Le 15 janvier 2049
Fin d'après-midi

Avec @Neruda Wells

Je ne viens pas souvent ici. Je préfère le calme de la salle commune pour les devoirs, c'est un endroit plus chaleureux qui me rappelle un peu là où je vis lorsque je suis hors de l'école. Vous savez, je m'étais posée la question avant de venir ici : Qu'est-ce que ça fait d'être interne dans une école à peine sortie de l'enfance ? - et encore, onze ans est-ce réellement l'adolescence, ce sujet fera toujours l'objet de débats - mais surtout, est-ce que le temps d'adaptation sera long ? La réponse est oui en ce qui me concerne. Je comprends totalement que certains tentent d'échapper à leur famille en venant ici et peut-être que dans quelques années j'aurai ce ressenti-là également. Pour l'instant, je préfère retrouver mon confort dans la salle commune et éviter les lieux de travail comme la bibliothèque qui créent en moi une sorte de dégoût inexpliqué.

Alors, me diriez-vous, pourquoi suis-je ici, installée à une table, livre ouvert devant moi à me tenir la tête d'une main et la plume dans l'autre ? Parce que le salle commune est devenue une véritable salle de jeux : jeux d'échecs et conversations bruyantes, je n'ai pas envie de perdre du temps avec ma concentration à durée limitée.
Seulement, mon devoir d'Histoire de la Magie me semble interminable, j'ai l'impression d'avoir de la compote à la place du cerveau et que mes yeux sont transpercés par une dizaine de lames de rasoir. Comment font ces autres là ? Serdaigle ou Poufsouffle pour rendre des parchemins de cent mètres de long sans ressentir la moindre fatigue ? Moi j'ai toujours pensé qu'écrire et étudier c'était du temps perdu. Ce qui nous attend dehors ne requiert pas d'apprendre des tonnes de livres par cœur, mais au contraire de savoir se servir de sa tête à des fins plus pratiques, comme lancer des sorts sans prononcer la formule par exemple.

- Ça commence à me taper sur le système sont truc.

Je pose ma plume dans mon encrier peut-être un peu trop fort, quelques gouttes s'échappent, s'envolent jusqu'à se poser sur mon parchemin dans un splash muet.

- Super, bien joué Price.

Voilà que je m'auto-flagelle, on est mal barré. Un long et bruyant soupir s'échappe de mes lèvres. Tout le monde n'est peut-être pas fait pour ça après tout. Est-ce que j'aurais la possibilité d'arrêter les cours qui me ralentissent, m'empêchent de passer du bon temps ? Ou ne serait-il pas plus judicieux que j'arrête cinq minutes de râler par la pensée et que je me mette au travail ?

Au premier abord, on aurait pu croire que Neruda étudiait. Elle était avachie sur un tabouret devant une table d'études et elle semblait absorbée dans son manuel "L'Histoire de Poudlard". Cependant, elle ne l'était pas. Elle n'était même plus dans la bibliothèque. Dans sa tête, c'était Noël, elle repensait aux belles illuminations qui avaient fait briller ses yeux. L'odeur de l'arbre décoré dans le salon, le doux crépitement du feu de cheminée. Dans la cuisine, c'était de douces épices et le chocolat chaud fumant qui flottaient dans l'air. Mais le mieux c'était le fameux réveil, dévaler les escaliers et déchiqueter les papiers ça...

"- Ça commence à me taper sur le système sont truc."

Au moment où Neruda allait ouvrir ses cadeaux, elle entendit une voix dans son dos. Elle fronça les sourcils, puis replongea dans son univers. Les paquets étaient plus beaux les uns que les...

"- Super, bien joué Price."

Price ? Ses yeux s'agrandirent et en effet, lorsqu'elle se retourna, elle vit la longue chevelure brune de la jeune Gryffondor. Elles partageaient des cours ensemble et se saluaient parfois, mais sans plus de cérémonie. Neruda avait d'abord pensé à lui demander le silence, après tout, c'était une salle d'études ! Mais elle entendit Charlie soupirer, elle se retourna vers son bureau et regarda son manuel et la page de parchemin où étaient inscrits ses devoirs d'histoire de la magie. Ce n'était pas sa matière préférée, et puis les devoirs ça l'agaçait ! Elle aimait bien les cours, elle adorait être gratifier de bonnes notes, et elle avait apprécié rédiger certains devoir. Mais là, elle n'en avait pas envie, visiblement, sont esprit n'était pas encore revenu des dernières vacances ! Un petit sourire se dessina sur son visage et elle lâcha à son tour un soupir plus long et plus bruyant que celui de la fillette qui était assise dos à elle.

Le parchemin était bon à jeter à la poubelle. Jamais un professeur n'accepterait un torchon pareil. Tout en regardant devant moi qu'il n'y ait aucun regard indiscret, je m'entreprends à déchirer le papier, à le chiffonner et à le glisser dans mon sac avant d'en sortir un tout neuf. Aucun souci, je le jetterai en sortant, c'était soit ça, soit je le laissais en vrac sur la table, mais je ne suis pas certaine que ça plairait à mes camarades. Je suis une personne désordonnée, mais ce désordre ne doit pas empiéter sur les autres, c'est ma règle d'or.
Bien décidée à être propre cette fois - quitte à rendre du charabia, autant que ce soit bien écrit -, je plonge la plume délicatement dans mon encrier, la langue sortie pour montrer à quel point ça me demande une concentration surhumaine. J'en ai presque la migraine ; il m'en faut peu.

J'entends alors un long soupir qui me sort de ma bulle nouvellement créée. J'aurais pu me la jouer insupportable et me retourner en râlant comme si je ne venais pas de faire la même chose, mais parfois, je sais me montrer calme et disciplinée, parfois seulement. En me retournant, je reconnais immédiatement Neruda qui est de la même année que moi. Et je suis presque étonnée que ce soupir soit sorti de sa bouche à elle.

- C'est moi qui te gêne, je chuchote, ou est-ce que toi aussi tu es sur un affreux devoir super barbant ?

C'était presque étonnant, mais j'ai toujours aimé l'inédit. Les personnes que l'on croit studieuses mais qui font ressortir leurs côtés "rebelles" sont toujours les plus intéressantes. Personne n'aime les gens trop prévisibles, du moins moi je n'aime pas vraiment ça. L'ennui est un ressenti que je déteste par dessus tout et on ne va pas se mentir, être prévisible peut vite devenir ennuyeux. Si la jeune Serdaigle était capable de souffler à en réveiller les élèves endormis sur leur table, alors je ne pouvais qu'être intéressée par cette personnalité que je lui découvrais.

"- C'est moi qui te gêne, je chuchote, ou est-ce que toi aussi tu es sur un affreux devoir super barbant ?"

Arborant un sourire des plus espiègle, elle répondit en chuchotant également :

" - Non, je voulais juste lancer un concours de soupirs ! "

De toutes les matières, c'était sûrement celle-ci qui lui demandait le plus de concentration, et pour Neruda, la concentration, c'était difficile à gérer. Pour les autres matières, c'était plus facile, elle était surexcitée par la partie pratique, et puis ce n'était pas des cours tels qu'elle les avait connus jusqu'à présent. Mais l'histoire de la magie, ça ressemblait quand même sensiblement au cours d'histoire moldue que lui avait donné son père toutes ces années. Il fallait écouter, noter, faire des recherches, étudier, apprendre par cœur... Quel ennui... Heureusement, elle pouvait compter sur sa curiosité pour la maintenir en alerte pendant ce cours. Certains sujets du programme l'intéressaient, mais d'autres beaucoup moins. L'histoire de Poudlard notamment, elle avait tellement questionné sa mère à ce sujet qu'elle en savait déjà beaucoup. Et même si elle apprenait encore certaines choses des leçons données à Poudlard ce n'était tout de même pas très stimulant !

Elle pivota complétement sur son tabouret se retrouvant face à la jeune Gryffondor. Puis son expression changea, elle désigna son propre pupitre, se trouvant dans son dos à présent, d'un mouvement de tête en arborant une moue blasée, avant d'ajouter : " - Histoire de la magie... Et toi ? " Elle jeta un œil curieux sur le bureau de sa camarade et obtenu ainsi sa réponse. Le regard compatissant, elle ajouta :
"- Je confirme ! Devoir barbant, hein ? Je crois que j'aurais bien besoin d'un élixir cérébral de Baruffio pour celui-ci ! "