Aujourd'hui Marine n'était pas vraiment là. Depuis qu'elle était sortie encore une fois bredouille de la volière pour rejoindre Ernest sur le terrain de Quidditch pour leur entraînement en duel, l'adolescente s'était repliée sur elle même sous l'effet de l'angoisse. Ce n'était pas faute d'être restée aussi longtemps qu'elle l'avait pu avec l'espoir de voir arriver un hibou qui pourrait la rassure mais en vain, si bien qu'elle arriva quelque peu en retard à leur rendez-vous hebdomadaire. Mais au fond son esprit était resté dans la volière. Elle ruminait les même pensées : son frère n'avait même pas tenté de lui envoyer un hibou pour son anniversaire... Pourtant elle lui avait donné tout ce dont il avait besoin pour lui écrire, elle lui envoyait des lettres plusieurs fois par mois avec de quoi lui répondre. Alors pourquoi ? Est-ce que, est-ce que lui aussi ?... L'anglaise n'avait pas la force d'aller au bout de cette pensée inquiétante.

La rouge et or avait lutté toute la séance contre un sanglot qui voulait monter, contre ces pensées qui ouvrait un vide énorme dans son ventre. Habituellement heureuse, motivée, enthousiaste, souriante et concentrée elle était restée fermée et distraite, c'est tout juste si elle avait réussi quelques sorts. Le début du repas n'avait pas été glorieux non plus. Elle leur avait dégoté deux places à l'écart ce qui n'était pas trop difficile au vu de l'heure mais était restée muette. Elle qui était devenue un peu plus loquace avec le Serpentard, elle était retombée bien bas, trop accaparée par la peur qui la rongeait depuis ce matin pour sortir de son propre monde.

Assise face à son assiette à faire danser ses légumes du bout de sa fourchette elle se mit à mordre sa lèvre inférieure si fort pour ne pas céder à la panique qui s'installait faute de réponse qui laissait son imagination présumer du pire. Quand le sang eu quitté cette partie de son corps diffusant une forte douleur, l'anglaise lâcha prise :
- Dit Ernest. Tu crois qu'j'suis un monstre ? Demanda-t-elle soudain alors qu'elle ne pouvait plus retenir la peur qui la rongeait depuis qu'elle avait quitter la volière.
Elle ne parvenait plus non plus garder ses larmes, ces dernières s'étaient logées au coin de ses yeux prête à dévaler ses joues tandis que sa voix se cassa sur le dernier mot créant une sensation désagréable de vide chez la lionne, et si son père avait raison à son sujet, après tout il la connaissait par cœur ou presque.
@Ernest Stevens

Les semaines se succédaient et Ernest attendait toujours le dimanche avec impatience. Au moins autant que le jeudi, où il avait sortilège et botanique. Ses rendez-vous dominicaux avec Marine étaient le clou de la semaine. Grâce à elle, il avait pris beaucoup plus d’assurance et même un peu d’avance. Les deux adolescents étaient toujours sur la même longueur d’ondes et leurs entraînements se déroulaient sans pression.

Peu importait qu’il n’ait pas fait d’autres duels, Ernest aimait s’entraîner et il aimait le faire avec la Gryffondor. Malgré leur application, ils apprenaient peu à peu à se prendre moins au sérieux et à lâcher prise. C’était peut-être la vraie finalité de ces rencontres, le progrès en sortilèges c’était du bonus.

Mais ce dimanche, en voyant arriver Marine, le petit brun avait bien senti que quelque chose n’allait pas. Ne serait-ce que dans sa posture. Si la quatrième année était au moins aussi timide que lui, ça ne l’empêchait pas de sourire ou de répondre à ses questions parfois alambiquées ou farfelues. Ni même parfois d’en rire. Mais aujourd’hui, la demoiselle n’avait pas l’air dans son assiette.

Ernest n’avait pas osé demander ni insister. Il avait déjà mis les pieds dans le plat plusieurs fois avec elle en posant des questions maladroites ou en appuyant là où ça faisait mal s’en vraiment s’en rendre compte. Alors il s’abstenait de peur de faire d'autres bévues. Ce qui ne voulait pas dire qu’il ne s’inquiétait pas. Mais il n’avait aucune idée de la marche à suivre pour soulager un peu la jeune fille des maux qui semblaient la tourmenter.

La séance d’entraînement ne serait pas à marquer dans les annales. Si Ernest avait réussi bon nombre de ses sortilèges, il n’en avait tiré aucune satisfaction. Voir Marine dans un tel état d’abattement le préoccupait. Elle était silencieuse, déconcentrée, absente. Ernest avait beaucoup d’empathie pour son amie et même s’il ne savait pas ce qui la tourmentait, il était capable de sentir son malaise jusqu’au creux de son ventre.

La session terminée, les deux adolescents se rendirent dans la Grande Salle pour le dernier service. Entre 13h et 14h, il y avait nettement moins de monde et les deux apprentis sorciers aimaient bien traîner à table pour commenter la session du jour, les difficultés qu’ils avaient rencontré et programmer les prochaines séances. Sauf qu’aujourd’hui, ils s’étaient contentés de remplir leur assiette en silence. Ernest aurait bien aimé prendre la parole, dire à Marine qu’elle pouvait lui parler de ce qui n’allait pas mais il se tut.

C’est finalement la brunette qui rompit le silence. Les yeux écarquillés, le petit brun l’observait bouche coi face à sa question.

“Hein ?! Pourquoi tu dis ça ? Bien sûr que non qu’t’es pas un monstre !”

Il n’avait aucune idée d’où pouvait bien sortir cette idée. Marine était la personne la plus gentille qu’il connaissait. Il aurait hésité à dire inoffensif mais au vue de leurs entraînements, il savait qu’elle en avait dans la baguette.

“Il s’est passé quelque chose ? Quelqu’un t’a dit un truc ? J’vois pas bien que tu rumines depuis ce matin…”

Il tenta d’accrocher le regard de la demoiselle et avec tout le sérieux dont un adolescent de 13 ans était capable et enchaîna.

“Tu sais.. tu peux m’en parler si tu veux… ‘fin… t’es pas obligée… mais… si tu veux… et si quelqu'un t'embêtes, je... 'fin j'le laisserais pas faire...”

@Marine Baylacq

Bien sûr que c'est ce qu'elle voulait entendre mais en même temps elle n'arrivait pas à croire complètement Ernest. Au fond ce n'était pas de sa bouche qu'elle voulait entendre cette phrase mais de celle de son frère sauf que ça, ça n'arriverait certainement pas avant un moment. Elle, était coincée dans le monde sorcier pour éviter sa mère qu'elle ne parvenait désespérément pas à pardonner et lui était isolé par leur père dans le monde moldu. Mais même si le garçon ne pouvait pas vraiment lui offrir ce dont elle avait vraiment besoin à cet instant là, elle s'empara de l'oreille attentive qu'il lui proposait, elle était précieuse et lui permettrait certainement d'attendre l'occasion lointaine de donner une réponse à ses inquiétudes. Elle s'était déjà confiée auprès du garçon sur sa situation familiale compliquée, elle savait qu'elle pouvait compter sur le sorcier, elle en était d'autant plus sûre depuis qu'ils apprenaient à se connaître un peu plus à force de s'entraîner ensemble et ajoutez à cela le club d'artisanat depuis peu.

La timide essuya rapidement ses joues la gorge serrée par la peur, cette peur qui refusait qu'elle mette des mots sur l'absence de lettre de don frère comme si le dire rendrait la réalité plus dure, comme si elle l'avouer empêcherait cette réalité de changer, comme si cela faisait envoler en fumée une hypothétique lettre dont elle rêvait, comme si cela confirmait ses craintes.
- Non c'est... Enfin... Personne m'embête... Enfin si, mais, non. Commença la lionne persuadée que la dernière question du vert et argent avait la réponse la plus simple ce que les propos confus de la rouge et or venaient réfuter.
- Justement ! Il... il s'est rien passé... Finit-elle la voix étranglée. Il était bien là le problème, c'était cette absence qui rongeait l'anglaise à petit feu depuis le début de l'année, mais l'absence du jour était toute particulière : c'était son anniversaire, c'était la goutte de trop qui avait su renverser les espoirs jusqu'ici solides de la sorcière.

Même si c'était difficile il fallait qu'elle arrête de tourner autour du pot. Elle prit une grande inspiration pour stopper la respiration saccadée par des pleurs contenus et ainsi cracher le morceau. Elle croisa un instant le regard du deuxième année, même si elle ne prit pas plus d'une seconde pour le fuir il lui apporta certainement une sorte de courage comme elle reprit rapidement :
- C'est... C'est mon frère... Elle laissa un long silence avant de se rendre compte que le vert et argent n'avait pas accès à ses pensées et qu'il fallait qu'elle explique peut-être un peu la situation. Il répond pas à mes lettres... Depuis... Depuis le début de l'année en fait... Mais... Bha aujourd'hui c'est... Enfin c'est... Elle ne finit pas sa phrase submergée par une nouvelle vague de panique. J'veux pas l'perdre... Pas lui aussi ! Sentant de nouvelles larmes lui échapper elle enfouit son visage dans ses mains.

Si les silences arrivaient parfois entre les deux adolescents, ils n’étaient en général pas aussi pesants que celui qui avait accompagné leur déjeuner. Et bien qu’Ernest était de plus en plus à l’aise avec la Gryffondor, les questions qui se bousculaient dans sa tête quant au comportement de son amie n’avaient pas réussi à franchir ses lèvres jusqu’à ce que ce soit finalement elle qui décide de rompre le mutisme qui les avait frappé depuis le début du repas.

De ses grands yeux verts, il observa la brunette en fronçant les sourcils. Les paroles de la quatrième année n’avaient aucun sens. Enfin c’était plutôt lui qui avait du mal à comprendre. Les sentiments, ce n’étaient pas rationnel et ça le plongeait souvent dans la confusion. Ceux des autres. Les siens aussi plus récemment. Il était néanmoins rassuré d’apprendre que personne ne cherchait des noises à la jeune fille. Bien sûr qu’il pensait ce qu’il avait dit lorsqu’il affirmait qu’il ne laisserait personne agir de la sorte. Mais si on y réfléchissait bien, si quelqu’un s’en prenait à Marine, ce serait forcément quelqu'un de son âge ou plus âgé. Et qu’est-ce qu’il vaudrait lui, face à un ou une élève de quatrième année et plus ? Pas grand chose. Malgré leurs entraînements.

Pourtant la voix de la demoiselle continuait de se serrer sans qu’il n’arrive à en comprendre la raison et c’était son propre ventre qui se serrait alors. Ernest détestait ne pas comprendre. Il réalisait que c’était encore pire additionné au fait de se sentir impuissant. Et puis les larmes… Est-ce qu’il y avait quelque chose de plus horrible que des larmes sur les joues d’une fille ?

Et puis Marine se décida finalement à lâcher le morceau. Ce morceau qui devait peser tellement lourd sur son cœur pour la mettre dans un état pareil. Et à mesure qu’elle s’épanchait, Ernest sentait sa gorge se serrer. Comme si les larmes qui recommençaient à couler sur les joues de la Gryffonne asséchaient sa propre trachée. Sans vraiment réfléchir, Ernest poussa son assiette et glissa de son banc pour se faufiler sous la grande table. Sa petite taille lui permettait au moins ce petit tour de passe passe. Avec une souplesse déconcertante, il réussit à se hisser sur le banc où se trouvait son amie.

“T’inquiète pas… Il y a sûrement une très bonne explication ! Le courrier par hibou, c’est pas aussi sûr qu’on le dit. Il y a des colis qui se perdent… des endroits que les hiboux fréquentent pas… c’est peut-être juste le réseau qui déconne… Vous vous étiez pas fâché alors ça doit forcément être une raison logistique… “

Après un bref temps d’hésitation, il posa finalement sa main sur l’épaule de la brune et tenta d’accrocher son regard vitreux.

“Tu vas pas le perdre, y a pas de raison…”

Dans l’instant, Ernest croyait vraiment aux paroles qu’il prodiguait à la jeune fille. Après tout, Herbert avait déjà perdu un colis de bonbons que sa mère lui avait fait parvenir. Peut-être que Marine ne les avaient pas bien accroché. Que le trajet entre elle et son frère passait pile au-dessus d’un courant marin. Enfin il aurait probablement pu lui trouver tout un tas d’explications scientifiques toutes plus farfelues les unes que les autres mais relativement plausibles.

“Et… ‘fin… ta mère non plus elle a pas de nouvelles de lui ?”

Il savait qu’il entrait en terrain miné. Mais la seule façon de l’aider, c’était d’avoir toutes les informations qui puissent lui permettre de trouver une réponse, une solution à ce problème. Tous les problèmes avaient une solution. Il en était persuadé. On ne cherchait juste pas toujours au bon endroit.

Quand Marine retira les mains qui lui couvraient le visage, les larmes étalées sur ses joues rouges et brillantes à cause des pleurs, ses yeux trouvèrent la place du garçon déserte, il ne s'était pas volatilisé d'un coup de baguette tout de même ? Moins réactive qu'à l'habitude sous le coup de la fatigue causée par le stress et ses confessions la lionne prit un instant à repérer le vert et argent juste à côté d'elle. Trop concentrée sur ses problèmes la fillette ne releva l'habileté du garçon pour l'avoir rejointe si vite de l'autre côté de la table. Aucun doute qu'il avait dû jouer de souplesse pour passer sous la table puisqu'il n'aurait pas pu contourner la table si rapidement, ni survoler la table et encore moins se téléporter, même s'ils étaient dans le monde sorcier ces supers pouvoirs restaient aux héros de légendes ou bien n'étaient appris et maîtrisés que bien plus tard dans leur vie de sorcier.

Tel un ours en hibernation, la brunette resta sourde aux tentatives de consolations d'Ernest.
- Depuis Septembre ?? Ils perdraient notre courrier depuis Septembre ?? S'emporta presque la rouge et or.
Non, elle ne pouvait pas croire une seconde que le problème venait uniquement du réseau postal sorcier. En Septembre, voire même en Octobre elle voulait bien le croire, mais à raison d'une lettre toutes les semaine ou au minimum toutes les deux semaines toutes n'avaient pas pu se perdre ! Ce réseau parvenait bien à lui transmettre toutes les lettres que sa mère lui envoyaient même si dans le cas présent elle aurait préféré ne pas les recevoir alors c'est que le réseau était tout de même assez fiable. En conclusion il y avait un autre problème, pas de doute.

L'ours Marine sembla sortir de son hibernation tout comme le mammifère à l'arrivée du printemps en se rendant compte qu'elle était en train de s'en prendre à celui qui tâchait de l'aider.
- J'suis désolée... C'est pas... C'est pas ta faute c'qui m'arrive... J'aurais pas dû m'emporter... S'excusa la rouge et or gênée, baissant la tête sur le banc.
Sentant une main se poser sur son épaule la timide releva ses yeux larmoyant qui croisèrent ceux du garçon avant de vite se détourner, elle n'aimait pas croiser le regard des autres et d'autant plus maintenant qu'elle craignait d'avoir blessé le Serpentard en s'emportant.

L'anglaise aurait pu voir sa colère lui échapper une fois encore, elle avait milles et une raisons de rétorquer au deuxième année que si, elle avait beaucoup de chance de le perdre. Mais c'était ses peurs, sa colère qui parlaient alors la sorcière respira un coup pour répondre calmement retenant ses émotions montées sur chevaux.
- Ça m'fait peur tout ça Ernest... Comme dans les familles de sang-pur qui disent que les moldus sont méprisables mon... mon père... Il... Il pourrait convaincre mon, mon frère que c'est les... les sorciers qu'il faut haïr... Qu'il faut me haïr moi... Finit-elle dans un sifflement tant exprimer cette idée qui la rongeait lui coûtait.
Avant de craquer à nouveau elle se couvrit le visage.

La brunette avait tout sauf besoin de voir venir sa mère dans la discussion, mais quand on parlait famille il était inévitable qu'elle entre dans la balance. Elle est et resterait ça mère quoique la sorcière en disait et pensait, elle aussi devait souffrir de cette situation mais l'adolescente s'en contre fichait lui collant la faute sur le dos comme un lourd fardeau dont elle ne la libèrerait jamais. Cette discussion était plus épuisante qu'elle l'aurait pensé mais elle était nécessaire pour la libérer de ses angoisses qui finiraient sinon par la manger toute crue. Ne trouvant d'abord pas la force elle répondit au sorcier en secouant la tête, puis pour donner des précisions elle se frotta le visage qu'elle lâcha pour ajouter :
- Pas de ce qu'elle m'ait dit... Enfin elle ne lui avait pas non plus posé la question et elle s'en garderait bien de le faire mais c'était une autre histoire.
Alors que le silence venait tout juste d'être brisé la fillette sentait que lorsqu'ils arriveraient au bout de la discussion elle aurait besoin de vacances pour s'en remettre ou d'au moins un jour férié pour reprendre des forces.
Mots en italique et en gras pour les JIs.

Ernest voyait bien que ses paroles rebondissait sur la brunette sans avoir aucun effet. Ou peut-être pire, n’était-il pas en train de remuer le couteau dans la plaie ? Mais il n’y avait pas de manuel qui expliquait comment consoler ses amis. Ni comment être l’ami parfait. Et des amis, Ernest n’en avait jamais eu beaucoup. Des camarades, certainement. Mais pas des amis qui comptent. Il avait eu quelques copains dans son école moldue mais à un âge où on se lasse vite et où on ne lie que peu de liens si on a pas les derniers jeux à la mode. Lui qui passait son temps entre les livres et les plantes, il se retrouvait vite déconnecté des autres gamins.

“Bin… peut-être ? ‘Fin… Y’a… forcément une explication…”

Peut-être pas de celles que Marine voulait entendre. Évidemment pas de celles qu’Ernest était prêt à formuler. Il baissa les yeux en direction du banc face à la véhémence de la Gryffondor. Il ne voulait pas qu’elle se mette en colère mais à l’évidence, ses réponses avaient l’effet inverse de ce qu’il espérait. Une moue déforma son visage alors que la rouge et or lui présentait ses excuses pour s’être emportée. Il se contenta d’hausser les épaules et d’écouter la jeune fille qui reprenait alors la parole.

Est-ce que les peurs de Marine étaient fondées ? Ernest avait connu la haine qui avait déchiré Londres quelques années plutôt. Il l’avait expérimenté d’un côté comme de l’autre. Et même si ses mères avaient fait de leur mieux pour essayer de le préserver de tout ça - les histoires d’adultes, comme elles disaient - il n’en avait pas été moins affecté. Et en arrivant à Poudlard, il avait découvert tout un autre pan de cette rancœur et sa réciprocité. Les Moldus avaient haï les sorciers, les sorciers abhorraient toujours les non-majs. Et lui dans tout ça ? Lui et tous ces autres gamins sang-mêlés, qu’est-ce qu’il devenait au milieu de ce conflit ?

“Mais c’est ton père, Marine… il peut pas te haïr… peut-être juste qu’il est encore très en colère contre ta mère… mais ça n’a rien à voir avec toi… T’as rien fait de mal, toi…”

Tout en essayant de la rassurer, il réfléchissait à une manière de l’aider. Il n’avait pas beaucoup de moyens du haut de ses treize ans et demi. Mise à part les mots. Et les mots, il n’était pas très doué avec eux. Il y avait par contre quelqu’un d’autre qui avait nettement plus de pouvoir que lui, et ce n’était autre que sa mère.

“Tu veux que j’envoie un hibou à ma mère pour lui demander ? ‘Fin… comme elle travaille au Conseil… peut-être qu’elle peut essayer d’avoir des informations ? Enfin je te promets rien, mais ‘fin… peut-être ?”

Il ne voulait pas faire de promesse qu’il n’était pas en mesure de tenir. Mais il était incapable de laisser son amie dans cet état sans rien tenter. Et comme le disait Elianor : Tout est possible du moment qu’on a assez de cran*.

*Harry Potter et L’ordre du Phoenix, Ginny Weasley

La peur et la tristesse de la lionne se transformaient peu à peu en colère. Elle en voulait à la Terre entière pour cette absence même si la Terre en entière n'y était pour rien. Sauf qu'elle avait besoin d'un coupable à qui aller se plaindre, un coupable sur qui déverser toute sa souffrance sous forme d'une colère noire. C'est un peu ce qui se passait avec sa mère, Marine lui avait tout mis sur le dos mais son père restait tout aussi responsable de la situation que sa mère. Sauf que c'était son papa chéri, le parent dont elle était le plus proche, celui dont elle supportait le plus mal l'absence, elle avait du mal à lui en vouloir et il n'était pas là pour qu'elle déverse sa rage sur lui alors c'était sa mère qui prenait pour deux en plus du fait que la rouge et or lui reprochait son manque de présence durant son enfance. Mais l'anglaise ne prenait pas conscience de tout ce mécanisme.

- Mhmmmhm. Fit-elle ne voulant pas croire un mot de la raison de cette absence que lui proposait le garçon.
Elle ne voulait pas admettre une seconde que ce pouvait être la faute à pas de chance, à trop de hiboux tête en l'air ou peu fiables, elle avait besoin d'un vrai coupable sur qui rejeter la faute et qui était capable de sentir sa colère, pas un hibou qui serait juste outré qu'elle ne le paye pas pour le service ou qu'elle ne lui donne pas la moindre friandise ni caresse une fois sa longue livraison faite.
- C'est sûr... Approuva la rouge et or.
Bien sûr il y avait une explication, mais pas celle d'Ernest non, pas possible. Perdues dans un océan d'émotions fortes Marine ne savait pas dire si c'était sa colère et son besoin de quelque chose de plus concret que la chance ou s'il s'agissait d'un pressentiment, mais au plus profond d'elle même elle sentait que le problème était plus complexe.

- Ernest... c'est lui... qui m'a traité de monstre... Lâcha l'adolescente on ne peut plus sérieuse la machoire serrée alors que le mots hurlé dans le supermarché résonnait à présent à ses oreilles comme projetée à nouveau dans l'instant. Ce souvenir lui faisait toujours aussi mal dès qu'il se frayait un chemin jusque dans ses pensées il labourait l'estomac et le cœur de l'adolescente de coups de poignards.
Coincée au milieu de ce trop plein d'émotion négative la facette de Marine qui prenait garde à ce qu'elle fasse attention aux autres avait du mal à remonter à la surface laissant une lionne froide. Elle fut heureusement rappelée par la gentille proposition du garçon qui faisait tout ce qu'il pouvait pour l'aider mais la sorcière en restait presque aveugle n'écoutant que son chagrin, gênée de son comportement elle rougit.
- J'suis vraiment désolée de t'embêter avec ça... Et j'suis super froide alors que... t'essayes, t'essayes de m'aider... j'suis trop nulle, j'suis vraiment, vraiment désolée... La sorcière se prit la tête dans les mains honteuse. Elle laissa une bonne minute s'écouler avant de relever la tête et demander prudente, se sentant illégitime de lui poser la question alors qu'elle lui avait parlé si froidement plus tôt. Tu crois qu'elle peut savoir ce qui... pose problème dans l'échange de hiboux ?

Il n’y avait rien à faire, aucune parole du garçon ne semblait rencontrer la raison de la Gryffondor. C’est que ses arguments n’étaient pas particulièrement étoffés ni particulièrement pertinents mais il essayait. De toute manière, il aurait bien pu lui prouver par A + B, Marine s'était déjà fait une opinion. Peut-être que le mieux, c’était encore juste de l’écouter et de la laisser déverser ce qui lui pesait sur le cœur.

L’adolescent baissa la tête quand il entendit la remarque de la demoiselle. Comment un parent pouvait-il parler de cette manière à son enfant ? C’était quelque chose qui le dépassait. Mais qui faisait alors remonter à la surface un tout autre souvenir. Pas un souvenir très lointain. Seulement un souvenir que le garçon tentait d’occulter la plupart du temps sans qu’il ne cesse jamais vraiment de peser sur sa conscience.

“Je… je suis désolé Marine… ça… ça doit être horrible d’entre ça et c’est complètement injuste… et méchant et… ‘fin j’ai pas de mots… mais j’comprends… enfin pas complètement hein… mais… ma grand-mère aussi elle a dit des choses à ma mère…”

Il y avait eu des mots comme bâtard ou souiller. Des mots qui marquent au fer rouge et dont la douleur lancinante vient parfois se rappeler sournoisement à votre cœur. Des mots qu’on ne comprends pas tout de suite quand on a que douze ans. Mais dont les contours se font plus précis avec le temps.

“Enfin c’est pas pareil… c’était pas mon père… mais… ‘fin… ça me donne une petite idée… et c’est pas cool…”

Il posa une nouvelle fois sa main sur son épaule pour lui montrer son soutien. Alors que la demoiselle se confondait finalement en excuse, la tête dans les mains, il lui tapota doucement le dos.

“T’inquiète pas, Marine… C’est aussi à ça que ça sert des amis…”

C’était la première fois qu’il le formulait à voix haute. Mais il le pensait sincèrement. Marine était son amie. Et il était le sien. Peu à peu, depuis qu’il avait commencé à s’entraîner tous les deux, le petit brun voyait en elle une sorte d’exemple. Une grande qui l’avait pris sous son aile et qui ne le regardait pas de haut. Un peu comme une grande sœur. Même si étant fils unique, il ne savait pas vraiment à quoi s’en tenir.

“T’emballes pas, hein ! J’en sais rien. Mais ça me coûte rien de lui demander. Parfois, elle sait des trucs que personne ne sait… je peux lui envoyer un hibou aujourd’hui si tu veux.”

Ah ça c'est sûr ce n'était pas cool d'être qualifier ainsi par l'une des personnes à qui on est le plus attaché. Injuste, ça Marine émettait des fois des doutes, même après presque quatre ans dans une école de magie elle continuait d'avoir du mal à considérer la magie comme normale dans certaines situations. Plus elle avançait dans ses études et plus elle entrevoyait la beauté de sa maîtrise mais plus aussi elle voyait sa puissance sa dangerosité, car oui, la magie sait très bien être destructrice, dans ces moments où Marine étudiait un sortilège dont l'effet lui paraissait mauvais, elle ne pouvait s'empêcher de se demander si au fond ce n'était pas son père qui avait raison, que les sorciers sont des monstres. Dès que cette idée revenait lui effleurer l'esprit elle s'appliquait à vite la faire disparaître en s'énumérant toutes les choses magnifiques que le monde des sorciers offrait mais plus le temps passait, moins son frère répondait, plus elle doutait, plus elle avait du mal à se convaincre de la bonté de la magie.

- J'suis désolée pour ta mère Ernest... Souffla-t-elle en relevant la tête. Ça doit pas non plus être simple pour toi... Fit-elle la remarque à voix haute plus pour elle que pour le garçon.
En effet entendre ce genre de choses même si ce n'est pas directement pour soi, lorsque ça touche quelqu'un de particulièrement proche, Marine savait comme la remarque pouvait être tout aussi douloureuse.
- Merci. Dit-elle ne trouvant rien d'autre à répondre, un sourire encore teinté de tristesse s'étala sur le visage de la lionne qui aurait voulu prendre le vert et argent dans ses bras pour le remercier, mais elle n'était pas sûre que le garçon soit très tactile alors elle n'en fit rien. La rouge et or non plus n'était pas quelqu'un de tactile, elle-même ne comprenait pas bien d'où venait cette envie. Peut-être pour combler le terrible sentiment d'abandon qui creusait un vide douloureux dans son ventre, pour ne pas se sentir seule, accablée par la situation qui écrasait son petit cœur fragile.

Pour garder la tête hors de l'eau la quatrième année s'attacha aussi fort qu'elle le pouvait au petit espoir que lui offrait le petit brun.
- Oui oui, merci d'essayer. Acquiesça la timide avec un sourire reconnaissant.
Cette source d'information était le dernier espoir de la brunette pour s'assurer que les pensées qui la hantaient avaient tort, il fallait qu'elle sache sinon... Sinon la quatrième année ne pourrait que se ronger les sangs jusqu'à son retour à Oxford en espérant que son frère n'ai pas déménagé dans une autre ville à cause de leur père terrifié.