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11 mars 2017, 23:05
 RPG+  Conseils d'orientation

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UN DERNIER CONSEIL


Beauxbâtons est l’une des plus grandes écoles de magie du monde. Si le savoir magique qu’elle cherche à transmettre à ses élèves est l’un des plus riches et novateurs du monde, Beauxbâtons reste très attachée aux valeurs conservatrices de la bienséance et du savoir-vivre. Aux yeux de sa direction, il est aussi important de former des sorciers compétents que des sorciers bien élevés et respectueux des autres.


La froideur légendaire du professeur Loewy s’abattit comme un rideau de velours devant moi. Le mouvement de mes jambes se figea, glacées qu’elles étaient par cette réaction imprévisible. J’avais vraisemblablement franchi une limite à ne pas franchir, passé un stade à ne jamais atteindre. Le léger mouvement de recul du professeur Loewy en était le signe le plus évident. Je restais interdite devant la dureté de son regard. C’était comme si tout son être avait repris sa posture de directrice pour me rappeler à qui je m’adressais. Comme si je pouvais seulement l’oublier. Parce que je ne comprenais pas sa réaction, je lui rendais son regard avant de réaliser que quelque chose avait éclaté autour de nous. La bulle magique avait cédé sous le poids de ma déconcentration. Le froid était désormais partout.

Instinctivement, je me réchauffais comme je le pouvais en me frottant les bras, mon regard toujours dirigé sur le professeur Loewy. Il me semblait la voir sous un autre angle désormais, un angle que je n’avais fait qu’effleurer de très loin, notamment entre les lèvres des autres élèves de l’école. J’éprouvais soudain un sentiment de colère, mêlé à la culpabilité d’éprouver un tel sentiment envers cette femme que j’idolâtrais.

Pour ne pas avoir à nourrir ce sentiment trop longtemps, je faisais volte-face pour récupérer mes affaires. Ma cape nouée autour de mon cou, ma sacoche jetée sur mon épaule, j’emplis mes poumons d’air frais et expirais longuement en fixant le nuage de fumée dégagé par mon souffle. Je devais m’en aller. Je n’avais qu’une envie, retourner dans la salle commune de Poufsouffle et me changer les idées auprès de mes camarades. Je secouais la tête en me rappelant que j’étais pourtant venu jusqu’ici dans l’espoir de les fuir. Une contradiction de plus.

Avant de déserter l’endroit, il me fallait cependant affronter le regard du professeur Loewy une dernière fois. Bien qu’angoissante, j’acceptais cette tâche en m’armant de courage. Je me tournais, la regardais, puis m’avançais d’un pas mesuré. Arrivée à sa hauteur, je m’arrêtais, le coeur lourd.

« Kristen… commençais-je, d’une voix calme et apaisée en fixant le couloir droit devant moi. N’imaginez pas un seul instant que je sois assez sotte pour ne pas avoir remarqué la façon dont vous la regardiez. »

Je contractais mes mâchoires en me persuadant que je prenais le risque inconsidéré d’outrepasser les règles de bienséance pour le bien de ma mère. Si cela devait me conduire à une retenue, il me semblait que c’était peu de choses.

« Cessez donc d’être la directrice de Poudlard en sa présence. Votre personne lui est plus chère que le rôle que vous vous donnez. »

Je contractais mes mâchoires encore plus fort en retenant ma respiration. Je retrouvais l’usage de mes jambes pour m’arrêter deux ou trois mètres plus loin. Mon sentiment de culpabilité était tel que je me retournais pour adresser un pâle sourire au professeur Loewy et lui offrais mon ton le plus doux en guise d’excuses.

« Ce qui vaut pour moi vaut pour elle. »

Soupirant en baissant mes yeux au sol, je me retournais et quittais les lieux sans demander mon reste.

12 mars 2017, 11:10
 RPG+  Conseils d'orientation
Et vlan, dans les dents. Kristen venait de se prendre une claque monumentale par une gamine de dix-sept ans. Elle ne l'avait tellement pas vu venir qu'elle resta plantée là durant cinq bonnes minutes après le départ de Sybille, à fixer de ses yeux ahuris la fontaine qui recommençait à geler.

Récapitulons.

Kristen avait senti que les choses allaient tourner bizarrement à partir du moment où l'élève l'avait appelée par son prénom. Ça, ce n'était pas banal. En fait, lorsqu'elle était à Poudlard, face aux jeunes, Kristen avait presque tendance à oublier qu'elle s'appelait autrement que "Madame la Directrice" ; aussi entendre son prénom prononcé par la jeune fille lui fit l'effet d'une très curieuse anomalie.

C'était effectivement à partir de ce moment-là que Kristen avait bugué. Lorsqu'elle avait compris que Sybille en savait plus qu'elle ne voulait bien le montrer. Kristen, qui avait toujours veillé à ne laisse filtrer aucune de ses émotions, avait été prise au piège par son regard. Elle ne pensa même pas à s'en vouloir. En fait, elle se sentit extrêmement gênée d'avoir parlé tout ce temps à quelqu'un qui savait ; et pire encore était le fait que ce quelqu'un soit la fille d'Aude. Kristen en était presque à se sentir humiliée. Sybille s'était payé sa tête, c'est tout ce qu'elle retenait. Pourquoi avoir posé ces questions si elle savait ? Juste pour s'amuser ? Pour tester ? Quel avait été son but ?

Bug général. Alerte, le système ne répond plus. Surchauffe.

Kristen avait enregistré les paroles de Sybille sans vraiment s'en rendre compte. Elle avait écouté mais n'avait rien compris. Son cerveau avait tenté une analyse et fini en erreur 404. Dernièrement, elle passait de toute façon la moitié de son temps à ne rien comprendre, et l'autre moitié à faire semblant de ne rien comprendre. Tout cette histoire lui retournait la tête. Aude la détraquait.

Ne pouvait-on pas la laisser tranquille ? Faire comme si tout était normal, comme d'habitude, et la laisser avec ses problèmes jusqu'à ce qu'ils disparaissent d'eux-mêmes, plutôt que les remuer sans cesse pour les raviver ? Vraiment, on ne l'aidait pas !

Sybille, de toute évidence, ne prenait pas la mesure de la complexité de la situation. Kristen se figurait très bien que chez elle, tout devait être simple, il suffirait de faire ceci et cela et tout irait pour le mieux. Mais dans l'esprit de Kristen, rien n'était jamais simple. Il y avait toujours des problèmes, partout. Et quand il n'y en avait pas, il fallait les créer. Bien sûr, Kristen n'accordait cette complexité qu'à elle-même : dans les situations où elle n'était pas impliquée, tout, de son point de vue, était facile et clair comme de l'eau de roche. C'était vraisemblablement sa personne qui posait problème.

Sybille lui demandait de ne pas être la directrice de Poudlard, d'arrêter de jouer ce rôle en permanence. Mais qu'était-elle d'autre ? Kristen ne se définissait plus que par cela, car diriger cette école était sans doute ce qu'elle avait fait de mieux dans sa vie. Elle n'avait pas encore trop merdé dans ce domaine.

Kristen avait à ce point négligé sa subjectivité, son côté "être humain", qu'elle avait vraiment fini par se transformer en une espèce de grosse pierre vivante et glacée, avec des bras et des jambes, mais rien d'autre. Puisqu'une pierre n'avait pas de sentiments, elle tâchait, quand ils surgissaient malgré tout, de les enterrer au fond d'elle. Cela ne lui avait pas manqué plus que ça, les sentiments. On s'en passe assez bien, quand on est déjà né avec une très faible capacité émotionnelle. On n'est plus à ça près.

Oui, ça se passait bien.

Mais à force de lui tirer dessus, la pierre Kristen avait fini par se fissurer et par redevenir un être humain, capable de sentiments profonds, surpassant les impressions immédiates. Un parasite. Certains craignent d'être transformés en zombie, d'autres en humain. D'autres encore pensent que c'est un peu la même chose.

Kristen était sûre que ce qu'elle voulait, c'était qu'on lui fiche la paix et qu'on la laisse être une pierre, aussi luttait-elle sans cesse contre ce sentiment qu'elle avait pour Aude Luneau. Elle ne s'imaginait pas réellement et durablement, malgré quelques sursauts, que ce qu'elle voulait vraiment, c'était elle, c'était l'aimer pour de bon, voilà.

Souvent, cette idée de reconsidérer son sentiment non plus comme un ennemi s'imposait à elle comme un égarement. Tout cela n'avait aucun sens, après tout : il y avait Owen, il y avait Sybille, il y avait Beauxbâtons et Poudlard, et puis, d'abord, Aude était une femme, et puisque Kristen n'avait jamais imaginé pouvoir ressentir ça pour une femme, c'était sans doute une bêtise, une mésinterprétation, une erreur. Comment, du jour au lendemain, pouvait-elle avoir des sentiments pour une femme, alors qu'en trente-huit ans, cela ne s'était jamais passé comme ça ? Alors, c'était bien que cela devait être autre chose : oui, elle y était attachée, oui, elle aurait pu faire n'importe quoi pour elle, oui, elle la regardait avec des yeux tout brillants et qui pétillent, mais cela ne pouvait pas vouloir dire... ça, puisque Aude était une femme.

La vérité, c'était que cela n'avait aucune importance. C'était Kristen qui donnait de l'importance à ce fait, pour mieux justifier l'impossibilité de la chose. Aude pouvait bien être une femme ou un homme, là n'était pas la question. On n'aime pas telle ou telle personne pour son chromosome X ou Y, on l'aime parce que c'est cette personne-là, c'est tout.

Kristen regardait encore droit devant elle, pétrifiée. Elle n'avait même pas froid, car son cerveau ne lui en laissait pas le temps. Au bout d'un temps, ses yeux reprirent leur taille normale, et elle s'aperçut qu'un élève la regardait de travers. Il était vrai qu'elle devait avoir l'air bizarre, à rester ici, dans le froid, sans bouger. Elle quitta l'endroit précipitamment en passant devant l'élève sans lui adresser le moindre regard.

Pendant quelques temps, Kristen évita très soigneusement Sybille Luneau plus que tout le monde. Elle avait missionné Pez, un elfe des cuisines, de lui apporter à manger dans son bureau, pour ne pas avoir à rester dans la Grande Salle, où elle ne dînait déjà que très occasionnellement jusque-là. Elle mit du temps à pouvoir seulement envisager de donner à nouveau des cours à Sybille.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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