Le 19 février 2047
A l'heure de la réunion

Je sais que Miss Valerion nous a fait convié ce soir. Et je sais aussi que tous les autres prodiges seront présents. Mais depuis que je suis remontée dans mon dortoir, après un copieux repas, je suis incapable de me lever. Bien que je doive certainement me lever pour courir à la salle de bain et faire sortir ce fichu repas qui a décidé de ne pas passer. J'essaie de lire, pour ne pas gâcher de précieux instants en restant allongée à fixer le vide, mais je ne suis pas capable de lire plus de deux phrases sans avoir des haut-le-coeur.

Quelle étrange sensation ! Je ne suis que rarement malade, et cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas été que j'ai presque envie de pleurer. Il n'y a que la présence de mon chat, lové sur mon flanc droit, qui me rassure vraiment. Le contact du livre que je tiens sur mes cuisses étendues, sans parvenir à poser les yeux dessus, est aussi un espèce de soutien.

Je crois que le pire, dans tout ça, c'est que je rate une soirée de Miss Valerion, alors que j'ai tant à apprendre d'elle et des autres prodiges. J'imagine la professeure en train de discuter avec Dale de ses recherches, avec Eaven de la mémoire... Mais je suis incapable de me rendre à cette soirée.

Alors je me décide à écrire à Miss Valerion, en rassemblant mon courage et la force qu'il me reste.

Chère Miss Valerion,

Je vous écris pour vous remercier pour votre invitation. Je ne peux malheureusement pas assister à cette soirée, car je me sens trop malade pour quitter mon dortoir. J'espère que vous ne m'en voudrez pas, et sachez que je me ferais une joie de venir à n'importe quelle autre soirée à l'avenir.

Bien à vous,
Adaline Macbeth

J'envoie la note, en espérant qu'elle vienne aux mains de ma professeure assez vite. Ce que j'espère le plus, dans toute cette histoire, c'est qu'elle ne m'oublie pas.

Peu de temps après l’arrivée de Wilson, le professeur Valérion fit son entrée. En fait, elle était là, elle était juste à l’étage pour préparer de quoi faire duel. S’il avait su Wilson serait monté directement, il aurait tenté de défier sa professeure pour se tester sur son niveau une nouvelle fois dans cette matière dont il excellait. Cette idée s’envola aussitôt lorsque le professeur évoqua le souhait d’entrainer Edmund au sortilège du Patronus. Wilson n’avait pas besoin de ce cours puisqu’il maitrisait déjà ce sortilège, bien sûr, mais en voyant l’engouement que cela provoqua chez Ennis et Bad, Wilson pensa immédiatement que cette séance allait devenir un cours particulier sur le sortilège du Patronus, alors il dit :

« Si vous avez besoin de votre fidèle assistant, madame, je suis là ! »

Il faisait référence à ce cours de quatrième année, où il avait assisté le professeur Valérion, plutôt que d’aller en cours de métamorphose, pour l’apprentissage du sortilège du bouclier, un sortilège qu’affectionne tout particulièrement Wilson. Le sortilège du Patronus est plus compliqué, plus technique, donc moins agréable à lancer mais l’effet chez les autres lorsqu’ils s’aperçoivent qu’on arrive à lancer un Patronus corporel est tellement passionnant. D’ailleurs, s’il fallait refaire une démonstration une nouvelle fois devant ses camarades, il était prêt.

Être le plus âgé des élèves du Club n’avait pas que des avantages, et il en prit conscience à cet instant, car finalement, à la différence des autres, il n’apprit pas grand-chose de plus. A moins qu’il soit déjà excellent au point de ne plus rien à voir, à apprendre ? Non, ce n’est pas possible, tout est perfectible, tout peu être amélioré. Wilson a une nouvelle fois hâte de rendre service au professeur de sa matière favorite.

Bad Eaven avait failli appeler sa profession par son prénom. Les autres élèves avaient dû trouver ça étrange et pourtant aucun d’entre eux n’avaient fait une remarque, ils avaient simplement écouté ce qu’il avait à dire. Il souhaitait participer de manière passive au cours particulier du petit protégé de Sixtine. Car, même si Eaven aurait pu être le préféré de Sixtine, il avait profondément blessé celle-ci lors du dernier cours. Il aurait cependant une chance de se rattraper le mercredi suivant.

Après le Serdaigle, se fut au tour de la préfète de prendre la parole. Elle demanda la même chose que son camarade. Elle aussi, voulait assister au cours particulier du prodige. Puis, Wilson proposa son aide. Sixtine préféra ne pas répondre avant Edmund Dale. Après tout, il était le principal intéressé et, elle ne souhaitait pas prendre de décision à sa place. Lorsqu’il répondit par l’affirmative, elle allait prendre la parole mais une lettre de glissa dans sa main, comme par magie… L’avait elle intercepté en cours de route ? L’avait elle vu venir ? Prédiction ? Troisième œil ? Personne ne sait. Elle prit le temps de lire les quelques mots avant de déclarer :

- Miss Macbeth est malade, elle ne viendra pas ce soir. Miss O’Belt s’il vous plaît, vous pourrez vous assurer qu’elle va bien lorsque vous retournerez à votre dortoir ? Merci. Bien, puisque vous semblez tous intéressé par ce cours et que Mister Dale est d’accord, je n’y vois pas d’inconvénient. Vous avez tous une plume et du parchemin ? Si ce n’est pas le cas aucun soucis, il y en a sur la table devant la cheminée.

Puis, Sixtine s’installa dans l’un des canapés devant la cheminée en attendant que les élèves fassent de même.

- Vous allez tous m’écrire ce qui vous semble être votre souvenir le plus fort, le plus joyeux. Bref celui qui vous donne le sourire à tous les coups. Wilson, vous pouvez également faire l’exercice et de mon côté, je vais le faire aussi.

Elle griffonna ensuite quelques mots sur le parchemin avant de redresser la tête.

- Alors, dites nous ce que vous avez écrit ? N’ayez pas honte surtout, nous sommes entre nous.

Mais oui. Bah oui. Bah bien sûr que ça ne la dérange pas de voir ses petits prodiges assoiffés de connaissances en profiter pour en acquérir encore plus, passant ainsi sous le nez d'Edmund. Parce que, bien évidemment, ce que veut Edmund, c'est jamais important. HEIN.

J'ai vraiment besoin d'avoir une discussion avec Miss Valerion. Mon hypocrisie s'approche dangereusement de ses limites.

Je prends soin de me placer à côté de notre professeure. Et du côté droit. Qu'Eaven ne se mette pas à croire que, parce qu'il l'appelle par son prénom, il est plus légitime à s'asseoir à cette place que moi. Et je m'empare par la suite, comme elle l'a demandé, d'une plume et d'un parchemin.

Or, le simple fait qu'elle demande d'y écrire notre souvenir le plus heureux me fait instantanément esquisser un sourire. Moi je sais pourquoooi. J'ai déjà fait la théoriiie.

Je pose immédiatement ma plume et mon parchemin sur mes genoux pour ouvrir mon carnet à la page où j'ai listé une bonne vingtaine de souvenirs heureux. Liste que je n'ai cessé de peaufiner depuis deux semaines. Je me suis dit que, au moment de mes essais, j'essayerai chacun d'entre eux jusqu'à ce que l'un d'entre eux m'offre un Patronus digne de ce nom. Je n'ai qu'à en choisir un qui pourrait être pertinent dans le contexte...

Hmm... Bulletins, balais offerts, matchs, cousins, duels... Au moins, j'ai l'embarras du choix. Mais, à mes yeux, aucun d'entre eux ne démarque réellement. J'ai peut-être un peu trop médité à la question, pour le coup.

Et puis... Mince, il y en a quand même de vachement personnels. Genre hors de question d'écrire un moment avec Maman ou Lili.

Quoique peut-être qu'elle ne souhaite pas qu'on les dévoile à l'assemblée par la suite. J'ai probablement interprété un peu trop loin, pour le coup.

— Alors, dites nous ce que vous avez écrit ?

... Ou pas.

Je n'ai rien n'écrit. Enfin... Si, en soi, j'ai déjà écrit pas mal de souvenirs qui sont actuellement sous mes yeux. Je n'aurai qu'à broder. Je verrai bien en fonction des réponses apportées par les autres. Parce qu'il est clairement hors de question que je sois le premier à m'exprimer.

Ça ne le dérangeait pas? Parfait. Pas plus qu'il ait pris une soit disant avance sur la théorie... Que croyait-il? Qu'il avait l'apanage de l'accès à la bibliothèque? Et puis... Ce sortilège, elle l'avait déjà vu à l’œuvre avant que Wilson ne le lance. Elle connaissait les animaux fantomatiques de ses frères et de son père. Jamais Cathleen ne l'avait lancé devant elle. Domhall produisait un lapin, Diarmuid... Diarmuid avait longtemps attiré à lui un colibri, c'était un corbeau maintenant et leur père un aigle. Elle savait aussi qu'il fallait faire un exercice de visualisation très fort.

Mais Ennis ne laissa rien paraître devant le Serpentard. Autant lui laisser croire qu'il avait un quelconque avantage. Elle faisait ça pour elle, pas pour être meilleure que lui. La conversation fut interrompue par l'arrivée d'une lettre à destination de la professeur. La châtain acquiesça à la demande qui lui était faite, ajoutant: "Bien sûr Miss, et si son état est trop préoccupant je l'inciterait à se rendre à l'infirmerie, quitte à l'y accompagner de nuit s'il le faut." Cela faisait aussi parti du rôle de préfète après tout.

Plume et parchemin se trouvaient dans son sac de cours, elle devait se rendre à son cours avec le professeur Lorenti par la suite. Livre ancien toujours dans les bras, elle parti chercher ses affaires pour se réinstaller sur un fauteuil qui ne pouvait accueillir qu'une seule personne. Pour cet exercice personnel dont elle savait la portée, elle préférait que les autres n'aient pas de visuels sur ce qu'elle allait inscrire. Et puis... les contacts physiques restaient peu évident, même avec un ami comme Bad.

Le livre des magies de l'esprit fut rangé et de quoi écrire sorti, incluant un lutrin portatif des plus pratique pour écrire quand on n'avait pas de table à disposition. Un présent qu'elle sortait régulièrement et que ses camarades de promotions avaient déjà vus plusieurs fois, surtout en Astronomie. Un souvenir fort et joyeux, qui donne toujours le sourire. C'était ce qu'elle avait lu, sans jamais chercher à identifier pareil souvenir. Sur son parchemin, elle commença par noter Jeffrey, avant de s'interrompre. Leur relation était particulière en ce moment, et ça ne lui donnait pas tant envie de sourire. La coupe de Quidditch? Mais les évènements du dernier match revinrent à son esprit. Nouveau trait pour barrer l'idée.

Jeffr

Les courses? La perspective de se mesurer aux autres sur un balai lui donnait toujours le sourire, comme les duels, mais en plus intense.

S'entraîner pour faire Kopparberg

Un première idée venait de s'inscrire sur le parchemin, un but qui lui donnait de la force. Elle cherchait toujours quand la professeur demanda ce qu'ils avaient écrit. Elle ferma les yeux un instant, qu'elle était l'image qui s'imposait à elle et qui symbolisait ce bonheur. Ses runes internes défilèrent jusqu'à ce qu'un assemblage de symboles ne se présentent. Elle rouvrit les yeux et reproduisit sur le parchemin le tatouage de son frère en ajoutant la rune oghamique correspondant au O.

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La châtain jeta un regard aux trois garçons. Edmund ne semblait pas vouloir parler, ses prunelles se posèrent sur la professeur.

- "C'était lors des dernières vacances. Nous avons célébré Yule en retard - nous étions encore à Poudlard le jour du solstice - c'était avec mes frères et..." Les mots se bloquèrent. Elle inspira doucement, maîtrisant ses émotions comme on le lui avait toujours appris. Hors de question de se laisser submerger devant quiconque ici. Elle préférait encore aller trouver son aîné, même si elle n'avait pas vraiment goûté d'apprendre aussi tard sa venue dans ces murs. Il y avait des choses qu'elle ne pouvait pas dire, surtout devant les deux Serpentard. "Et c'était le plus beau depuis longtemps." Elle déchira le parchemin pour ôter les mentions de Jeffrey et de la mythique course sportive et ajouter sous l'ensemble de runes deux mots pour les décrire.

Yule ensemble

Le petit bout de parchemin solitaire fut serré dans son point, celui portant la mention de sa fratrie au complet resta posé devant elle. Elle ne savait pas si elle devait le tendre ou non à sa professeur.


Mot soulignés pour Au fil des mots

Le Septième année s’installa sur l’un des fauteuils de la salle, puisque le cours particulier du Patronus allait être théorique. Finalement, cela pourrait aider tout de même Wilson, rien qu’en révision pour les ASPIC, par exemple, cela pourrait l’aider. Wilson prit de quoi écrire qui trainait dans son sac, et un livre pour pouvoir écrire sans percer le parchemin, et attendit les consignes. Le professeur Valerion demanda d’écrire le souvenir le plus fort qu’ils avaient en tête. Facile pour Wilson car il l’avait déjà trouvé mais il se souvient qu’il avait dû chercher pendant de long moment pour trouver LE souvenir parfait pour ce sortilège. Il résuma son exploit au football moldu sur son parchemin, avec sa tête dans les journaux locaux et leva la tête pour écouter ce que ses camarades allaient dire.

Edmund qui était pourtant le principal intéressé par l’exercice de n’exprima pas. Ennis, quant à elle s’exprima, et elle en avait les larmes aux yeux. C’était donc certainement un souvenir assez fort pour qu’elle puisse lancer le sortilège, mais en même temps, si elle se met à pleurer à chaque fois qu’elle doit lancer un sortilège de Patronus, ça va devenir gênant. Wilson ne dit rien sur ça, car il ne sait pas trop si c’est compatible et si contrairement à ce qu’il pense, ça peut être une force pour le lancer du sortilège.

Vient son tour de s’exprimer, il se racla la gorge et dit :

« Moi j’ai eu du mal à trouver le souvenir au départ, lorsque j’ai appris ce sort. J’ai fait l’erreur de penser que la découverte de ce monde magique suffirait pour le lancer, mais le souvenir n’était pas assez fort. Aujourd’hui je sais qu’il faut que je pense à ma victoire au championnat de football lorsque j’avais dix ans. J’étais capitaine de l’équipe et comme on a gagné, on a fait la une du journal local, à Oxford. Ce n’était pas grand-chose, mais quand on a dix ans et qu’on rêve de gloire, se retrouver sur la une et entendre tout autour de nous des félicitions, c’est énorme ! A l’époque je ne savais pas que j’étais un sorcier, je rêvais de devenir footballeur professionnel. »

Wilson avait exprimé ces mots avec un sourire satisfaisant, des étoiles pleins les yeux comme il en avait eu lorsque l’évènement avait eut lieu. Il se souvient de tous dans les moindres détails : ses coéquipiers attaquants qui marquent plusieurs buts, son catch qui félicitent l’équipe, et son statut de capitaine qui ne voulait à l’époque pas dire grand-chose mais qui représentait une fierté quand même dans les yeux de Wilson. Ces poignées de mains en ville par des milliers d’enfants, son entourage, voisins qui le félicitait. Le début de la gloire, lui qui rêvait à l’époque d’intégrer une école de foot pour devenir professionnel… avant que la lettre pour Poudlard vienne tâcher cette progression sportive fulgurante.

Ennis aussi voulait saisir l’opportunité d’un cours particulier sur les Patronus. Savoir que la préfète y portait autant d’intérêt que lui rassura Bad sur le bien fondé et la légitimité de sa demande. Pourtant ce souhait commun ne semblait pas faire davantage plaisir à Edmund que cela. Son sourire trahissait ce que ses mots tentaient de masquer. Une bonne dose de jalousie. Pourtant, Bad, focalisé sur la réponse de Miss Valerion, n’en perçut rien. Seule la réponse positive du Serpentard lui parvint au cerveau. Ce fut donc innocemment qu’il répondit à Edmund.

« T’inquiète pas, on devrait vite rattraper notre retard ! »

L’aide bienvenue de Wilson enthousiasma encore davantage le Serdaigle. Le cours particulier allait rassembler tous les petits prodiges du club à ce rythme-là. Il ne restait désormais plus qu’à attendre le verdict de l’enseignante. Ce dernier, positif, ne tarda cependant pas à arriver. La discrétion prévue par Bad lors de cette nouvelle réunion du club Prodigium semblait s’évaporer comme de la Bièraubeurre face au souffle de la vouivre noire de Miss Loewy. L’ancien préfet se hâta de récupérer plume, encre et parchemin à l’endroit désigné par Sixtine Valerion avant de s’installer sur l’un des fauteuils moelleux encore libre. S’approcher de l’enseignante était encore chose impossible.

Baissant les yeux sur le parchemin posé sur ses cuisses relevées comme support, Bad s’attela à l’exercice. Les années passées sur les bancs de Poudlard et ses différentes lectures sur les Patronus lui faisaient rapidement esquisser une passerelle évidente entre ce souvenir joyeux et le ressenti nécessaire au lancer d'un sortilège. Et pour le coup, quel sortilège ! L’émotion qui permettait au corps du sorcier de capter la magie nécessaire pour réussir se devait d’être forte. Très forte même. Il ne fallait pas n’importe quel souvenir. Il devait trouver le bon.

Ce qui lui parut n’être qu’une fraction de seconde devait être, en réalité, bien davantage. Cet instant s'était-il tant éternisé ? À peine, Bad avait-il fermé les yeux que déjà Ennis prenait la parole. Un coup de chaud envahit le Serdaigle au parchemin tristement vierge. Déjà ?!

Pourtant, l’émotion de son amie capta l’attention du Serdaigle. Bien qu'habilement contrôlé par la Gryffondor, son trouble était palpable. Bad lui adressa un sourire amical en hochant légèrement la tête. Ça semblait être un merveilleux souvenir, Ennis, pensa-t-il tandis qu’il voyait cette dernière déchirer le parchemin entre ses doigts.

Heureusement, le long monologue de Wilson, écouté d’une oreille seulement, permit à Bad de se concentrer sur son propre souvenir. Le jour où il avait appris l’existence du monde de la Magie ? Sa nomination en tant que préfet ? Son premier sortilège réussi ? Non, tous ces moments bien qu’heureux et marquants n’avaient pas la force nécessaire à réussir un Patronus. Il fallait quelque chose de plus poignant. Un moment qui l’avait saisi aux tripes d’une poigne ferme et électrisante. Son premier baiser avec Lilly ? Les retrouvailles avec sa mère, il y a quelques années ? Il était sur la piste mais il fallait plus. Plus fort encore ... Allez, un effort ... Je sais.

Bad haussa les sourcils en direction d’Edmund mais celui-ci ne semblait pas prêt à se livrer. Un peu de peur peut-être. Ou d’embarras. Après un haussement d’épaules, le Serdaigle prit alors la parole d'un ton qu'il voulait neutre.

« Le jour où papa est revenu. »

Revenu d’entre les morts. Mais cela était encore trop personnel et compliqué pour être justifié davantage. Faire le deuil de celui qui avait élevé seul son frère Cadell et lui-même puis réaliser que son décès n’avait été que pure machination était assurément le moment le plus fort pour Bad. La joie de retrouver ses bras que l’on croyait partis à jamais. De comprendre que cette chaleur familière et cette odeur rassurante n'étaient pas que des souvenirs qui lentement s'effritaient. Rien que d'énoncer ces quelques mots procura une puissante émotion chez l’adolescent dont les yeux commençaient à briller. C’était lui qui avait peur en fait. Peur de revivre ce souvenir si heureux mais étroitement lié à son pire cauchemar.

Et on débute avec un souvenir de famille. Pas de grands détails, une simple mention de l'événement. C'est suffisant et on le comprend amplement.

Je pourrais faire la même : « Noël, point final. ». Après lequel ? Déjà, clairement pas un de ceux que j'ai vécus après l'âge de onze ans : c'est vraiment aller de pire en pire. Après, les réels bons souvenirs que j'ai de Noël remontent même à avant l'arrivée de July et June à Poudlard, à avant qu'elles ne brisent leur complicité. Mais est-ce que cela ne reviendrait pas à remonter à trop loin ? Après, est-ce que j'ai vraiment besoin d'être honnête ? Je dis que Noël dernier a été le plus beau Noël de ma vie, même si j'ai bien cru qu'il se finirait dans un bain de sang, je souris, et voilà. Pas besoin d'être honnête. Surtout si Miss Valerion n'est pas la seule à m'écouter.

Or, la réponse de Kingson à la question, celle qui était implicitement la plus attendue étant donné le fait qu'il soit le seul élève capable de produire un Patronus, lui qui ne présente maintenant pas grandes difficultés à faire un Patronus, lui, sa réponse me laisse plus que perplexe.

Je pensais que les souvenirs liés aux Patronus devaient être d'une telle puissance qu'avoir un proche lié à ce souvenir devait être systématique. J'ai écrit « bulletins » et « matchs » sur mon carnet mais sans vraiment y croire étant donné la fierté individuelle de ces souvenirs. Et pourtant, il existe une personne qui a un souvenir de Patronus "confirmé" qui n'est non pas lié à des personnes qui lui sont chères mais à une fierté individuelle, sans nécessairement avoir de proches liés à ce souvenir. Parce que je me doute bien qu'il n'a pas vraiment pu garder contact avec son équipe. Je ne m'y connais pas trop en moldus mais je me doute bien qu'ils ne s'envoient pas de chouettes entre eux compte-tenu de la réaction d'oncle Charlie chaque fois que j'essaye de lui parler normalement. Et puis même : il semble surtout se concentrer sur sa carrière de joueur de football et non sur sa performance d'équipe au cours du match.

Je suis... Perplexe. Mais agréablement surpris, aussi, d'un côté. Cela devrait crédibiliser tout de suite plus le souvenir que j'ai en tête.

J'étais tellement plongé dans mes pensées que je viens tout juste de me rendre compte qu'Eaven me fixait depuis quelques secondes déjà. Bon, trop tard : il se met lui-même à parler. Pour ne pas trop détailler son souvenir à son tour. Tant mieux : je pourrai rester aussi vague que je le souhaiterai.

Un furtif sourire apparaît sur mon visage alors que je dirige mon regard vers mes pieds :

— Mon premier match de Quidditch.

Ce n'est bien évidemment pas le match en lui-même qui me passe à l'esprit mais plutôt ce qu'il s'est passé après le match, avec elle. Souvenir magique perdu dans une mauvaise période. Presque hors du temps, tant cela me semblait irréaliste et inespéré sur le moment. Mais pourtant... Cela s'est fait.

Quoi qu'il en soit, ce premier match de Quidditch s'est soldé par une victoire des Crochets d'Argent. Ils ont donc toutes les raisons de croire que c'est le match en lui-même qui m'a procuré ce moment de bonheur et non l'après-match. J'entrerai dans les détails plus tard, en privé, avec Miss Valerion, si elle le souhaite réellement.

Chacun avait prit place, Sixtine souhaitait qu'il s'agisse d'un moment convivial, un moment de partage ou personne ne juge son prochain. Pour le moment, bien qu'elle pensait faire cet exercice qu'en la compagnie de Mister Dale, elle était satisfaite de la tournure qu'avait prit cette réunion. Elle n'avait pas pensé que tous les prodiges puissent être intéressé par ce moment.

Sixtine écoute d'abord Ennis, qui, comme à son habitude, fit l'exercice avant tous les autres. Un vrai petit génie, elle était toujours première. Elle expliqua son souvenir, et dans sa voix, la professeure avait pu percevoir beaucoup d'émotion, surement assez d'émotion pour créer son patronus. Ce fut ensuite à Wilson d'expliquer le souvenir qu'il utilisait pour réaliser le sort. Il ne s'agissait pas d'un souvenir particulièrement fort à son sens et pourtant il était suffisant. Comme quoi, le ressenti et les émotions sont propres à chacun. Puis se fut au tour de Bad et de Edmund de s'exprimer mais, l'un comme l'autre étaient restés assez vague dans la description de leur souvenir.

- Très bien, vous devez absolument vous replongez dans ce moment, le revivre avec intensité, ressentir tout ce que vous ressentiez à ce moment là. Bien sur, il est possible que votre souvenir ne soit pas assez fort mais, dans ce cas, pas de panique, nous chercherons ensemble ce qu'on peut trouver. Dans mon cas, je n'utilise pas un souvenir réel, je pense plutôt à quelque chose qui me tient énormément à cœur, à quelque chose que je souhaite plus que tout.

Elle laissait le temps à tous les élèves d'assimiler les informations qu'elle venait de leur donner. Elle savait que certains allaient prendre des notes. Puis, une fois qu'elle estimait avoir attendu suffisamment, elle reprit la parole.

- Fermez les yeux et replongez dans votre souvenir, laissez vous faire, n'hésitez pas à vous enfoncer dans le fauteuil pour être complètement détendu.

Chacun des garçons s'exprima tour à tour et Ennis chercha dans leurs expériences des similitudes avec ce qu'elle avait exprimé. Avec celui du plus âgé, elle ne voyait rien, elle comparait sa victoire au sport à une victoire de Quidditch ou de course en balais. Alors oui, c'était des sentiments forts mais sans aucune mesure avec cette soirée avec ses deux frères et celui qui n'en était pas vraiment un, pas par le sang mais c'était tout comme. Elle n'avait pas à juger la force de ses sentiments face à ça mais... mais ça lui semblait si faible... Sauf que ça fonctionnait, le Serpentard obtenait un patronus corporel, donc bon...

Bad s'exprima ensuite, un courte phrase mentionnant son père. Elle ne connaissait pas l'histoire familiale de son ami, mais ils avaient pour point commun d'avoir évoqué leur famille. Et la Gryffondor qui avait tourné les yeux vers lui ne manqua pas la brillance nouvelle à fleur de paupières. Certainement provoquée par la même réaction physiologique qu'elle, une forte émotion... des larmes au coin des yeux. Mais la châtain ne dit rien, ne fit pas un geste, se contentant de chercher à capter son regard.

Et puis au plus jeune de parler. Quidditch? Ennis sembla aussi perplexe que pour Wilson. Mais comme Edmund ne fit mention de rien d'autre... Il fallait se contenter de ça. Et puis la professeur reprenait la parle alors, le regard et l'attention de l'irlandaise se focalisèrent sur elle. La cinquième année hocha la tête quand Miss Valerion exprima la possibilité que peut-être, le souvenir choisi ne serait pas suffisamment fort, mais aussi qu'elle même utilisait une émotion, une envie, un souhait, plus qu'un souvenir en lui même. Elle griffona quelques mots et runes irlandaises pour se souvenir de ses éléments, sa manière à elle de prendre des notes puis déposa son lutrin à côté du fauteuil pour s'y installer au mieux, dos plaqué contre le dossier, mains sur ses cuisses. La seule fille du groupe ferma les yeux et se concentra sur cette soirée de Yule si symbolique à ses yeux.


Mots soulignés pour Au fil des mots