J'aurais du rentrer rapidement dans ma salle commune, comme d'habitude, histoire de voir Antonn avant qu'on aille dîner ensemble mais deux filles ont attiré mon attention. Elles semblaient bien jeunes, que faisaient elles ici ? Je m'étais d'abord demandée, si elles avaient oublié le mot de passe, mais il y avait quelque chose qui clochait, je l'avais senti. Tandis que je faisais mine d'attendre quelqu'un, je tendis l'oreille afin d'entendre des bribes de leur conversation. Aucune des deux ne me disait quoi que ce soit, ce qui n'était pas étonnant étant donné qu'elles semblaient être en première ou deuxième année maximum. Ce qui était étrange, c'était qu'elles ne semblaient pas être paniquées puisqu'elles ne connaissaient pas le mot de passe. Immédiatement, je pensais au fait que c'était beaucoup plus dur pour des nés moldus de prononcer le mot de passe en fourchelangue, mais nous étions pratiquement en décembre. Et puis surtout... même si les préjugés avaient évolués, il restait un nombre restreint de Serpentard nés moldus. Cette pensée me fit repenser à la période noire que j'avais traversée, trois ans auparavant. J'essayais de ne plus y penser, parce que sinon, je savais que je replongerais. Alors, ça ne me quitterai plus et je ne me verrais à nouveau plus que sous la haine que j'avais déversée. J'avais changé, je me tournais vers le futur et je ne devais en aucun cas changer cet état d'esprit.

Cela faisait désormais cinq bonnes minutes qu'elles bavassaient, et je crus entendre quelque chose qui me mit hors de moi. La blonde n'était pas à Serpentard. Effectivement, elle se mit à supplier l'autre élève — qui était donc à Serpentard — de la faire entrer. Ce n'était pas que pour remplir mon devoir de préfète que je m'avançais vers elles deux, mais aussi parce que j'étais une fière Serpentard qui ne pouvait pas laisser passer cet affront. Que diront on si on apprenait qu'une élève de Poufsouffle avait tenté de s'introduire dans nos cachots, mais qu'en plus de cela, une élève de ladite maison souhaitait lui apporter son aide ? Je n'osais pas y penser. Je m'avançais d'un pas déterminé vers les deux filles.

— Où est-ce que vous avez appris qu'on entre dans les salles communes qui ne sont pas les votre ? En plus, pourquoi est-ce que tu ne portes pas ton uniforme ? Tu as intérêt à repartir immédiatement dans ta salle commune te rhabiller avant le dîner, sinon, c'est direct' dans le bureau de ton Directeur. Et toi ajoutais-je en me tournant vers la brune — que je ne te reprenne plus à faire entrer en douce des élèves d'autres maisons. J'en toucherai deux mots à Mr Pearce, et toi à ton directeur dès que je saurai qui c'est, et crois moi, je ne tarderai pas à le trouver, à moins que tu ne me le dises de ton plein gré, ce qui serait bien mieux pour toi. Donnez moi vos prénoms et noms aussi, que je n'ai pas à vous emmener avec moi lors de la petite visite de courtoisie que je ferais aux directeurs.

Pfiouf. J'avais parlé durement, comme mon rôle l'impliquait. Les jeunes générations étaient décidément de plus en plus ridicules. Ne se doutaient elles pas qu'il était impossible d'entrer dans une salle commune qui n'était pas la sienne ? J'espérais qu'elles retiendraient la leçon.

Marilya, surprise par l'intervention soudaine de l'élève plus âgée, sentit une bouffée de panique monter en elle quand elle se rendit compte qu'il s'agissait d'une préfète. Ce n'était pas dans ses habitudes de se faire gronder, jamais. Elle regarda Lauren, une lueur de panique dans le regard, avant de se tourner à nouveau vers Ezra, sa gorge serrée par l'angoisse.

"Je... je m'appelle Mari... lya, Marilya So-Sowell," balbutia-t-elle, la voix tremblante d'émotion. "Je suis vraiment désolée, je... je ne voulais pas... C'était juste que... le calmar et..."

Aussi incompréhensible que soit ses excuses, la fillette les pensait. La tristesse et la déception se lisant clairement sur son visage. Marilya baissa les yeux, incapable de soutenir plus longtemps le regard de la préfète. Elle serra les points, ferma les yeux pour se donner du courage et prit une profonde inspiration, essayant de contenir ses émotions avant d'ajouter :

"Punissez pas Lauren s'il-vous-plaît ! C'est ma faute tout ça..." Sa voix s'estompa légèrement à mesure qu'elle parlait, révélant une vulnérabilité peu commune chez la princesse, habituellement si pleine de vie et d'enthousiaste.

Elle aurait voulu promettre qu'elle ne le referait plus jamais, mais les mots restèrent bloqué dans sa gorges tendis que les larmes montaient, montaient, montaient de plus en plus sans pour autant déborder. Marilya trouvait tout ça de plus en plus injuste, de ne pas pouvoir être plus qu'une Poufsouffle. Elle voulait aussi être une Serpentard ! Et une Serdaigle ! Et une Gryffondor !

Dès Lauren avait vu la préfète de Serpentard s'approcher d'eux d'un pas décidé, elle avait su qu'elle allait regretter d'avoir fait cette proposition. La tête baissée, elle avait encaissé les accusations de la préfète, ne pouvant que reconnaître leur véracité. Se réprimandant mentalement, elle se demanda comment elle avait cru qu'elle pourrait ne serait ce qu'essayer de faire entrer la jeune blonde dans sa salle commune. Elle aurait dû lui expliquer que ce n'était pas possible, et lui proposer de l'accompagner au lac pour qu'elles essaient de voir les animaux aquatiques. Quoi qu'il en soit, il était trop tard.

Énervée comme elle l'était, la préfète était terrifiante. Jetant un coup d'oeil paniqué à Meryl, Lauren se rendit compte que cette dernière semblait encore plus effrayée qu'elle. D'une voix bégayante, elle déclina son identité, et la noiraude se rendit compte que finalement, la Poufsouffle lui avait mentit à deux reprises. Elle s'appelait Marilya, et non pas Meryl, comme elle lui avait dit. Un peu perdue, elle avait comme l'impression d'avoir été trahie. Et pourtant, une seconde plus tard, Marilya ajouta qu'elle était l'unique fautive et lui demanda de ne pas punir la Serpentard. Touchée, Lauren oublia immédiatement son mensonge, et se rendit bien compte que si elle ne lui avait pas donné son vrai nom après s'être faite "démasquée", s'était uniquement par oubli. Reprenant un tout petit peu de confiance grâce à l'intervention de Marilya, elle lui lança un regard qu'elle voulait rassurant, bien qu'elle ne le soit pas elle-même, puis leva la tête pour croiser le regard de la préfète. Lauren eut l'impression que son regard allait la mettre en pièce, pourtant, elle ne sut par quelle miracle sa voix ne trembla pas lorsqu'elle dit :

"Lauren Simmons. Je suis aussi responsable que Meryl. Euh, Marilya. Et je suis vraiment désolée, on n'aurait pas dû faire ça..."

Le regard impitoyable avait forcé Lauren a baissé la tête, mais son regard était toujours planté dans celui d'Erza. Sa main tremblait. Résignée, elle attendait que la préfète reprenne la parole, probablement pour énoncer leur punition et leur dire de partir. Lauren reconnaissait sa faute.

La princesse écarquilla les yeux et tourna le regard vers Lauren, mortifiée de l'entendre prononcer le faux nom donné dans un souci de camouflage. Pour qui la prendrait-elle à présent ? Une menteuse, une causeuse d'ennui et une chipie ! Pour Marilya, au fond du gouffre, ce devait être le pire moment, la pire honte de sa vie et elle s'en voulait terriblement du mal qu'elle causait à sa si gentille camarade.

"Laur'... je..."

Le sang battait dans ses tempes et son ventre la faisait souffrir, comme si elle venait d'avaler une douzaine de grosses pierres. Elle se révéla incapable de parler et elle sentit la moutarde lui monter au nez. Ses yeux se remplirent de larmes qui débordèrent bientôt. Désemparée, elle laissa couler en silence de grosses larmes de fangieux, tandis qu'elle baissait la tête en direction de ses chaussures. En fait, elle rentra tellement le menton que ses longs cheveux blonds lui tombèrent devant en lui couvrant partiellement le visage. "Monstrueuse, je suis monstrueuse" pensa-t-elle.

"J'voulais voir votre salle commune, c'est tout," reprit Marilya d'une petite voix déconfite. "J'pensais pas à mal, j'le jure... " Elle releva la tête en direction de la préfète, renifla et ajouta : "C'n'est vraiment pas la faute de Lauren, j'aurais insisté si elle avait dit non de toute manière." En un sens, la pauvre Lauren n'avait même pas vraiment eu le choix. La princesse se tourna vers sa camarade, les joues plus humides que celle d'un kappa dont la tête aurait été renversée. "J'comprendrais si tu ne voulais plus me parler. "

Les larmes de Marilya prirent Lauren complètement au dépourvu. Elle en oublia momentanément la présence de la préfète pour se tourner vers la Poufsouffle, cherchant à plonger ses yeux dans les siens, mais son visage était tourné vers le carrelage et recouvert par ses cheveux. Elle voulait la rassurer, lui expliquer qu'elle n'allait certainement pas arrêter de lui parler à cause d'un simple oubli (Lauren avait bien vu, à sa réaction lorsqu'elle s'était trompée de prénom, qu'elle avait complètement oublié cette histoire). Malheureusement, ne pas voir les pupilles de son interlocuteur la mettait mal à l'aise, ainsi elle chercha à lui faire relever la tête, pour lui montrer qu'elle n'accordait vraiment pas d'importance à ça.

"Marilya... Regarde moi s'il te plaît..."

La présence d'Erza revint à Lauren. Elle se doutait que discuter entre elles comme ça allait énerver la préfète, mais elle décida d'en faire fi : elle ne pouvait tout simplement pas laisser Marilya pleurer comme ça sans même essayer de la rassurer. Ainsi, bravant la peur de se faire réprimander, elle continua :

"C'est vraiment pas grave... Je ne vais pas arrêter de te parler à cause de ça ! Je vois bien que tu ne l'as pas fait exprès... Ne pleure pas pour ça..."

La Serpentard n'avait qu'une envie, c'était prendre la jeune sorcière dans ses bras pour la rassurer. Malheureusement, elle ne la connaissait pas encore assez : certaines personnes détestent quand d'autres les prennent dans leurs bras, et la préfète des Serpentard aurait probablement explosé de fureur. Alors, Lauren se contenta de tendre son bras pour prendre la main de la Poufsouffle dans la sienne.

C'en est presque comique. Elles s'excusent mutuellement, et je suis prise au dépourvu. Elles ne semblent donc pas du tout vouloir enfreindre le règlement de leur plein gré. Je suis perdue. Je doute désormais sur la marche à suivre. Est-ce que je dois les envoyer dans le bureau de leurs directeurs respectifs ? Je ne sais plus. Si j'avais su que je me retrouverais face à des situations pareilles ! J'étais en train d'assister à une déclaration d'amitié en même temps qu'elles tentaient de se disculper. Il fallait que je les fasse taire pour reprendre mes esprits et prendre une décision.

— Stop ! Calmez vous un peu s'il vous plait, je dois réfléchir.

Elles n'avaient définitivement pas l'air d'être de mauvais bougres. Si je les laissais partir sans rien dire, qui le saurait ? Et puis, ça ne me semblait pas dramatique, à moins qu'elle ne décide de réitérer la manœuvre, auquel cas je n'hésiterai plus avant d'aller voir leurs directeur de maisons.

— Avez vous compris que c'est interdit ? S'il y a des maisons, différentes qui plus est, et que l'on est réparti que dans l'une des maisons, c'est bien pour une raison. Il est interdit d'essayer de pénétrer dans les autres salles communes. Remettez vous de vos émotions, je ne préviendrais pas vos DDMs, à condition bien sur que vous promettiez de ne pas réessayer.

J'estimais avoir été claire. Je ne me souvenais pas qu'à cet âge là, on était si sensible. De mon côté, je n'aurais jamais laissé mes émotions me contrôler de cette façon, surtout pour pleurer ou supplier. Par contre, pour ce qui était de la colère, c'était autre chose...

Marilya se sentit momentanément paralysée par les paroles de la préfète. Réfléchir à quoi ? La dureté de leur sanction ? Lorsque finalement il fut question de leur laisser une autres chances, Marilya fit un effort pour sécher ses larmes et faire bonne figure. Elle essuya ses joues trempées avec la manche de son uniforme, son cœur battant de honte dans sa poitrine. La peur d'être puni fut alors remplacées par un sentiment d'urgence à prouver sa bonne foi. La promesse qu'elle faisait à la préfète, de ne plus tenter de visiter la salle commune d'une autre maison, pesait néanmoins lourdement dans sa poitrine. Comme un regret. Celui de n'avoir pas réussi.

Elle trouvait toujours injuste cette interdiction, tout comme elle trouvait injuste ce système qui ne tendait qu'à les diviser. Il suffisait d'écouter les rumeurs entourant Serpentard pour s'en rendre compte. Mais elle n'enfreindrait plus jamais cette règle... Faisant preuve d'une bravoure soudaine, elle demanda :

"Pourquoi est-ce qu'il y a des maisons différentes ?"

Marilya planta son regard dans celui de son ainé, réellement désireuse de comprendre. Elle connaissait l'histoire de Poudlard, mais les fondateurs étaient tous amis non ? Pourquoi tant de distance et de règles ? Pour elle, ça n'avait réellement aucun sens ! Suivant le raisonnement de ses parents, elle se demandait à quoi servait les "cases" dans lesquels on les enfermait tous.

Complètement prise de court par ce que venait de dire la préfète, Lauren releva ses yeux vers le visage de la Serpentard. Depuis le début de l'année, elle s'était imaginé les préfets comme des personnes sévères, intransigeantes et un peu insensibles. Pourtant, elle ne les connaissait absolument pas, et ce que venait de dire son aînée le prouvait. D'ailleurs, l'indulgence dont elle venait de faire preuve la rendait encore plus impressionnante et respectueuse aux yeux de la noiraude. Et un peu plus... Accessible ? Sympathique ? Lauren n'aurait su le dire.

Quoi qu'il en soit, elle hocha la tête, pour prouver qu'elle avait compris son erreur, et qu'elle ne la réitérerais pas. Inconsciemment, elle ajouta un semblant sourire, comme pour remercier la préfète de Serpentard. La bouche entrouverte, elle allait confirmer qu'elle n'irait plus à l'encontre du règlement quand la voix de Marilya résonna dans le couloir :

"Pourquoi est-ce qu'il y a des maisons différentes ?"

La réponse à sa question lui parut évidente : pour être regroupé avec des personnes aux même caractéristiques que les nôtres. Parce que c'est ainsi que l'école a été fondée. Parce qu'il en a toujours été ainsi. Lauren ouvrit la bouche pour répondre à la Poufsouffle quand elle se stoppa. Elle venait de se rendre compte du ridicule de la réponse qu'elle s'apprêtait à donner. Être regroupé avec des personnes aux mêmes qualités ? Mélanger tout le monde permettait au contraire de pousser les gens à accepter que d'autres personnes pouvaient être différentes. Parce que c'est une vieille tradition ? Où seraient-ils s'ils vivaient comme au Moyen Âge ? Ses sourcils se fronçaient au fur et à mesure de ses réflexions. Pourquoi y avait-il des maisons différentes ? Elle ne s'était jamais posée la question.

Lauren se tourna vers Erza, le regard interrogateur et les sourcils un peu creusés. Elle attendait qu'elle réponde à la question de Marilya, parce qu'elle n'en avait quant à elle aucune idée.