Tout en regardant la terre se décaisser et former peu à peu une petite fosse, je songeais à la troisième année. Je ne la cernais vraiment pas. Elle souriait, parlait de manière brève, décidait mais j'étais persuadé qu'intérieurement se jouaient en elle des contradictions plus profondes. Doutait elle ? S'agaçait elle ? Je ne pouvais le dire. Mais elle me donnait résolument l'impression de ne pas être totalement en accord avec ce qu'elle laissait paraître.

En tant qu'élève d'une année supérieure et, comme filles et garçons étaient séparés dans des dortoirs différents, il y a avait peu temps d'interaction possible entre elle et moi. Je ne la connaissais donc pas et, avant ce jour, pour moi elle était juste la capitaine des Crocheers. Je l'avais vu mener les cheerleaders lors des matchs, faisant montre d'un entrain communicatif et d'une autorité toute naturelle. Elle tenait son rôle très à cœur, donnant le maximum pour encourager son équipe et entouré de ses coéquipières, elle rayonnait d'une énergie positive. Si bien que là, je peinais à me dire que j'avais en face de moi la même personne.

J'hésitais donc de lui proposer de se saisir l'animal et m'agenouillais sur le sol recouvert de neige. Soulevant avec précaution l'animal, je le déposais au fond du trou. Son poil épais était doux mais le contact avec son corps froid et rigide me surprit au point que j'eus d'avantage le sentiment de déplacer un mannequin de bois qu'une bête de chair et d'os. Ce fut un moment particulier et déplaisant. Je me redressais.

"Veux tu dire ou déposer quelque chose avant que je referme le trou ? "

La jeune fille regardait d'un air peiné l'animal dans les bras de Ezra qui le déposait dans le trou. Pour le coup, le deuxième année l'épatait parce que jamais elle n'aurait osé porter le cadavre d'un animal. C'était bien trop horrible. La raison n'était pas parce que cela la dégoutait — même si bien des choses la dégoutait — mais plutôt que tenir un corps d'un animal sans vie était bien trop douloureux.

Cheryl aurait bien voulu connaître le sortilège qui permettait de faire apparaitre des fleurs mais évidemment, elle ne l'avait pas encore appris. Elle regarda frénétiquement autour d'elle — la saison hivernale faisait que la végétation n'était aussi présente qu'en printemps. Pas de belles fleurs à l'horizon, et pas le temps d'aller chercher une plante et lancer un Herbivicus.

La rouquine s'avança vers le trou et s'agenouilla, les yeux rivés sur le renard.

— Repose en paix p'tit ange, souffla-t-elle doucement, de sorte à ce que son camarade ne l'entende pas.

Après quelques secondes, elle se releva et s'éloigna du cadavre avant de croiser les bras.

— C'est bon fit-elle en passant la main dans ses cheveux. Non pas que ta présence me dérange, mais je vais devoir rentrer. Son chat se mit à courir vers la porte du château. A la prochaine, dit-elle avant de suivre sa petite boule de poils vers l'ambiance chaleureuse du château.