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27 avr. 2024, 21:27
L'amertume de la fraise
Mercredi 14 avril 2049, 17h30
Après ce RP


Lorsque les pas du griffon ne résonnèrent plus, même dans le loin, Éli failli sortir à son tour. Mais pour aller où ? Elle n'avait pas la force de faire semblant devant les autres, de jouer un rôle détaché pour que personne ne devine ses fissures récentes, d'enfiler un vêtement de bonne humeur pour éloigner d'elle la curiosité des autres, non. Elle observa la sortie quelques secondes, puis fit volte-face, et d'un pas lent retourna s'asseoir au sol près de l'ouverture donnant sur l'extérieur. Recroquevillée dans la seule étreinte de ses bras, silencieuse, elle resta là un temps qui lui sembla des heures.

Les affres de ses pensées fluctuantes venaient la bercer de câlins amers, creusant de leurs pas lourds, des sillons noir dans le ciel de moins en moins duveteux de la jeune fille. Sa migraine en fidèle amie, toujours présente dans les pires moments, ne l'avait pas lâché, elle. Lancinante, elle lui offrait quelques instants de répit en renforçant ses attaques, comme des cadeaux empoisonnés pour l'aider à ne penser qu'à sa douleur physique. La tête en arrière, reposant sur le mur lourdement, Éli avait finit par fermer les yeux sur ces minutes piquantes.

Dans ces moments-là, ceux ou personne ne savait calmer ses montagnes émotionnelles, elle ne pouvait que laisser les mots, les gestes et les attitudes qui l'avaient atteinte, traverser sa carapace pour tournoyer en elle. Chargée d'un étrange mal être remplissant le réservoir de ses larmes, cette tempête la tenait en éveil forcé, jusqu'à ce que l'épuisement vienne la libérer en lui offrant la quiétude d'un sommeil trop court. Souvent, le matin lui apportait une nouvelle énergie, un nouveau souffle pour affronter une journée qu'elle espérait moins difficile à traverser, mais ces derniers jours, même l'aube avait du mal à l'apaiser.

Rien n'avait de sens ni de logique depuis quelque temps, sans savoir pourquoi elle avait l'impression de laisser filer sa vie, sans réussir à maîtriser quoi que ce soit, comme si ce n'était qu'un nuage de fumée dans lequel tout passait au travers, les conseils des amis, la logique, la morale, rien n'avait d'emprise sur elle. Ses sentiments confus, cette révolte qui bouillonnait, ce mal-être constant qui lui faisait faire n'importe quoi, tout n'était que peur. Peur d'être qui elle voulait sans retenue, d'aimer qui elle avait envie sans jugement, peur de perdre les personnes qui comptaient vraiment en laissant éclore sa part de noirceur, peur de la voir gagner de l'espace et emporter tout ce à quoi elle tenait.

Tout ce que les autres lui lançaient, consciemment ou non, l'atteignait puissance mille, le bon comme le mauvais, alors savoir que les liens qu'elle avait tissés avec les autres étaient solides, résistants, capables de soutenir ses chutes, était presque devenu vital pour elle. Pourtant aujourd'hui, elle était au sol, encore, l'un de ses dernier harnais protecteur venait de céder, en équilibre précaire, elle sentait que son effondrement n'était plus très loin.

Le froid de la pierre, associé au léger courant d'air qui passait dans la tour faisaient frissonner la jeune fille par moment, mais les mots de Redose, qui s'imposaient de nouveau comme un refrain récurrent, avaient un effet encore plus glaçant sur elle. Une alchimie négative... C'est ce qu'ils étaient vraiment pour lui ? Une fusion de mauvaises personnes qui ne pouvait finir qu'en explosion ? Il avait été dur dans ses mots, et elle avait tout reçu en pleine face sans protection, mais il avait été honnête, elle ne pouvait rien lui reprocher. Est-ce que cette remise à niveau du griffon l'avait soigné de ses sentiments contradictoires ? Même pas. Elle était bien trop atteinte maintenant, et même si elle voyait venir ce qui l'attendait inexorablement, courir en sens inverse ne la sauverait plus.

C'est impossible que tu m'aimes... Elle aussi avait cru ça pendant pas mal de temps, comment pouvait, elle l'aimait, lui qui représentait tout ce qu'elle ne supporté pas, lui qui semblait n'être en vie que pour pourrir celle des autres. Constance avait raison, il était toxique, il était à l'opposé de ce qu'elle avait besoin. Elle s'était obligée à le détester pendant un moment, à suivre les conseils de son amie, à refréner ses sentiments, sans grand succès. Comment pouvait-elle trahir Gideon, même en pensées avec lui... Elle s'était tellement détestée pour ça, mais forcé de constater que cette passade n'en était pas une, et qu'elle n'avait pas vraiment le choix, elle avait abandonné. En lui avouant à demi-mot tout à l'heure, Éli n'avait jamais dit que c'était de l'amour, elle avait juste laissé entendre au garçon qu'elle ressentait quelque chose pour lui, pourtant Redose avait directement coller ce sentiment sur ce qu'il avait compris. Elle n'avait pas nié. Oui, elle les aimait tous deux, Gideon et Redose, une flèche à double pointe avait traversé sa peau, et elle ne pourrait rien faire contre ça, même si ses sentiments n'étaient pas partagés.

Ici, elle pouvait laisser voler ses pensées, des pensées que les autres qualifieraient de malsaines, déplacés, honteuses même, mais il n'y avait personne dans la tour pour la juger. Cette semi-liberté d'expression intérieure, loin de toute opinion négative, lui faisait un bien fou. Bientôt, seules les étoiles contempleraient ses perles salées, et même si la jeune fille ne savait plus dire où était le bien du mal dans tout ce qu'elle faisait, peut-être qu'elle trouverait dans le céleste la réponse à toutes ces questions.

D'une main, elle rapprocha son sac, récupéra la tirelire décorée, et sans vraiment savoir pourquoi, elle la serra fort contre elle. Elle pouvait presque sentir le réconfort des mots d'Esme passer au travers de sa peau. Au moment de reposer l'objet dans son sac, son geste entraina rapidement la tirelire vers le bas, laissant entendre à la jeune fille un discret bruit sourd venant de l'intérieur. Prétendument vide, il semblait évident pour Éli qu'elle ne l'était pas tant que ça. Intriguée, elle ouvra immédiatement la petite tape en dessous de Gringotts, inséra deux doigts en pince pour saisir un petit morceau de parchemin qui s'y trouvait. En le dépliant, la jeune fille reconnue assez vite l'écriture du Griffon sur le message :
"Ne laisse pas tomber."
Des minutes entières elle resta muette, interdite, assise le petit mot entre les mains. Ce n'était déjà pas assez compliqué comme ça ? Il fallait qu'il en rajoute encore. Éli avait relu une bonne cinquantaine de fois, les mots noircis sur le bout de parchemin, sans vraiment être sûr de ce qu'il avait voulu lui passer comme message. Perdue, elle l'était encore plus ? Qu'est-ce qu'elle ne devait pas laisser tomber ? La triade ? Lui ? Le fait de vouloir devenir plus forte ? Pourquoi fallait-il toujours qu'il soit si vague ? La petite fille qu'elle avait été, et qu'elle était encore un peu parfois, puis la femme forte qu'elle voulait devenir, puis de nouveau la petite fille fragile, les deux se partageaient tour à tour le rôle principal du scénario de sa réflexion, sans réussir à accorder la victoire à l'une ou l'autre. Entre naïveté et raison, elle ne savait plus comment gérer tout ça. Refermant sa main sur le petit mot, elle le glissa dans son sac, espérant le comprendre un peu mieux lorsqu'elle se serait reposée.

Elle ne pouvait pas rester à se morfondre comme ça indéfiniment, sous prétexte qu'elle n'avait pas exactement ce qu'elle voulait, il fallait qu'elle avance. Lâcher prise sur de la musique était la seule chose qui pouvait l'apaiser rapidement, mais sa migraine et ses larmes avait épuisé tout ce qui lui restait de forces, lui laissant à peine de quoi rassembler ses affaires pour retourner se cacher au terrier en espérant que cette période ne passe toute seule. Le regard plongé dans le ciel en face d'elle, la jeune fille finit par laisser sortir toute sa mélancolie au travers d'une chanson, . Ses mots raisonnèrent quelques minutes avant qu'elle ne quitte enfin cet endroit, déterminée à y laisser ses peurs mourir.

Dans cette tour où elle avait connu les premiers battements de son couple, ses questionnements bien trop nombreux, et la formation de la triade, cette tour qui devenait mois après mois le théâtre de ses émotions, elle venait de se promettre à elle même de suivre à la lettre le conseil du parchemin : elle ne laisserait plus tomber. A partir de maintenant, elle se battrait pour ce qu'elle veut vraiment, peu importe les conséquences.

RDD - 𝄞 ♫ Soliste du Chœur des grenouilles et p'ti pot d'glu machiavélique du club46
❧ 3ème année RP 🢣Fiche réputation - Hacheuse de Limaces à mes heures