Quatre personnes suivaient un chemin de gravier, les petites pierres crissant sous le poids de leurs valises qui avaient du mal à rouler. En tête de file, un grand homme aux cheveux châtains tirait deux valises. Sa barbe n'avait pas été taillée depuis quelques jours, mais on pouvait aisément distinguer le sourire sur son visage, et la chaleur dans ses yeux. À côté de lui, une femme aux longs cheveux noirs tenait par la main un petit garçon aux cheveux de la même couleur. Elle se tenait très droite, et ses yeux gris ne quittaient pas le petit garçon, sauf pour jeter quelques coups d'oeil à la fillette à côté de l'homme. Cette dernière avait des cheveux de jais que le vent ramenait sans cesse sur son visage. Ses grands yeux bruns fixaient la demeure en pierre au bout du chemin.

Immense, elle se dressait seule au milieu des arbres la bordant. Une porte en verre et en fer forgé permettait d'entrer dans la maison. La journée touchait à sa fin, et le ciel commençait à s'assombrir. Aucune lumière n'était allumée, pourtant cette maison était bien habitée, et la fumée s'échappant de la cheminée en témoignait. Les jardins n'avaient plus été soignés depuis des années, et la nature semblait avoir repris ses droits. Une façade entière de la maison était recouverte de lianes et de branchages.

Arrivés sur le perron, l'homme laissa les valises sur le côté pour ouvrir en grand la porte et porta ses mains autour de sa bouche pour permettre à sa voix de mieux porter :

"Maman, on est là !"

Laissant sa valise sur le perron, comme son père, Lauren entra dans la maison. Cette dernière était bien silencieuse, insensible au cri de Paul Simmons, mais la jeune sorcière savait que dès l'arrivée de sa tante, le lendemain, la demeure regorgerait de cri et de rires. Bien sûr, son frère et elle feraient sûrement du bruit avant, mais leur grand-mère les intimidait trop pour qu'ils rient à pleine gorge comme quand leur tante était là.

En attendant, son père s'était dirigé d'un pas assuré vers la porte en face d'eux et était entré dans le salon. Lauren le suivit précipitamment. Sans sa tante, sans aucun bruit, le domaine lui semblait austère, presque sinistre. Son père ne semblait pas du tout avoir la même impression. Au contraire, il marchait sans hésiter, un sourire scotché sur le visage et ses yeux remplis de joie se baladaient dans toute la pièce, avant de s'arrêter sur une dame aux cheveux blancs et au visage ridé assise sur un vieux canapé en cuir. La tête penchait sur un livre, elle tenaient de sa main gauche une paire de lunette qui ne semblaient pas capable de tenir sur son nez sans aide. Les yeux plissés faisant ressortir les plis de son visage, elle paraissait encore plus âgée qu'elle ne l'était (bien que Lauren ne connaisse pas son âge exact).

"Maman ! Tu es là !"

Surprise, la vieille dame releva la tête, et ses lunettes tombèrent sur le bout de son nez, si bien qu'elle dû les ramener devant ses yeux pour y voir. Lorsqu'elle reconnu les personnes devant elle, un sourire étira ses lèvres.

"Il fallait me dire que vous étiez arrivés !"

Personne ne lui fit remarquer que c'est ce qu'ils avaient fait, mais que personne n'avait répondu. Enthousiaste, elle leur fit plusieurs fois signe d'approcher, faisant de grands gestes avec ses bras. Le sourire sur son visage allait grandissant. Le petit garçon se cacha un peu plus dans la robe de sa mère, mais celle-ci lui dit à voix basse :

"Va dire bonjour à Mamie Chantal... Elle ne va pas te manger tu sais..."

La tête de garçon laissait penser qu'il ne croyait pas sa mère à se propos. Cependant, la vieille dame n'avait rien remarqué, et elle reprit la parole :

"Allez, venez dire bonjour à votre Mamie Chantal !"

Lauren s'approcha de sa grand-mère et l'embrassa sur les deux joues. Essayant de mettre autant d'enthousiasme qu'elle le pouvait dans son intonation, elle tonna d'une voix qu'elle espérant que ce serait suffisamment fort pour qu'elle l'entende :

"Bonjour Mamie !"

"Bonjour ma chérie ! Alala, qu'est-ce que tu as grandi depuis Noël... Une vraie petite plante dis donc ! Hier encore tu tenais dans mes bras, et aujourd'hui tu es si grande... Déjà au collège, hein ? C'est bien ? Tu t'y plais ?"

Lauren fit un sourire à sa grand-mère.

"Oui, c'est génial ! Même si Papa et Adrian me manquent un peu...

"Alala, quelle idée de te mettre en internat à cette âge. Il n'empêche que j'aime bien ces méthodes : pas de téléphone portable ! Ce doit être le seul établissement au monde interdisant les portables... C'est bien les Anglais ça !"

La vieille eu un petit rire, presque un gloussement. Puis elle repris la parole :

"Et il est comment ce collège ?"

Et voilà. La question tant redoutée par Lauren. Elle allait devoir mentir, ce qu'elle abhorrait. Malheureusement, elle n'avait pas le choix. Sa mère lui avait de nouveau rappelé en venant, comme à chaque fois qu'ils rendaient visite à la famille de son père, qu'elle ne devait en aucun cas mentionner Poudlard ou quoi que ce soit ayant un lien avec le monde magique. Le mensonge lui-même était simple était très simple : elle allait à l'internat dans un collège privé en Écosse, où chaque génération de la famille de sa mère faisait ses études, et ce depuis très longtemps. Fin du mensonge. Mais sa grand-mère la connaissait depuis toute petite, et elle saurait immédiatement que sa petite-fille lui mentait, d'autant plus que Lauren n'était absolument pas convaincante lorsqu'elle ne disait pas la vérité : elle bégayait et ses yeux d'habitude si francs fuyaient le regard des autres.

Les yeux rivés au sol, elle répondit, la voix frêle :

"C'est..."

Elle ne put pas continuer. Un bruit de chute venait de faire tourner toutes les têtes vers la porte menant au hall d'entrée, d'où le bruit venait. Une seconde après, une voix féminine bien connue des personnes présentes s'éleva dans la maison :

"Rho, mais c'est quoi toutes ces valises ? Et cette porte ouverte, on est à l'hôtel ou quoi ? Non mais je rêve ! On voit que c'est pas vous qui payez le chauffage dites donc !"

À l'entente de cette voix familière, Lauren abandonna avec soulagement sa grand-mère sur son canapé pour se précipiter dans l'entrée. Une valise était tombée par terre, et à côté d'elle, une femme aux cheveux bruns se tenait debout. Elle avait ses mains sur ses hanches et les sourcils froncés, mais son air amusé la trahissait. La fillette se jeta dans ses bras.

"Tata !"