Lettre ! Leeeettre à envoyer ! Place, plaaaace ! Il était temps pour Narcisse d'envoyer sa lettre mensuelle à ses parents ! Enfin, l'une de ses lettres mensuelles. En réalité, il aimait bien leur écrire à des moments aléatoires, simplement parce qu'il en avait envie. Le voilà donc en train de grimper quatre à quatre les marches, débordant d'énergie et d'excitation, tenant sa lettre dans sa main gauche, bien en l'air pour éviter de l'abîmer. Ah, enfin, le voilà arrivé, et...

Soudainement, le voilà qui se fige. Immédiatement, le petit garçon reconnaît Erza. Comment aurait-il pu l'oublier après ce match de Quidditch absolument horrible ? Quatre fautes. Elle avait triché quatre fois, et encore aujourd'hui, il n'avait absolument aucune idée pourquoi elle avait fait cela. Oh, elle n'était pas la seule, évidemment, il avait été révolté par les fautes d'absolument tous les joueurs. Il prit une grande inspiration en essayant de simplement l'ignorer pour aller confier sa lettre à un hibou, mais lorsqu'il passa à côté d'elle... Sa nature impulsive reprit le dessus. Fixant le sol, serrant sa lettre entre ses doigts, il laissa échapper.

« Euh... Dis... »

Il secoua brusquement la tête, bondissant souplement en arrière pour se redresser, le visage rouge jusqu'aux oreilles sous l'émotion. Les mains ramenées contre sa poitrine, l'air très mal à l'aise, il avait du mal à la regarder en face.

« Euh... Je... »

Son regard continuait de fixer le sol, son visage vira presque au violet tant il était tiraillé entre la révolte et l'embarras.

« T'as l'air triste... ça va aller ? »

Il se racla la gorge, avant de prendre une grande inspiration. Il s'était forcé à détourné la conversation. Il avait retenu ses questions. Mais pour combien de temps ? Seul Merlin savait.
Désolé pour l'atteeeeente !

Je suis restée assise sur le banc, incapable de me lever pour donner la lettre au hibou d'Antonn. Est-ce que mes mots suffiront ? J'ai peur. Peur d'avoir vraiment tout gâcher. Je ne sais pourtant que trop bien que je suis une catastrophe au niveau des relations. La preuve avec Zoey. Par deux fois je l'ai perdue. Je ne suis pas sûre que cette fois je vais arriver à me faire pardonner. Je ne peux pas non plus compter sur Canelle, une deuxième fois.

Alors que je vais enfin me redresser pour apporter la lettre, la porte de la volière s'ouvre à la volée. Je lève brusquement la tête et fusille du regard le garçon. *Il me dit trop quelque chose...* Par Merlin. C'est le fichu commentateur qui balance tout ce qui lui passe par la tête. Je le déteste. *Faites qu'il donne sa fichue lettre et qu'il s'en aille...* Alors que je crois être tirée d'affaires lorsqu'il court presque poster sa lettre, il se plante devant moi. Je lève la tête et le fixe d'un regard noir. Je n'ai pas envie d'être dérangée, et surtout pas par lui. Il perd ses moyens et ça me plait. Je veux juste qu'il déguerpisse au plus vite. Pourtant il reste là et s'adresse à moi. Enfin disons plutôt qu'il s'exprime avec des onomatopées. Je fais environ 30 centimètres de plus que lui ce qui fait que même assise je suis à sa hauteur. Je me lève, histoire de bien le surplomber et lui répond.

— J'ai une tête à bien aller sérieux ? J'ai pourtant pas besoin qu'un gamin comme toi viennes s'apitoyer sur moi comme si on était copains.

Sur n'importe qui d'autre, il était évident que le petit numéro d'Erza aurait fonctionné haut la main. Mais face à Narcisse... C'est à peine s'il eut le moindre effet. Il faut dire que le garçon était habitué à faire face à bien plus grande et forte qu'elle : sa mère. Aussi était-il habitué. De plus, son caractère n'était tout simplement pas compatible avec la peur. Impulsivité et courage faisaient le cocktail parfait pour l'inconscience. Aussi, bien au contraire de la probable réaction attendue d'Erza, il se contenta de bien lever la tête pour planter son regard déterminé dans le sien. D'un autre côté, il aurait dû la remercier : en se braquant ainsi, elle avait dissipé tous ses doutes et il n'allait plus hésiter.

« J'm'apitoie pas ! J'aime juste pas quand les gens sont tristes, ça m'rend triste... »

C'était la pure vérité, qui se lisait aussi clairement que le nez au milieu de la figure au fond de son regard. De toute manière, Narcisse ne mentait jamais. Après une seconde d'attente, il se racla la gorge en se redressant, affrontant sans la moindre hésitation son aînée. Puis il cligna des yeux, et il expira doucement, son visage se radoucit, il eut l'air peiné.

« Désolé d'avoir dit tout c'que j'ai dit au micro. Mais, ça m'a trop énervé d'voir toutes les tricheries... Mais même, j'aurais pas dû dire c'que j'ai dit j'pense, j'espère qu'ça t'as pas blessé. »

Un mince sourire de compassion se dessina sur ses lèvres. En un instant, sa colère et sa révolte furent balayés. Il était remonté contre elle il y a une seconde car elle avait triché, mais désormais, il ne faisait que se blâmer en pensant être un peu responsable de sa tristesse. Peut importe les fautes des gens, il n'avait jamais aucune envie de les punir, ni qu'ils se sentent tristes.

Oooh alors ne t'inquiète surtout pas, déjà qu'il est trop buté pour avoir peur...
Mais rassure-toi, je suis sûr qu'avec n'importe qui d'autre ça aurait fonctionné du tonnerre !

Alors que je m'attendais à ce qu'il déguerpisse fissa, il reste planté devant moi et soutiens mon regard. *Tu m'étonnes qu'il balance tout ce qu'il pense lors des matchs* Sans hésitation il me répondit. Si ce qu'il me disait était vrai — et vu sa détermination ça semblait l'être — il devait être souvent triste. C'était vraiment une très mauvaise chose à faire. En quinze ans d'existence, j'étais venue à la conclusion que pour simplement survivre quand on est complètement brisée de l'intérieur, il faut être insensible à tout ce qui ne compte pas pour nous. Même si ce jeune élève semble plus déprimé que jamais, il faut passer outre, parce que si déjà je ne peux qu'être écrasée par mes problèmes, je ne peux pas supporter ceux d'un autre. C'est égoïste bien sûr, mais ça fait aussi longtemps que j'ai arrêté de me voiler la face en espérant ne pas l'être. Comme mes milliards d'autres défauts. Je vais mieux oui, mais je ne vais pas bien. On dit que lorsqu'on a touché le fond, on ne peut que remonter mais c'est faux. On peut toujours tomber plus bas. Et la remontée est toujours cent fois plus lente.

Lorsque le jeune commentateur enchaîne sur le match toute la pitié que j'avais pour lui disparais. Il n'a pas le droit de reparler de ça. Il n'a pas le droit de m'enfonce encore plus même si ça ne semblait pas être son intention. Il ne se peut tout de même pas qu'il sache pour Zoey, et qu'il nous ait vu nous disputer avec Antonn ? Non impossible.

— T'as pas le droit d'en parler. Tu crois pas qu'j'ai déjà assez souffert ! J'ai perdu mes deux meilleurs amis à cause de mes conneries alors j'aimerai éviter qu'on m'en reparle à tout bout de champ ! Et puis t'façon même pas besoin de m'en parler, je vois bien sur les visages comment on me voit. Dans c'foutu monde rien ne changera jamais.

Oui je m'énerve. Il ne le mérite pas parce qu'il venait de s'excuser. Mais ma colère s'est déversée sur lui sans que je puisse me retenir. J'ai honte de moi, et je sais qu'ils ont raison de me juger. Ce n'est pas comme si j'étais réputée pour être une sainte. Peut-être que ce n'est qu'une énième punition de je-ne-sais-qui pour tout ce que j'ai fait dans ma vie. Et puis au fond, je sais que je le mérite.

Narcisse ne perçut pas le moins du monde les changements d'humeur de son aînée, toujours aussi peu perspicace pour lire les autres. Il dépendait entièrement de ce que les autres lui disaient pour espérer réussir à comprendre les autres, et son propre instinct. Il voyait toujours les choses positivement et il avait du mal à voir ce qu'on ne lui disait pas. En grandissant il deviendrait capable de mieux lire les émotions des autres, mais pour le moment, il ne pouvait compter que sur sa compassion et son infinie patience.

Aussi, lorsqu'elle rouvrit la bouche, il en fut incroyablement touché. Il aurait pu aisément se laisser emporter par ses émotions et simplement trouver ça abominablement triste. Il ne prit rien personnellement, il ne pensa même pas à être irrité de sa réaction. Seule une profonde compassion brillait au fond de ses yeux, et une volonté de l'aider. Il voulait toujours aider les autres, et il oubliait très facilement les torts qu'on avait pu lui causer. En l'occurrence, il ne voyait plus la tricheuse qui l'avait révolté, mais une personne profondément triste, et cela lui fit beaucoup de peine.

Il demeura un long moment silencieux, à simplement la regarder, en réfléchissant. Il cherchait ses mots. Après plusieurs longues secondes, il expira doucement.

« Je suis vraiment désolé. »

Il était désolé de ce qu'il avait pu dire pendant le match, il était désolé d'apprendre ce qui lui était arrivé, il était désolé de la surprendre dans un tel état. Il se sentait désolé pour tout cela, ça faisait beaucoup pour un aussi petit corps, mais il le supporta bravement, avant de carrer les épaules.

Calmement et posément, il maintint le contact visuel avec elle, plongeant ses pupilles noires dans les siennes. Son visage était doux et bienveillant. Souplement, il s'assit en tailleur face à elle, avant de poser ses coudes sur ses genoux pour laisser pendre ses avant-bras. Une autre expiration.

« Je sais pas pourquoi t'as autant triché, mais par contre je suis certain qu'ça méritait qu'on t'tourne le dos... Je... j'arrive pas à concevoir pourquoi y'a eu autant d'triches, je comprends pas pourquoi on peut tricher, mais... j'suis pas doué pour m'mettre à la place des autres. Je sais qu'on peut imaginer plein d'raisons, mais j'y arrive pas. »

Il baissa un instant le regard, pour reprendre sa respiration, avant de se frotter doucement l'arrière de la tête.

« Mais c'est pas ça qui compte, et j'pense que t'en as rien à faire de c'que j'vais dire, mais... j'sais pas comment dire. J'te vois pas mal. Enfin, t'as l'air vraiment affectée par tout ça, et j'pense pas que quelqu'un qui ne regretterait pas d'avoir fait ce qu'elle a fait ressentirait ça. »

Il leva de nouveau ses yeux pour les plonger dans les siens, un sourire innocent et cristallin aux lèvres.

« Du coup j'pense que t'es une bonne personne, c'est obligé. Et au fond c'est c'qui compte. »

Il hocha la tête, affirmant ce qui était pour lui un état de fait indubitable. Son regard ne laissait aucun doute quant à la sincérité de ses mots.

Aïe aïe aïe, je vois ça... Narcisse va-t-il encore échouer à aider son prochain ?

Je dois me rattraper. Même si ce gamin est horripilant au possible, il ne me veut visiblement aucun mal. Je vais vraiment me sentir mal, s'il continue de s'excuser inlassablement. Les excuses ça ne sert pas toujours à quelque chose. Parfois, on a les meilleures intentions du monde et pourtant ça ne suffit pas. Est-ce que, dans ce cas là, les excuses sont valables ? Si elles ne sont pas acceptées. Comment ce nain de Poufsouffle peut il encore me regarder avec des yeux compatissants, alors que je viens de le démonter. Enfin de débiter ce que j'avais sur le coeur plutôt. Pourquoi j'ai triché ? Si seulement je le savais. Evidemment que je n'ai pas voulu défoncer le futur mec de ma meilleure — ex meilleure — amie. Ça doit être du à la frustration, à la fatigue, et à beaucoup d'autres facteurs. Je ne peux pas l'expliquer.

— J'ai rien contrôlé ok ? Je saurais même pas expliquer pourquoi j'ai fait ça. J'ai rien contre James, au contraire même, et je ne demande qu'à revenir en arrière. Merci, même si tu dois bien être le seul à ne pas m'détester à l'heure actuelle. J'irais pas jusqu'à dire que je suis une bonne personne, je trouve d'ailleurs ça débile de définir des gens bons et des pas bons. C'est pas tout noir tout blanc, y a juste des nuances de gris. J'ai pas toujours été au top, loin de là d'ailleurs, mais j'crois que l'important c'est de vouloir s'améliorer. Faire mieux.

Pfiouf. J'ai parlé beaucoup, mais j'ai pris mon temps, et bizarrement je me sens bien. J'ai vidé mon sac, et c'est beaucoup mieux. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose de nouveau en moi. Je suis vraiment motivée à réparer les torts que j'ai causés. J'essaie de me défaire de l'idée que dès que ça va mieux, je refait une bourde qui me replonge dans les tréfonds. Je dois continuer à me battre, parce que maintenant je sais que ça vaut le coup.

Narcisse soutint sans le moindre doute ni la moindre hésitation le regard de son aînée. La sévérité et la stabilité de ses convictions inébranlables, l'éclat de l'innocence scintillant au fond de ses yeux. Il se moquait de comment elle s'était comportée avec lui, sa décision était prise : il n'allait pas la laisser tomber, ni la laisser toute seule. Il s'était de toute évidence fourvoyé sur les raisons qui avaient poussé Erza à tricher et il comptait bien se rattraper !

Aussi l'écouta-t-il attentivement. Ne pas contrôler. Cette idée lui échappait. Comment pouvait-on perdre le contrôle et en arriver à faire ce genre de chose ? Cette simple pensée lui fit peur, lui, pour qui le contrôle était aussi important. La protection des autres, éviter de faire du mal à tout prix, par tous les moyens. Mais elle ne cherchait pas à se justifier, pas aux yeux de Narcisse, en tout cas. Elle avait plutôt l'air de chercher à s'expliquer elle-même.

Son sourire s'étira lorsqu'elle mentionna vouloir revenir en arrière. Ô comme il la comprenait, et il hocha la tête lorsqu'elle le remercia, de plus en plus persuadé d'avoir eu raison dans ce qu'il pensait. Si la partie de son discours sur le gris de la vie le plongea dans une confusion certaine- il n'était pas encore assez mature pour comprendre ce genre de chose, il approuva sans la moindre hésitation ses dernières paroles.

"Oui ! J'suis d'accord à mort ! Et rien qu'le fait que tu dises ça c'est déjà beaucoup !"

Une pensée le traversa, et il rougit, l'air embarrassé.

"Euh, tout à l'heure, t'as dit que t'avais perdu tes amis à cause de ça, euh..."

Ses index se touchèrent nerveusement, alors qu'il se mit hésiter de plus en plus, la tristesse l'envahissant comme une mélasse lourde.

"Mais, pourquoi ils t'ont abandonnés ?.. Tu leur as dit, c'que tu viens d'me dire ?.. J'comprends pas pourquoi ils t'ont pas écouté, enfin, euh, désolé, j'devrais pas demander, mais j'arrive pas à comprendre."

L'idée qu'on ne puisse pas pardonner, encore plus à quelqu'un qu'on considérait comme un ami, ça dépassait Narcisse, et de très haut, de très loin. Il n'était même pas certain de vouloir essayer de comprendre un jour. Le pardon faisait tellement intrinsèquement partie de son ADN, de son identité. C'était pour lui comme une seconde nature, de pardonner, et il y arrivait avec la plus grande facilité. Même si, pour l'instant, il n'avait certes pas encore affronté de situation aussi difficile que semblait vivre Erza. Tout du moins, c'est ce qu'il pensa, impossible pour lui de s'imaginer comment il vivrait la chose.

Et c'était bien pour cela qu'il devait continuer de l'écouter autant qu'elle le laisserait faire. Son regard remonta jusqu'à elle, une détermination nouvelle revenue sur son visage.