Ça commençait à lui faire un peu mal au bras, son histoire de Chocogrenouille maintenue en l'air. Sigmund était de plus en plus pressé. Il était tout bonnement ridicule que cette histoire s'attarde tant. Ses grands yeux scrutèrent, derrière ses lunettes, le sac ramené à la poitrine de l'adolescente avec espoir, puis posé au sol. Là, elle n'aurait qu'à se pencher et l'ouvrir pour lui rendre sa plante... mais alors qu'il trépignait sur place, le bras toujours tendu en l'air, elle n'esquissa aucun geste pour délivrer son otage. La Serpentard ne fit qu'une nouvelle proposition, tendant à nouveau son parchemin vers lui. Voilà maintenant qu'elle savait tout à fait de quoi il parlait !

« Filoute ! Tu as menti quand tu faisais l'innocente ! » dit-il en tendant un doigt accusateur vers elle. Elle savait qu'il n'y avait pas de trésor ! Et c'était bien ce fichu parchemin qu'elle cherchait. Sigmund ne devenait pas paranoïaque : il avait visé juste dès le départ. Quel génie, quel détective de talent faisait-il ! Son petit Elian serait immensément fier de lui. « Je veux bien t'apporter satisfaction, » ajouta-t-il en saisissant le parchemin. Il avait entre-deux baissé le bras et massé son épaule douloureuse, après avoir fait disparaître la Chocogrenouille dans son sac. « Mais ça ne t'apportera pas grand chose. J'ai déjà inscrit vos notes dans le bulletin. Ce n'est pas un Optimal inscrit sur un parchemin vierge qui y changera quoi que ce soit, Elena. » Mais si elle y croyait, il acceptait de lui accorder ce plaisir : elle n'en serait peut-être que plus motivée à lui rendre son bien. Il ouvrit à nouveau son sac banane, à la recherche d'une plume...

Elena restait sur ses gardes. Peut être que le professeur Charleston bluffait, il pouvait toujours l'envoyer en retenue, ou la dénoncer. Elle se tassa un peu sur elle même et écarquilla donc bien les yeux, ce qui correspondait à l'idée que la serpentarde se faisait de l'innocence: une petite fille aux grands yeux bleus qui parlait d'une voix toute douce, chose qu'elle s'empressa de concrétiser:

-Excusez moi professeur... Mais la personne qui m'envoie m'a bien dit de vérifier que vous étiez disposé à ne pas la punir avant de vous rendre quoi que ce soit.

Son numéro lui paraissait assez convaincant, et Elena s'en félicitait. Mais elle ne savait pas ce qu'elle aurait fait si elle avait eut les yeux marrons, ou même verts. Ceux là n'avaient aucune chance de paraitre innocents. Encore que, cela aurait surement été plus crédible si elle avait été blonde. Là dessus malheureusement, Elena ne pouvait pas faire grand chose.

La petite écossaise ne pu s'empêcher de lâcher un juron moldu quand Charleston évoqua les bulletins. Il les avait déjà rempli ? Et elle n'y avait même pas pensé ! Elle se redressa aussitôt, et demanda de sa voix normale en essayant de garder une expression détachée:

-Oh, mais ce n'est pas pour moi... Mais juste, en tant qu'intermédiaire on m'avait promis que moi aussi j'aurai une bonne note... Vous pourriez pas... modifier ? Juste un peu ? S'il vous plait...

Et puis après tout, elle avait encore la plante avec elle, elle pouvait toujours prétendre qu'elle allait "demander quoi faire à la personne qui l'envoyait".

Elle le prenait encore pour un Veaudelune ! C'était qu'il voyait clair dans son jeu maintenant, Sigmund. Elle l'avait déjà bien eu : maintenant, c'était hors de question qu'il se laisse faire à nouveau. C'était lui le chef, le professeur. En tant qu'adulte responsable, il devait être respecté ! Sinon... eh bien, ce serait embêtant, car le message circulerait entre les étudiants qu'il était facile de berner le professeur Charleston et d'en faire absolument tout ce qu'on voulait. Pour son bien, c'était quelque chose qu'il ne pouvait laisser arriver. Ça ne servait à rien d'avoir de grands yeux comme les siens, et une voix de marmotte adoucie sous un rouleau pâtissier ! Il avait eu une fille, Sigmund. Une adorable et désastreuse petite fille, alors il savait y faire avec les crapules aussi mignonnes que diaboliques.

« Ça... ça suffit les pirateries, Elena ! Tu ne m'auras plus avec tes filouteries, cette blague a assez duré ! Maintenant tu es sage sinon je ne vais pas être content. » menaça-t-il en fronçant les sourcils si fort que ceux-ci se rejoignirent. Un peu fâché, il posa ses mains sur ses hanches et leva son index comme un avertissement. « Tu me donnes cette plante maintenant. Si tu ne le fais pas, il y aura... » Il laissa planer un instant le silence, à la recherche lui-même de la bonne réponse à sortir pour être enfin écouté. Une punition ? Laquelle, pardi ? Il pouvait bien lui trouver une retenue, pour peu que le message ne circule pas sur ses propres manquements. « Il y aura de grosses, grosses conséquences, » ajouta-t-il avec sévérité en insistant sur le caractère important de ce qui pouvait arriver à la jeune fille. « Alors, c'est qui la gentille marmotte maintenant, hein fripouille ? »