L'atmosphère était calme, paisible. Le silence planait entre les murs. Il n'y avait pas âme qui vive dans ces couloirs alors que les douze coups de minuit avaient retenti quelques temps auparavant. Pourtant, il y avait une mince silhouette qui rasait les murs, vêtu d'un pyjama blanc un peu vieux. Ses vêtements, assortis de ses cheveux blonds voletant en arrière et de ses cheveux clairs vide de tout sentiment, se reflétaient à la lueur de la lune, tranchant singulièrement avec l'obscurité ambiante. La jeune fille ignorait royalement les tableaux pouvant l'interpeller. En réalité, il n'était même pas dit qu'elle les entendait.

Effectivement, Alyssa avançait un pas après l'autre, d'une allure complètement mécanique, l'esprit visiblement endormi. Le début de sa nuit avait été particulièrement agité alors qu'elle n'avait cessé de se tourner et de se retourner sous sa couette, quelques étages plus haut dans la tour de Gryffondor, son esprit à l'image des derniers évènements : complètement chamboulé. Des flashs de son altercation, de son "combat" contre Éli à l'entrée des souterrains, puis de son étrange rencontre avec Redose au fin fond de ces derniers, revenaient dans sa tête à n'en plus finir, semblant s'amuser à tant la perturber. Au bout d'un moment, d'une bataille pourtant perdue d'avance, la jeune fille avait semblé s'être endormie, paisiblement...

Mais elle s'était finalement levée et se retrouvait maintenant à arpenter un couloir au hasard du château, pieds nus, une main rasant négligemment le mur en produisant un léger frottement à peine audible. Rien ne semblait pouvoir arrêter son pas si tranquille et surtout fantomatique.

Depuis qu'elle était arrivée à Poudlard, Ashley était beaucoup moins sujette aux insomnies que lorsqu'elle habitait avec ses parents, dans la villa austère à Cork. Mais cette nuit-là, elle s'était réveillée, le cœur battant, et les oreilles bourdonnantes. Et, depuis, impossible de se rendormir. 1 heure et demie venait de s'écouler lorsqu'elle décida de sortir du dortoir, trop oppressée par toute les respirations lentes et régulières de ses camarades de dortoir. La jeune Serdy sortit donc à pas de loups. Sans vraiment avoir le temps de réfléchir, elle sortit de la salle commune et se retrouva dans le couloir. Ashley savait bien que si elle se faisait surprendre, elle risquait l'heure de colle, mais elle n'en avait vraiment rien à faire. La jeune fille avait besoin de marcher pour se vider la tête. Elle commença donc à errer dans les couloirs faiblement éclairer par la lune, tel une âme en peine.

Alors qu'elle était encore à quelques mètres d'un tournant, elle entendit un léger frottement. Le cœur battant, elle se colla contre le mur de pierre froide, se demandant qui ou quoi pouvait bien produire ce frottement. Et si c'était... le Basilic ? Elle était beaucoup trop jeune pour mourir ! Soudain, la jeune Serdy vit une ombre se profiler et un être fantomatique apparaître. Ce n'était pas le Basilic, au moins. Mais lorsqu'elle se rendit compte que c'était en réalité le spectre de la mort, elle se dit qu'elle aurait encore préférée un Basilic. Elle ne put se retenir plus longtemps et laissa échapper un petit cris ridicule. Ashley resta figée sur place, incapable de bouger, regardant sa mort approcher à petits pas. Elle ferma les yeux pour ne pas voir la suite, se maudissant d'être sortit de son dortoir. La jeune fille espérait au moins que ses horribles parents daigneraient venir à son enterrement. Elle s'excusa dans sa tête auprès de Charlie, sa sœur aînée et auprès de toutes les personnes qu'elle avait un jour offensées. Ashley entendait les pas se rapprocher de plus en plus. Elle espérait que sa mort ne serait pas trop douloureuse. Elle méritait au moins ça, non ?

Alyssa n'avait nullement conscience que dans sa longue progression se profilait l'ombre terrifiée d'une petite première année. La jeune fille continuait d'avancer, sa main frottant toujours négligemment la paroi du mur, là où ses pas la mènaient. Ses cheveux blonds volaient toujours au vent, ses yeux pâles semblaient vides de vie, éclairés parfois par la lueur renvoyée par la Lune. Soudain, un petit cri retentit, juste assez fort pour parvenir jusqu'à la conscience endormie d'Alyssa.

Hein ? La blondinette s'immobilisa, maintenant figée comme une statue, à deux pas de l'autre intruse. L'expression sur son visage était complètement indéchiffrable. De l'extérieur ce n'était pas visible, mais sa conscience luttait pour se réveiller, alertée par ce bruit inattendu qui avait brisé le silence de la nuit. Alyssa avait déjà les yeux ouverts mais ce fut alors comme si elle les rouvrait pour de bon. Un éclat perdu traversa ses prunelles avant qu'elles ne s'agrandissent de surprise en voyant comme pour la première fois une image légèrement déformée du long couloir que la jeune fille traversait depuis un moment déjà. Où se trouvait-elle exactement ? Comment était-elle arrivée ici ? Rêvait-elle donc ? Le jour s'était-il déjà levé ? Seule la dernière question trouva facilement sa réponse au vu de l'obscurité ambiante.

Instinctivement, Alyssa tourna la tête et sa vision commença à s'affiner. Elle vit alors une fillette collée contre le mur et, tout ce qu'elle trouva à dire, sans vraiment distinguer l'expression de cette dernière, fut :

- Quoi...?, fit-elle d'une voix légèrement cassée d'où perçait l'incrédulité.

Ashley attendait sa mort, mais celle-ci ne venait pas. Le cœur toujours battant, elle entrouvrit les paupières. La jeune Serdy se trouva très stupide quand elle vit que, ce qu'elle avait crut être le spectre de la mort ou encore le basilic était en réalité une fille blonde, qui devait être un peu plus âgée qu'elle. Celle-ci possédait des cheveux blonds, un peu comme ceux d'Ashley. Vue l'expression troublée qui s'affichait sur son visage pâle, on aurait dit qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait ici, au beau milieu de la nuit, en face d'une première année terrorisée. Le "quoi ?" incrédule qu'elle lança d'une voix cassée confirma l'hypothèse de Ashley. Cette fille devait être somnambule ; la preuve, ses pieds étaient nus sur les pierres froides du couloir. Toutes personnes saines d'esprit auraient mis des pantoufles.

— Heu... salut.

Dit-elle d'une petite voix de sourit, pas totalement rassurée. Elle ne rêvait plus que de retourner dans son dortoir et s'enfouir sous ses couvertures pour ne plus jamais en sortir. La jeune fille resta tout de même plantée devant la fille blonde, observant son visage. Elle paraissait totalement paumée, comme si elle avait perdue toute notion du temps et de l'espace.

— Ca va ? Tu n'as pas l'air très bien...?

Demanda-t-elle, toujours de sa petite voix apeurée. Ashley jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, de peur qu'un prof débarque pour X ou Y raisons. Elle tourna de nouveau son regard vers la blonde, attendant une quelconque réponse.

Sans s'en cacher un seul instant, Alyssa dévisageait la nouvelle venue avec ses prunelles claires agrandies par la surprise. Cette dernière était blonde aux yeux bleus, tout comme elle, mais la jeune fille était complètement incapable de poser un nom sur ce visage lui étant inconnu. La blondinette se remit à regarder autour d'elle, peinant encore à réaliser qu'elle était debout, dans ce couloir si défiguré par la nuit qu'elle ne le reconnaissait qu'à peine. Soudain, sa camarade la salua et, dans un léger sursaut, Alyssa se reconcentra sur cette dernière.

- Salut..., fit-elle à son tour dans une voix basse.

Elle porta une main à son bras puis le pinça. Elle rêvait, non ? Elle allait se réveiller dans son lit, dans la tour de Gryffondor, qu'elle n'avait jamais quitté, n'est-ce pas ? Mais malgré la douleur imposée, le paysage ne s'effaça pas, et l'inconnue restait en face, plus vraie que jamais. Alyssa se pinça le bras plus fort, s'arrachant une légère grimace au passage, mais rien à faire. Rien ne changea.

La jeune fille face à elle semblait bien réelle, et en désespoir de comprendre ce qui lui était arrivée et où elle se trouvait exactement, Alyssa essaya de se concentrer sur celle-ci. A sa question, elle secoua la tête d'une vigueur inattendue en signe de négation. Cette question ne devait pas se poser, par Merlin, la Gryffondor en elle ne supportait pas l'idée de paraître faible devant une personne complètement inconnue.

- Ca va, finit donc par dire la jeune adolescente, d'un ton un peu trop faible pour paraître honnête. Mais alors qu'elle continuait à dévisager sa nouvelle interlocutrice, la crainte de cette dernière lui sauta finalement aux yeux. Et toi... Ca va ?, demanda-t-elle dans un souffle.

Pendant quelques instants, ce qui sembla une éternité à Ashley, sa camarade la dévisagea, ce qui la mit mal à l'aise. La jeune Serdy détestait être le centre d'intérêt des gens. La jeune fille sentit, peu à peu, son pouls se calmer et sa respiration reprendre un rythme presque normal. Enfin, la blonde en face d'elle arrêta de la fixer avec ses yeux désespérément perdus et commença une inspection du couloir où elles se trouvaient. La peur passée, Ashley se demanda ce qui c'était passée pour que sa camarade est l'air totalement désorientée de la sorte. Sa curiosité s'accentua en voyant que la fille se pinçait, comme pour voir si elle rêvait. Lorsque la jeune Serdy lui demanda si ça n'allait pas, elle secoua la tête, comme si l'idée même d'être faible l'affolait. Puis elle dit que ça allait et lui demanda si elle, allait bien.

— Oui, oui, ça va, tu m'as juste un peu fait peur mais ne t'inquiètes pas.

Dit-elle avec un sourire qui, elle l'espérait, paraissait confiant. Il n'était pas question qu'elle se ridiculise devant une fille plus âgée qu'elle en lui disant qu'elle avait eut peur que la blonde soit le spectre de la mort. D'ailleurs, en y réfléchissant, c'était impossible, vue tout les protections que Poudlard possédait. Puis elle ajouta, par acquis de conscience :

— Dis-moi, tu es sûr que ça va ? T'as l'air un peu... perdue.

Elle espérait que la fille ne réagirait pas mal à la remise en question de sa parole.

A l'explication de l'inconnue, les traits d'Alyssa se détendirent légèrement. Elle n'avait ainsi donc pas été la seule à être surprise. Bien sûr, la troisième année ne souhaitait aucun mal à son interlocutrice qui était sans doute un peu plus jeune qu'elle, mais ce n'était pas pour autant qu'elle appréciait de se sentir seule en position de faiblesse. La jeune fille n'eut pas le temps d'émettre un commentaire -bien qu'il n'était que peu sûr qu'elle en trouve un à dire au vu de sa situation pour la moins inédite- que l'inconnue revenait sur sa première question.

Les sourcils d'Alyssa se froncèrent, son visage se durcit durant un instant, un long instant durant lequel sa fierté batailla avec son incompréhension totale de la situation. L'importance de se montrer forte, infaillible, mais aussi le besoin d'un éclairement. C'était que... Cette nuit ce couloir ne lui semblait pas assez familier, bien qu'elle l'avait sans aucun doute traversé de nombreuses fois. Alors remonter jusqu'à la salle commune sans la lumière de sa baguette qui se trouvait elle ne savait où ? Une minute s'écoula avant qu'elle ne se décide de dire, d'un ton légèrement abrupt pour cacher son malaise :

- J'ai oublié ma baguette dans le dortoir...

A ces mots, sentant un courant d'air, Alyssa baissa les yeux pour finalement constater qu'elle était pieds nus. Apparemment, il n'y avait pas seulement sa baguette d'oubliée. Sa réponse était de toute manière fausse puisque la troisième année n'avait pas même pris, cette nuit, la décision de quitter son dortoir en toute impunité. Mais qu'est-ce qui s'était donc passé ?

- Hum... Il est quelle heure ?, demanda-t-elle finalement avec une certaine mauvaise grâce, alors que son regard dérivait à nouveau vers les fenêtres qui renvoyaient une douce clarté de la Lune.

Lorsque Ashley demanda si elle allait vraiment bien à l'inconnue blonde, la jeune Serdy vit ses sourcils se froncer et son visage se durcir. Elle eut peur d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas et elle garda donc la bouche hermétiquement close, de peur de dire encore une bêtise. La jeune fille sentait des courants d'airs froids dans ses chevilles et elle sursautait à chaque grincements d'armures ou à chaque frottements sortant de l'ordinaire. Alors que la fille en face d'elle restait silencieuse, les yeux bleus de Ashley reprirent leur course folle le long du couloir, guettant les ombres suspectes. Enfin, la blonde lui répondit, d'une voix dure, qu'elle avait oubliée sa baguette dans son dortoir. Puis elle baissa les yeux sur ses pieds comme si elle venait de s'apercevoir qu'ils étaient nus. Elle lui demanda ensuite quelle heure il était.

— Heu... à vrai dire je n'en ai aucunes idées... Il doit être aux alentours de 2 heures du matin ? dit-elle avec une pointe d'interrogation dans la voix. — Tu ne serais pas somnambule ou un truc du genre, par hasard ?

Demanda-t-elle en jetant un coup d'œil aux pieds nus de la blonde en face d'elle. Ashley ne voyait pas d'autre possibilités. Elle oubliait sa baguette, se promenait en pleine nuit dans le château pieds nus, elle ne savait même pas quelle heure il était ainsi que où elle se trouvait. Finalement, la jeune Serdy proposa d'une voix hésitante, se demandant dans quoi elle s'embarquait.

— Tu veux que je te ramène à ta salle commune ? Parce que je ne sais pas si dans ton état tu pourras y retourner seule.

Ashley avait peur de froisser de nouveau l'égo de son interlocutrice mais il fallait dire les choses comme elles l'étaient.

— D'ailleurs, moi c'est Ashley, dit-elle avec un sourire qu'elle espérait convainquant, et toi ?

L'heure ? Alyssa n'en avait strictement aucune idée. Était-ce même important ? Il était vrai que la ponctualité de la jeune fille était à revoir sur de nombreux plans mais... En cette soirée, voir nuit, l'incertitude n'était pas sur quelques minutes mais plutôt quelques heures. A la réponse semi-interrogative de l'inconnue face à elle, la blondinette haussa les épaules, constatant que sa camarade était à peine plus avancée qu'elle. Enfin si, tout de même un peu, la Gryffondor était seulement de mauvaise foi.

Alyssa n'eut pas le temps de réagir davantage à cette nouvelle car la jeune fille face à elle sauta brusquement du dirico à l'hippogriffe. A sa question, la blondinette fronça les sourcils.

- Somnambule ?, répéta-t-elle sans vraiment s'en rendre compte.

Son regard se perdit une énième fois dans le vide. C'était impossible. Elle n'était pas somnambule, sinon elle le saurait, n'est-ce pas ? Cette question soulevée par l'inconnue lui occasionnait un certain soulèvement à son cœur, comme si cette dernière lui avait demandée si elle était atteinte d'une maladie grave. Alyssa savait pourtant ce que signifiait ce trouble, du moins dans les grandes lignes : faire des actions plus ou moins étonnantes en dormant. L'idée de simuler une crise de somnambulisme lui avait d'ailleurs déjà traversé l'esprit : se balader et faire quelques bêtises dans le château la nuit tout en prétextant dormir. Un sacré potentiel de son humble avis !

Mais être vraiment somnambule ? Non, ce n'était pas pour elle.

Comme si elle pouvait choisir.

La Gryffondor croisa les bras et fit pivoter sa tête de gauche à droite avant de dire d'un ton ferme :

- Nan. Impossible.

Apparemment, elle pouvait choisir. Soit.

Alyssa commença à sentir un certain malaise l'envahir alors que la blonde face à elle avait baissé les yeux vers ses pieds nus. Bon, cela arrivait bien à tout le monde d'oublier ses chaussures un jour, non ? Elle n'était pas non plus une licorne à bec de niffleur juchée sur des patins à glace ! Avec de telles réflexions, la jeune fille devrait pourtant avoir conscience que son esprit était loin d'être sorti de sa brume, malgré la réponse sèche qu'elle avait servie à sa camarade.

Ses sourcils se froncèrent alors davantage à la nouvelle question de l'inconnue. Celle-ci pouvait-elle donc arrêter de se comporter comme si Alyssa allait faire un malaise d'une minute à l'autre ? La Gryffondor se sentait tout de même capable de tenir sur ses deux jambes ! Du moins, il le fallait bien.

- Hum..., à y réfléchir à nouveau, en dépit de ses nombreux aller-retours dans le château depuis bientôt trois ans, la blondinette était bien incapable en cette nuit d'estimer ne serait-ce l'étage auquel elle se trouvait. En plus, sans sa baguette, il n'y avait aucun autre moyen de se repérer à l'exception de compter sur les rares torches pouvant être allumées à cette heure ; sans négliger des possibles rondes d'adultes. Quoique... Même eux devaient dormir à deux heures du matin, n'est-ce pas ? Cela n'enlevait tout de même rien au problème qui soulevait le cœur d'Alyssa : non, elle ne voyait pas comment regarder son dortoir seule. La Gryffondor répondit finalement d'un ton bougon, en détournant les yeux : D'accord...

Elle ne bougea néanmoins pas, il ne manquerait plus qu'elle achève de se ridiculiser en partant immédiatement dans la mauvaise direction. Le regard à nouveau vague malgré elle, Alyssa reporta ses yeux à la dérobée sur sa camarade et remarqua un sourire sur son visage. Ah, enfin une question à laquelle elle pouvait répondre sans mal et qui n'allait pas blesser son amour propre.

- Moi c'est Alyssa, et toi ? Une pensée vint soudainement lui frapper l'esprit. Mais toi au fait, tu fais quoi ici, à cette heure ?, demanda-t-elle d'un ton parfaitement neutre.

Elle ne se permettrait jamais de juger un élève ne respectant pas le couvre-feu ; bien au contraire même. Mais donc, que pouvait bien fabriquer cette fille dans les parages ? Elle préparait un mauvais coup ? Alyssa était bien trop intéressée par cette dernière possibilité, même si elle commençait à sentir le sommeil retomber sur ses épaules.