Éli ferment ses yeux alors que je lui exprime mon désarroi et mon besoin de changement, d'action, de solution. Car des excuses, elle vient de m'en donner mais... j'ai besoin de plus.
Je reprend enfin mon souffle, observant avec une peine infinie son visage tiraillé, ses mains encore dans les miennes, ses genoux qui tressautent aussi vite qu'une mitrailleuse...
Elle finit par rouvrir les yeux, les plongeant dans les miens et... j'ai l'impression que notre réalité bascule.
- qu'est c'qui faut qu'je fasse ?
J'ai l'impression de manquer d'air. Que le temps s'arrête et que je ne peux plus bouger. Mais Éli, j'viens t'le dire. Aller voir Miss Vermi...
- J'vois Miss Vermillon mercredi prochain comme dab', j'te promets que j'lui en parlerais, mais dis moi, qu'est ce qu'il faut qu'je fasse d'autre pour qu'tout r'devienne comme avant entre nous ?

Tel un poisson hors de l'eau, j'entrouvre les lèvres, aucun son n'en sortant, les referme, les rentrouvre... Que veux-tu que je te dise Éli ? Parc'que c'est à moi de te les donner les solutions ? Pourquoi ?

Les yeux embués, j'en reviens pas trop qu'elle me balance ça comme ça, qu'elle ose se reposer une fois de plus sur moi alors que je viens de lui dire que tout ça devenait trop lourd pour moi.
Mais je n'ai pas le temps de réussir à formuler ne serait-ce qu'un semblant de mot car les larmes coulent de nouveau mais cette fois-ci, sur son visage griffé.
Aussitôt, elle se lève comme mue par une énergie inconnue et s'éloigne de quelques pas, sanglotant dans ses mains.

Ses larmes appellent les miennes et me voilà à nouveau en train de perdre le contrôle. Agitant mon visage de gauche à droite, je ne parviens pas à dompter ces larmes qui coulent sans s'arrêter. Mon coeur s'affole, ma respiration se bloque et j'ai l'impression de perdre pied.
Comment avons-nous pu en arriver là ?
Comment pouvons-nous nous tirer de ce mauvais pas ? C'est comme si on était dans une impasse.

Une partie de moi a envie de la prendre dans mes bras, de la rassurer et d'apaiser sa détresse de mots calmes, pondérés, rassurants... Mais, je ne m'en sens pas la force. Et moi, dans toute cette histoire ? Qu'en est-il de ce que je ressens ? De cette peine si lourde qu'elle me donne l'impression d'être trop grosse pour moi ?

Élisabeth est une de mes amies les plus proches ici, à Poudlard. Elle a de l'importance pour moi. J'ai confiance en elle. Mais depuis un bon moment, elle dérape, dérape... et là, je ne sais plus trop comment l'aider. Parce qu'elle est une sorte de boule de bowling magique qui avance à vive allure, tapant dans des quilles sur son passage. Et moi, je suis une des quilles à terre.

Et pourtant. Elle s'est excusée. Et j'ai accepté ses excuses. Mais on en est encore là. A quelques mètres l'une de l'autre, les larmes nous condamnant au silence. Je m'assoies donc à mon tour là où elle était assise un instant plus tôt. Avec cette sensation d'être prise au milieu d'une petite tornade avec mon amie. Une tornade d'émotions où les débris qui s'entrechoquent contre nous sont des mots silencieux.

Je regarde son dos, ses épaules qui tressautent et je ne sais tout simplement pas quoi dire ou faire de plus. Les larmes coulent toujours sur mon visage, bien que je passe le dos de ma main de temps en temps sur le plat de mes joues. Ses derniers mots tournent dans mon esprit, encore et encore :
que doit-on faire d'autre pour que tout redevienne comme avant entre nous ?



La confiance. Voilà le maître-mot sur lequel se base l'amitié. Et j'ai toujours confiance en elle, je me dis. Oui mais. Si je dois vraiment être sincère envers moi-même, cette confiance a été un peu abimée. A cause de Redose et qu'elle n'ai pas suivi c'qu'on s'était dit. Toutes ces choses que Alyssa a dit et dont je ne connais pas tous les détails.
Serrant les lèvres, le regard sur mes genoux, je sèche une énième fois mes joues salées.
Ce qu'on peut faire de plus ? Ne plus rien se cacher, voilà ce qu'on peut faire de plus.
Je relève mon regard vers le dos d'Éli.
Mais en es-tu capable ?

Les secondes coulaient, aussi vides et salées que ses larmes. Constance ne disait pas un mot, et Éli commençait à vraiment avoir peur de la suite. Est ce qu'elle allaient rester silencieuses toutes les deux, puis se séparer sans avoir trouvé d'autres solutions à leur problème que l'évitement pour ne pas pleurer ? La jeune fille refusait cette possibilité ! Elle ne perdrait pas son amie, ce n'était pas envisageable.

Essuyant une dernière fois ses larmes avec vigueur, elle finit par inspirer et souffler profondément avant de se retourner pour faire, enfin, vraiment face à la situation et à ses responsabilités envers leur amitié au bord du précipice. Constance entre temps s'était assise sur le lit, mais Éli était bien trop nerveuse pour la rejoindre pour l'instant, elle avait besoin de rester debout à une distance raisonnable pour ne pas céder sous un torrent d'émotions qui ne mèneraient à aucune solution concrète.

- ok... j'ai pas de solution miracle C, je sais pas comment faire là. Oui, j'suis stupide en ce moment, oui, j'prends des putains de mauvaises décisions, et non, y'a certains trucs que j'peux pas contrôler, mais j'veux pas qu'on reste comme ça, j'veux pas t'perdre, et j'veux pas perdre c'qu'on avaient avant. Je sais qu'suis pas facile à vivre, mais j'peux pas faire sans toi en fait ! Alors j'sais pas, est c'que ce s'rais trop lourd pour toi de m'dire quand j'dépasse les limites ? Sur le moment quand j'fait un truc qui va pas, j'sais pas, tu pourrais sortir un mot-clef, ou une phrase qui me fasse descendre de mon balai fou.... un truc juste entre nous, que personne ne pourrait comprendre vraiment. Elle se trouvait complètement stupide de proposer ça, mais en même temps elle ne savait plus quoi faire d'autre.

Un air inquiet traversant son visage, elle finit par s'asseoir à côte de Constance, et posa sa tête sur son épaule en attrapant son bras d'une main, comme si elle se raccrochait à elle, dans un dernier espoir de sauvetage.

@Constance Nelson

Je la regarde, le visage caché par ses mains, séchant le mien et surtout mes yeux humides d'un geste nerveux du dos de la main.

En es-tu capable Éli ? De ne plus rien cacher ?
J'ai cette désagréable sensation, tiraillant ma gorge, qu'une grosse balle presque de la taille d'un rapeltout obstrue mon larynx... Je rebaisse les yeux, mes mains crispées sur mes genoux, froissant l'étoffe de ma jupe.
Que faire ? Que faire que faire que faire ?

La voix d'Éli me tire de mes interrogations sans fin et surtout creuses. Je relève mon visage pour croiser son regard et je ne sais pas trop quoi interpréter de celui-ci. Tout ce que je me sens capable de faire est de soutenir son regard et l'écouter.
Son discours ne manque pas de sincérité, de franchise, il faut l'avouer. Et sa voix transpire de cette détresse qu'elle tâche de me partager. Mais pas besoin, elle berce déjà mon coeur, ma poitrine.

Est ce que ce serait trop lourd pour moi de quoi ? Te dire quand tu dérapes ? Mais n'est-ce pas là ce que je fais déjà Éli ? Ce qui nous a mené à tout ça, en fait ? C'est bien ce que j'ai fait dans les souterrains et regarde où ça nous mène.
Mais la suite de ses paroles gardent mon attention. Un mot-clé ? Un truc "juste entre nous" ?

Je mâchouille ses mots comme une vache qui rumine, les yeux dans le vague, l'espace d'un très bref instant. Ca pourrait marcher. J'crois ? Ouais mais attends ! Attends ! Et le poids des secrets ? On en parle ?
- Peut être que ça pourrait. Fonctionner. Mais Éli, on a besoin d'autre chose. D'un pacte. Une promesse...

Ne plus rien s'cacher.
Ces mots n'attendent que d'être lâchés, murmurés, criés, chuchotés, soufflés... mais ils restent coincés dans ma bouche. Et si ce que je m'apprêtais à lui demander était la chose de trop ?

Attendre, la jeune fille ne pouvait faire que ça, attendre que son amie décide si la solution qu'elle venait de lui proposer était suffisante, attendre qu'elle balaye enfin cette mauvaise journée, cette mauvaise semaine, cette très mauvaise période par une touche d'espoir. Lorsque Constance finit par poser ses mots, Éli releva sa tête, tournant de nouveau son regard vers elle pleine d'appréhensions. Peut-être que ça pourrait fonctionner... Il y avait du positif à prendre dans ce début de phrase, et la jeune fille commença à relâcher la pression légèrement, en espérant que la suite aller continuer sur la même lancée. Pourtant, le "Mais" qui suivit stoppa net l'embrasement de la flammèche de positivité chez elle.

Constance avait besoin d'un pacte ? Étrangement, en entendant cette proposition, qu'elle aurait acceptée sans même y réfléchir il y a quelques mois, Éli se figea d'un coup comme tétanisé par cette éventualité. Pas qu'elle n'avait pas envie de se lier encore un peu plus dans leur amitié, elle n'avait aucun doute sur ce qu'elle ressentait pour Constance, mais le fait de devoir y imposer un contrat, de devoir potentiellement risquer de le rompre, de la décevoir encore, tout ça venait de la paralyser d'angoisse.

Immobile et muette, Éli regardée son amie en réfléchissant très vite, à beaucoup trop de choses, mais surtout au pacte de sang qui la liée déjà à la triade, et pour laquelle elle avait un devoir de secret. Avant de lui répondre, elle devait être vraiment sûre de pouvoir tenir les promesses que Constance voulait qu'elles lui fassent cette fois. Une nouvelle brèche dans leur confiance ne serait vraiment pas une bonne idée.

- J'veux vraiment qu'on s'retrouve comme avant, et s'il faut l'faire pour que ça marche, j'veux bien. Mais quel genre de promesse tu veux faire ?