— Oh, ton… p-père est… pro-professeur ?

Ça doit être pour cela que Narcisse est si pédagogue. Avoir l’un de ses parents qui sait bien expliquer les choses, ça aide. Je ne remarque pas vraiment la gène du garçon, simplement que mon compliment lui a fait plaisir. Et c’est tout ce qui compte, j’imagine.

Mon rire rejoint celui de mon camarade, c’est assez rare que je fasse rire d’autres personnes, alors je suis assez surpris, mais de manière positive.

— Zut, main-maintenant moi aussi ! Ça va être b-beau à l’examen !

Je ne sais pas si Mister Khan apprécierait ça d’ailleurs. Il ne faudrait pas qu’il pense que je me fiche de lui alors que ce n’est en aucun cas mon but. Je m’imagine ne pas pouvoir m’empêcher de rire pendant un examen et le malaise s’installe. Quel enfer ce serait…

— Tu crois qu-que je… peux l’écrire sur mon d-devoir ? Ça le ferait rire… peut-être ! dis-je, dans un grand sourire.

Bon au moins, au niveau de la visualisation on est plutôt pas mal. J’imagine qu’une paire de ciseaux qui se referme puis la vision d’un ver de terre rampant au sol feront l’affaire. Et ensuite ?

— Et- et c’est quelle syllabe à.. à dire plus fort ? LocOmotor MORtis ? Nan. Lo-Lo- Je fais une pause pour me reconcentrer. LOcomoTOR morTIS.

Je fronce les sourcils en essayant de me rappeler la bonne façon de prononcer la formule. Heureusement que je suis tombé sur Narcisse. En arrivant paniqué dans la salle tout à l’heure, je ne pensais pas passer un aussi bon moment.

Narcisse hocha énergiquement la tête, un grand sourire aux lèvres, des mèches de cheveux tombant sur le haut de son visage. Il les chassa de la main en les remettant dans sa tignasse avant de répondre.

"Ouais ! Il donne des cours aux maternelles et en primaire ! Il adore ça, c'est trop cool !"

Combien de fois avait-il aidé son père à préparer ses cours et activités ? Enfin, combien de fois son père l'avait-il entraîné avec lui, et Narcisse s'était empressé de le suivre simplement parce qu'il le pouvait ?

Il pouffa une nouvelle fois de rire en visualisant la scène dont ils parlait. Il n'avait plus qu'à réussir à associer cette vision avec la bonne émotion, et il réussirait à lancer le sort encore plus facilement !

Un petit instant de réflexion.

"Mmh... Bah, si ça t'aide, tu peux oui, j'vois pas l'problème en vrai, mais j'suis pas dans la tête du prof, tu devrais lui demander direct !"

Il entreprit ensuite d'écouter attentivement les essais de son camarade, avant que ses lèvres ne se changent en moue pensive.

"Mmmh... Attends, j'crois que c'est locoMOtor morTIS ! T'étais pas loin ! Oh, attends..."

Une idée lui traversa brusquement l'esprit, et se leva d'un coup, en laissant Klee rouler sur la table. Il se posta ensuite face à son camarade, les bras écartés, un grand sourire aux lèvres, et parfaitement droit.

"Ok ! Vas-y ! Lance le sort ! Mets en pratique héhé !"

Le casse-cou était de retour, l'idée de se prendre de plein fouet un sort ne lui faisait pas peur une seule seconde. Bien au contraire, l'idée d'aider son camarade en s'amusant ne faisant que monter l'excitation et scintiller ses yeux.

— LocoMOtor M-MorTIS, répété-je en hochant la tête, le regard dans le vide.

Ce n’était pas si compliqué finalement, maintenant je n’avais plus qu’à le lancer ! Est-ce que Narcisse voudrait bien servir de cobaye ? Mais avant que je ne lui demande, il me le propose de lui-même. Un grand sourire élargit mes traits et je saute presque sur ma chaise, me tournant droit vers lui. Rien ne valait la pratique.

Je ferme les paupières pour me concentrer et mon sourire disparaît. Comme durant les cours pratiques, j’occulte tout mon environnement alentour et ne me concentre que sur ma baguette. Les bruits, les discussions, la chaise, tout disparaît, à l’exception de ma baguette et de Narcisse qui n’est même pas effrayé à l’idée que je rate le sortilège et qu’il se retrouve ridiculisé par un effet indésirable. De toute façon je ne le raterai pas, je vais réussir, et du premier coup, en plus ! Je chasse les sentiments secondaires qui peuplent mon esprit et ne garde que ma détermination à réussir ainsi que mon impatience à voir les jambes de mon camarade collés entre eux. J’imagine sans mal la paire de ciseaux qui se referme en un claquement. La baguette tendue vers lui, je prononce avec distinction après une grande inspiration « Locomotor Mortis » tout en appuyant sur les syllabes « mo » et « tis ». Au même moment, je réalise la gestuelle avec ma baguette, du haut vers le bas, comme un petit zig-zag.

Les jambes de Narcisse se collent directement entre elles, ce qui est assez amusant à voir. Je ne prends même pas la peine de le remercier que je ne peux m’empêcher de lever les bras en l’air en criant ma victoire. Les autres élèves présents dans la salle d’étude me fixent d’un air mauvais et quelques insultes fusent.

— P-pardon, dis-je le sourire toujours aux lèvres.

Je me retourne à nouveau vers mon camarade qui semble s’amuser aussi de la situation.

— J’suis t-trop content. Dis, comment on… t-te redéco-colle maintenant ?

Il fallait que je recommence, si Narcisse voulait bien. Généralement, c’est comme cela que ça se passait : je réussi du premier coup par coup de chance sans doute, puis c’est seulement après cinq-six essais que je réussis à nouveau ensuite. À croire qu’y arriver du premier coup dessert grandement mes succès suivants !

Navré pour le retard !