ces injustices, et pourtant…tu es toujours là.

Elle ignorait si ces mots avaient heurté son amie, alors elle ajouta :

- T’es une battante, Ashley. Une vraie battante. J’te jure, si j’avais été à ta place, j’aurais pas tenu.

@Ashley Wilson