Entrant dans le bureau avec un grand sourire aux lèvres, il tourne un peu sur lui même pour chercher où poser son carton. Le bureau semble organisé d'une façon suffisamment personnelle pour qu'il n'ose pas en déranger le moindre parchemin. Il finit par se tourner vers la cheminée et poser ses effets sur un fauteuil.

Il n'avait pas prévu de venir, rien ne le poussait à le faire, mais au détour d'une conversation lors du dîner, l’idée avait germé et il l'avait trouvée de plus en plus séduisante. Il avait donc débarqué quelques secondes plus tôt à la porte du bureau de sa collègue qui les avait gentiment laissé entrer, lui et son carton.

"Comme tu le vois je t'ai prise au mot ! Et me voilà !"

Le sourire de la femme le rassure sur son choix aussi ne sent-il pas trop honteux de débarquer comme cela. D'ailleurs... Il tire de son carton de déménagement recyclé en contenant fort pratique différents éléments qu'il lui présente un à un.

"Je ne savais pas trop si tu étais plutôt solide ou liquide alors je suis passé aux cuisines et j'ai récupéré de la tisane lavande, coquelicot" Il regarde autour de lui, elle a forcément une théière et des tasses non ? "Des muffins aux myrtilles et des sablés aux amandes !" Les mains prises, il repose le tout de son carton avant de sortir un autre objet de manière triomphale : "Et ma plus belle encre rouge pour corriger les copies" qui risquent de se retrouver pleine de miettes s'il ne fait pas plus attention.

L'idée de corriger à deux lui plaît déjà, il est impatient de s'y mettre !

Lundi 20 janvier 2048
Après le diner

Sarah avait besoin de se changer les idées. Elle était passée à la bibliothèque un peu plus tôt pour vérifier les ouvrages sur la magie sans baguette mais n'avait rien trouvé de concluant. Cette affaire était bien étrange. Après avoir vainement tenter de s'occuper des papiers dans le bureau de la salle commune, elle avait fermé sa porte et quitté les lieux d'un pas décidé. Après un passage rapide dans ses appartements, elle s'était presque naturellement dirigée vers ceux de son collègue de runes. On ne pouvait pas dire qu'ils se connaissaient beaucoup mais, Sarah appréciait le sorcier. Ils partageaient un amour du savoir et du respect des... vieilles choses ?

Elle frappa à la porte de Padrec, se demandant comment ce dernier allait réagir en la voyant débarquer à l'improviste. La lumière des appartements de l'irlandais illumina bientôt le couloir et Sarah lui offrit son plus beau sourire, espérant réussir à le convaincre.

" J'ai besoin de me changer les idées. Tu connais le jeu du senet ? J'ai ici une copie exacte de celui retrouvé dans la tombe d'Amenhotep III. Une partie te tenterait ? "

Tout en lâchant les mots magiques pour attirer l'attention de son collègue -tout le monde rêvait de voir le jeu de senet d'Amenhotep III non ?- elle brandit son jeu devant elle, comme preuve de sa bonne foie. Si Padrec n'aimait pas les jeux de société, une chose était sûre, il aimait les artefacts et les objets anciens, elle avait donc toutes ses chances de trouver de la compagnie pour l'heure à venir.

Si un préfet fait sa ronde à ce moment là, dans ces couloirs là, il entend le bruit de pieds nus claquant sur le sol de pierre. Étrange en cette saison ou les courants d'air gardent une température assez frisquette. Un élève qui fuit ? Car nul ne peut se targuer d'être discret quand il est précédé de ces "tap tap tap tap".

Mais le souffle est régulier. Nul cri n'accompagne les foulées pressées. Juste le claquement de la peau sur la pierre, encore et encore. Une ombre qui dévale les escaliers autant que les couloirs.

Heureusement pour elle, personne ne le surprend. Ou alors celui qui est de ronde ce soir sait rester discret et se contente d'observer cette scène étrange. Peut-être a-t-il mangé un gâteau de Sigmund par inadvertance. Oui, ça doit être cela. Il ne peut pas avoir vu...

***

Padrec arrive enfin devant la porte de Sarah à laquelle il frappe avec l'excitation d'un enfant le matin de Noël. Il n'a pas fallu plus de quelques secondes au professeur pour déballer l'étrange colis que des chouettes tardives lui ont amené dans ses appartements. Puis de le remballer négligemment avant de foncer hors de sa tour pour rejoindre celle qu'il considérait comme son amie.

A aucun moment il ne s'est interrogé sur sa tenue. Un simple boxer noir et un ample tee-shirt gris. Ou l'heure tardive. Ou encore de savoir si elle était bien ici ce soir. Non, il avait juste foncé avec son précieux chargement, impatient de le partager avec quelqu'un qui en saisirait la valeur.

A peine la porte s'ouvre-t-elle que l'irlandais aux cheveux en bataille mais au sourire contagieux tend à sa collègue un tas de tissus étrangement lourd. Il s'empresse de l'ouvrir :

"Je l'ai reçue !! L'épée découverte à Birka ! Je l'ai reçue !"

La fin de la semaine approchait ; il restait seulement la matinée de demain, l'après-midi de permanence et la matinée de samedi. Ensuite, elle pourrait rejoindre Rafael pour une petite balade en balais. Ils avaient prévu, puisque le club était fermé de partir en randonnée comme il le faisait si souvent l'année passée à cette même saison. Rafael... Son petit sourire rêveur ne s'effaça que quand des coups frappés à la porte de son appartement privé la tirèrent de ses pensées. La Galloise jeta machinalement un œil sur sa montre avant de se lever, quittant le livre qu'elle consultait et son fauteuil préféré.

Elle n'eut pas le temps de dire quidditch en ouvrant la porte, déjà un étrange paquet lui atterrissait dans les bras, la forçant à contracter plus que prévu ses muscles. C'était lourd ce truc ! Les paroles de son collègue firent sens rapidement et un immense sourire apparut sur le visage de la sorcière. L'épée ! Il l'avait reçue ! Sans plus attendre, elle se recula, invitant par ce geste Padrec à entrer avant de poser avec mille précautions le précieux paquet sur sa table. Ce n'est qu'à ce moment là, alors qu'elle n'osait soulever sans son autorisation le tissus, malgré une curiosité et un empressement évident qu'elle observa réellement son ami.

Sa réaction ne passa probablement pas inaperçu, quoique, le professeur de runes semblait lui aussi concentré uniquement sur le fameux colis tardif. Si Rafael passait la voir par hasard ce soir, il risquait sérieusement de se poser des questions mais cette remarque fut éclipsée rapidement de l'esprit de la sorcière qui se retenait maintenant vainement de rire.

"Par Merlin Padrec, cette épée aurait elle des effets indésirables sur les vêtements de celui qui la porte."

Si c'était le cas, puisque c'était elle qui portait le paquet un instant plus tôt, il allait falloir sérieusement s'inquiéter.

Padrec fait le tour de son petit espace. Ses affaires son rangées, à défaut de son bureau qui croule sous les livres et les parchemins. Quoi que, en faisant un petit effort d'imagination, on doit pouvoir réussir à voir un bout de l’acajou à un endroit ou un autre. La masse est disposée en vagues piles, son encrier fermé et sa plume posée à plat et nettoyée ce qui prouve bien qu'il a fait un effort conscient pour mettre ses affaires en ordre.
Les deux fauteuils et la petite table sont entièrement dégagés et aucun vêtement ne traine. Pas même une plume de Munin sous son perchoir. Parfait ! Sarah va bientôt arriver et tout est presque prêt.

Il va récupérer des biscuits dans son coin cuisine et met de l'eau à chauffer pour le thé. Enfin il sort son nécessaire. Que va-t-elle vouloir comme tatouage temporaire ? Ils ont longuement parlé des propriété des runes et de ce qu'elles pouvaient apporter, tracées à même la peau. Mais maintenant il est curieux de connaitre son choix.

Son regard se porte naturellement vers son avant bras gauche comme s'il voyait à travers sa chemise. A l'encre spéciale, celle qu'il a mise au point quelques années plus tôt (avec de l'aide certes), Ansuz et Gebo y sont mêlées. C'est marrant comme les runes ont une place particulière dans son cœur mais que si peu de gens sont au courant pour celles qu'il porte régulièrement.

L'enseignante hoquetait tant bien que mal. Observant incrédule la soudaine apparition, reconstitution de la bataille de Poudlard dans son assiette de petit déjeuner. Le café qu'elle tentait un instant plus tôt d'avaler reproduisait à merveille les flots sombres du lac noir alors que le toast au bacon qui paraissait appétissant un instant plus tôt offrait une vision peu glorieuse du château presque rasé par l'ennemi. On pouvait même deviner des créatures sombres dans l'eau, petits haricots cuits tentant vainement de refaire surface. Elle avait éviter le pire, ne réduisant à néant que son propre petit déjeuner. Sa robe n'avait rien et celle de son voisin de gauche non plus. Sarah toussa encore un instant, retenant le fou rire qui voulait s'échapper de sa gorge, tentant de ne plus écouter les paroles insensées de son collègue professeur de botanique assis un peu plus loin et en grande conversation avec une autre collègue. Pourquoi parlait il maintenant de course ?

" Par tous les caleçons de Merlin, Padrec, dis moi que quand Sigmund dit que Rafael est le plus... fringant de son équipe et qu'il fera un excellent spécimen pour la préservation de l'espèce il ne parle pas de notre collègue de vol. "

Elle pouffa, se félicitant de ne pas avoir reprit une gorgée de quoi que ce soit avant de s'obliger à souffler un bon coup. C'était impossible que Sigmund dise un truc pareil de façon sérieuse, ça n'avait aucun sens mais, en même temps, de quel autre Rafael pouvait-il parlé ainsi ? Il n'y avait pas cinquante Rafael à Poudlard si ? Et ça restait Sigmund, quel projet incongru avait-il encore élaboré ?