Esme avait tellement raison, ça résonne dans ma tête. C'est faux bien sûr, mais ça résonne tout de même comme une vérité absolue. Elle a tort mais je peux pas lui dire puisqu'elle ne m'écoute pas.
Eli quant à elle, la décevoir je m'en tape vraiment, elle croyait pas que j'étais qui j'étais alors que je n'ai jamais cacher qui je suis donc elle est juste vraiment vraiment pas maligne mais malgré tout elle continue à se tromper, mais je comprends, je dois comprendre, je dois comprendre et ne pas m'énerver elle côtoie Esmeralda et puisqu'Esmeralda a toujours été plus sympa, est plus sympa et plus agréable que moi elle prend son parti. Son parti ? Non, je dois pas penser qu'on est opposé l'un à l'autre, je suis de son côté même si je ne partage pas sa version... Compliqué comme situation, mais y'a eu pire, et ça aurait pu être pire. Oui, je dois le concevoir ainsi, elle m'a peut-être fermer les portes de son cœur mais les portes peuvent s'ouvrir à nouveau, elle n'est ni morte, ni absente, tant que je serais motivé à trouver la solution les choses peuvent toujours s'améliorer.

- T'as raison. Mais j'abandonnerais pas.

Tu ne quitteras pas cette pièce.
Pas avant moi en tout cas, je la dépasse et la bouscule légèrement pour ouvrir la porte et la tenir.

- Et bien vas-y, puisque c'est ma présence qui te dérange tu n'as qu'à rester là et continuer à te plotter. Moi pour ma part, tu es exactement comme je pensais que t'étais.

Claquant la porte en lui offrant la plus belle vision de mon doigt de Saturne.

- Faible et insignifiante.

J'ai pas pu me retenir de m'énerver, mon ton a changé de neutre à hostile après avoir ouvert la porte je n'ai pas réussit à me taire ni à me contenir, et bien tant pis.

Tu abandonnes toujours... Pourquoi ça serait diffèrent cette fois ? Esme mérite tellement mieux que ce que tu peux lui offrir, t'es même pas capable de la protéger sérieux ! Juste la protéger, alors que toi par contre, tu sais très bien te protéger non, personne ne t'atteins jamais, ni ton corps, ni ton cœur, tout te frôle s'en te mettre à terre, et tu voudrais me faire croire que protéger ta sœur c'est déjà trop ! J'y crois pas, et j'veux pas l'croire de toute façon. Tu abandonneras, comme tu as abandonné le combat avec Gideon, comme tu as abandonné la triade au moment où tu m'as menti non ? Est ce que t'y a cru un jour au moins ? Où est-ce que c'était juste pour récupérer ton pote sans que je ne perturbe tes plans, en te faisant encore passer pour le sauveur de l'histoire ? J'm'en fou au fond. J'ai tellement envie de te dire de déchirer ce bout de parchemin pour ce qu'il en reste de principes, mais j'y crois trop pour le faire. Moi j'y crois, mais visiblement je reste la seule. Gideon ne l'a signé que pour nous garder tous les deux, il ne s'en est jamais caché. Moi je l'ai signé en espérant vraiment que ça changerait, que tout changerait entre nous, qu'on serait l'équilibre parfait, qu'on comblerait les failles les uns des autres en étant plus fort ensemble, invincible à trois. Il faut croire que j'me suis planté. L'espoir ça fait mal, et j'en ai marre d'avoir mal.

Avant même que la jeune fille n'arrive à passer la porte, Redose la bouscula de son manque de délicatesse habituel, pour la devancer. Mais qu'est c'qu'il veut encore ? A quelques centimètres de lui, comme très souvent lors de leurs échanges animés depuis qu'ils se connaissaient, elle lu dans les yeux du griffon ses intentions, avant même qu'il ne les prononce. Son doigt d'honneur ne lui fit absolument rien, et en d'autres circonstances, elle lui aurait sûrement répondu du tac au tac par son jumeau, mais cette fois, sans même la toucher, les mots de Redose claquèrent comme jamais en elle. Une résonnance paralysante...

"Tu es exactement comme je pensais que t'étais...faible et insignifiante"

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Les secondes s'écoulèrent, longues et glaçantes, alors que la porte s'était reclaquée sur lui depuis un moment déjà. Debout, immobile, et en apnée, la bouche légèrement ouverte, Éli n'arrivait pas à décoller son regard de la porte. Ses yeux observaient toujours le vide qu'avait laissé ceux du garçon.

faible et insignifiante...

Comme tétanisée d'entendre enfin les mots qu'elles redoutée de comprendre depuis longtemps, des mots qu'elle avaient devinée avant même qu'il ne les prononce, des mots qui ne faisaient que nommer ce que ses actes avaient déjà signée.

Faible et insignifiante...

Le ton agressif qu'avait pris le griffon pour lui balancer sa phrase au visage, comme un écho sur sa fragile carapace, l'avait figée jusque-là, mais sa respiration finit par se réveiller et s'accélérer d'un coup, la faisant émerger enfin de son état de choc. Sans vraiment se rendre compte de son environnement, elle marcha quelques pas et se laissa glisser le dos contre la porte fermée d'une des cabines. Les genoux pliés, le regard dans le vide, elle ne pouvait pas nier qu'il avait raison sur un point, elle était encore bien trop faible.

Faible et insignifiante... C'est tout ce qu'il pensait d'elle.
Faible et insignifiante... C'est tout ce qu'elle ne serait plus.

A l'abri de tout regard qui pourrait potentiellement la juger, elle s'autorisa à déverser une toute dernière fois la tristesse, la frustration et la déception qu'elle ressentait. Tout reconstruire du début, sans faux espoirs stupides, et surtout sans compter sur la triade, il ne lui restait plus que ça à faire. Le barrage de décompression de ces dernières semaines venait de céder sous ses inquiétudes, enfin validées par le garçon après des mois de questionnement. Faible et insignifiante... Faible et insignifiante... Faible et insignifiante... Faible et insignifiante... Faible et insignifiante... Faible et insignifiante... Faible et insignifiante... Faible et insignifiante...
"il respecte personne, il n'aime que lui et c'est parce qu'il s'aime et qu'ils nous aiment un peu qu'ils nous respectent" , alors que ses larmes noyaient ses joues, les mots d'Esme, comme un souvenir bien encré, venaient rajouter à sa peine. Non, il ne nous aiment meme pas un peu, il t'aime juste toi, et mal en plus...c'est tout.

Je fis un pas, puis un deuxième.
Elisabeth avait tout fait jusqu'à maintenant, peut-être pas de la meilleure des manières, pour ne plus être la bourgeoise faible et insignifiante qu'elle était quand je l'avais rencontrer... Son rêve est la gloire et la force, le contraire même de ce qu'elle était. Elle n'est plus si faible, elle n'est plus si insignifiante, preuve en est, je pense à elle en ce moment... Je n'aurais pas dû dire ça. Je ne veux pas dire ça, c'est mentir et pas que c'est... C'est cruel.

Quelques minutes à regarder devant moi je finis par tourner l'échine à la lâcheté et j'ouvris la porte pour la voir "affalée ?" contre la porte. Mes mots ont donc tant d'impact ? Alors même qu'à l'entendre, je suis un monstre à ses yeux.

- Je suis désolé, je ne pensais pas ce que j'ai dis... C'est la colère qui a parlé, je ne le pensais en rien... Je sais qu'à tes yeux je ne vaux sans doute moins que rien et que ce que je pense ne vaut rien à tes yeux... Mais, je pense le contraire... Désolé.

Elle en a sûrement rien à faire et je comprendrais, moi-même ma parole ne m'affecte guère. Ce que je dis à beau être vrai, sonne vrai, au fond de moi ça résonne faux. Rien ne le trahit ni ne l'explique et pourtant... Ses larmes, me font me sentir si faux dans ma "pseudo-bonté", comme si je ne pouvais être autre chose que ce monstre que maintenant tout le monde doit voir en moi. Ces larmes me font mal. Je veux mourir.

La porte s'ouvrit de nouveau sans que la jeune fille n'y fasse attention, complètement partie dans ses pensées, bien trop atteinte pour se soucier de savoir quelle fille avait décidé de faire un détour par ici finalement. Après tout, les toilettes des filles étaient un lieu qui ne resté jamais vide très longtemps, et elle se ficher pas mal que l'une ou l'autre de ses camarades puisse la voir ainsi. Tant que devant lui, elle était resté forte et fière, le reste lui importait peu.

Les yeux toujours posés sur le mur en face d'elle, la vue légèrement troublée par ses larmes, la Poufsouffle sortie assez vite de son état de stase, lorsqu'elle reconnu la voix qui accompagnait l'arrivée de l'élève en question. Presque par reflex, elle tourna la tête à l'opposé de lui, essuyant d'une main discrète ses larmes. Pourquoi fallait-il toujours qu'il la voie comme ça ? Pourquoi fallait-il qu'elle lui donne des raisons de la trouver nulle et pitoyable ? Éli s'attendait à une nouvelle vague de haine et de reproches. Avait-il oublié de lui préciser quelques défauts qu'il ne supportait pas chez elle ? Est-ce qu'il s'était rendu compte qu'il n'avait pas été encore assez piquant pour la mettre totalement au sol. S'était-il senti obligé de venir remettre un peu d'huile sur le feudeymon ?

Des excuses.

Redose venait il vraiment de s'excuser ? Surprenant revirement de situation, et même si ça ne changeait rien au mal qu'il avait fait à Esme, elle ne pouvait s'empêcher d'apprécier un peu l'effort qu'il venait de faire en revenant. Ramenant sa tête droit devant elle, Éli évita soigneusement de poser son regard sur lui, et laissa ses larmes couler calmement sans tenter de les lui cacher cette fois. Il l'avait vu pleurer c'était sur, le mal était déjà fait, autant assumer maintenant.

Malgré tout ce que les mots de Redose avaient l'air de dire, malgré tout ce qu'elle essayait de se faire croire pour paraître plus forte, elle savait que les actions et les paroles du garçon valaient quelque chose pour elle, pourtant, elle n'essaya pas de le contredire, elle resta silencieuse, seul ses yeux avaient besoin de communiquer avec lui maintenant. Si les paroles du griffon pouvaient lui mentir sans problème, son regard lui, avait plus de mal. D'un geste lent, la jeune fille chercha enfin le courage de poser son regard dans le sien.

Étrangement, elle ne savait plus. Elle voulait tellement prendre les excuses et passer à autre chose, se contenter d'apprécier ce qu'il faisait, y voir peut être même une mini forme de respect et de légitimité, mais elle n'avait pas le droit. Elle passerait pour qui si elle le pardonnait si facilement ? Elle ne pouvait pas lui cacher sa tristesse apparente, il lui avait fait mal, mais qui etait-elle si elle passait sur ses fautes avec Esme parce qu'il lui donnait une petite miette de l'attention et du respect qu'elle espérait depuis longtemps ? Qui était-elle si elle oubliait la peine de son amie parce que Redose était un peu moins bête avec elle aujourd'hui ? Elle ne pouvait pas.

A la fois énervée, las, reconnaissante, révoltée, et déçue, Éli ne savait plus ou elle devait se situer. Le visage neutre, encore mouillé d'une peine criante, partagée en deux parts inégales, Éli ne prononça aucun mot. Pour seule réponse, elle plongea son regard dans le sien avec une intensité qu'ils connaissaient un peu trop, et sans lâcher son emprise visuelle, elle laissa pendant plusieurs minutes, ses iris déverser dans les siens tout ce qu'elle avait envie de lui partager, le bon comme le mauvais, sans savoir s'il comprendrait.

Elle évite mon regard, je comprends, moi aussi j'éviterais mon regard à sa place, à sa place comme à la place de n'importe qui. Si les yeux sont le reflet de l'âme alors mes yeux doivent être bien laids, fades, faibles et sans doute monstrueux. Je ne m'y plongerais pas dedans, je ne m'y plongerais plus, quand je regarde dans un miroir je détourne le regard de mon regard, je ne l'aime pas et je ne suis pas le seul.
Je comprends, je ne peux pas en vouloir aux gens après tout ce serait comme leur en vouloir de... Je sais pas moi, regarder un monstre de morve et de vomis déferler au sol, ça piquerait trop les yeux.

Mais moi je ne peux pas m'empêcher de la regarder... Pleurer. Honnêtement je m'en fous d'habitude je pense que les larmes sont superficielles et sans intérêt, ça sert pas à grand chose c'est juste quelque chose qu'on fait instinctivement, elles n'arrangent rien à la situation. D'habitude quand je vois quelqu'un pleurer je me dis simplement que c'est rien, que ça va lui passer, qu'il faut pas s'en faire ni le prendre en pitié parce que justement c'est rien.
Mais là, c'est assez différent, c'est pas une blessure physique mais plutôt morale j'ai l'impression, le corps ça guérit vite à notre âge et le mien plus vite et mieux que les autres mais le moral c'est plus compliqué. Bien sûr, combien de fois on m'a répété que le moral ça se reconstruisait mais bon, je pense qu'il me reste peu de temps, je le sens. Je me sens m'effondrer sur moi-même, il me reste sûrement peu de temps et voir Elisabeth pleurer c'est un peu le déclic.

J'ai déjà vu beaucoup de gens pleurer auparavant, Elisabeth et Esmeralda comprises et surtout Esmeralda, mais... Comment dire, si j'infligeais une blessure physique à quelqu'un je me disais juste qu'il était faible et qu'il valait mieux le laisser car c'est un bouffon, si j'infligeais une blessure morale à quelqu'un c'était presque tout le temps pour la même raison "ouin ouin pourquoi t'es méchant" du coup j'm'amusais un peu et je tournais la page puisque dans tout les cas ça passera à la personne.
Mais là c'est pas un "ouin ouin pourquoi t'es méchant", j'ai plutôt l'impression que ces larmes reflètent, certes beaucoup de choses, trop pour les discerner mais son regard...

Quand elle posa son regard sur moi la première chose que je vis et que je vois encore, c'est une sorte de... Comment dire, peut-être une frustration ou un truc du genre. Peut-être aussi j'imagine juste, mais j'ai l'impression d'une frustration et je crois comprendre, faire tant d'efforts mais avoir l'impression que rien n'en sort est désagréable, c'est comme... Je sais pas moi, monter la tour d'astronomie et se réveiller devant la troisième marche. Sauf que là, la tour d'astronomie c'est la force d'Eli, la personne c'est Eli, les marches sont sa progression, je ne suis pas le personnage principal de cette histoire, elle l'est.
Et je ne suis que le réveil qui l'extirpe de son doux rêve.

Instinctivement je fuis encore, c'est sans doute dans ma nature si je fais quelques pas en arrière les yeux dans les yeux avant de détourner le regard et d'enfin partir.

Même si leurs regards semblaient se jauger, tentant difficilement de trouver des explications mutuelles, de se confier ce que leurs mots n'arrivaient pas à sortir véritablement, au bout de quelques minutes, sans surprise, Redose finit par fuir de nouveau ce dialogue muet, laissant Éli avec un brouillon d'excuse, et des questions sans réponses, comme toujours.

À peine avait-il quitté la pièce, que la jeune fille se leva comme saisie par une force bien plus résolu qu'elle. Ouvrant la porte à sa suite, elle observa le dos du griffon déjà bien avancer dans le couloir. Elle aurait pu lui courir après, le forcer à assumer, ne pas le lâcher avec ses questions comme elle avait l'habitude de le faire pour obtenir ce qu'elle voulait. Elle aurait pu tout faire pour chercher une solution, pour ne pas rester dans cette espèce de non-dit étouffant qui lui faisait tellement de mal, mais cette fois, sa main resta figée sur la porte. Seul son regard suivit le garçon dans le couloir jusqu'à ce qu'elle le perde de vue.

Respecte tes règles, respecte toi, et soutiens Esme.

Fixant toujours le couloir, vide de la silhouette du garçon qu'elle avait bien trop observé ces derniers mois, qu'elle avait désiré malgré elle, qu'elle avait tant espérait garder dans sa vie contre tout bon sens, qu'elle avait appris à aimer contre l'avis des autres et de toute logique. Aujourd'hui, elle venait de comprendre enfin, que même avec toute la bonne volonté qu'elle avait pu y mettre, qu'elle aurait pu encore investir entre eux, il ne lui restait que deux choix : avancer sans lui, ou sombrer avec lui dans ses abîmes de noirceurs.

Redose avait tellement contaminé des fragments de sa vie, en se diffusant tel un venin perfide et létal en elle, qu'elle était devenue ces derniers mois, une ombre prête à tout pour se faire acceptée. Pourquoi ? Qu'est-ce qui avait bien pu arriver pour qu'elle se laisse à ce point faire ? Et tout ça pour quoi ? Pour n'obtenir que des bribes d'intérêts ponctuels, qu'il lui balançait selon SES conditions ? Terminé !

Si c'était en fuyant qu'il comptait régler les choses à chaque fois, si c'était en traitant les gens comme il l'avait fait avec Esme, qu'il montrait son amour... Alors elle n'en voulait plus. Pas comme ça !

Il fallait absolument qu'elle ampute tout ce qu'il avait nécrosé chez elle. La jeune fille ne serait plus jamais son propre antidote. Tenter de résister jusqu'à son prochain empoisonnement, subir sans répliquer, jusqu'à ce qu'il se décide enfin à l'épargner par pitié, et enfin se reconstruire en étant un peu plus en lambeaux à chaque fois ? Non ! Ce cycle de violences tacites et sans fin commençait à l'épuiser beaucoup trop, réduire en cendres les parties d'elle qui ne lui survivraient pas, pour en fabriquer des nouvelles complètement infrangibles, c'était la seule issue envisageable maintenant. Abandonner la éli vulnérable, manipulable, trop sensible, et acro à ce troll toxique manifestement imperméable aux autres, pour devenir la Éli qu'elle mérité d'être, déterminée, ambitieuse et inébranlable.

La jeune fille avança un peu, lâchant la porte qui se referma derrière elle, puis enclencha son pas, et sa vie dans la direction opposée.