En apprenant que sa correspondance a été lue, Kristen soupire longuement. Elle finit par penser que c’est une manie, et qu’elle ferait presque mieux de s’en remettre à la poste des Moldus.
« Je vois… dit-elle, pensive. »
Elle récapitule dans sa tête ce que pense Simon Ricoter : qu'Aude Luneau a assassiné Pierre Legallet, et s'est réfugiée ici, à Poudlard. Kristen croise les bras et plisse les yeux dans un air assez mauvais. Ce ministre-là l’exaspère.
« Si Aude était ici, je vous l'amènerais volontiers, pour que se tienne son procès et vous apporter la preuve que vous avez tort de douter de son innocence. »
Elle marque une pause.
« Mais si vous voulez en avoir le cœur net, Monsieur Ricoter, je vous en prie, entrez donc. Je ne crois en revanche pas utile de prendre le risque mettre mon école sens dessus dessous. Si vos convictions étaient en adéquation avec la réalité, il me semble évident qu'apprenant la nouvelle de votre visite, je n'aurais pas gardé Aude Luneau sous mon toit, mais l'aurais cachée ailleurs. Vos Aurors auraient donc mieux à faire que se masser devant ma porte avec cet air menaçant qui leur va bien. »

Isabel fronça légèrement les sourcils devant les paroles de Ricoter. Cet homme ne lui plaisait décidément pas, et ce sentiment désagréable à son égare ne fit que renforcer le désir d'Isabel de rentrer dans le jeu de Kristen. Que celle-ci mente ou non, elle n'avait qu'une envie : faire taire cet homme d'état qui semblait oublier qu'il n'était pas son propre pays.
Lorsque Kristen invita l'homme à entrer, la sous-directrice lui jeta un rapide coup d'oeil. Peut-être avait-elle emmené Aude en dehors de l'école - ce qu'elle espérait au fond -, auquel cas elles ne risqueraient rien pour le moment. Néanmoins, savoir que cet homme et probablement une bonne partie de ses aurors allaient pénétrer dans l'établissement la mettait mal à l'aise.
Elle comprit cependant que rajouter une couche de paroles au discours de Kristen ne ferait que créer une surenchère peu crédible. Isabel garda donc le silence, préférant attendre de voir si Ricoter allait réellement entrer ou non avant de prendre une quelconque décision d'action.

Kristen est réellement surprise par l’arrivée d’Emily Fawkes de l’autre côté du portail. Elle doit bien admettre qu’elle se sent assez soulagée. Ce n’était pas de bon cœur qu’elle invitait Ricoter, roi des lâches, et son armée de sbires, dans le domaine de Poudlard – car il fallait bien être lâche pour, à plus de quarante, s’attaquer à une école pleine d’enfants – ou d’adolescents, à la limite – et avec pour toute défense conséquente une petite quinzaine d’adultes qui n’étaient pas tous du niveau Auror. Inconsciemment, elle jette à Ricoter un autre regard mauvais, qui veut plus ou moins dire : « Attends un peu qu'on se retrouve seul à seul, mon p'tit gars. »

Interceptant le regard d’Emily Fawkes, Kristen bras croisés, fait se refermer le portail d'un geste du doigt et les protections se rétablissent tout à fait à cet endroit. Aucun doute qu’Emily Fawkes n’est pas la seule au Ministère à être au courant de la présence d’une quarantaine d’Aurors devant Poudlard. Kristen ne croit pas Ricoter assez stupide pour vouloir déclencher une guerre dans le seul but de pouvoir fouiller Poudlard, bien que l’exaspération qu’elle ressent à son égard lui fasse naturellement douter de l’esprit du ministre français. Elle ne dit rien, et reste là pour observer la suite des événements. Rien ne dit qu'au final, le ministère ne va pas se ranger du côté de Ricoter pour lui permettre de mener à bien son enquête.

Isabel fit un pas rapide en arrière en constatant l'apparition d'une femme devant le Ministre Ricoter. Isabel avait sorti par réflexe sa baguette, mais se dépêcha de la ranger en reconnaissant la Directrice du Département de la coopération magique. Les traits de la sous-directrice se détendirent au fur et à mesure que les mots d'Emily Fawkes sortaient de sa bouche. Lorsque les portes du domaine se refermèrent au nez du français, Isabel laissa s'échapper un léger soupir avant de lancer un regard furtif vers Kristen.
Puis elle observa la nouvelle arrivée le temps d'une seconde avant de lui demander : "Que comptez-vous faire ?". Isabel stoppa sa question à ces quelques mots qui englobaient au fond plusieurs situations : la venue de Ricoter, les raisons de sa venue, et l'implication que pouvait avoir Poudlard au sein de la fuite d'Aude Luneau. Le professeur ne savait pas exactement de quoi était au courant le ministère britannique, aussi préférait-t-elle rester évasive.

Kristen, sans y faire attention, se saisit de sa baguette. Elle est loin d'apprécier les menaces de Ricoter et éprouve de plus en plus l'envie irrésistible de lui rabattre son caquet. Sa colère n'a cependant pas le temps de plus s'exprimer, car c'est une très certaine incompréhension qui lui succède. Aude, faire une demande d'asile auprès du Ministère de la Magie britannique ? Demande acceptée et approuvée par Arseni ? Il était pour Kristen évident qu'Aude n'avait pas fait cette demande, car elle n'aurait pas agi comme elle l'avait fait ce soir si cela avait été le cas. Arseni aurait-il monté cette histoire tout seul pour la protéger ? Pourquoi aurait-il fait une chose pareille ? Fronçant les sourcils, Kristen fait passer son regard d'Emily Fawkes à Simon Ricoter, et inversement, à plusieurs reprises.
« Bien... Je crois qu'il existe des endroits plus appropriés pour réfléchir à vos affaires politiques, aussi ne vois-je pas l'utilité pour vous, Monsieur Ricoter, de rester ici, dans la nuit de nos froides contrées, dit-elle avec un air de "je-dis-ça-pour-vous" qui devait être assez désagréable aux oreilles du ministre. »

Isabel jeta un regard froid à Ricoter. Mais au fond, la jeune femme savait que ce qui venait de se dérouler ne ferait qu'augmenter la fureur de cet homme qui semblait prêt à beaucoup pour retrouver Aude. Elle détourna vite ses yeux pour les poser sur Kristen, puis sur Emily Fawkes dont le discours laissa Isabel muette d'étonnement durant quelques instants.
Lorsque Kristen eut fini de parler, la sous-directrice lui dit à voix basse.
"Je vais prévenir les autres professeurs. Y a-t-il autre chose que je puisse faire ?"