Si on vous demandait à quel endroit il était le plus probable de trouver Morgan Rosenwald, élève de sixième année à Serpentard, les avis divergeaient sûrement. « Qui voudrait la trouver celle-là ? » était une bonne question, étant donné son manque de sympathie envers la grande majorité de ses camarades, et son caractère. Mais toujours était-il qu'une des réponses possibles à cette question aurait pu être le club de duel.

La noiraude, à défaut d'être une starlette du Quidditch comme sa jumelle, était plutôt talentueuse en ce qui concernait l'art de l'affrontement magique - et dans l'art de manquer de respect au règlement aussi, mais il s'agissait d'une toute autre histoire. L’adrénaline des duels, la concentration , la vitesse, les stratégies… Savoir étudier son adversaire et son environnement, prédire les prochains coups… C’était devenu le défouloir de la galloise, qui ne faisait preuve d’aucune pitié sur la piste.

N'ayant plus cours avant un moment, Morgan en profita pour aller s'entraîner. En l'absence de professeur pour surveiller, elle savait que l'accès au club était supposé être interdit, mais il lui arrivait malgré tout de forcer l’accès à certains moments, pour plus de tranquillité – bien que la Salle sur Demande était aussi une solution.

Une fois la porte refermée derrière elle, la jeune duelliste se rendit dans son coin habituel de la salle et ne perdit pas un instant. Elle plaça deux mannequins autour d'elle, et commença ses exercices. La jeune duelliste comptait travailler sa vitesse d’enchainement aujourd’hui, et les différents angles d’attaque.

« Incarcerem ! Stupéfix !»

Le printemps allait bientôt laisser place à l’été, les beaux jours commençaient ainsi à s’installer plus ou moins durablement, et pourtant en cette matinée d’avril, ce ne serait pas dans le parc du château que l’on trouverait le petit Owen. Bientôt un an qu’il était à Poudlard et pourtant il s’y sentait toujours comme un étranger. Oh il avait bien renconté une ou deux personnes et tissé un début d’amitié avec une certaine June Fleming, mais c’était bien tout et surtout ce grand introverti ressentait toujours et souvent un besoin irrépressible de se retrouver seul, avec ses livres ou ses amis imaginaires. Il avait bien sûr sa clairière à peu près secrète, mais il lui fallait, pour la rejoindre, traverser tout le parc et donc passer à travers une multitude d’élèves. Non pas qu’il serait alpagué de toutes parts, la grande majorité d’entre eux ne devaient même pas le connaître, mais c’était déjà beaucoup trop de contacts sociaux pour lui.

Mais depuis quelques temps, ses multiples observations lui avaient permis de remarquer une chose : certains petits animaux avaient une tendance à aller dans des endroits calmes et isolés, parfois sombres même du château ou ses alentours. C’est donc en suivant, comme à son habitude, le chemin des araignées qu’il avait atterit dans un bout de couloir puis un autre, jusqu’à arriver devant la salle de club de duel, désertée à cette heure-ci puisque l’heure du repas approchait. Ayant trouvé un recoin tranquille et peu visible non loin de la porte, le jeune Poufsouffle de douze ans s’était calé contre le mur avec un roman.

Plusieurs minutes s’étaient écoulées avant que des bruits de pas, puis de porte qui s’ouvre ne détournent son attention. Et à en juger par la carrure de la personne qui venait d’entrer, ce n’était pas un professeur. Le jeune garçon était resté quelques instants interdit, puis sa curiosité avait pris le dessus et il entreprit de mener son enquête. S’approchant à pas feutrés, il ouvrit la porte le plus délicatement possible, sans un bruit, avant de s’imiscer à son tour dans la pièce et la refermer dans la même discrétion. Owen resta dans le silence le plus total en découvrant la duelliste venue visiblement s’entraîner en dehors des heures autorisées. Ainsi il ne s’était pas trompé, il s’agissait bien d’une élève… bien plus âgée que lui cela ne faisait aucun doute… mais elle avait l’air d’avoir un sacré bon niveau. Il ne put d’ailleurs pas retenir un « Woahw » discret mais audible, stupéfait par l’enchaînement des sortilèges qu’elle produisait. Se rendant compte de sa bêtise, il plaça dans un réflexe ses deux mains devant sa bouche, tentant tant bien que mal de faire la statue en espérant se confondre avec le décor, et essayant de réprimer le rouge d’embarras qui lui montait aux joues. L’avait-elle entendu ? S’il avait pu prendre ses jambes à son cou, là, maintenant, il l’aurait fait. Mais il était tétanisé.

Bien que les entrainements sur mannequin n’avaient rien de palpitant par rapport à de véritable duel, l’adolescente s’efforçait de faire preuve d’imagination, en se projetant dans ses propres scénarios. Et, il fallait l’avouer, sa cible prenait souvent les formes d’une personne bien particulière, aux airs particulièrement hystériques et démoniaques – sa belle-mère Morwen.

Morgan était concentrée, mais pas suffisamment pour oublier totalement son environnement. Et quand il lui sembla entendre une petite voix, elle s’arrêta immédiatement et pointa sa baguette automatiquement vers l’origine de la potentielle interruption. Sa réaction était instinctive, à l’image de ses enchainements, mais son audition avait été juste, et il lui fallut quelques secondes avant de baisser son catalyseur. Pendant ce moment de latence, la Serpentard fixa l’intrus avec dureté. Un simple gosse. Première année ? Deuxième ? Pour la sorcière cela ne faisait que peu de différence. Ce n’était pas un prof ou un préfet, c’était déjà ça. Il s’agissait juste d’un petit curieux.

Un souffle s’échappa de ses lèvres quand elle plaça finalement son bras le long de son corps, et son regard passa au simple agacement.

« Qu’est-ce que tu fais là toi ? lança-t-elle au garçon immobile, sans se déplacer de sa position. Le club de duel est fermé à cette heure. »

Hypocrite. Elle aussi n’avait rien à faire là en théorie, hors des heures autorisées.

Bien évidemment qu’elle l’avait entendu.. et repéré aussi. Lorsqu’elle s’était retournée vers lui, brandissant sa baguette, le jeune Poufsouffle s’était liquéfié sur place. Jambes tremblotantes, il avait eu le réflexe de cacher sa tête avec ses avant-bras tout en se penchant en avant, comme pour éviter un potentiel sort de l’atteindre. Il avait dans le même temps plissé les yeux et crispé son visage. Il était livide. Puis lorsque la plus grande abaissa la potentielle arme, il se redressa, son regard faisant des aller-retours entre la fille et la porte, prêt à prendre la fuite. Mais la réflexion qu’elle fit le laissa perplexe et le stoppa net dans son élan. Owen avait la bouche grande ouverte de stupéfaction, tel un crapaud prêt à gober une mouche. Comment ça qu’est qu’IL faisait là ? Mais c’était elle qui… c’était pas… comment… mais c’est qu’elle osait l’accuser LUI de ne pas respecter le règlement ? Alors qu’elle était celle qui était entrée par effraction ??? Certes il l’avait suivie mais tout de même, elle était culottée ! Restant interdit un instant, le besoin de justice avait finalement poussé le jeune Owen a lui répondre… sur un ton principalement d’incompréhension

- Mais… m… c’est toi qui… qui… j’étais juste heu ben dans mon coin dehors… à… à côté de la porte… pour être heu tranquille. Et puis je t’ai vue… entrer et entendue t’entraîner… t’es douée… plus ça allait et plus le rouge lui montait aux joues. C’est qu’il n’avait pas l’habitude de parler autant à une inconnue, ça lui faisait tout drôle, il était terriblement gêné. Pardon, je ne te dérange pas plus, conclua-t-il en prenant d’un pas rapide la direction de la porte sans attendre une quelconque réaction de sa camarade. Il n’aurait qu’à récupérer ses affaires et aller ailleurs en se répétant que tout allait bien se passer et que jamais elle ne souviendrai de lui ni lui d’elle et que ce serait comme si ce moment n’était jamais arrivé.

Morgan arqua un de ses sourcils, en observant les réactions du Poufsouffle. Elle aurait presque cru qu’il aurait pris la fuite sans lui répondre, mais il se contentait de rester là, la bouche ouverte. Alors qu'elle comptait l’envoyer paitre, il se décida à parler.

C’est pas un muet, mais c’est un vrai bègue ce morveux, pensa-t-elle en l’entendant balbutier ses premiers mots. ‘T’es douée’, qu’il venait de dire ? C’était un drôle de moment pour lui sortir un compliment – qui n’avait pas tant de valeur que cela, venant d’un enfant. Néanmoins, un petit sourire, presque imperceptible, apparut sur son visage, amusée par le rougissement progressif du garçon. Puis soudainement il se décida à partir. Bien, il n’aurait jamais dû entrer et me déranger en premier lieu. Mais quand elle le vit s’approcher de plus en plus vers la sortie, un soupire s’échappa des lèvres de la galloise aux cheveux noirs, en réponse à ce qu’elle s’apprêtait à faire.

« Attends un peu, lança-t-elle à travers la pièce, Collaporta . »

Avant que celui-ci ne sorte de la pièce, la Serpentard lança un sortilège à la porte d’entrée, pour ne pas le laisser sortir. Peut-être serait-il effrayé par ce verrouillage soudain – Morgan le voyait déjà paniquer intérieurement, inquiet pour son sort, ce qui l’amuserait d’autant.

« C’est quoi ton nom, p’tit espion Poufsouffle pas doué ? »

Oh qu’elle lui faisait peur, cette grande Serpentard ! Nom d’un botruc il fallait qu’il fasse quelque chose avant de s’évanouir. Ni une ni deux il a avait commencé à prendre la fuite, mais c’était sans compter sur le pouvoir et la volonté de la jeune femme. Porte claquée au nez, Owen ne put retenir un hoquet et soubresaut de surprise avant de sentir une boule se former au fond de sa gorge et s’immobiliser, geler sur place. Qu’allait-elle donc lui faire ? Pourquoi elle ne le laissait partir ? Et si elle le prenait pour cobaye de ses entraînements ? Par Merlin ce serait la pire chose qu’il puisse arriver. Jamais il n’allait ressortir vivant d’ici c’était certain. Appeler au secours ? Mais qui l’entendrait ? Sur le point de se faire pipi dessus, ou de s’évanouir, ou des deux à la fois il ne savait pas trop, il reprit pied lorsqu’elle lui adressa de nouveau la parole. Pas doué ? Lui ? Pas doué ? Il avait bien entendu ? Son sang ne fit qu’un tour. Le petit poufsouffle angoissé et livide venait de reprendre des couleurs et de se transformer en moins de temps qu’il n’en faut pour dire Quidditch en un garçon courageux qui ne se laissait pas marcher sur les pieds.

- Owen Locke, répondit-il avec fermeté, son visage soudain plus fermé. Et je te signale que je ne suis pas celle qui s’est fait repérer par un élève de première année en entrant par effraction dans une salle de classe. Donc à ta place je reverrai la notion de “pas doué” en terme de discrétion, conclua-t-il bras croisés jusqu’au moment de mimer les guillemets, tout en s’approchant d’un pas décidé vers elle. S’il y avait bien une chose qu’il ne supportait pas c’est qu’on l’insulte en remettant en question ses compétences, et particulièrement lorsqu’il s’agissait de discrétion et d’espionnage. Tout simplement car il était de loin le meilleur au vu de son caractère et ses entraînements, qu’ils soient voulus ou pas, et que c’était bien la seule chose de laquelle il était fier et satisfait.

C’était curieux de voir cette soudaine métamorphose du jeune Poufsouffle, mais cela n’en était pas moins amusant. Avait-il donc des choses en commun avec ces idiots de Gryffondor ? Et de le voir s’approcher d’elle, alors qu’il venait de tenter de fuir rendait la chose encore plus intéressante. Il ne savait absolument pas dans quoi il mettait les pieds, le pauvre.

« Hmm… Il est vrai que j’ai manqué de discernement en oubliant de verrouiller la porte. Au lieu de pas doué, peut-être que j’aurai du dire, pas malin ? Que crois-tu qu’il allait arriver hein, en suivant une personne qui entre par ‘effraction’ quelque part ? »

Son entrainement clandestin avait peut-être tourné court et elle en était toujours agacée, cependant elle voulait voir à quel point le nouveau courage de l’apprenti sorcier allait tenir face à elle. L’étudiant de bas en haut, elle le jaugea avec ses yeux de glace. Puis elle se pencha légèrement en avançant, tout en le fixant.

« Dis-moi, Owen Locke, est-ce que tu as déjà été suspendu à une poutre, la tête à l’envers ? Ou bien… »

Puis Morgan se redressa, et fit mine de réfléchir un instant, tout en tapotant sa baguette contre sa cuisse.

« Tu sais quoi ? finit-elle par dire, en affichant un sourire espiègle. J’ai une idée. Autant que tu aies quelque chose d’intéressant à aller cafter, n’est-ce pas ? »

Qu'est-ce qu'il croyait qu'il allait lui arriver ? Et bien... rien, tout simplement il n'y avait pas réfléchi. Sur ce coup là, il devait l'admettre, elle avait raison. Il n'avait pas été malin. N'importe quel adulte du château pouvait arriver à tout instant et... il était lui aussi dans cette pièce censée être fermée. Il était tout autant en tort que la plus âgée. Il baissa son regard un instant, reconnaissant avoir fauté. Et puis maintenant il était enfermé avec cette serpentard qui lui faisait peur et ne semblait pas lui vouloir du bien, avec personne pour lui venir en aide. Il aurait vraiment du réfléchir d'avantage avant de la suivre.

Cependant, il releva bien vite la tête en la sentant s'approcher de lui, tandis qu'elle semblait comme le... menacer ? de le pendre par les pieds. Stoïque, même si au fond de lui il était terrifié, il tentait de n'en rien laisser paraître en arborant un visage fermé, sûr de lui, et sans bouger d'un pouce. Il choisit de ne rien répondre, son regard de défi s'en chargeait pour lui. Il savait qu'il ne pourrait pas se défendre avec sa baguette, mais il courrait vite, très vite et savait se cacher. Il se raccrochait donc à cet pensée pour ne pas flancher. Il avait des chances de lui échapper. En revanche...

- Je ne comptais aller en parler à personne, répondit-il fermement, sur la défensive. Il ne savait pas quel plan la jeune femme avait en tête, mais cela ne lui disait rien qui vaille et il n'était pas naïf à ce point. Et puis c'était la vérité, il ne se mêlait pas des affaires des autres et il avait trop peur d'elle pour aller la dénoncer. Qu'est-ce que tu veux ? finit-il tout de même par demander, toujours sur la défensive.