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03 déc. 2016, 03:20
Douce Vitalité  Solo 
- I -


1 Décembre 2041 - 17h23
Le Saule Pleureur - Poudlard
1ère année


Un enchevêtrement infini de fines branches tombantes traversaient mon regard. Elles s’entre-croisaient, se traversant et se superposant. Je m’imaginais être l’une d’entre elle, partager leur énergie, leur vitalité. Je me voyais me mélanger à cette belle harmonie qui semblait veiller sur le Monde. Malgré mon impression, je savais que ce n’était pas le cas. Elle veillait seulement sur moi. Mais cela non plus ne se rapprochait pas de la réalité, peut-être était-ce seulement mon envie d’être surveillé par une entité… Comme la plupart des grandes légendes. Arthur n’était pas seul. Percy non plus. *Mais tu n’es pas une légende, Aelle…*. L’Arbre me remettait-il à ma place ?
Sous cette belle toile de branches reposait quantité de brins d’herbes qui me chatouillaient. Ces dernières se mélangeaient parfois à une malheureuse flaque qui osait venir les souiller. Le lac était tout près. Un Saule Pleureur, un lac et de l’herbe. Belle solitude. Il fallait aussi compter ces montagnes sublimes, qui me surplombaient de toute leur taille, m’intimidant.


J’étais allongé sur le sol du Parc et l’air frais du mois de Décembre me gelait sur place. Au moins je me sentais vivante, je restais présente dans l’instant présent, mon esprit ne s’envolait pas trop loin, et c’était mieux ainsi. Le tout ne m’atteignait pas. En y pensant, rien ne le pouvais, j’étais entièrement fermé. Les bruits passaient, mais ne touchaient pas mes tympans. Je sentais les courants d’air mais pas le sol dur sur lequel j’étais allongé. Je ne percevais pas non plus le contact du parchemin qui gisait dans ma main ouverte, libre de saisir tout envol que le vent lui offrirai. Cela faisait maintenant des minutes que les mots qui souillaient ce parchemin avaient été lu. Ou alors était-ce des heures ?

“Nous aimerions tous être près de toi pour ce jour important -ton père m’oblige à écrire qu’il sait que tu n’aimes pas cette fête, mais qu’il n’en tient pas compte. Je suis de son avis !”

Je ne le savais pas, puisque le temps ne pouvait m’atteindre non plus. Il se déroulait autour de moi comme une écharpe moelleuse qu’on installait autour de son cou un jour d’hiver. Il n’y avait que mes yeux qui se rendait compte de leur rôle, qui scrutaient chaque défaut qu’ils pouvaient apercevoir dans les feuilles transcendantes de mon Saule. *Ce n’est qu’une plante...*, non, c’est le toit de mon Monde, me corrigeais-je ensuite.

“Narym te prévoit un cadeau spécial, mais il ne doit pas savoir que je te dis ça, c’est une surprise.”


Un tas de papier kraft froissé gisait entre mes jambes, abandonné ici par mon plus grand plaisir. Je les avais, dans mon immense satisfaction, réduit à l’état de boule, métamorphosant les jolis emballages en morceau de papier insignifiant. Les choses qui sortaient de ces emballages étaient d’ailleurs autour de moi, elles aussi. Des livres, pour la plupart. Des livres au titre passionnant, qui n’attendait que moi pour être lu, et je n’attendais que le lendemain pour enfin les dévorer. Des livres d’histoire, de créatures mythiques. Des romans Moldu. Des livres de Potions. *Ils ont au moins compris une chose…*. Des cadeaux absolument pas surprenant tout compte fait. Ma famille me connaissait par cœur. *C’est ce qu’ils pensent en tout cas…*, je réprimais cette pensée douloureuse avec hâte, ne voulant pas penser aujourd’hui.
“Nos cadeaux t’apporteront un peu de notre présence”
Aodren, qui était le seul présent près de moi en ce jour ô combien merveilleux était venu en personne m’offrir son présent. Lorsque j’étais sorti de la Salle Commune, je l’avais trouvé assis par terre, sa chevelure brune en désordre. Il somnolait, j’étais persuadé qu’il s’était réveillé juste pour moi, et étrangement, cela ne me plaisait pas. Je n’aimais pas les surprises. Les mystères, oui, mais les surprises destinées à te mettre mal à l’aise, non. Les anniversaires, j’en avais toujours apprécié les cadeaux, mais rien d’autre. Comme tous les ans, je me réjouissais de leur arrivée, je trépignais en arrachant le familier papier kraft que je mettais en boule, puis je patientais. Je supportais difficilement les fêtes auxquelles je ne pouvais pas échapper, même si c’était “mon jour”, comme disait Maman.
J’attendais le lendemain avec impatience. Sans savoir réellement pourquoi, j’ouvrais toujours mes cadeaux le jour même mais ne les utilisais que le lendemain.
Ici, à Poudlard, je n’avais pas de fêtes prévu, pas de surprises, pas d’embrassades, pas de câlins ou autre chose qu’il m’était difficile de supporter. Je m’en étais réjouis d’avance. Du moins, je pensais m’en réjouir. Lorsque qu’Ao’ s’était levé en hâte pour me prendre dans ses bras en babillant joyeusement, j’avais souri doucement, heureuse de voir qu’il mettait nos différents tout nouveaux pour nous de côté. J’avais créé ce sourire spécial famille, celui que seuls les quelques membres la composant pouvait apercevoir. J’avais répondu à ses questions d’une voix calme et posé, d’une voix douce et heureuse. Je lui avais même offert un câlin fraternel, riant à ses blagues, rougissant lorsqu’il m’offrit son cadeau, me disputant gentiment avec lui lorsqu’il me demanda si mes amis m’avait offert des cadeaux
“Ne pose pas de questions indiscrètes, crétin !”. L’habitude.

Puis quand il me laissa seul, je perdis ce sourire factice pour soupirer, me sentant étrange après cette mascarade qui me laissait, pour la première fois, un désagréable goût dans la bouche. J’avais découvert avec un rictus écœuré une écharpe verte et jaune dans le papier cadeau. *Quel humour, Ao’...*, avais-je pensé en soupirant, rangeant cette écharpe que je ne mettrais jamais dans mes poches. Malgré ce cadeau de mauvais goût, j’étais heureuse de cette courte rencontre et de l’intention de mon frère. Ma famille me manquait. Et lorsque l’on connaissait bien Aodren, on pouvait facilement deviner que les couleurs de ma nouvelle écharpe faisait référence à nous deux. Il avait tenté vainement de me montrer l’amour qu’il me portait, ce que j’appréciais maintenant qu’il n’était plus en face de moi.
Nos relations étaient de plus en plus difficile, je m’en rendais compte depuis que j’étais à Poudlard. Ao’ avait toujours été celui qui, selon moi, me volait le plus mon espace vitale. Nous avions seulement deux ans d’écart, alors nous côtoyions les écoles au même moment, et maintenant le collège. Il lui était facile de jouer le rôle d’espion que lui confiait nos grand-frères. Mais je ne me faisais pas d’illusions : Aodren montait ce genre de plan avec eux, il n’était pas seulement leur complice. Je détestais lorsque mes frères agissaient ainsi en protecteur, comme si je ne savais pas veiller sur moi. Cette proximité, dont mon frère profitait à cause de nos âges, avait le don de m'agacer, et j’avais perdu le contrôle une fois. Une seule fois, qui je le savais, avait à ce jour fait le tour de la famille. Je n’en avais pas encore entendu parler, mais chez moi, la communication était une base, et le partage des émotions une valeur.
*A croire que le Hibou s’est trompé en déposant le paquet chez eux*, pensais-je avec ironie. Mais je savais que c'était faux et que je ne souhaitais aucune autre famille que celle qui était la mienne.

“Avec l’espoir que tu aies pu, pour une fois, fêter ce jour en l'appréciant plus que lorsque tu es avec nous”

Le reste de la journée se déroula normalement. Puis après des cours passionnants, je pus enfin arrêter le flot intarissable de mes pensées en faisant corps avec le sol de Poudlard.
“Joyeux anniversaire, ma chérie”
Loin de tous, loin des autres étudiants bruyant, j’attendais que ce jour passe. Il réveillait en moi des choses auxquelles je ne souhaitais pas penser, des choses qui auraient bien le temps de me travailler lorsque les vacances de Noël seraient là et que je retrouverais ma famille.
“Maman et Papa -et tous tes frères qui t’aiment-”

Famille qui était signataire d’une lettre qui créait des sentiments contradictoires dans mon cœur, me perdant une nouvelle fois dans le méandre de mes émotions. D’un côté j’étais heureuse de leurs mots agréables, mais de l’autre, j’aurais voulu qu’ils fassent et qu’ils agissent de manière adéquate. J’aurais aimé qu’ils me comprennent, qu’ils ne m’écrivent pas tous ces reproches à demi-prononcé, qu’ils ne mettent pas tout ces mots qui montraient qu’ils ne me connaissaient pas tant que cela… *Une surprise ?*, si il y avait bien UNE personne qui savait que je n’aimais pas cela, c’était Narym, alors pourquoi Maman m’avait dit cela ?
Je fermais les yeux, me soustrayant à la vision des branches pendantes du Saule pour mettre un bras sur mon visage, me coupant ainsi de tous les fils qui me reliaient à la réalité. Dans ce cocon, il n’y avait que le silence pour répondre à ma solitude. Et je ne souhaitais rien de plus pour fêter mon anniversaire.
Les choses se mélangeaient de plus en plus dans ma tête. Qu’est-ce que ce sera lorsque je les reverrais ?


- Vivement demain, me chuchotais-je à moi même.

Pour une fois depuis que j’avais pris conscience que je n’aimais pas mon anniversaire, j’avais attendu une chose. Naïvement, je m’étais attendu à ce que ce soit différent, ayant presque l’espoir de vivre ce jour entouré par… Par quoi, exactement ? Je me relevais en position assise en riant amèrement : je n’aimais pas être entouré. On récolte ce que nous semons, comme dirait l’Autre. Mais j’avais semé les graines menant au chemin de l’Olympe, n’est-ce pas ? Où était Espoir ? Pourquoi il avait fallu que je me fasse des idées ? Comme je l’avais prévu, il n’était pas bon de se rapprocher des autres, cela donnait de fausses joies, des bonheurs si courts qu’ils en étaient presque inexistants.
Une pensée traversa mon esprit si rapidement que je me demandais si elle avait vraiment existé
. *Charlie…*. Une constatation effrayante me figea sur place, et je restais ainsi, confuse, choquée, apeurée…. Voilà donc ce que j’attendais ? Non.. Je pouvais en citer d’autre, et je savais qu’ils étaient là, cachés derrière ce concept qui prenait tant de place. Car oui, Elle était tout un concept.
Je chassais ces pensée de mon esprit en me laissant tomber en arrière. Se faisant, ma tête percuta légèrement le sol, imprégnant mon crâne d’une douleur aiguë. Je soufflais doucement : la douleur m’aider à ne plus penser.
Alors je sombrais dans cette torpeur bienvenue, bercée par les vagues de douleur qui apaisaient mon coeur et mon esprit. Ma famille serait effrayé de me voir ainsi.
*Ils ne me verront pas comme cela…*, cela résonnait en moi comme une promesse, que je savais être en capacité de tenir. Alors pourquoi un doute persistait dans mon esprit ? Qu’est-ce qui avait changé ?

09 juin 2017, 09:48
Douce Vitalité  Solo 
- II -



8 Janvier 2042
Près du Lac Noir - Poudlard
1ère année


Je n’avais pas prévu cela. Mû par l’envie de m’éloigner de mes sombres pensées, mon week-end avait été minuté à la seconde près. Tout pour me plonger dans une torpeur effarante. De quoi m’occuper à chaque instant, de ne plus penser, ne plus ressentir. La douleur m’aidait aussi à penser à autre chose, cette blessure qui pulsait au bout de ma main représentait tant de chose et à présent, elle m’aidait à m’échapper. Alors qu’elle était responsable de tout cela.

Ce matin, j’avais pris une grande décision. Je m’étais levé et assise sur mon lit, j’avais regardé le flacon de potion que Narym m’avait gracieusement préparé. Cela faisait une semaine que j’étais rentré de Londres et que je faisais le geste auparavant entrepris par Narym pour me soigner la main. Je ne soignais pas, et je ne l’avais jamais fait malgré sa demande, les contusions qui s'effaçaient lentement de mon corps. Je n’avais pas envie de les guérir, par honte ou par fierté. Alors j’avais débouché la fiole, j’avais regardé ma main bandée puis j’avais pris ma décision. Cela ne servait à rien. Pourquoi me soigner alors que je ne parvenais pas à oublier ? J’avais rebouché la fiole et l’avais jeté au fond de mon tiroir. C’était ma tête qu’il fallait soigner, c’était de mes pensées qu’il faillait me débarrasser, pas de cette foutue douleur qui m’apaisait ! Cette révolution m’avait fait un bien fou.
*J’peux contrôler ma douleur !* avais-je alors pensé avec jubilation.

Je clignai mes yeux rendu sec à force de regarder ce foutu parchemin. Une légère brise secoua la feuille, caressa mon visage et mes cheveux. L’air était frais, il gelait le bout de mon nez et malmenait mes mains déjà sèches. Je ne sentais plus le bout de mes doigts, mais ce n’était guère important. Il n’y avait que ce parchemin scellé qui avait un quelconque intérêt à mes yeux. Je m’emmitoufflai dans ma lourde cape d’hiver, faisant glisser la capuche sur mon front. Ma vision se réduisit à ce morceau d’horreur que je regardai. Je ne parvenai pas à m’en détacher. Deux mots me faisaient de l’oeil, me renvoyant en pleine face ce que je souhaitais oublier ;
“Aelle Bristyle, Poudlard", mon identité. L’écriture, légèrement arrondis, petite mais facile à lire, n’était pas celle droite à épaisse que j’attendais, celle de Narym ; c’était celle que je redoutais. Papa. Et donc Maman.

Une semaine. Une semaine était passée depuis la rentrée des vacances d’hiver, et l’espoir que mes parents m’aient oublié s’était fait plus fort chaque jour qui passait sans que je ne reçoive de courrier de leur part. Une semaine à me dire qu’ils se souciaient trop d’Aodren pour penser à moi.
”Je ne leur ai même pas dis au revoir…*. J’aurais aimé croire que cela n’avait pas d’importance. *De toute façon, Maman n’a pas voulu m'accueillir quand j’suis revenu, elle devait être contente de pas me supporter pour mon départ…*. Le venin de mon ressentiment était fort, et je jubilai un instant en imaginant sa tristesse face à mes pensées. Elle avait au moins pu exercer sa chère passion en soignant son fils aimé.

Je serrai mes jambes contre moi, cachant mon visage dans l’abris de mon corps et de ma cape. Je ne voulais pas lire cette lettre, j’avais peur de leurs mots. Le parchemin se froissa entre mes doigts lorsque je les crispais sur ma cape. Le papier était rêche et froid. Et moi j’étais gelée et effrayée.
*Sois courageuse…*.

« Courageuse ? » soufflais-je, évinçant ma pensée d’un mouvement de tête, « ça sert à rien le courage, c’est juste meurtrier. »

Ce n’était pas le courage qui m’avait forcé à me défendre, les quelques fois où j’avais cru faire face à un danger, c’était la peur et la colère. Je me souvenais de cette fille, *c’est quoi son nom déjà ? Peu importe*, cette enfant à Londres ; ma défense avait été une réponse à ma peur, ce n’était pas un quelconque courage qui m’avait forcé à bouger, c’était une peur idiote emplie de colère et une envie de faire mal. Non, je n’étais pas courageuse, mais je n’avais pas honte de cela, j’aurais pu dire que j’en étais fière si tant est que je me posais la question.

Cette lettre, ce parchemin me faisait sacrément peur, et ma défense aujourd’hui était l’immobilité. Rester telle quelle, transcendée le froid, frappée par les bourrasques de vent violentes, attaquée par les battements lancinant de mon cœur. Ce dernier se serrait impitoyablement dans ma poitrine, tout comme je serrais mes jambes contre moi dans le vain espoir de me réchauffer. Le coup que l’accablement me porta fut rude ; tout à coup, le désespoir emplit mon cœur et l’eau mes yeux. J’étais totalement perdu, cela venait de me sauter au visage. Papillonnant des yeux pour les en débarrasser de mes larmes, je levai la tête ; il n’y avait personne autour de moi, le ciel était lourd de nuages gris et noirs, le sol du parc était tourmenté par le vent qui agitait violemment les branches des arbres.
*Qu’est-ce que je fous là, Merlin ?*, me demandai-je brusquement, la gorge nouée. Pourquoi est-ce que je venais me réfugier dans la solitude du parc, seule alors que tous les autres trouvaient réconfort près des chaudes flammes d’une quelconque cheminée ? Il faisait froid ici, et soudain je me souvenai que j’avais quitté le château persuadée que cet endroit m’apaiserait. Mais j’étais seule, complètement et irrémédiablement seule. Et pour la première fois depuis bien longtemps, j’eu l’envie de ressentir une présence près de moi. Pas une personne en particulier, un de ceux que l’on nomme “ami”, seulement un peu de chaleur s’échappant d’un corps, une paire d’yeux qui me regarderait moi, une voix qui me dirait “on s’en fout, Aelle !”.

Tremblante, j’enfonçai mon visage dans l’abris de mes jambes, laissant ma capuche me plonger dans le noir. J’entendais le vent au loin, mais ma respiration était plus forte qui lui. Je voulais éloigner ce soudain besoin de chaleur de moi, mais je ne parvenais qu’à le rendre plus fort, je ne parvenais qu’à penser à ceux que je voulais. Comme à la recherche d’une preuve d’Avoir, mon cœur regardait dans plusieurs direction ; vers ma famille, mais impitoyable, la vie se rappela à moi. Vers mes connaissances du château, direction que je rejetais en force, ils n’étaient rien. Puis subtilement, douloureusement, une idée vrilla dans mon crâne, c’était un rappel, une douce mélodie qui me chatouillait les oreilles ; des mots mélodieux, des mots qui donnaient chaud et m’enserraient de leur bras soyeux. Je fermai les yeux, me permettant, m’accordant cet instant de répit, je tendai l’oreille, j’écoutai et me laissai aller dans une étreinte que j’avais refusé, “Personne ne pourra se mettre en travers notre chemin ma belle”. Claire, au doux timbre, la voix amena des milliers de frissons, je gémis doucement en remarquant que dans la pénombre de ma capuche, je ne parvenais pas à détacher mon attention de cette voix, “ma belle”, me chuchotait-elle à l’oreille. Tremblante, hésitante, je ne bougeai pas, de peur de faire disparaître cette vision du passé. Mais ma conscience se rappela à moi, insidieuse, douloureuse et moqueuse :
*c’est ce que je veux ? C’est cette erreur que je veux ?!*. Un gémissement m’échappa.

Mon cœur s’emballa soudainement, emmenant avec lui une myriade de pensées parasites ; la colère fut frappante, elle me secoua soudainement, rapidement, je repoussai avec force la voix, comme je l’avais déjà fait. Brusquement, je m’arrachai la capuche de la tête et me pris de plein fouet la claque du vent. C’était violent, je suffoquai, ballotté entre deux courants puissant.
*Pense pas à ça, pense pas à ça*, priai-je ma conscience, Merlin, pourquoi m’étais-je laissé aller ? Le souvenir de Charlie me frappa en plein cœur et, comme son véritable Elle, la vision balaya le souvenir de ma famille. Suffocante, je lâchai mon parchemin qui tomba sur l’herbe humide ; je me repliai sur moi même, tentant d’apaiser cette douleur qui faisait pulser mon cœur. J’aurai aimer la haïr, j’aurai tant aimé la haïr. Je sentai les larmes qui coulaient sur ma joue, je ne les essuyais pas, me contentant de me laisser tomber de côté. Mon visage s’écrasa contre le sol humide, mes larmes se mélangeaient avec les gouttes d’eau qui recouvraient l’herbe.

L’humidité et la fraîcheur sur mon visage me fit du bien. Je restai ainsi, laissant mes yeux errer sur la surface du lac, rendue verticale par ma position. Je me sentai fatigué, plus fatigué que jamais. Et je tremblai d’une colère que je n’avais pas la force d’exprimer. Mon erreur, son erreur, j’avais besoin d’une personne à détester pour ce qu’il s’était passé en novembre, mais peu importe le temps qui s’écoulait, la compréhension ne m’atteignait jamais. Ce qui n’avait pas changé, c’était cette tristesse douloureuse qui m’avait jeté devant la porte de l’infirmerie ce soir là ; parfois, j’avais la sensation d’être bloqué dans un temps où je n’étais plus. Tout s’écroulait autour de moi, et ce que j’avais fait à Aodren était la preuve que je n’avais plus aucun contrôle. Alors puisque je ne contrôlais plus rien, à quoi cela servirait de continuer à se battre pour le pouvoir ? Dans la torpeur du quotidien, rien ne pouvait m’arriver, non, rien…

Devant mon regard dévié, soudainement passa une feuille emportée par le vent. La seule et unique preuve de ce tourment invisible qui volait dans le ciel. Je la suivais des yeux lorsqu’elle remonta la verticale du Lac, jouant avec la surface, puis lorsqu’elle tomba lentement vers le sol quand le vent cessa sa torture. Alors je murmurais doucement, comme effrayée que le vent ne vienne me chercher :


« C’est comme la feuille. Me cacher… »

Peut-être était-ce cela ? Je me relevai lentement en position assise, fermant les yeux lorsque le monde tangua autour de moi. Le Lac retrouvait son horizon, je récupérai ma lettre, cette lettre honnie. Le parchemin rêche, gondolée par l’humidité. Que ce soit aujourd’hui ou demain, rien ne changerait, alors reniflant doucement, je décachetai le courrier.

“Aelle”


L’écriture de Papa était douce et appliquée, animée par une passion des mots que je pensais comprendre. Mais aujourd’hui, je ne partageais pas cela avec lui, aujourd’hui je ne voyais que ces lettres qui formaient mon prénom, sans le “chère” le précédent, sans de surnom, sans rien d’autre qu’une vulgaire virgule. Une virgule qui me chuchotait "prépare toi, ça arrive". L’effroi de cette lecture était unique, ce morceau de parchemin et ce qu’il contenait enserrait mes poumons dans un étau invincible.

“Il nous semble important de t’envoyer ce courrier. Sous les conseils de ton grand frère,”


« Narym ! » m’exclamai-je soudainement. Il m’avait trahi ! Je lui avais dis de ne parler à personne, mais dès mon départ il semblait s’être précipité vers la famille. Un sentiment de culpabilité m’emplit le cœur ; évidemment qu’il retrouvait la famille, je l’en avais empêché toute la fin des vacances. Il n’avait sûrement pas vu Aodren avant son départ. C’était de ma faute. Je gonflai mes joues, puis expirai lentement un long souffle brûlant et tremblant.

“nous avons attendu quelque temps que tu te remettes, mais cela ne peut plus durer. Nous nous faisons énormément de soucis pour toi, Ely.”


Ah. Le surnom faisait son entrée, marquée par le long “y” de Papa, celui qui s’enfuyait si loin qu’avant, il me donnait l’impression de venir me chercher, comme s’il allait m’agripper pour me serrer contre Papa. Maintenant il me perforait le cœur. Ils se faisaient du soucis ? Je ne pouvais le croire ; j’eu un reniflement de dédain.

“Il est évident que ces derniers temps, nous n’étions guère dans la compréhension les uns et les autres.”


« Quand est-ce que vous l’... ». Je me stoppais net. J’avais peur de me rendre compte, si je parlais à voix haute, de la tristesse qui suintait dans ma voix. Je pris une inspiration, peut-être que si je lisais fort, les mots perdraient de leur signification. « De ton côté, tu aurais dû nous… », j’expirai, « nous parler de ton mal être ». Je sentai ma voix défaillir. « Et nous, nous aurions dû remarquer tout le rest… ».

Ma voix, déjà rauque par l’absence de parole, s’éteignit lorsque je parvins à la fin de la phrase. La voix de Papa résonnait dans ma tête, ce n’était pas ma voix que j’entendais mais la sienne. Je fermai les yeux. Je ne voulais pas qu’ils remarquent. J’aurais aimé que les choses restent telles qu’elles étaient avant mon arrivée à Poudlard. Lorsque je ne ressentais pas de plaisir à voir la peur dans le regard de mon frère. Lorsque je ne souhaitais pas voir mes parents loin de moi. J’étais incapable de continuer de lire à haute voix.

“Ce qu’il s’est passé durant ces vacances nous a tous bousculé Aelle.”


*Surtout vous*, répondis-je à la voix de Papa avec une mauvaise foi évidente.

“Mais tu ne peux rester seule dans ton coin. Nous sommes une famille, nous réglerons cela en famille. Tu as douze ans, il est grand temps que tu assumes la responsabilité de tes actes.”


« La responsabilité de mes actes ? » criai-je soudainement. Je me levai rapidement et ignorant que seul le vent m’entendait, je m’exclamai une nouvelle fois : « Et cet abruti, il l’assume, hein ? C’est sa faute, sa faute, sa… »

Incapable de mettre des mots sur mes pensées, je poussai un hurlement inutile vers le ciel plein de grisaille. Je me sentais impuissance, les mots de Papa et Maman m’agressaient et je ne pouvais rien faire pour les contrer. Si, je pouvais faire une chose ; je froissai le parchemin entre mes deux mains. La douleur explosa dans ma main droite sans que je ne m’y attende. J’avais oublié. Je gémis doucement en la ramenant près de moi, mes phalanges pulsaient étrangement, mes blessures s’étaient-elles rouvertes ? Je regardai ma main tremblante, le parchemin m’avait échappé et il gisait sur l’herbe mouillé. Tant pis. Lentement, presque chirurgicalement, je dépliai mes doigts à l’aide de ma main gauche. Une douleur terrible m’arrachait une grimace à chaque mouvement, mais je persistai. Prenant une grande respiration, je crispai ma mâchoire ; je fis pianoter mes doigts, la douleur était encore présente mais elle s’éloignait lentement. Je continuai, mes yeux cachant toujours mes larmes, jusqu’à ce que la douleur soit supportable. Lorsqu’elle le fut, je rouvris les yeux. Ma main n’était plus qu’une vulgaire partie de moi qui gisait sans vie au bout de mon bras.

Tremblante et dorénavant calmée par la douleur, je me penchai pour récupérer le parchemin ; il était détrempé à certain endroit, mais la lecture restait possible. Je m’enfermai dans une indifférence feinte.

“Ce que tu as fait nous est difficilement compréhensible, que ce soit pour nous tous ou pour Aodren”


« M’en fous de lui. » soufflai-je inutilement, considérant ces paroles comme une vengeance face aux mots vides de sens de Papa et Maman. Croyaient-ils réellement qu’Aodren ne comprenait rien ? Leur innocence me fit sourire. Il comprenait tout, il savait pourquoi je l’avais frappé. Il l’avait cherché tout seul, comme un grand. Je revoyais encore son sourire lorsqu’horrifié, j’avais trouvé la bombabouse de Charlie détruite. Il avait tout compris car il avait tout calculé.

“Nous comprenons que tu sois aussi bouleversé que nous, et c’est pour cela que nous t’avons laissé chez Narym. Mais ton silence nous inquiète, comprends-le. Te rends-tu compte de la gravité de tes actes ? Tu ne peux nous fuir après cela.”


Je gonflai les joues, agacée. *Si je le peux*, pensai-je avec hargne. Leur leçon inutile m’excédait. Je savais ce que j’avais fait, allaient-ils me décrire mes actes tels qu’ils s’étaient passés ? Leur parole ne m’apportait rien, absolument rien.

“Nous te demandons pas des explications maintenant, cela ne réglerait rien, mais nous te conseillons de réfléchir à ton action.”


Merlin non, je ne voulais plus y penser, mes sentiments à propos de cela étaient bien trop virulents et difficiles à comprendre pour que je me laisse à y penser. Je souris nerveusement, je voyais le visage d’Ao’ chaque nuit qui passait.

“Nous nous rendons compte que tu n’es pas la seule responsable. Nous avons eu une discussion avec Aodren.”
.

« Ah », fis-je, étonnée.

Je parcourai rapidement des yeux les lignes noircies par Papa, pour me rendre compte qu’ils ne s'appesantissaient pas sur le sujet. Frustrée, j’enfonçai mes dents dans ma lèvre inférieure. Que lui avaient-ils dit ? Et lui, comment avait-il réagit ? Je ne m’attendais pas à ce qu’ils se rendent compte qu’Aodren était la cause de tout cela.


“Saches que nous t’aimons malgré tout.”


Mon cœur fit un soubressaut dans ma poitrine avant que ma conscience ne me frappe vicieusement. « Malgré tout, hein ? ». Sans comprendre réellement pourquoi, ces mots me laissaient un goût amer dans la bouche. Comme s’ils me disaient que malgré celle que j’étais, ils faisaient l’effort de m’aimer quand même. Ma bouche se tordit désagréablement et ils me montraient une face, puis ils se retournaient pour me montrer l’autre. Mon cœur se serra.

“Tu restes notre petite fille et notre souhait de te voir heureuse est plus fort encore maintenant que nous te savons au plus mal. Tes frères nous demandent sans cesse de tes nouvelle. Nous leur avons dit de te laisser le temps d’accepter tout cela, de ne pas t’envoyer de hibou pour ne pas que tu te sentes acculer.”


*C’est pour ça*, comprenais-je soudain. Si j’avais attendu avec crainte de recevoir cette lettre, je m’étais demandé chaque matin, en lisant celle que m’envoyait Narym, ce que mes autres frères pensaient de moi. Au fil des jours, j’avais commencé à me dire que, comme Papa et Maman, ils étaient trop préoccupés par Ao’ pour penser à moi. Je m’en étais persuadé, et les mots de Papa me surprenaient. Mais au fond, je me rendais compte que j’en voulais à Natanaël et Zakary d’avoir gentiment suivit les ordres de nos parents sans chercher à prendre de mes nouvelles. Ils avaient sûrement à écrit à Aodren, lui avait le droit. Je pris une grande respiration. De toute manière, je voulais pas de leurs nouvelles. Alors cela ne m’importait peu, finalement.
“Nous ne pouvons maintenir plus longtemps leur inquiétude, alors accepte de recevoir leurs lettres. Ils ont besoin d’avoir de tes nouvelles.

Comment s’est passé ton retour à Poudlard ? Qu’as-tu appris ? Nous espérons que le retour près de tes amis apaisera tes tourments. Ely, nous attendons ton hibou avec hâte. “

« Pfff ». Agacée, je lis rapidement la fin de la lettre. “Avec tout notre amour, Papa et Maman" . Je froissai le parchemin et le fourrai dans une des poches de ma cape. Je relevai la tête pour regarder le lac. La surface frémissait doucement, presque timidement ; elle ne ressentait pas le froid de la brise qui la caressait, contrairement à moi. Je reniflai avec force avant de poser ma tête sur mes genoux. Je ne savais que penser de cette missive. J’étais en colère, et triste. Je voulais les ignorer, mais à cette pensée, l’importance de leur répondre me sauta alors aux yeux. C’était le seul moyen pour qu’ils ne me posent pas de questions plus tard. Je soupirai avant de me laisser tomber en arrière, sur le sol humide et froid. Allongée, je regardai le ciel gris régner au-dessus de moi comme le silence me cernait. Un jour, j’avais trouvé cela agréable. Aujourd’hui, je sentai cette solitude peser étrangement sur mes épaules ; je savais que j’avais besoin de quelque chose, sans savoir pourtant de quoi il s’agissait. Cette lettre de Papa et Maman m’avait douloureusement rappelé la complicité qui me liait auparavant à ma famille. Qu’est-ce qui avait changé ? Moi ? Eux ? A cet instant, je me rendis compte que cette complicité familiale me manquait plus que tout. C’était la seule chose qui m’avait éloigné de ma solitude qui faisait fuir les Autres. Aujourd’hui, j’étais comme cette feuille ballottée par le vent ; libre de mes mouvements, rendue solitaire par mon propre comportement, je ne trouvais plus mes repères, je ne comprenais plus qui j’étais. Et je ne savais plus qui je voulais être. La passionnée solitaire ? La violente et indifférente ? Et si cela n’avait pas d’importance ?