Il avait fallu quelques minutes à Éli pour se remettre de cette étrange rencontre dans les toilettes abandonnées. Son sac sur l'épaule, elle avait marché dans les couloirs sans vraiment réfléchir à l'endroit ou elle voulait aller, se rejouant la scène qui avait eu lieu peu de temps avant entre Redose, sa sœur et elle. Rien ne s'était passé normalement, ni son entrée fracassante, ni ses suppositions débiles, ni les réactions du griffon envers elle. Rien n'était normal et pourtant, ce qui en était ressorti n'était pas négatif, confusant et déstabilisant, mais pas négatif. La Poufsouffle avait rencontré une partie lumineuse de Redose en sa sœur, et rien que pour ça, elle ne regrettait pas, ce qui l'embêtait bien plus c'étaient ses propres réactions face à la situation. Sur le moment, elle avait agi à chaud, et du mieux qu'elle avait pu face à la situation qui se présentait à elle, pourtant maintenant, en rejouant les choses, elle ne pouvait s'empêcher de se juger.

La lettre qu'elle avait dans l'idée d'écrire à sœur, toujours vierge à cause de la distraction Omniak, poussa Éli à se diriger vers le foyer de la grande salle. Ouvert, mais sûrement faiblement peuplé à cette heure de cours, il serait sans doute un bien meilleur endroit pour écrire. En arrivant, la Poufsouffle prit place en travers d'un des larges fauteuils confortables, laissant ses jambes tomber négligemment sur l'un des accoudoirs, posant sa tête sur l'autre, elle observa quelques minutes le plafond spectaculaire qui s'offrait à elle.

Se redressant enfin, elle finit par attraper un parchemin dans son sac, sa plume et son encre, et se glissa jusqu'à la petite table basse non loin d'elle. Assise au sol, elle posa toute sa papeterie sur la table et commença à écrire.
Elle ne savait pas vraiment par où commencer, ça faisait un moment qu'elle n'avait pas écrit à Mary, et ses dernières lettres étaient parsemée d'un filtre de secret qu'elle avait volontairement placé entre elles. Sa sœur avait toujours été sa plus grande confidente, mais depuis quelques semaines, depuis la dispute, depuis qu'elle ne savait plus gérer ses émotions, elle avait espacé leurs nouvelles craignant de se faire juger par son ainée. Étrangement, voir Redose et sa sœur aujourd'hui avait eut sur elle l'effet d'un électrochoc, comme un petit rappel du destin pour la pousser à tout dire. Ce qu'elle comptait bien faire maintenant.

Coucou Mary,

J'espère que tu vas bien, et que tes cours se passent aussi bien que les miens.
Je sais que ça fait trop longtemps que je ne t'ai pas écrit, et je suis désolé, mais j'avais beaucoup de choses dans la tête que je n'arrivais pas à te dire. Je crois que j'ai besoin de ton avis maintenant.

Je t'ai déjà parlé de Gideon, mon petit copain, il est génial et je l'aime plus que tout, ça, ça ne change pas, mais depuis quelques semaines, j'ai l'impression de ressentir des choses que je ne devrais pas du tout pour un autre garçon.

Pourtant, avec Gid' tout est simple, on se parle de tout, on a pas de secret. Tu sais combien j'ai besoin d'avoir confiance, et j'ai confiance en lui là, mais justement, je ne comprends pas pourquoi avec cet autre garçon, j'aime ne pas savoir... j'aime quand il me cache des choses, quand il est mystérieux, quand d'un moment à l'autre il peut partir sur une dinguerie. J'aime être surprise avec lui alors que je déteste ça !!!

Je m'en veux tellement, en plus Gideon m'écoute lui, il prend en compte mon avis, il essaye toujours de me comprendre et de faire les choses pour que je sois bien. Je sais que j'ai de la chance de l'avoir... L'autre gryffon, il est toujours à faire juste ce qu'il veut lui, à n'écouter personne et à s'en foutre de tout. Il rentre dedans peu importe ce qu'il y a devant, il s'en fou de mon avis, en vrai, je pense qu'il s'en fou de moi tout cour. Il vit pour lui, juste pour lui. Et pourtant, j'adore ça ! J'adore son coté "je n'ai pas besoin de toi" , le pire, c'est que je sais qu'il le pense vraiment, et plus il le pense, plus j'ai envie de lui prouver qu'il a tort de penser ça de moi. Je suis complètement folle non ? De vouloir le pire quand j'ai le meilleur ?

Mais j'arrive pas à faire autrement, quand il est là, c'est comme si j'étais attiré par un aimant. J'ai même fait exprès de m'attirer des problèmes pour qu'il me remarque. Quand il m'ignore, c'est pire. Je trouve vraiment que Gideon est trop beau, et je suis pas la seule à le trouver canon, j'aime tout chez lui, son corps, sa personnalité, son caractère, j'aime même ses défauts... Pourtant quand cet autre garçon est là, je peux pas trop résister et je le regarde. Je devrais pas, mais j'aime le regarder. Il semble avoir peur du feu, mais c'est moi qui brûle. Ses yeux, j'arrive pas à faire autrement, quand il est proche de moi et que je les regardes... je sais pas c'est comme ...intense. Je sais pas comment expliquer ça. Je dois sûrement avoir un truc qui ne va pas et ça m'énerve.

Le pire dans tout ça, c'est que ce garçon c'est Redose, le garçon qui m'avait volé à Londres, celui qui est toujours si agressif et désagréable avec tout le monde, celui dont je ne te dis que du mal depuis des mois.
Et surtout, c'est le meilleur ami de Gideon.

Tu me trouves horrible ? Moi, je me déteste de tout ça, et j'espère que tu ne me détesteras pas trop.
Je t'aime ma sista
Éli

Éli fit non de la tête, et se leva d'un mouvement brusque. Elle ne pouvait pas envoyer ça à sa sœur...Maintenant il y avait la triade, il y avait Esme, et son couple solide avec Gideon, elle devait choisir l'amour durable et sincère, plutôt que l'intensité de ses pulsions passagères et destructrices envers Redose ! Il fallait qu'elle arrête de l'écrire, d'en parler et surtout qu'elle lui bloque son esprit.

Réduisant le parchemin en boule, elle le jeta dans le fond de son sac avec le reste de ses affaires, avant de s'approcher, un peu énervée, de la table collée au mur. Elle attrapa une pomme rouge, qu'elle croqua sans retenue avant de sortir dans le couloir pour rejoindre le terrier.

Elle n'enverrait aucune lettre aujourd'hui, demain elle en écrirait une nouvelle beaucoup plus classique à Mary, en faisait bien attention de ne mentionner nulle part le griffon de trop.

@Redose Omniak, @Gideon Atwood